Comptes rendus

Optimiser la santé de la prostate en réduisant le risque de morbidité
Essai ALERT : analyse partielle à 24 semaines

Hypertrophie bénigne de la prostate et diagnostic et prévention du cancer de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

28e Congrès de la Société Internationale d’Urologie

Le Cap, Afrique du Sud / 12-16 novembre 2006

Comme le souligne le Dr Christopher Chapple, Sheffield Hallam University, Royaume-Uni, au sujet de l’hormonothérapie, on ne saurait nier les bienfaits des inhibiteurs de la 5-alpha réductase dans l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), surtout lorsque la glande est volumineuse (>30 à 40 cm3). Le finastéride et le dutastéride, inhibiteurs de la 5-alpha réductase, sont comparables au chapitre de l’efficacité et de la tolérabilité, mais leurs bienfaits sont moins prononcés que ceux des antagonistes des récepteurs alpha1-adrénergiques. Quant aux autres traitements hormonaux utilisés dans l’HBP, ils sont soit mal tolérés, soit inefficaces.

L’urosélectivité pharmacologique et prostatique des antagonistes des récepteurs alpha1-adrénergiques a soulevé bien des discussions, mais au fond, c’est l’urosélectivité clinique qui importe le plus. On a démontré l’efficacité de ces agents dans l’HBP, sans égard à la taille de la prostate. Tous les représentants de cette classe exercent un effet semblable sur le score IPSS (International Prostate Symptoms Score) et le débit urinaire, mais ils se distinguent par leurs effets indésirables : la tamsulosine et l’alfuzosine affichent, semble-t-il, une tolérabilité supérieure à celle des autres agents.

L’équipe de l’étude MTOPS (Medical Therapy of Prostate Symptoms) a démontré les bienfaits de l’association du finastéride, inhibiteur de la 5-alpha réductase, et de la doxazosine, antagoniste des récepteurs alpha1-adrénergiques, en prévention de la progression de l’HBP. Le traitement d’association est plus efficace que la monothérapie par chacun de ces agents, mais on doit équilibrer coûts, efficacité et effets indésirables cumulatifs. Quant à la phytothérapie, on connaît mal son mode d’action et ses ingrédients actifs. Les produits varient énormément, et les comptes rendus d’essais comparatifs en aveugle sont plutôt rares. Bref, les arguments en faveur de la phytothérapie sont peu nombreux.

Des symptômes de vessie hyperactive, plus incommodants que les manifestations mictionnelles, peuvent survenir en cas d’obstruction vésicale; les travaux sur le sujet se poursuivent. On ne peut recommander la monothérapie antimuscarinique dans le contexte précité; en revanche, l’association d’un antimuscarinique et d’un antagoniste des récepteurs alpha1-adrénergiques peut se révéler efficace.

Le Dr Anthony J. Costello, Royal Melbourne Hospital, Australie, a étudié la thermothérapie dans l’HBP. «En voulant réduire au minimum les effets indésirables, nous avons amoindri l’efficacité du traitement. La résection transurétrale de la prostate (RTUP) demeure donc la solution de prédilection en présence de symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) prononcés, conclut-il. C’est un traitement modérément efficace indiqué en cas de symptômes modérés d’HBP, qui ne menace en rien le traitement de référence en la matière, qu’on pratique la résection de la prostate par électrocautérisation ou au laser», précise-t-il.

Le Dr Peter Gilling, Tauranga Hospital, Nouvelle-Zélande, a présenté une analyse documentaire sur la prostatectomie au laser. Il existe divers types de lasers, qui se distinguent par leurs particularités techniques et leurs effets tissulaires. Les possibilités sont les suivantes : énucléation, résection, ablation/vaporisation photosélective de la prostate (PVP, pour photoselective vaporization of the prostate) et coagulation. Il existe seulement trois modestes études avec randomisation sur la comparaison de la coagulation interstitielle (CI) et de la RTUP. Comparativement à la RTUP, la CI est associée à un cathétérisme plus long, à un débit urinaire significativement plus faible et à des complications plus fréquentes. En outre, les taux de reprise du traitement après CI se sont établis à 16 % après un an et à 40 % après trois ans. Enfin, elle amène une réduction de 19,4 % seulement du volume de la prostate. C’est une technique essentiellement abandonnée à l’extérieur des États-Unis. L’ablation/PVP au laser est réalisée grâce au laser KTP (méthode Greenlight PVP, 532 nm) ou holmium (HoLAP, 2140 nm). Les deux interventions s’équivalent; on dispose essentiellement, pour l’une comme pour l’autre, de résultats provenant d’établissements uniques et de peu de données de qualité. Des chiffres sur la PVP couvrant une période de trois ans et provenant de 139 patients font état d’une diminution de 29 % du volume prostatique.

