Comptes rendus

Face au paradigme de la douleur dans la fibromyalgie
Trouble déficit de l'attention-hyperactivité : Évaluation des risques d’utilisation inappropriée ou d’abus du traitement

Optimisation des résultats thérapeutiques de la prise en charge du risque cardiovasculaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

4e Congrès canadien de la thérapeutique

Halifax, Nouvelle-Écosse / 27-30 mai 2007

Les essais récents indiquent qu’en général, plus les taux de C-LDL sont faibles, meilleurs sont les résultats. Les nouveaux taux cibles de C-LDL sont toutefois de plus en plus difficiles à atteindre, surtout chez les patients à risque élevé, pour qui un taux de C-LDL inférieur à 2,0 mmol/L est maintenant considéré comme approprié. Pour ajouter à la difficulté d’abaisser le taux de C-LDL à un niveau sans précédent, on reconnaît de plus en plus que l’hyperlipidémie est un facteur de risque isolé de maladie cardiovasculaire (CV) chez une minorité de patients, de sorte que la plupart des patients dyslipidémiques sont exposés à un risque modéré ou élevé d’événement CV. Lors d’une analyse transversale qui englobait quatre régions du Canada, les investigateurs ont effectivement constaté que 31 % des 1103 patients dyslipidémiques présentaient un facteur de risque CV de plus, 28 %, deux de plus, et 19 %, trois de plus.

Le programme ACT (Assessing Cardiovascular Targets) – qui regroupait plus de 17 000 patients atteints d’une maladie CV et suivis par 450 omnipraticiens d’un bout à l’autre du pays – a révélé que les patients présentaient en moyenne deux facteurs de risque de maladie CV, alors que plus de 40 % des sujets de la cohorte présentaient au moins trois facteurs de risque. Bien que l’utilisation des statines soit très largement répandue, l’atteinte des taux cibles de C-LDL dans la pratique demeure sous-optimale, surtout chez les patients à risque élevé.

Le Dr Mitchell Levine, professeur titulaire d’épidémiologie clinique et de biostatistique, McMaster University, Hamilton, Ontario, et ses collaborateurs ont constaté dans la cohorte de l’étude canadienne transversale que, globalement, les médecins réussissaient très bien à faire en sorte que leurs patients à faible risque atteignent le taux cible de C-LDL de 4,5 mmol/L, 96 % des patients de ce groupe y étant parvenus. De même, quelque 79 % des patients exposés à un risque modéré ont atteint le taux cible de C-LDL de 3,5 mmol/L. Par contre, seulement 62 % des patients à risque élevé ont atteint le taux visé dans cette étude, qui était de 2,5 mmol/L.

Fait intéressant à souligner, environ le tiers des patients de cette cohorte canadienne répondaient aux critères du syndrome métabolique, mais la variation moyenne du taux de C-LDL – environ 1,7 mmol/L entre le début et la fin du traitement – ne différait pas selon que les patients étaient atteints ou non du syndrome métabolique.

«Les patients ont déclaré avoir tenté de changer leur alimentation, ajoute le Dr Levine, mais nous n’avons pas constaté de différence dans la baisse du taux de C-LDL [attribuable à l’alimentation].»

S’il applique ces résultats à la totalité des personnes exposées à un risque de maladie CV, le groupe de McMaster calcule que, des 3,1 millions de Canadiens sous traitement hypolipidémiant (statistiques de 2004), 1,6 million seraient exposées à un risque élevé d’événement CV, 1,1 million, à un risque modéré et 0,4 million, à un faible risque. Si l’on réussissait à prévenir une partie des infarctus du myocarde non mortels proportionnellement aux données de ce programme clinique, le recours aux statines pourrait permettre au système de santé d’économiser annuellement environ 61 millions de dollars chez les patients à risque élevé, 21 millions de dollars chez les patients à risque modéré et 2,4 millions de dollars chez les patients à faible risque.

La prévention d’AVC ischémiques grâce à l’administration de statines pourrait à son tour permettre des économies annuelles de 238 millions de dollars pour le système de santé. Qui plus est, ces statistiques ne tiennent pas compte des bienfaits pour la santé qui découlent de la prévention d’événements CV, précise le Dr Levine.

