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FUTURE I et FUTURE II : Vaccination contre le virus du papillome humain

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

D’après les publications suivantes : N Engl J Med 10 mai 2007;356(19):1915-27, 1938-43

FUTURE I

Non seulement le nouveau vaccin quadrivalent contre le virus du papillome humain (VPH) confère-t-il une protection de 100 % contre les lésions anogénitales chez les femmes qui n’ont jamais été exposées au VPH avant d’être vaccinées, mais il réduit aussi le nombre de lésions anogénitales chez les femmes qui pourraient avoir déjà été infectées par le VPH.

Les résultats de l’étude randomisée FUTURE I (Females United to Unilaterally Reduce Endo/Ectocervical Disease) – à laquelle ont participé 16 pays – ont confirmé les résultats d’essais antérieurs ayant montré que la vaccination des jeunes femmes avant le début de leur vie sexuelle confère une protection complète contre les sous-types 6, 11, 16 et 18 du VPH pendant au moins trois ans. Les résultats étayent aussi les recommandations actuelles du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI), soit de vacciner les jeunes filles de neuf à 13 ans avant qu’elles n’aient de relations sexuelles, l’efficacité du vaccin étant alors maximale. Le CCNI recommande aussi de vacciner les jeunes femmes de 14 à 26 ans, qu’elles soient déjà actives sexuellement ou non. Il se pourrait qu’elles n’aient pas encore été infectées par le VPH, et il serait autrement très improbable qu’elles aient été infectées par les quatre sous-types vaccinaux. Pour les femmes de ce groupe actives sexuellement chez qui des anomalies ont déjà été décelées à la cytologie, y compris un cancer du col, ou chez qui la présence d’une infection par le VPH ou de condylomes génitaux a été confirmée, le vaccin serait tout de même bénéfique, mais il n’aurait alors aucun effet sur les lésions cervicales existantes.

FUTURE I portait au total sur 5455 femmes de 16 à 24 ans qui, après randomisation, ont reçu trois doses du vaccin quadrivalent ou un placebo. Le paramètre principal regroupait l’incidence des condylomes génitaux, celle des néoplasies ou cancers intraépithéliaux vulvaires ou vaginaux ainsi que celle des néoplasies intraépithéliales cervicales (CIN) tous grades confondus, des adénocarcinomes in situ ou cancers associés aux sous-types 6, 11,16 ou 18 du VPH.

Les tests sérologiques et l’amplification génique (PCR) de l’ADN du VPH ont révélé l’absence des quatre sous-types du VPH chez tous les sujets qui ont terminé l’étude – 2261 sujets vaccinés et 2279 témoins – le jour 1, et les résultats sont demeurés négatifs pendant sept mois. Les trois doses du vaccin ont été administrées au cours des 12 premiers mois de l’étude. Dans cette population, le vaccin s’est révélé efficace à 100 % pour prévenir les lésions intraépithéliales vaginales, vulvaires, périnéales et périanales ou les condylomes causés par les sous-types vaccinaux du VPH. Le vaccin a été efficace à 100 % pour prévenir les CIN de grade 1 à 3 et les adénocarcinomes in situ causés par les sous-types vaccinaux du VPH, toujours chez les sujets ayant terminé l’étude.

La population générale sensible au virus comprenait également des femmes jamais exposées aux sous-types vaccinaux à leur admission à l’étude, mais dont les résultats de la cytologie étaient peut-être anormaux le jour 1 ou qui n’ont peut-être pas respecté les exigences du protocole. Dans cette cohorte, le vaccin s’est révélé efficace à 95 % contre l’ensemble des lésions vaginales ou anogénitales externes tous grades confondus, efficace à 98 % contre l’ensemble des lésions cervicales tous grades confondus, et efficace à 91 % contre les lésions vaginales ou vulvaires de grade élevé. La protection contre l’adénocarcinome in situ a été de 100 %.

Les retombées sur la santé publique d’un vaccin anti-VPH sûr et efficace ne peuvent être mesurées que si l’on évalue l’effet de ce dernier chez toutes les femmes vaccinées. Les investigateurs ont donc eu recours également à une analyse en intention de traiter (IT) pour mesurer l’efficacité du vaccin. Ce groupe incluait les femmes qui, au moment de la vaccination, étaient déjà infectées par un sous-type vaccinal du VPH ou porteuses de lésions imputables à ces sous-types et celles dont les résultats de la cytologie cervicale effectuée le jour 1 étaient anormaux. Celles qui avaient enfreint le protocole ont aussi été incluses dans l’analyse en IT. Dans cette population IT, qui reflète la réalité, le vaccin a été efficace à 73 % contre l’ensemble des lésions vaginales ou anogénitales externes, tous grades confondus, liées aux sous-types vaccinaux du VPH, et efficace à 55 % contre l’ensemble des lésions cervicales tous grades confondus.

Les chercheurs ont réalisé une deuxième analyse en IT pour évaluer l’efficacité du vaccin contre les lésions anogénitales causées par des sous-types non vaccinaux. «Au chapitre du paramètre principal composite, on a observé chez les sujets vaccinés une réduction de 34 % [...] de l’incidence des lésions vaginales ou anogénitales externes et une réduction de 20 % [...] des lésions cervicales, sans égard au sous-type du VPH en cause», rapportent les chercheurs. Les effets indésirables au point d’injection étaient plus probables chez les sujets vaccinés, la douleur étant l’effet indésirable le plus courant. Dans ce programme clinique d’une ampleur exceptionnelle visant à évaluer son innocuité et son efficacité, ce vaccin s’est révélé remarquablement sûr.