L’énucléation de la prostate est pratiquée au moyen d’un laser holmium et constitue, ni plus ni moins, une prostatectomie endoscopique selon la technique de Millin. Cette méthode, qui se solde par l’ablation d’une plus grande quantité de tissus, commande une courbe d’apprentissage structurée; de fait, les techniques d’extraction tissulaire en sont à leurs balbutiements. On a mené huit essais comparatifs avec randomisation sur l’énucléation de la prostate au laser, et dans quatre d’entre eux, l’intervention de comparaison était la RTUP; l’énucléation s’est montrée plus efficace sur le plan urodynamique. Par ailleurs, on a comparé l’énucléation au laser à la prostatectomie ouverte dans le cadre de deux études avec randomisation. Après 24 mois, les paramètres hémodynamiques semblaient similaires (Kuntz RM, Lehrich K. J Urol 2002;168[4 Pt 1]: 1465-9; Naspro et al. Eur Urol 2006;50[3]:563-8). Selon les arguments actuels, l’énucléation constitue l’application la plus judicieuse des lasers.

Prévention de la progression de l’HBP

Le Dr Mark J. Speakman, urologue-conseil et codirecteur médical, Taunton & Somerset NHS Trust, Royaume-Uni, considère l’HBP comme une affection chronique évolutive. Les facteurs laissant entrevoir une progression de l’HBP sont les symptômes, la gêne, le débit urinaire, l’âge, le volume de la prostate, le taux de l’antigène spécifique de la prostate (PSA), le volume résiduel et, selon des observations plus récentes, l’inflammation. Un volume prostatique >40 cm3 multiplie par trois le risque de rétention urinaire, tandis qu’un taux de PSA >1,4 ng/mL le multiplie par neuf (Marberger et al. Eur Urol 2000;38[5]:563-8). La prise de finastéride a réduit de 57 % le risque de rétention urinaire aiguë (McConnell et al. N Engl J Med 1998;338[9]:557-63), réponse comparable à celle qu’a amenée le dutastéride (Roehrborn et al. Urology 2002; 60[3]:434-41). Les deux études, dans lesquelles l’intervention chirurgicale servait de marqueur de la progression, ont conduit à des résultats semblables.

Dans la population de l’étude MTOPS, le risque de progression a chuté de 66 % au sein du groupe finastéride/doxazosine (McConnell et al. N Engl J Med 2003;349[25]:2387-98). Le coût du traitement d’association pose toutefois un problème. En effet, l’équipe MTOPS a établi qu’il fallait traiter 8,4 patients pour prévenir un cas de progression. Cependant, si l’on réserve le traitement aux patients exposés à un risque élevé (PSA >4 ng/mL ou volume prostatique >40 cm3), on devra en traiter moins de cinq pour que l’un d’entre eux en retire des bienfaits. «Pouvons-nous nous permettre de rester les bras croisés quand l’HBP progresse?», s’interroge le Dr Speakman. À partir des données de l’étude MTOPS, on a élaboré un nomogramme qui facilite l’évaluation du risque de progression de l’HBP; on peut le consulter à www.oncovance.com (Slawin KM, Kattan MW. Rev Urol 2004;6[2]:89-92). Les hommes fortement exposés au risque de progression de l’HBP pourraient tirer parti du traitement d’association.

Rôle du PSA dans le dépistage, le diagnostic et le suivi du cancer de la prostate

Les données sur l’incidence du cancer de la prostate aux États-Unis et sur la mortalité qui en découle, recueillies depuis la mise en place du dépistage par dosage du PSA, révèlent une hausse initiale de l’incidence suivie d’un plateau, nous apprend le Dr Richard D. Williams, directeur, département d’urologie, University of Iowa, Iowa City. Toutefois, la baisse du taux de mortalité par cancer de la prostate n’est perceptible que depuis quelques années. Il ajoute qu’on observe aujourd’hui un recul de la mortalité aux États-Unis, selon les données du programme SEER, de même qu’au Canada et en Autriche. On ne note pas de déclin de la mortalité par cancer de la prostate dans les pays où l’on ne procède pas à son dépistage, par exemple le Mexique. Comme l’explique le Dr Williams, la variation de la mortalité pourrait tenir à un diagnostic devancé grâce au dosage du PSA, à une meilleure prise en charge, au biais d’anticipation ainsi qu’au changement des causes possibles de mortalité et des modalités de divulgation des décès.

