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Progrès thérapeutiques dans l’hémorragie cérébrale aiguë

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 59e Assemblée annuelle de l’American Academy of Neurology

Boston, Massachusetts / 28 avril-5 mai 2007

L’hémorragie cérébrale (HC) est le type d’AVC le plus mortel et le plus difficile à traiter. Un mois après l’apparition des symptômes, la mortalité excède 30 %. L’expansion de l’hématome détermine la mortalité et la précarité de l’issue fonctionnelle consécutives à l’HC. Une expansion précoce de l’hématome se solde par une détérioration neurologique précoce. Ainsi, tout traitement qui stoppe le saignement et met un frein à l’expansion de l’hématome serait un agent prometteur à utiliser au service des urgences pour améliorer l’issue d’une HC.

Le facteur VIIa humain (FVIIa) est une protéine plasmatique qui intervient dans la cascade de la coagulation après la survenue d’une lésion vasculaire. Le facteur VIIa recombinant (rFVIIa) est utilisé pour le traitement des saignements chez les patients hémophiles présentant des anticorps contre les facteurs VIII ou IX. Comme il se fixe aux plaquettes activées localement, le facteur rFVIIa amorce la coagulation localement, au site de la lésion vasculaire.

Une étude de phase IIb sur le rFVIIa a donné des résultats prometteurs chez les patients présentant une HC. Lors de cette étude, 399 patients en proie à une HC qui s’étaient présentés dans un délai de trois heures suivant l’apparition des symptômes ont reçu aléatoirement un placebo ou l’une de trois doses du rFVIIa (40 µg/kg, 80 µg/kg ou 160 µg/kg) administrées au cours de l’heure suivant l’examen de tomodensitométrie (TDM) initial. «Les résultats ont généré beaucoup d’enthousiasme chez les experts de l’AVC», souligne l’investigateur principal, le Dr Stephan A. Mayer, département de neurologie clinique et de neurochirurgie, Columbia University, New York, New York. L’expansion de l’hématome était significativement moins marquée dans les groupes rFVIIa que dans le groupe placebo et, même si l’étude n’était pas conçue pour déceler des différences quant à l’issue clinique, le taux de mortalité et d’incapacité sévère (selon l’échelle de Rankin modifiée) était significativement plus faible chez les patients recevant le traitement actif. Les épisodes thrombo-emboliques artériels graves étaient plus fréquents chez les patients des groupes rFVIIa que chez ceux du groupe placebo, mais cette différence n’a pas atteint le seuil de signification statistique.

Résultats propices à un essai de phase III

Les résultats favorables du traitement par le rFVIIa obtenus dans le cadre de l’essai de phase IIb ont motivé la conduite de l’essai de phase III FAST (Factor VIIa for Acute Hemorrhagic Stroke Treatment), dont le paramètre principal était la mortalité et l’incapacité à trois mois selon l’échelle de Rankin modifiée.

Dans le cadre de l’essai FAST, qui a été réalisé dans 160 centres répartis dans 26 pays, 821 patients en proie à une HC confirmée par TDM dans les trois heures suivant l’apparition des symptômes ont reçu aléatoirement soit un placebo, soit le rFVIIa à 20 ou 80 µg/kg. Le traitement a été administré au cours de l’heure suivant l’examen de TDM initial (au plus quatre heures après l’apparition des symptômes). «Nous avons reproduit l’effet hémostatique intégralement, le volume de l’HC ayant augmenté en moyenne de 26 % dans le groupe placebo vs 11 % dans le groupe rFVIIa à 80 µg/kg, précise le Dr Mayer. La diminution du saignement en termes absolus était encore plus marquée lorsque le traitement débutait dans un délai de trois heures.»

Contrairement à ce que l’on avait observé dans l’étude de phase IIb, par contre, l’effet hémostatique bénéfique du rFVIIa ne s’est pas traduit par un bénéfice clinique, car il n’y avait pas de différence entre le placebo et le traitement actif sur le plan du paramètre principal. La proportion de patients décédés ou sévèrement handicapés (score de 5 ou 6 sur l’échelle de Rankin modifiée) se chiffrait à 24 % dans le groupe placebo, à 26 % dans le groupe rFVIIa à 20 µg/kg et à 29 % dans le groupe rFVIIa à 80 µg/kg.

