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Progrès dans l’infection du pied diabétique : choisir le traitement approprié

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 5e Symposium international sur le pied diabétique

Noordwijkerhout, Pays-Bas / 9-12 mai 2007

Au dire du Dr Benjamin Lipsky, Clinique de soins primaires et de recherche sur l’antibiothérapie, University of Washington, Seattle, le traitement antimicrobien de l’infection du pied chez le diabétique est un «casse-tête à quatre morceaux». D’abord, le clinicien doit évaluer la sévérité clinique de la plaie, déterminer si les antibiotiques récents sont justifiés et s’il y a atteinte osseuse et évaluer l’état vasculaire. Il doit ensuite déterminer si le patient est immunodéprimé ou s’il est allergique à certains antibiotiques, s’il souffre d’insuffisance hépatique ou rénale et s’il a intérêt à recevoir une antibiothérapie orale ou intraveineuse (i.v.). Troisièmement, le clinicien ne peut habituellement que suspecter l’agent pathogène probablement en cause, mais doit tenir compte des tendances locales d’antibiorésistance. Enfin, il doit porter une attention particulière aux interactions médicamenteuses, la polypharmacie étant la norme dans le diabète. Le clinicien donnera la préférence aux agents ayant un bon profil d’innocuité, qui nécessitent peu de prises, qui sont inscrits sur les listes de médicaments et dont l’efficacité thérapeutique est éprouvée.

Stratégies actuelles

Les infectiologues privilégient les traitements à spectre étroit, précise le Dr Lipsky. «Cependant, si toutes les plaies sont colonisées, au moins la moitié des patients sont cliniquement infectés. Lorsque les patients sont infectés par des bactéries dont la résistance aux antibiotiques est possible ou confirmée, le traitement doit cibler ces micro-organismes spécifiquement.» Une fois que l’on connaît les résultats des cultures microbiennes et que l’on a évalué la réponse au traitement, on peut opter pour un traitement à spectre plus étroit.

Le traitement peut être topique, parentéral ou oral, l’application topique étant la norme lorsque la plaie est superficielle, indique le Dr Lipsky. L’administration parentérale d’agents systémiques est recommandée surtout si l’infection est sévère et nécessite un agent i.v. particulier comme la vancomycine. Les agents oraux – moins nombreux – sont efficaces dans les infections moins sévères, mais ils doivent être biodisponibles. La plupart des infections du pied diabétique étant polymicrobiennes, le clinicien opte généralement pour un traitement d’association, quoiqu’il existe des antimicrobiens à large spectre. Aux États-Unis, la lévofloxacine est l’antibiotique oral le plus utilisé dans les infections du pied diabétique (28 % des cas); viennent ensuite la ciprofloxacine (13 %), le métronidazole (13 %), le linézolide (12 %), la céphalexine (12 %), la clindamycine (10 %), l’association amoxicilline/clavulanate (6 %) et l’érythromycine (6 %).

Comme Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) est «un problème de taille», tant en milieu hospitalier que communautaire, on utilise des agents parentéraux à spectre assez large. En ordre de fréquence, ce sont la vancomycine (19 %), les associations pipéracilline/tazobactam (17 %) et ampicilline-sulbactam (16 %), et la lévofloxacine (13 %). Cela dit, 83 % des diabétiques hospitalisés pour une infection au pied reçoivent une antibiothérapie i.v.

«Il est vital d’isoler SARM, affirme le Dr Lipsky. Les plaies infectées par SARM mettent plus de temps à cicatriser, entraînent plus d’amputations, voire plus de décès.» Le linézolide et la vancomycine, tous deux conçus pour combattre SARM, donnent des résultats cliniques et microbiologiques similaires en présence d’une infection du pied diabétique. «Cela dit, une intervention chirurgicale est souvent nécessaire.»

