Comptes rendus

Prévention des infections à méningocoques
Les fluoroquinolones dans la prise en charge de la pneumonie communautaire

Guide de pratique sur la prise en charge des infections à Clostridium difficile chez l’adulte

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

MEDI-NEWS - D’après Clinical Practice Guidelines for Clostridium difficile Infection in Adults: 2010 Update by the Society for Healthcare Epidemiology of America (SHEA) et l’Infectious Diseases Society of America (IDSA). Infect Control Hosp Epidemiol 2010;31:431-55.

Avril 2010

Clostridium difficile est le principal agent pathogène de la colite associée aux antibiotiques et est responsable de 15 à 25 % des cas de diarrhée nosocomiale associées aux antibiotiques. C’est la première cause de diarrhée infectieuse dans les établissements de soins de santé. Selon des sondages datant de 1997 et de 2005 menés auprès des hôpitaux canadiens, l’incidence varie de 3,8 à 9,5 cas pour 10 000 jours-patients, ou de 3,4 à 8,4 cas pour 1000 admissions dans des hôpitaux de soins de courte durée.

Au cours des dernières années, on a observé une augmentation à la fois de l’incidence et de la sévérité de la maladie. À partir du deuxième semestre de 2002 et jusqu’à 2006, on a assisté notamment à des éclosions nosocomiales exceptionnellement sévères avec reprises infectieuses à peu près partout au Québec. Jusqu’alors, C. difficile était associé à un faible taux de mortalité (<2 % des patients infectés), mais pendant cette période, ce taux a augmenté dans les hôpitaux montréalais à cause d’une nouvelle souche virulente de la bactérie, NAP1/BI/027. La bactérie a été associée directement à un taux de mortalité à 30 jours de 6,9 % et indirectement à un taux de mortalité de 7,5 %. Aujourd’hui, la souche NAP1/BI/027 est très répandue hors Québec, notamment dans la plupart des autres provinces canadiennes.

Détermination et prise en charge des facteurs de risque

Le diagnostic exact de l’infection à C. difficile (ICD) est crucial, car même en situation d’épidémie, l’ICD ne représente qu’environ 30 % des cas de diarrhée associée aux antibiotiques chez des patients hospitalisés. Le test le plus sensible, incontournable lors d’études épidémiologiques, est la coproculture. Le diagnostic d’ICD est porté en présence de diarrhée (=3 selles non formées en =24 heures) et soit d’une coproculture positive à l’égard des toxines de C. difficile ou de C. difficile toxigène, soit d’une colite pseudomembraneuse révélée lors d’une exploration colonoscopique ou histopathologique. Il s’écoule un délai médian de deux à trois jours entre l’exposition au germe et l’apparition des symptômes; cependant, le risque d’infection peut persister pendant de nombreuses semaines après la fin de l’antibiothérapie en raison d’une perturbation prolongée de la flore intestinale.

Il convient d’envisager une ICD et de demander une coproculture en présence d’une leucocytose inexpliquée chez le patient hospitalisé. L’âge avancé et l’hospitalisation prolongée sont deux facteurs de risque importants d’ICD. La contamination du milieu ambiant favorise aussi grandement la transmission nosocomiale de C. difficile.

On a fait état d’éclosions causées par la réutilisation de thermomètres rectaux électroniques, ou de sièges d’aisance ou de bassins de lit mal nettoyés. Aussi réitère-t-on, dans les recommandations, l’importance de l’élimination de C. difficile du milieu ambiant, surtout en présence d’un taux accru d’ICD; on préconise notamment le remplacement des thermomètres rectaux électroniques par des versions jetables et l’utilisation de nettoyants chlorés ou d’autres sporicides. Le nettoyage des mains est essentiel; il faut également recourir aux barrières physiques et fournir au patient atteint d’une ICD son propre siège d’aisance.

Tous les établissements de soins de santé devraient assurer une surveillance minimale de l’ICD en demeurant à l’affût des symptômes apparus au moins 48 heures après l’admission. On recommande d’exprimer l’incidence en nombre de cas pour 10 000 jours-patients. Selon les auteurs du guide de pratique, la quasi-totalité des antimicrobiens ont, un jour ou l’autre, été associés à la survenue d’une ICD. Par conséquent, lorsqu’il est question d’ICD, l’exposition aux antimicrobiens constitue le facteur de risque modifiable le plus important.

Recommandations de traitement

On recommande d’amorcer un traitement empirique lorsqu’on soupçonne la présence d’une ICD sévère ou compliquée. Il faut, dans la mesure du possible, éviter les agents antipéristaltiques, car ils risquent de masquer les symptômes et de déclencher un mégacôlon toxique. Par ailleurs, il convient de mettre fin au traitement antimicrobien causal le plus tôt possible après le diagnostic de sorte à réduire le risque de réapparition de l’infection.

Le métronidazole et la vancomycine par voie orale sont, depuis 25 ans, les principaux antibiotiques opposés à C. difficile. Au terme de deux essais comparatifs menés dans les années 1980 et 1990, on a constaté que ces deux agents donnaient des résultats semblables, mais les groupes de ces études comptaient moins de 50 patients chacun.