Variabilité génétique interindividuelle et pharmacocinétique

Si le fossé entre les taux de C-LDL recommandés par les experts et les taux obtenus dans la pratique subsiste, les premières recherches sur la variabilité génétique interindividuelle pourraient expliquer que certains patients soient plus sensibles ou, au contraire, moins sensibles aux effets des statines. Comme l’explique Rommel Tirona, PhD, professeur adjoint, département de physiologie et de pharmacologie, University of Western Ontario, London, il existe une grande variabilité interindividuelle de l’effet des statines et de leurs concentrations sanguines.

Avec ses collègues, il étudie l’OATP1B1, transporteur hépatique des statines qui est reconnu pour agir sur la rosuvastatine et d’autres agents de la classe des statines.

Des essais cliniques réalisés en Asie ont montré que l’administration d’une dose X de rosuvastatine donne lieu à des concentrations sanguines de cet agent deux fois plus élevées chez les Asiatiques que chez les sujets de race blanche. Il semble qu’à tout le moins certains Asiatiques soient porteurs d’un polymorphisme du transporteur OATP1B1 et que cette anomalie puisse expliquer la présence de concentrations plus élevées lorsqu’ils reçoivent de la rosuvastatine. C’est d’ailleurs pourquoi on recommande d’amorcer le traitement par la rosuvastatine à la dose de 5 mg dans cette population de patients.

L’exploration des déterminants génétiques de l’efficacité de la pravastatine a aussi révélé qu’un rare polymorphisme de l’HMG-CoA réductase diminue l’efficacité de la statine, explique le Pr Tirona. Un autre transporteur, la protéine de résistance au cancer du sein (BCRP), semble aussi avoir un effet sur le devenir des statines, «non pas dans le foie, mais plutôt à la barrière intestinale, où elle est exprimée et bloque l’absorption des statines provenant de l’appareil digestif», explique-t-il. Toute anomalie de cette protéine particulière a donc des retombées sur le devenir des statines.

«Le profil génétique de ces transporteurs hépatiques des médicaments et les interactions médicamenteuses auxquelles ils sont associés sont d’importants déterminants de la variabilité du devenir des statines», confirme le Pr Tirona. Il serait donc prématuré de tirer des conclusions catégoriques, car un grand nombre de déterminants toujours inconnus de la variabilité des effets des statines doivent encore être identifiés.

Il existe des différences entre les statines quant aux interactions médicamenteuses, phénomène fréquent chez les patients recevant de multiples traitements. Toutes les interactions médicamenteuses découlent de facteurs pharmacocinétiques ou pharmacologiques et sont prévisibles, pour autant que l’on comprenne la pharmacologie du médicament en cause. Dans le cas des statines, les interactions les plus pertinentes sur le plan clinique découlent d’une altération des diverses voies métaboliques du système du cytochrome P450 (CYP). Ainsi, si l’isoforme CYP3A4 métabolise l’atorvastatine, la lovastatine et la simvastatine, la rosuvastatine, elle, échappe au métabolisme par cette iso-enzyme. Lorsque d’autres composés sont métabolisés par les mêmes voies enzymatiques – comme c’est le cas pour jusqu’à 70 % des agents – le risque d’interactions médicamenteuses est considérable. Par exemple, lorsqu’une statine comme la simvastatine est administrée en parallèle à un macrolide, l’association peut multiplier les concentrations de la statine par un facteur pouvant atteindre 20. Une bonne connaissance des propriétés pharmacocinétiques des statines pourrait contribuer à éviter la majorité des interactions médicamenteuses.

Améliorer les résultats

Certes, les déterminants génétiques de la réponse aux statines n’ont pas encore été totalement élucidés, mais il est très clair qu’il existe des différences majeures entre les statines sur le plan de la puissance et que ces différences ont d’importantes retombées à la fois sur les patients et sur les tiers payeurs.

