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Fibrose systémique néphrogénique/dermopathie fibrosante néphrogénique : regard sur les produits de contraste à base de gadolinium

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Philadelphia, Pennsylvania / 18 novembre, 2006

Fibrose systémique néphrogénique/dermopathie fibrosante néphrogénique : regard sur les produits de contraste à base de gadolinium

Éditorial :

James A. Tumlin, MD

Directeur de la recherche clinique Southeast Renal Associates Professeur agrégé de médecine University of North Carolina at Charlotte Charlotte, Caroline du Nord

L’imagerie non invasive structurale et vasculaire du siège de lésions éventuelles est cruciale dans le diagnostic de l’athérosclérose, des ulcères, des infections et des tumeurs solides. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) fournit des images des structures et des systèmes d’organes qui la rendent supérieure à d’autres examens non invasifs, et comparable à des modalités plus invasives; son utilisation s’est par conséquent beaucoup accrue au cours de la dernière décennie. En particulier, le volume des angiographies par résonance magnétique (ARM) a prodigieusement augmenté depuis quelques années, et, dans certains pays, cette technique rivalise maintenant avec l’angiographie classique pour certains examens d’imagerie cardiovasculaire.

L’expansion de l’usage de l’IRM et de l’ARM tient en grande partie à la mise au point de produits de contraste sûrs et efficaces. Le gadolinium (GAD) paramagnétique a marqué un progrès notable par rapport aux agents de contraste traditionnels, son profil quant au risque de réactions anaphylactiques sévères étant bien meilleur que celui des produits iodés utilisés en tomodensitométrie. Cela dit, un phénomène observé récemment, bien que dans de rares cas, fait appréhender un problème d’innocuité qui pourrait être associé à tous les produits de contraste contenant du GAD. Des experts se sont donc rencontrés pour discuter de ce phénomène pathologique encore peu connu et que l’on appelle fibrose systémique néphrogénique ou dermopathie fibrosante néphrogénique (FSN/DFN). Décrite pour la première fois dans la littérature médicale en 1997, la FSN/DFN est une dermopathie sclérosante systémique qui se caractérise par l’accumulation massive de collagène dans les tissus cutanés et se révèle très semblable à une sclérodermie iatrogène.

Physiologie

La maladie se manifeste d’abord par une enflure des pieds et des mains, puis la peau s’épaissit progressivement, prenant l’aspect de la «peau d’orange». Selon Boyd et al. (J Am Acad Dermatol 2006; 56[1]:27-30), le mode d’évolution est variable : le durcissement de la peau s’étend rapidement chez certains patients, alors que chez d’autres, les atteintes progressent beaucoup plus lentement. Les lésions sont généralement décrites comme douloureuses ou prurigineuses. L’atteinte peut parfois s’étendre au tronc et aux fesses, mais épargne habituellement la tête et le cou. Le durcissement de la peau est tel qu’il limite les mouvements chez la plupart des patients. Des taches jaunes en saillie sur la sclérotique peuvent aussi s’observer. Une atteinte systémique des poumons, du myocarde, des muscles striés et du diaphragme a également été rapportée, et la maladie s’est avérée mortelle chez une faible proportion de patients (environ 5 %).

Divers mécanismes ont été proposés pour expliquer la pathogenèse de ce trouble complexe. Selon l’un d’eux en particulier – décrit par le Dr Shawn Cowper, professeur adjoint de dermatologie et de pathologie, Yale University, New Haven, Connecticut, dans le site officiel du registre de la FSN/DFN – un fibrocyte circulant que l’on a pu isoler et qui intervient normalement dans la cicatrisation des plaies et le remodelage tissulaire est à l’origine de la fibrose observée dans cette affection. On croit que ces fibrocytes quittent la circulation pour se différencier dans le derme en cellules qui, des points de vue fonctionnel et histologique, ressemblent aux fibroblastes dermiques normaux, explique le Dr Cowper. Les facteurs spécifiques mis en jeu dans la différenciation des fibrocytes circulants en cellules semblables aux fibroblastes ne sont pas précisés, mais, comme le suggère le Dr Cowper, ils sont probablement liés à la fonction rénale sous-jacente.

McNeill et al. (Int J Dermatol 2002;41[6]:364-7) ont été les premiers à soulever la possibilité que le facteur de croissance transformant bêta (TGF-ß), puissante cytokine fibrogénique, joue un rôle dans l’apparition des lésions caractéristiques de la FSN/DFN, poursuit le Dr Cowper. D’autres chercheurs dont Baron et al. (Am J Dermatopathol 2003;25[3]:204-9) et Jimenez et al. (Arthritis Rheum 2004;50[8]:2660-6) ont ensuite identifié la contribution du TGF-ß à ce trouble, mais son rôle exact n’a pas encore été élucidé. Il est intéressant de noter que les fibrocytes circulants sont capables de synthétiser le TGF-ß, mais ce ne sont pas les seules cellules à pouvoir le faire.

