Comptes rendus

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Les fluoroquinolones dans la prise en charge de la pneumonie communautaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 20e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie (ECCMID)

Vienne, Autriche / 10-13 avril 2010

La pneumonie communautaire (PC) n’est pas une nouvelle entité, mais «de nouveaux problèmes surgissent, les théories changent et les thérapeutiques évoluent», souligne le Dr Roger Finch, Nottingham University Hospitals NHS Trust, Royaume-Uni. La mortalité imputable aux pneumonies à pneumocoques est d’environ 10 à 12 %, pourcentage qui n’a pas beaucoup bougé depuis 30 à 40 ans malgré l’arrivée de nouveaux agents sur le marché. Streptococcus pneumoniae est l’agent pathogène le plus souvent en cause dans la PC, tant chez les patients ambulatoires que chez les patients hospitalisés (qu’ils soient au service des soins intensifs [SSI] en proie à une infection sévère ou dans un autre service).

Dans leur guide de pratique, l’American Thoracic Society et l’Infectious Diseases Society of America (ATS/IDSA) recommandent les fluoroquinolones respiratoires pour le traitement de la PC non sévère. Chez les patients hospitalisés au SSI et ne présentant aucun facteur de risque d’infection par Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) ou Pseudomonas aeruginosa, le traitement recommandé repose soit sur une bêta-lactamine en association avec l’azithromycine, soit sur une fluoroquinolone respiratoire. «Les fluoroquinolones sont solidement ancrées dans la pratique pour la prise en charge de la PC», confirme le Dr Finch.

Émergence de souches résistantes

Malgré l’apparition de souches résistantes, peu de nouveaux antimicrobiens sont homologués, fait remarquer le Dr Donald Low, Mount Sinai Hospital, Toronto, Ontario. Dans certains pays européens, des programmes de surveillance ont mis en évidence une résistance à la pénicilline de l’ordre de 25 à 50 %. Des pourcentages similaires ont été rapportés pour les macrolides, et «des données montrent que la résistance aux macrolides, qu’elle soit faible ou forte, influe considérablement sur l’issue clinique», affirme le Dr Low.

La situation canadienne a fait l’objet d’une communication par affiche (P1676) du Réseau canadien de surveillance des bactéries. Entre 1993 et 2007, la résistance à l’érythromycine est passée de 1,9 à 22,4 %. La résistance à la pénicilline (seuil de =2 mg/mL) a augmenté de façon un peu moins radicale, passant de 0,9 % en 1993 à 8,3 % en 2009. «Au Canada, la résistance des pneumocoques aux bêta-lactamines [...] et aux macrolides demeure en hausse», ajoute la Dre Karen Green, Mount Sinai Hospital, conférencière invitée.

Les fluoroquinolones respiratoires, elles, tiennent le coup. Dans son survol des données du même programme de surveillance, le Dr Low expliquait que «depuis 10 ans, les souches résistances à la moxifloxacine et à la lévofloxacine étaient demeurées plutôt stables. On pourrait même dire qu’elles sont en baisse, les taux de résistance étant inférieurs à 5 %.»

Depuis 2000, les nombreuses campagnes de vaccination pour les nourrissons et les jeunes enfants à l’aide du vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent (PCV7) ont sans doute contribué à limiter l’émergence de souches résistantes de pneumocoques. Bien que ce vaccin soit efficace contre seulement sept des plus de 90 sérotypes de S. pneumoniae, les sérotypes ciblés sont responsables d’une vaste proportion des souches multirésistantes. «Un vrai succès, commente le Dr Low, mais il y a un inconvénient [...] : peu à peu, les sérotypes souvent en cause font place à de nouveaux venus.» Il s’agit là d’un phénomène inquiétant, car ces nouveaux sérotypes, tel le sérotype 19A, sont multirésistants.

Propriétés des fluoroquinolones

Le Dr Low estime que les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques des fluoroquinolones expliquent en partie qu’elles soient demeurées hautement efficaces. Pour qu’un antimicrobien demeure efficace, sa concentration doit rester bien supérieure à la concentration minimale inhibitrice (CMI) aussi longtemps que possible; autrement dit, l’aire sous la courbe (ASC) doit être aussi élevée que possible par rapport à la CMI. Il est ressorti d’une étude sur la lévofloxacine que si l’on peut obtenir un bon ratio ASC:CMI, non seulement le taux de réussite sera-t-il plus élevé, mais l’éradication sera aussi plus probable (JAMA 1998;279[2]:125-9). En effet, pour un ratio ASC:CMI >100, le taux de réussite microbiologique était de 100 %. Dans le cas de la moxifloxacine, autre fluoroquinolone respiratoire très utilisée, le ratio ASC:CMI se chiffre à 384 (Clin Infect Dis 2003;37[9]:1210-5). Avec des taux aussi élevés, les bactéries peuvent difficilement devenir résistantes.