Par exemple, il est ressorti d’une méta-analyse que la baisse du taux de C-LDL obtenue avec 5 mg de rosuvastatine était comparable à la baisse obtenue avec 40 mg de simvastatine, alors que l’effet de 10 mg de rosuvastatine se comparait à l’effet de 80 mg de simvastatine. Aucune dose de simvastatine n’a semblé avoir un effet comparable à celui de la rosuvastatine à 20 mg ou à 40 mg. D’après l’étude STELLAR (Statin Therapies for Elevated Lipid Levels Compared Across Doses to Rosuvastatin), la variation du taux de C-LDL par rapport au taux initial était concrètement presque identique pour les deux médicaments, soit environ 46 % pour la rosuvastatine à 10 mg et la simvastatine à 80 mg.

De l’avis des chercheurs, ces différences dans l’ampleur de la baisse du taux de C-LDL sont importantes parce que les tiers payeurs devraient tenir compte du coût de l’obtention d’une baisse donnée et non du coût d’un comprimé individuel.

À l’instar de la réduction en pourcentage des taux de C-LDL, une comparaison des coûts présentée par Gordon Polk, consultant de Drug Benefit Consulting, Burlington, Ontario, a révélé qu’il en coûte entre 496 $ et 726 $ par année pour administrer à un patient entre 10 mg et 40 mg de rosuvastatine, ce qui revient à une moyenne pondérée de 11,10 $ pour chaque réduction de 1 % du taux de C-LDL.

Ce coût est en fait sensiblement plus bas que le coût de l’obtention d’une réduction de 1 % du taux de C-LDL avec 10 ou 80 mg d’atorvastatine, le coût moyen pondéré d’une telle réduction étant de 17,04 $. De même, le coût de la même réduction de 1 % du taux de C-LDL avec 10 à 40 mg de pravastatine générique se chiffre à 16,76 $ vs 15,44 $ pour 10 à 80 mg de simvastatine générique.

Ces données semblent aussi indiquer qu’à la dose de 10 mg de rosuvastatine, plus de 82 % des patients ont atteint les taux cibles de C-LDL vs environ 69 % des patients recevant 10 mg d’atorvastatine, 31 % des patients recevant 10 mg de pravastatine et 51 % des patients recevant 10 mg de simvastatine. «En général, les tiers payeurs ne s’attardent qu’au coût du médicament plutôt qu’aux résultats thérapeutiques que le médicament permet d’obtenir, estime Polk. Nous avons, dans ce cas-ci, observé que la rosuvastatine est associée à de meilleurs résultats thérapeutiques et qu’elle présente un meilleur rapport coût-efficacité que les autres statines. En tant que tiers payeur, donc, vous payez peut-être pour un médicament qui ne permet pas d’obtenir les résultats souhaités» poursuit-il.

Préférences des patients

En vertu des lignes directrices, si la dose initiale d’une statine donne des résultats sous-optimaux, on doit l’augmenter afin d’atteindre le taux cible de C-LDL.

Cependant, lors d’une étude visant à déterminer les préférences éventuelles des patients, les chercheurs ont constaté que les patients préfèrent changer d’ordonnance plutôt que d’augmenter leur dose s’ils n’ont pas encore atteint leur taux cible. Seule une petite proportion de patients préfère un deuxième médicament pour atteindre le taux cible.

Dans le cadre de cette étude, un questionnaire a été posté à plus de 100 000 foyers où l’un des membres de la famille avait déclaré utiliser un agent hypolipidémiant, et environ 44 000 questionnaires ont été retournés.

Les trois quarts des répondants ont affirmé utiliser un hypolipidémiant depuis au moins deux ans, et la majorité d’entre eux étaient sous atorvastatine. Lorsqu’on leur a demandé ce qu’ils pensaient, en général, d’un changement de médicament pour atteindre leur taux cible de C-LDL, 52 % des patients ont répondu qu’ils préféraient un changement de traitement alors que 43 % ont dit qu’ils préféraient augmenter la dose du médicament en cours. Par ailleurs, seulement 4 % ont dit qu’ils privilégieraient l’ajout d’un médicament.