Le fait que la FSN/DFN ait été mise en évidence presque exclusivement chez des patients dialysés corrobore l’observation voulant que la différenciation des fibrocytes circulants en cellules semblables aux fibroblastes soit probablement liée à la fonction rénale sous-jacente. Cela dit, précise le Dr Cowper, ni la durée de la néphropathie ni sa cause sous-jacente ne semblent influer sur l’apparition de la FSN/DFN. Il importe aussi de comprendre que si les fibroblastes circulants contribuent peut-être à la FSN/DFN chez les patients dialysés, il n’existe aucune donnée à l’appui d’un lien entre le GAD et une augmentation des volumes circulants de fibroblastes.

Les autres facteurs de risque apparemment associés à la survenue de la FSN/DFN comprennent les anomalies de la coagulation, la thrombose veineuse profonde, une intervention chirurgicale récente (de type vasculaire en particulier), l’échec récent d’une greffe rénale et l’apparition soudaine d’une néphropathie s’accompagnant d’un œdème sévère des membres. Selon le Dr Cowper, il est «très fréquent» de relever des antécédents récents de chirurgie vasculaire telle que la reprise chirurgicale d’une fistule artério-veineuse ou une angioplastie, ou la survenue d’un épisode thrombotique précédant d’environ deux semaines l’apparition de symptômes cutanés.

Prendre les mesures utiles

Aucun lien de causalité n’a encore été établi entre un facteur donné et l’apparition de la FSN/DFN, mais les cas répertoriés à ce jour font ressortir une association avec l’exposition à des produits de contraste pour IRM à base de GAD. L’alarme a été sonnée par l’Agence danoise des médicaments, qui a signalé quelque 25 cas survenus en quatre ans chez des patients ayant subi des examens IRM avec rehaussement du contraste par le gadodiamide. Sur ces 25 cas, 15 étaient graves, les symptômes ayant entraîné une invalidité avec ou sans hospitalisation, et les autres concernaient des formes légères. Les symptômes sont apparus entre deux semaines et trois mois après l’exposition à l’agent de contraste, et tous les patients présentaient une insuffisance rénale sévère, soit un débit de filtration glomérulaire (DFG) de 15 mL/min/1,73 m2 ou moins. Tous les cas ont été rapportés par l’Agence danoise des médicaments (20 au Danemark, et cinq en Autriche); ces cinq derniers cas ont été décrits dans un article récent (Grobner T. Nephrol Dial Transplant 2006;21[4]:1104-8).

Donnant suite aux renseignements reçus des autorités danoises, la FDA (Food and Drug Administration) des États-Unis a émis un avis aux professionnels de la santé en juin 2006 afin de les informer de l’émergence de la FSN/DFN et de son intention d’éclaircir cette question. Dans son avis initial, la FDA soulignait qu’aucun lien n’avait été établi de façon absolue entre l’administration d’agents à base de GAD et l’apparition de la FSN/DFN, et n’incriminait aucun agent en particulier. La FDA indiquait plutôt avoir l’œil sur tous les produits de contraste contenant du GAD actuellement commercialisés aux États-Unis (les complexes de GAD utilisés dans le monde comprennent le gadodiamide, le gadoversétamide, le gadopentétate de diméglumine, le gadotéridol et le gadobénate de diméglumine).

Autre élément important, la FDA notait que tous les cas de FSN/DFN signalés en date du premier avis concernaient des patients ayant subi une ARM, épreuve qui nécessite des doses sensiblement plus élevées d’agent de contraste au GAD que d’autres types d’examen IRM avec contraste (à noter que l’utilisation du gadodiamide pour les ARM n’est pas approuvée au Canada). Certains rapports indiquent que la FSN/DFN s’est manifestée chez des patients qui étaient acidosiques, mais l’acidose n’a pas été identifiée comme un facteur contributif dans d’autres rapports : pour l’heure, on ignore si l’acidose systémique représente un facteur de risque indépendant. En date du 21 décembre 2006, 90 cas de FSN/DFN avaient été signalés à la FDA : tous les patients concernés présentaient une insuffisance rénale modérée à terminale avant de subir un examen IRM ou une ARM avec injection d’un complexe de GAD.