Comme le traitement par le métronidazole échoue parfois et que l’ICD est de plus en plus fréquente et sévère, Zar et ses collaborateurs ont mené un essai comparatif avec randomisation pour déterminer quel est l’antimicrobien le plus efficace en cas d’infection légère ou sévère (Clin Infect Dis 2007;45:302-7). La vancomycine à 125 mg quatre fois par jour s’est montrée supérieure au métronidazole à 250 mg quatre fois par jour dans les cas sévères, selon un score de sévérité qui comprenait six variables cliniques.

Toutefois, la population de cette étude ayant été recrutée avant 2002, elle n’était probablement pas infectée par la souche NAP1/BI/027 de C. difficile. Par contre, une étude plus récente, réalisée après l’avènement de cette souche, semble confirmer la supériorité de la vancomycine par voie orale sur le métronidazole dans le traitement de l’ICD sévère (47e ICAAC, 2007, résumé K-425a). Ainsi, les auteurs du guide de pratique recommandent de traiter la primo-infection à l’aide de métronidazole par voie orale à raison de 500 mg trois fois par jour pendant 10 à 14 jours si elle est de gravité légère ou modérée, et de vancomycine par voie orale à raison de 125 mg quatre fois par jour pendant 10 à 14 jours si elle est sévère.

Devant une ICD sévère et compliquée, la vancomycine par voie orale, avec ou sans métronidazole par voie intraveineuse (i.v.), constitue le traitement de prédilection. En cas d’iléus, il est possible d’administrer la vancomycine par voie rectale. On administre la vancomycine par voie orale à raison de 500 mg quatre fois par jour et la vancomycine par voie rectale toutes les six heures, sous forme de lavement à garder constitué d’une dose de 500 mg diluée dans environ 100 mL de solution physiologique salée. Quant à la posologie du métronidazole i.v., elle est de 500 mg toutes les huit heures. Une colectomie est envisageable en cas d’atteinte sévère.

Habituellement, on oppose à la première reprise infectieuse le traitement utilisé lors de la primo-infection, mais c’est la sévérité de la maladie qui doit guider le clinicien; celui-ci pourra recourir au métronidazole, à la vancomycine ou aux deux agents. Dans les recommandations, on précise également qu’on ne doit plus prescrire le métronidazole passé la première reprise infectieuse ni en traitement à long terme à cause du risque de neurotoxicité cumulative. Les auteurs conseillent enfin, pour la deuxième reprise et les suivantes, d’administrer la vancomycine en doses dégressives ou en bolus intraveineux.

Résumé

La fréquence des reprises d’ICD nécessitant un nouveau traitement demeure préoccupante, lit-on dans le guide de pratique actualisé. Il est impossible de déterminer cliniquement si la reprise infectieuse est due à une nouvelle infection par la même souche (récidive) ou à une infection par une souche différente. Quoi qu’il en soit, on a fait état à plusieurs occasions de reprises infectieuses plus fréquentes après un traitement par le métronidazole, en particulier chez les personnes de plus de 65 ans. Le choix du métronidazole ou de la vancomycine pour le traitement d’une première reprise infectieuse n’a pas d’incidence, semble-t-il, sur la probabilité d’une seconde reprise, mais on recommande la vancomycine pour la première reprise chez les patients dont le nombre de globules blancs est =15 000 cellules/mL ou dont la créatininémie est à la hausse, car ils sont davantage exposés aux complications.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec la Dre Vivian Loo, chef, Service de microbiologie, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec).

Q : Pourquoi était-il important d’actualiser le guide de pratique pour la prise en charge des infections par C. difficile?

R : Depuis 2003, on a répertorié plusieurs éclosions de C. difficile au Canada. L’épidémiologie, le diagnostic et le traitement de ces infections ont beaucoup évolué depuis la parution, en 1995, des recommandations antérieures. Une mise à jour s’imposait.

Q : Comment l’apparition de la souche hypervirulente de C. difficile a-t-elle modifié le traitement de l’infection?

R : Très souvent, nous ne savons pas si l’infection est causée par la souche hypervirulente. C’est pourquoi nous recommandons de traiter le patient en fonction de son état clinique. Par exemple, si l’atteinte est sévère, on oublie le métronidazole et on passe directement à la vancomycine. Par contre, le métronidazole sera notre première arme en cas d’atteinte légère ou modérée. Dans de nombreux hôpitaux, on ne fait pas de culture pour déterminer si la souche hypervirulente est en cause, car on n’obtient les résultats qu’après trois ou quatre jours. De plus, on ne peut repérer cette souche qu’au moyen de méthodes de typage particulières qui ne sont pas pratiquées dans tous les laboratoires.

Q : Que se passerait-il si la vancomycine ne venait plus à bout des infections sévères ou récidivantes?

R : La vancomycine est l’une de nos principales armes contre C. difficile; sa perte limiterait sérieusement notre capacité de traiter adéquatement l’infection. Des médicaments plus récents pourraient se révéler utiles, mais pour l’instant, aucun n’arrive à la cheville de la vancomycine pour ce qui est de l’expérience clinique. Bref, il est bien de savoir que d’autres traitements s’en viennent, mais il reste que nous sommes plus à l’aise avec la vancomycine, parce que nous l’utilisons depuis longtemps.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.