La moxifloxacine, fluoroquinolone à large spectre active contre les bactéries anaérobies à Gram positif et à Gram négatif, et la combinaison à très large spectre pipéracilline/tazobactam/amoxicilline/clavulanate sont associées à des taux de réponse bactériologique similaires (68 % et 61 %, respectivement). Une fluoroquinolone serait donc une option appropriée pour le traitement d’une infection du pied chez le diabétique. Cependant, du moins dans les infections de la peau et des structures cutanées, il n’est pas obligatoire de prescrire un agent actif contre l’agent pathogène en cause, car on peut débrider la plaie ou drainer l’abcès, note le Dr Lipsky.

Résultats d’études

À ce jour, la plus vaste étude clinique, et aussi la mieux conçue, est SIDESTEP (Study of Infections in Diabetic Feet Comparing Efficacy, Safety and Tolerability of Ertapenem vs. Piperacillin/tazobactam), précise-t-il. En tant que carbapénème de la classe des bêta-lactamines, l’ertapénem agit contre la plupart des agents pathogènes en cause dans les infections compliquées de la peau et des structures cutanées du pied diabétique, sauf dans la plupart des infections causées par les espèces des genres Enterococcus et Pseudomonas. L’ertapénem étant «au moins aussi efficace que l’association pipéracilline/tazobactam i.v. selon cette étude, il constitue une solution de rechange pratique en milieu hospitalier, surtout en ambulatoire, car il s’administre par voie parentérale une fois par jour (vs aux six heures pour l’association i.v.).

Bien que l’ertapénem soit doté d’un spectre un peu plus étroit que le méropénem et l’imipénem et qu’il n’agisse pas contre les espèces des genres Enterococcus et Pseudomonas, contrairement au tazobactam, les deux groupes de l’étude ont eu des taux de réponse clinique similaires. «Cela tient au fait que, le plus souvent, des espèces des genres Enterococcus et Pseudomonas sont présentes dans les infections polymicrobiennes, mais ce sont rarement les principaux agents pathogènes. C’est donc dire qu’un agent à spectre plus étroit comme l’ertapénem peut être assez efficace contre ces infections polymicrobiennes.» Selon une étude de pharmacoéconomie théorique subséquente, l’utilisation d’ertapénem une fois par jour a permis de faire des économies, vs l’administration du tazobactam trois ou quatre fois par jour.

«Nous ne savons pas quel est le meilleur antibiotique ou la meilleure association pour traiter une infection du pied diabétique», admet le Dr Lipsky. Si l’infection est aiguë, si le patient n’a pas reçu d’antibiotique récemment et s’il est exposé à un faible risque d’infection à SARM, le clinicien n’a qu’à se préoccuper des agents pathogènes prédominants – c’est-à-dire les cocci à Gram positif aérobies (surtout S. aureus) – et pourrait administrer de la pénicilline, dit-il. S’il s’agit d’une infection à SARM, il y a plusieurs agents efficaces. Si l’infection est chronique ou si le patient a des antécédents d’infection, on doit ajouter un traitement dont le spectre englobe aussi les bactéries à Gram négatif et les anaérobies. Dans les cas d’infection nécrosante, de gangrène ou de pied ischémique, on doit assurément envisager la présence d’anaérobies, ajoute-t-il. Selon les lignes directrices de l’Infectious Diseases Society of America, on doit poursuivre l’antibiothérapie jusqu’à ce que l’infection se soit résorbée, mais pas nécessairement jusqu’à la guérison de la plaie. «Une démarche multidisciplinaire qui engloberait des mesures de soutien, l’antibiotique qui paraît le plus approprié et une intervention chirurgicale donnerait de bons résultats», de conclure le Dr Lipsky.