FUTURE II

FUTURE II, autre essai randomisé d’envergure portant sur plus de 12 000 femmes, a montré que le vaccin quadrivalent réduit significativement la fréquence des CIN de grade élevé causées par le VPH de type 16 ou 18 chez les femmes jamais infectées par l’un ou l’autre sous-type viral. Comme dans FUTURE I, les sujets ayant terminé l’étude – 5305 du groupe vaccin et 5260 du groupe placebo – ne présentaient aucun signe virologique d’infection par le VPH de type 16 ou 18 jusqu’au septième mois, tandis que la population ciblée par l’analyse en IT pouvait être infectée ou non. La population générale sensible au virus était définie selon les mêmes termes que dans FUTURE I. Le paramètre principal regroupait l’incidence des CIN de grade 2 ou 3, des adénocarcinomes in situ et des cancers du col liés aux sous-types 16 ou 18 du VPH.

Chez les sujets ayant terminé l’étude, le vaccin a permis de prévenir 98 % des lésions cervicales de grade élevé liées au VPH de type 16 et 18. L’efficacité du vaccin était aussi élevée – 95 % – au sein de la population générale sensible au virus, tandis qu’elle se chiffrait à 44 % contre les lésions cervicales de grade élevé causées par le VPH de type 16 ou 18 au sein de la population IT (femmes présentant ou non des CIN et une infection par un sous-type vaccinal ou non vaccinal du VPH au départ). L’efficacité du vaccin contre toutes les lésions cervicales de grade élevé – sans égard au sous-type du VPH en cause – a été estimée à 17 % au sein de la population IT, précisent les chercheurs.

Fait intrigant, selon une étude qui regroupait 100 sujets chez qui un cancer oropharyngé venait d’être diagnostiqué, une infection par le VPH de type 16 était présente dans la majorité des tumeurs biopsiées, de sorte que la vaccination anti-VPH pourrait aussi prévenir certains cancers oraux, oropharyngés et laryngés.

Prises collectivement, les études FUTURE I et II fournissent les données les plus exhaustives jamais recueillies sur un vaccin contre le cancer et indiquent vraisemblablement que la vaccination des jeunes filles avant le début de la vie sexuelle pourrait essentiellement éliminer les manifestations pathologiques de l’infection par le VPH de type 6, 11, 16 et 18 et ainsi alléger le fardeau de morbidité lié au VPH, sans égard au sous-type viral en cause.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec le Dr Marc Steben, associé, Institut national de santé publique du Québec, Montréal, et co-investigateur de FUTURE I.

Q : Que pensez-vous des résultats de ces deux études?

R : Nous nous attendions à d’assez bons résultats parce que les données préliminaires sur l’immunogénicité étaient prometteuses, mais nous savons maintenant que le vaccin protège non seulement contre l’infection, mais aussi contre ses manifestations pathologiques, dont les manifestations graves comme les lésions précancéreuses. Les résultats sont d’autant plus impressionnants que les sujets de l’étude étaient exposés à un risque plutôt faible. Compte tenu du grand nombre de sujets dans chaque étude, les données sont très robustes.

Q : À votre avis, combien de temps la protection conférée par le vaccin pourrait-elle persister?

R : Nos données remontent maintenant à plus de cinq ans, et nous avons constaté que le vaccin induit non seulement une réponse humorale, mais aussi une réponse cellulaire. Pareille réaction immunitaire nous permet de dire avec assez de certitude que la protection pourrait persister la vie durant.

Q : Selon vous, quelles seront les retombées du vaccin sur les manifestations pathologiques de l’infection à VPH?

R : Ce vaccin fera disparaître les quatre souches du VPH responsables de la majeure partie du fardeau des manifestations pathologiques de l’infection à VPH. Les sous-types 16 et 18, par exemple, causent environ 70 % des cancers du col, ce qui est loin d’être négligeable. De plus, 90 % des adénocarcinomes sont causés par les sous-types 16 et 18, et là encore, on a observé une protection complète contre ces précurseurs – il s’agit donc d’un autre bénéfice de taille. On ne doit pas oublier non plus le fardeau de morbidité lié aux sous-types 6 et 11 du VPH, qui causent 90 % des condylomes génitaux, non seulement parce que ces derniers sont extrêmement fréquents, mais aussi parce que le traitement peut détruire les tissus génitaux. Les sous-types du VPH à faible risque sont probablement à l’origine de près du quart des lésions de faible grade décelées à la cytologie et peut-être aussi du quart des cas de cellules squameuses atypiques. Les possibilités de diminution de la morbidité et d’économies associées aux cytologies anormales sont donc énormes. Si le gouvernement a investi 300 millions de dollars pour faire vacciner les jeunes femmes, ce vaccin doit représenter l’un des meilleurs investissements pour la santé publique au Canada.

Références :

Future II Study Group. Quadrivalent vaccine against human papillomavirus to prevent high-grade cervical lesions. N Engl J Med 2007;356(19):1915-27. Garland et al. Quadrivalent vaccine against human papillomavirus to prevent angenital diseases. N Engl J Med 2007;356(19):1928-43.

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