L’essai FAST a également confirmé l’innocuité du facteur de coagulation. Des événements thrombo-emboliques veineux (thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire) sont survenus chez 6 % des patients du groupe placebo vs 5 % des patients du groupe 80 µg/kg, ce qui représente une différence non significative. «Le facteur recombinant FVIIa a entraîné une augmentation absolue de 5 % des événements thrombo-emboliques artériels, qui comprenaient autant de simples élévations du taux de troponine que d’événements plus invalidants comme un infarctus cérébral mis en évidence sur des clichés d’imagerie cérébrale trois jours après l’administration. La plupart de ces infarctus étaient asymptomatiques, mais le déficit neurologique était majeur dans certains cas», souligne le Dr Mayer.

Déséquilibres possiblement liés à la randomisation

Plusieurs éléments pourraient expliquer la disparité entre les résultats cliniques de l’essai FAST et ceux de l’essai de phase IIb qui l’a précédé, d’enchaîner le Dr Mayer. Lors de la randomisation, le nombre d’hémorragies ventriculaires était plus élevé dans le groupe rFVIIa à 80 µg/kg que dans le groupe placebo (41 % vs 29 %, respectivement). «Or, il est bien établi que l’hémorragie ventriculaire annonce une issue médiocre», fait-il valoir. En outre, la proportion de patients présentant une hypertrophie ventriculaire gauche était plus élevée parmi les sujets recevant le traitement actif que parmi les sujets recevant un placebo.

Même si le score médian sur l’échelle de coma de Glasgow était similaire dans les trois groupes (14 dans le groupe placebo vs 13 dans les groupes de traitement actif), 6 % des patients du groupe 80 µg/kg se trouvaient dans un coma profond vs seulement 3 % des patients du groupe placebo. «Ces déséquilibres résultant de la randomisation signifient que les patients assignés au traitement actif étaient plus malades, ce qui a pu avoir des retombées sur les résultats», estime le Dr Mayer. D’autres facteurs pourraient également avoir contribué à l’absence d’effet sur le paramètre principal, poursuit-il. «Pour une raison quelconque, les résultats étaient extrêmement mauvais dans le groupe placebo de l’essai précédent», dit-il. La mortalité à 90 jours était de 29 % dans le groupe placebo de l’essai de phase IIb vs 19 % dans celui de l’essai FAST.

Le taux de mortalité précoce favorisait le rFVIIa dans l’essai FAST (quoique de manière non significative), mais le nombre excédentaire de décès entre les jours 15 et 90 dans les groupes de traitement actif s’est traduit en définitive par un effet non significatif sur la mortalité. «Au cours des premières semaines, la plupart des décès étaient d’origine neurologique, rapporte le Dr Mayer. Par contre, entre les jours 15 et 90, un peu plus de la moitié des décès n’avaient aucun lien direct avec les problèmes neurologiques; ils étaient plutôt liés à des facteurs de comorbidité comme les infections, l’insuffisance rénale, les saignements digestifs et le syndrome de cancer. Pour une raison quelconque, ces complications médicales relativement aléatoires prédominaient dans les groupes de traitement actif.»

Enfin, les critères d’inclusion libéraux de l’étude FAST pourraient avoir eu pour conséquence l’inscription d’un nombre appréciable de patients qui avaient peu de chances de bénéficier du traitement. «Lorsqu’on essaie de mesurer la capacité d’un médicament à atténuer une lésion cérébrale et à favoriser le rétablissement, il est préférable d’avoir des sujets qui peuvent mieux récupérer et dont le score sur l’échelle de Rankin peut redevenir favorable plus facilement, ajoute le Dr Mayer. On aspire en fait à une population dont la mortalité et l’incapacité résulteront de l’AVC et non de facteurs de comorbidité aléatoires.»

On a donc convenu que tout essai ultérieur sur le rFVIIa, si essai il y a, devrait probablement restreindre l’admissibilité aux patients de moins de 70 ans aux prises avec un saignement actif, mais dont l’hématome est de volume raisonnable, et que le délai de traitement devrait être inférieur à trois heures après l’apparition des symptômes. De nouvelles modalités d’imagerie comme l’angiographie par TDM permettraient peut-être de sélectionner des patients en proie à un saignement actif qui pourraient bénéficier du traitement et d’améliorer le ratio bénéfice:risque, poursuit le Dr Mayer.

Possibilités pour le traitement de l’HC

Malgré l’absence d’un effet favorable sur l’issue clinique dans l’étude FAST, le facteur de coagulation demeure le traitement le plus prometteur dans l’HC, car il n’existe actuellement aucun traitement, conclut le Dr Mayer. «Contrairement aux essais sur la neuroprotection qui se sont soldés par un échec, l’effet biologique du rFVIIa a clairement été mis en évidence, et l’on sait à la lumière de l’essai de phase IIb que ce médicament peut faire des choses remarquables.»

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