Retombées plus vastes sur la santé publique

Selon le Dr Anthony Berendt, Nuffield Orthopedic Centre NHS Trust, Oxford, Royaume-Uni, l’équipe soignante doit tenir compte non seulement de l’utilisation et du choix d’un antibiotique, mais aussi du rôle de la chirurgie, de la podiatrie et des soins primaires, ainsi que des retombées des modalités choisies sur le patient et la santé publique. «Nous sauvons peut-être des pieds et des membres, mais les retombées ne s’arrêtent pas là. Aux États-Unis, la prévalence de SARM est en hausse dans les unités de soins intensifs, tout comme celle des entérocoques résistants à la vancomycine, des bacilles à Gram négatif résistants et des souches résistantes de Pseudomonas. Nous devons constamment remettre en question la façon dont nous utilisons et choisissons les antibiotiques.»

La neuropathie est au cœur de l’ulcération, fait valoir le Dr Berendt. L’ischémie se traduit par une biomécanique anormale du pied, une perte de sensibilité protectrice et une diminution de la compliance et de la lubrification de la peau. Tous ces facteurs mènent à l’ulcération et au risque d’apparition d’insuffisance vasculaire et d’infection. «La tendance est claire» : plus l’infection est sévère, plus l’issue est défavorable. En présence d’une ulcération non infectée, la colonisation par un nombre croissant de micro-organismes est inévitable. Lorsque l’infection est établie, les cocci à Gram positif sont des agents pathogènes clés, quelle que soit la sévérité. Lorsque l’infection est plus sévère, les bacilles à Gram négatif aérobies et les anaérobies entrent aussi en jeu. «C’est donc dire qu’un prélèvement en profondeur dans une plaie débridée plutôt qu’en surface montrerait une participation très importante des cocci à Gram positif aérobies si l’infection est bénigne et une flore polymicrobienne si l’infection est beaucoup plus sévère», explique le Dr Berendt.

Le Dr Maximilian Spraul, Jakobi-Krankenhaus/Mathias-Spital Rheine, Hoerstkamp, Rheine, Allemagne, a parlé d’une étude récente qui portait sur 1666 diabétiques consécutifs en consultation externe (Lavery et al. Diabetes Care 2006;29[6]:1288-93). En deux ans, 151 patients (9,1 %) ont eu 199 infections au pied, et une ostéomyélite a été confirmée par culture dans 19,9 % des cas. Le risque d’hospitalisation était 55,7 fois plus élevé et le risque d’amputation, 154,5 fois plus élevé chez les sujets infectés que chez les sujets exempts d’une infection au pied. Toutes les infections, sauf une, faisaient suite à une plaie ou à une blessure par pénétration. Les auteurs ont conclu que les infections du pied diabétique augmentent radicalement le risque d’hospitalisation et d’amputation. Les efforts pour prévenir l’infection doivent cibler les diabétiques porteurs d’une plaie traumatique au pied, surtout si la plaie est chronique, profonde, récurrente ou associée à une maladie vasculaire périphérique.

Parmi les facteurs de risque indépendants et importants d’une infection au pied, ajoute le Dr Spraul, citons les plaies par pénétration jusqu’à l’os (odds ratio [OR] de 6,7), qu’il qualifie de facteur de risque «énorme»; les plaies remontant à plus de 30 jours (OR de 4,7), qui représentent aussi un risque très élevé; les plaies récurrentes (OR de 2,4); et les plaies traumatiques comme les ongles incarnés ou les brûlures (OR de 2,4). La présence d’une maladie vasculaire périphérique (OR de 1,9) constitue aussi un risque, mais c’était inattendu. «Aux États-Unis, l’apparition d’une infection au pied entraîne l’hospitalisation du diabétique, ce qui coûte très cher», fait-il remarquer.

Résumé

Les lignes directrices récentes constituent un cadre de travail rationnel pour la standardisation de la démarche thérapeutique dans l’infection du pied diabétique, note le Dr Berendt. «Cela dit, de grandes incertitudes demeurent, et de vastes études multicentriques s’imposent. Si nous standardisons nos méthodes, notre langage et l’évaluation des patients, nous aurons des données très parlantes et des réponses réelles. Chaque patient et la société dans son ensemble y feront des gains importants. Une démarche logique apaisera les craintes que soulève l’infection du pied diabétique chez les cliniciens.»

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