La FDA presse tant les professionnels de la santé que les patients de signaler les effets indésirables au moyen du programme MedWatch, en accédant au site www.fda.gov/medwatch/index.html. De plus, l’ICNFDR (International Center for NFD/NSF Research) — groupe concerté de chercheurs ayant ses assises à la Yale University — invite aussi les médecins à lui signaler les cas de FSN/DFN, étant donné que les cas déclarés à la FDA ne sont pas nécessairement portés à sa connaissance. Le site Web officiel de l’ICNFDR est le www.pathmax.com/dermweb/. Comme le soulignent également les panélistes, un récent sondage de l’ESUR (European Society of Urogenital Radiology) — qui inclut des membres de l’Amérique du Nord — fait en outre état de plus de 150 épisodes de FSN/DFN après l’exposition à un produit de contraste à base de GAD (Thomsen HS. Eur Radiol 2006;16:1219-21). Dans l’éditorial décrivant les résultats de ce sondage, les auteurs réaffirment que, selon les données probantes réunies à ce jour, absolument aucun cas de FSN/DFN n’a été démontré en l’absence d’insuffisance rénale terminale (IRT). Ils concluent que «chez les patients sans IRT, tous les produits de contraste à base de GAD semblent sûrs». Selon le dernier avis de la FDA, 215 cas de FSN/DFN, recensés dans le monde, sont maintenant répertoriés dans le registre de l’ICNFDR. Environ 75 de ces cas ont été examinés en détail, et tous comportent l’injection d’un agent de contraste contenant du GAD lors d’une ARM ou d’un examen IRM.

Dans son dernier avis, la FDA note également que les cas de FSN/DFN signalés sont survenus après l’administration de trois des produits de contraste à base de GAD qu’elle a homologués, mais précise que «la FDA croit qu’une FSN/DFN pourrait apparaître chez les patients à risque après l’administration de n’importe lequel des produits de contraste à base de GAD homologués».

Aucun des rapports publiés que le Dr Cowper passe en revue dans www.pathmax.com/dermweb/ ne semble lier l’apparition de la FSN/DFN à un agent particulier ou à la dose particulière d’un agent donné. Cela dit, on soupçonne fortement que les doses significativement plus élevées que les doses recommandées – dont on a besoin pour les ARM – pourraient expliquer l’apparition récente de ce trouble. Cette observation est également compatible avec la pratique clinique qui consiste à avoir recours à l’ARM rehaussée par le GAD pour l’examen d’une maladie vasculaire périphérique.

Définir les groupes à risque

Discutant des données d’observation qui font ressortir un lien entre les produits de contraste contenant du GAD et la FSN/DFN, les panélistes ont convenu que les données sont encore trop fragmentaires pour que l’on puisse tirer des conclusions à partir de cette observation. Comme le fait observer le Dr Steven Weisbord, professeur adjoint de médecine, Pittsburgh Healthcare System, Pennsylvanie, des milliers, voire des centaines de milliers de patients en insuffisance rénale avancée ont reçu du GAD lors d’examens d’imagerie au cours des années, et pourtant, on ne dénombre tout au plus que quelques centaines de cas de FSN/DFN signalés. L’incidence de ce phénomène ne peut donc qu’être extrêmement faible.

Cependant, une étude récente publiée dans le numéro du 1er mars du Clinical Journal of the American Society of Nephrology et rapportée par Marlene Busko, rédactrice médicale pigiste, dans Medscape (7 février 2007) semble indiquer que chaque examen d’imagerie reposant sur l’utilisation d’un agent à base de GAD est associé à un risque de 2,4 % de FSN/DFN chez les patients souffrant d’IRT. Dans une analyse rétrospective, le même groupe rapporte une incidence de 4,3 cas pour 1000 années-patients; au sein de la population totale de 87 sujets souffrant d’IRT qui avaient subi 123 examens d’imagerie avec GAD, le risque de FSN/DFN a atteint 3,4 % (trois patients sur 87).

Le risque de 2,4 % d’apparition d’une FSN/DFN après une exposition au GAD se situe dans les limites du risque d’insuffisance rénale aiguë associé à l’utilisation de produits de contraste iodés, concluent les chercheurs.

On ne sait pas avec certitude quel groupe de patients est le plus à risque. On peut généralement recourir à d’autres modalités d’imagerie pour les patients en dialyse; par conséquent, comme le souligne le Dr Weisbord, la nécessité d’exposer ces patients aux produits de contraste contenant du GAD pourrait être très marginale. En cas de nécessité absolue, les patients en dialyse pourraient être soumis à des séances répétées de dialyse, suggère-t-il. En fait, le Dr Weisbord pense que le patient le plus vulnérable à la FSN/DFN pourrait bien être le patient en prédialyse; or, il n’y a pas beaucoup de patients dans cette situation qui doivent absolument recevoir un agent de contraste à base de GAD, du moins selon sa propre expérience.