L’examen du mode d’action des fluoroquinolones révèle que ces médicaments ciblent les enzymes essentielles à la réplication de l’ADN, notamment la topoisomérase IV (ParC) et l’ADN gyrase (GyrA). «Si les premières fluoroquinolones ne ciblent que l’une ou l’autre enzyme, la moxifloxacine, elle, se lie à peu près autant à l’une qu’à l’autre, explique le Dr Low. C’est comme si on avait deux médicaments ou presque.» Certes, la résistance aux fluoroquinolones est faible en général, mais la résistance à la moxifloxacine, en particulier, est vraiment très faible (<1 %), et le mode d’action pourrait y être pour quelque chose. En outre, lorsqu’on observe une résistance à la moxifloxacine, il est fréquent que le patient ait déjà été exposé à une autre fluoroquinolone.

Autre fait intéressant à souligner, la lévofloxacine était généralement administrée à raison de 400 mg par le passé, alors que maintenant, on recommande habituellement une dose de 500 mg. La dose de 400 mg ne permettait peut-être pas d’atteindre un ratio ASC:CMI assez élevé pour assurer une éradication efficace. Cela expliquerait pourquoi la résistance à la lévofloxacine – bien que faible (<5 % au Canada) – n’est pas aussi faible que la résistance à la moxifloxacine. «Antibiotique approprié, dose appropriée et durée appropriée du traitement : voilà les clés d’un traitement efficace et de la diminution du nombre de souches résistantes», conclut le Dr Low.

Utilisation appropriée

Bien que les fluoroquinolones ne soient pas recommandées chez tous les patients (par exemple, en présence d’un risque d’infection par SARM), elles peuvent être extrêmement utiles pour autant que les patients soient bien sélectionnés. Par exemple, elles sont connues pour leur bonne pénétration du tissu pulmonaire, leur forte biodisponibilité et la possibilité d’être administrées par voie orale (ce qui permet un relais oral précoce dans les infections sévères nécessitant d’abord une antibiothérapie intraveineuse).

La comparaison de la moxifloxacine et de la lévofloxacine a fait l’objet de deux études principales. Lors de l’étude CAPRIE (Community-Acquired Pneumonia Recovery in the Elderly), 401 patients de plus de 65 ans hospitalisés pour une PC ont été randomisés de façon à recevoir l’une des deux fluoroquinolones (Clin Infect Dis 2006;42[1]:73-81). Le paramètre principal était l’innocuité cardiaque, et aucune différence n’a été observée. «La comparaison des deux agents sur le plan de la vitesse de résolution de l’infection est toutefois intéressante», précise le Dr Thomas File, chef, section des maladies infectieuses, Summa Health System, Akron, Ohio, «car tous les patients veulent guérir rapidement». Les données ont révélé qu’un nombre significativement plus élevé de patients sous moxifloxacine que de patients sous lévofloxacine étaient parvenus au rétablissement clinique en trois à cinq jours (98 % vs 90 %) (p=0,01). En général, les deux médicaments ont été bien tolérés, et il n’y a eu aucune différence significative au chapitre des effets indésirables signalés. «Fait intéressant, parmi les sept patients qui ont développé une infection à Clostridium difficile, six faisaient partie du groupe lévofloxacine; l’écart n’est peut-être pas significatif, mais je pense que c’est une observation intéressante», fait valoir le Dr File.

Dans le cadre de l’essai MOTIV (Moxifloxacin Treatment IV), des patients très malades (index de sévérité de la pneumonie d’au moins 3) ont été randomisés de façon à recevoir soit de la moxifloxacine, soit de la lévofloxacine en association avec de la ceftriaxone (Clin Infect Dis 2008;46[10]:1499-509). La comparaison des deux traitements au chapitre du paramètre principal d’évaluation de l’efficacité n’a fait ressortir aucune différence entre les deux agents (taux de réponse clinique à la visite de contrôle). «La moxifloxacine en monothérapie ne s’est pas révélée inférieure à l’association», conclut le Dr File.

Résumé

L’émergence de souches résistantes aux antibiotiques est une grande source de préoccupation à l’heure actuelle, surtout dans la prise en charge d’infections potentiellement graves comme la PC. La vaccination et le bon usage des antibiotiques, c’est-à-dire l’administration d’un antibiotique dans les seuls cas où un antibiotique s’impose et le choix d’un antibiotique approprié dont l’activité contre le micro-organisme en cause a été démontrée – devraient aider à tenir la résistance aux antimicrobiens en échec. Les fluoroquinolones jouent un rôle important dans le traitement de la PC et, pour l’instant, la résistance à ces agents est faible, surtout dans le cas de la moxifloxacine.

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