Les chercheurs qui ont collaboré à ce projet ont indiqué que les patients préfèrent généralement utiliser la plus faible dose possible d’un médicament et que si un changement s’impose pour l’atteinte du taux optimal, ils préfèrent l’essai d’une toute nouvelle stratégie plutôt que l’ajout d’un agent à leur traitement en cours. Les chercheurs admettent qu’une telle façon de faire va à l’encontre des lignes directrices, mais que si le médecin augmente tout de même la dose, l’observance du traitement peut s’en trouver compromise.

En définitive, l’observance du traitement est la seule façon pour un patient de bénéficier du traitement par une statine, de sorte que l’on doit encourager tous les efforts visant à accroître l’observance, rapportent les investigateurs.

Encourager l’observance du traitement

Healthy Changes – programme d’aide à trois volets qui a pour objectif d’aider le patient à poursuivre son traitement par une statine et à tirer profit d’une baisse du taux de C-LDL – est un bon modèle.

Tous les patients inscrits à ce programme ont reçu par téléphone les conseils d’une diététiste professionnelle. Ils ont reçu également un dossier d’information dans lequel on leur expliquait comment modifier leurs habitudes de vie et on insistait sur l’importance d’une saine alimentation et de l’activité physique régulière. Fait peut-être encore plus important, on expliquait aux patients pourquoi il est essentiel de normaliser leur bilan lipidique et d’adhérer à leur traitement.

Au terme du premier semestre, 95 % des patients inscrits à ce programme suivaient toujours le traitement par la rosuvastatine tel qu’il leur avait été prescrit; après 12 mois, 91 % y adhéraient toujours.

Les responsables du programme précisent que ces taux se comparent à des taux d’observance qui ne se situent généralement qu’à 70-75 % après un an de traitement par une statine. Le programme est vraiment axé sur le patient et pave la voie au changement. Il peut donc être bénéfique à la fois pour les patients – qui adhéreront à leur traitement – et pour le système de santé – qui encaissera moins d’infarctus du myocarde et d’AVC.

Le risque cardiovasculaire dans son ensemble

Si importante que soit l’atteinte des taux cibles de C-LDL, une hyperlipidémie n’est qu’un facteur de risque de la maladie CV parmi tant d’autres.

Comme le souligne le Dr Pendar Farahani, moniteur en médecine familiale, McMaster University, il est essentiel que le médecin aborde le risque CV dans son ensemble, et non seulement les dyslipidémies, s’il aspire à réduire le risque de maladie CV de façon optimale. À cet égard, le fossé qui sépare la réduction optimale du risque CV global et les réductions obtenues à l’heure actuelle demeure important.

Dans l’étude transversale du programme ACT, enchaîne le Dr Levine, plus de la moitié (52 %) des 1103 Canadiens dyslipidémiques étaient exposés à un risque élevé tandis que 34 % étaient exposés à un risque modéré et 14 %, à un faible risque. Lorsque les investigateurs ont déterminé si les patients avaient atteint non seulement leur taux cible de C-LDL, mais aussi leurs cibles tensionnelles (systolique et diastolique) et leur glycémie à jeun cible, seulement 21 % des patients à risque élevé – vs 50 % des patients à risque modéré et 73 % des patients à faible risque – avaient réussi à normaliser la totalité de leurs facteurs de risque de la maladie CV.

«Bien que l’on réussisse à abaisser le taux de C-LDL, la prise en charge de plusieurs facteurs de risque des maladies CV demeure inappropriée si l’on souhaite offrir une protection globale aux patients exposés à un risque modéré ou élevé d’événement CV», de conclure les investigateurs.

Résumé

Si l’on souhaite obtenir les meilleurs résultats possible chez les patients à risque d’événement CV, la prise en charge des facteurs de risque, dont le taux de C-LDL, doit être optimale. Il est clair qu’il s’agit là d’un défi, car il devient de plus en plus difficile d’atteindre les taux cibles, ceux-ci ayant été révisés à la baisse. Le médecin doit donc évaluer chacun de ses patients afin d’optimiser sa prise en charge en fonction de divers facteurs, telle la baisse du taux de C-LDL en réponse au traitement, et de maximiser les résultats thérapeutiques tout en réduisant le risque au minimum.

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