Les panélistes étaient également d’accord pour dire que les patients qui présentent une FSN/DFN ont un certain nombre d’autres troubles en commun, notamment une insuffisance rénale avancée, et que, plus leur fonction rénale est altérée, plus ils risquent de subir un examen d’imagerie avec injection de GAD. Il est donc impératif de faire une analyse multivariée incluant tous les facteurs susceptibles d’intervenir; de plus, de l’avis unanime des panélistes, il est prématuré d’associer la FSN/DFN à un composé particulier alors que les patients présentent en fait de nombreuses autres caractéristiques qui pourraient également majorer leur risque. Ce qui est clair, c’est qu’il faut prendre les précautions utiles dans la mesure du possible.

Selon les recommandations actuelles de la FDA, on doit soigneusement considérer le recours à d’autres modalités d’imagerie ou à d’autres produits de contraste que les complexes de GAD chez les patients insuffisants rénaux au stade modéré (DFG <60 mL/min/1,73 m2) et terminal (DFG <15 mL/min/1,73 m2). La FDA suggère également que les patients atteints d’une insuffisance rénale modérée à terminale qui doivent subir un examen IRM ou une ARM avec injection d’un agent à base de GAD soient promptement dialysés afin d’éliminer le GAD circulant, étant donné que, de la première à la troisième séance de dialyse, les taux de clairance des produits de contraste à base de GAD s’établissent en moyenne à 78 %, 96 % et 99 %, respectivement. GE Healthcare, qui distribue le gadodiamide, recommande aussi la dialyse immédiatement après l’administration de son produit chez les patients souffrant d’IRT.

Stratégies pour atténuer les symptômes

La seule intervention qui semble atténuer les symptômes associés à la FSN/DFN consiste à améliorer la fonction rénale; toutefois, un large éventail de stratégies est proposé. Selon le site Web officiel de l’ICNFDR, l’amélioration de la fonction rénale semble enrayer la FSN/DFN et pourrait faire graduellement rétrocéder le processus pathologique. Voici quelques-unes des démarches ayant été utilisées avec un certain succès.

•Stéroïdes oraux : Ces agents montrent une certaine efficacité à une posologie de 1 mg/kg/jour. Risque d’hyperglycémie en présence d’un diabète concomitant, et d’ulcères gastro-intestinaux chez l’ensemble des patients. L’ostéoporose est souvent accélérée par la prednisone.

•Calcipotriol topique sous occlusion : La réponse est en grande partie subjective et sporadique, mais certains font état d’une amélioration locale de la maladie. L’association calcipotriol et clobétasol sous pansement occlusif avec le port de bas de contention serait également bénéfique.

•Photophérèse extracorporelle : Ce traitement n’améliore pas la fonction rénale, mais, chez les trois patients traités par cette méthode, les plaques se sont ramollies après plusieurs séances. Selon l’expérience de Yale, les cas de FSN/DFN de longue date (plus d’un an) pourraient ne pas répondre.

•Plasmaphérèse : L’état de trois patients greffés du foie ou du rein se serait amélioré sous l’effet de ce traitement, de même que la fonction rénale chez deux d’entre eux.

•Thalidomide : Une amélioration subjective est rapportée dans quelques cas, mais, chez deux patients du registre de Yale, il semble que la FSN/DFN soit apparue pendant qu’ils recevaient la thalidomide pour d’autres raisons médicales.

•Physiothérapie : La natation, en particulier, pourrait aider à ralentir la progression des contractures articulaires.

•Pentoxifylline : La pentoxifylline à une dose de 1200 mg/jour a apparemment stabilisé les symptômes chez deux patients et apporté une certaine amélioration chez l’un d’eux, atteint d’une forme moins sévère.

•Immunoglobulines à forte dose par voie intraveineuse (i.v.) : Un cycle de traitement a produit une amélioration objective chez un patient, mais des cycles additionnels n’ont procuré aucun bénéfice supplémentaire.

•Greffe rénale : Plusieurs patients ont obtenu une amélioration significative avec le rétablissement de la fonction rénale, mais chez d’autres, la greffe n’a pas apporté d’amélioration évidente des lésions.

•Thiosulfate de sodium par voie i.v. : Un patient dialysé qui avait été exposé à de multiples doses de GAD a apparemment signalé une diminution remarquable de la douleur et des altérations de la peau dès les premiers traitements par cet agent. L’hypothèse veut que l’effet bénéfique du thiosulfate de sodium tienne à ses propriétés chélatrices et antioxydantes. -

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