Le dépistage du cancer de la prostate repose sur le toucher rectal et le dosage du PSA. Ce dosage est assorti d’un taux de détection plus élevé que le toucher rectal, mais c’est en alliant ces deux méthodes que l’on obtient le dépistage le plus efficace. Le dosage du PSA ne constitue cependant pas la solution idéale, car on ne s’entend pas sur une valeur limite sûre. Pour accroître la spécificité du PSA, on a mesuré sa vélocité, sa densité, sa valeur en fonction de l’âge ainsi que le pourcentage des fractions libre et liée. «Le taux de PSA est de peu d’utilité s’il n’est évalué qu’une seule fois, note le Dr Williams. On doit généralement obtenir deux ou trois dosages longitudinaux pour déterminer si le patient est réellement vulnérable, à moins que son taux ne soit extrêmement élevé. À notre avis, une valeur de 0,75 ng/mL/année est acceptable chez les patients dont le taux de PSA est de 4-10 ng/mL, mais des données récentes nous autorisent à penser qu’un taux de PSA de 2,5 ng/mL assorti d’une vélocité de 0,5 ng/mL/année évoque un risque de cancer», poursuit-il.

Le dépistage par dosage du PSA suscite quelques préoccupations, de nature pécuniaire notamment. Aux États-Unis, on évalue à 25 milliards de dollars, pour la première année seulement, le coût d’un tel dépistage si on y soumettait les hommes de 50 à 70 ans. Parmi les autres éléments à prendre en considération, on compte l’anxiété provoquée par la biopsie prostatique et la morbidité découlant tant de la biopsie que du traitement.

Le dosage du PSA aux fins de dépistage précoce offre aussi des avantages. Ainsi, l’incidence de l’atteinte des ganglions lymphatiques a été ramenée de 25-50 % à 2-3 %, tandis que celle du cancer localisé s’est accrue, passant de 40 % à 82 %. «Ces changements se traduiront vraisemblablement par une prolongation de la survie à long terme, mais nous n’en sommes pas encore là», affirme le Dr Williams. Le dépistage du cancer de la prostate amènera-t-il un déclin de la mortalité? Nous l’ignorons pour l’instant, mais les études avec randomisation en cours pourraient nous éclairer.

De l’avis du Dr Williams, les hommes exposés à un risque élevé (soit les Afro-américains et les personnes ayant des antécédents familiaux de cancer de la prostate) dont l’espérance de vie est supérieure à 10 ans sont, pour l’heure, les premiers candidats à un dépistage, et ce, dès l’âge de 40 ans. Toujours selon ce médecin, le dépistage devrait être réalisé avec l’accord du patient, et les hommes à faible risque devraient, s’ils le souhaitent, s’y soumettre à partir de 50 ans. «En fait, nous avons besoin d’un marqueur de progression qui nous indiquera qu’un patient est atteint d’un cancer de la prostate susceptible de progresser», de conclure le Dr Williams.

Chimioprévention du cancer de la prostate

Le Dr Claude Schulman, chef de service, Urologie, Hôpital Erasme, Bruxelles, Belgique, fait remarquer que la mortalité par cancer n’a pour ainsi dire pas bougé au cours des 30 dernières années, période pendant laquelle la mortalité d’origine cardiaque a pour sa part décru de 30 %. Le médecin attribue cette baisse à la médecine préventive. Or, il s’écoule de nombreuses années entre les altérations génétiques qui détermineront un cancer de la prostate et l’expression clinique de la maladie. Conclusion : le médecin traitant dispose d’une bonne marge de manœuvre. Lors d’un essai sur le cancer mené en Scandinavie chez 44 788 paires de jumeaux, ajoute le Dr Schulman, on a constaté que l’hérédité avait joué un rôle dans 10 % des cancers seulement (Lichtenstein et al. N Engl J Med 2000;343[2]:78-85). Par ailleurs, on constate que l’incidence du cancer de la prostate augmente chez les Asiatiques qui émigrent aux États-Unis ou en Europe. «Les coupables ne se cachent pas dans vos gènes, révèle le Dr Schulman : ils sont autour de vous.»

L’obésité et une alimentation riche en acides gras oméga-6 et en graisses saturées d’origine animale favorisent le cancer de la prostate. La vitamine E, les lycopènes, les caroténoïdes, le soja, les phytoestrogènes, le calcium et le sélénium seraient pour leur part salutaires, mais on en saura davantage à ce sujet au terme de l’étude SELECT (Selenium and Vitamin E Cancer Prevention Trial).

On a mis au jour les bienfaits du finastéride lors de l’essai PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial), qui a conduit à un recul du 24,8 % du risque de cancer de la prostate (Thompson et al. N Engl J Med 2003;349[3]:215-24). Selon certaines données, les statines exerceraient elles aussi un effet favorable dans le cancer de la prostate. Le Dr Laurence Klotz, professeur titulaire de chirurgie, University of Toronto, Ontario, a dissipé les inquiétudes suscitées par les tumeurs de grade élevé observées dans le groupe finastéride de l’étude PCPT. Selon ses explications, cette situation tient à un volume prostatique moindre et à des dosages du PSA plus précis dans le groupe visé. D’ailleurs, les sujets de cet essai qui ont subi une prostatectomie radicale n’étaient pas porteurs d’une tumeur de grade plus élevé.

Reprise des examens de dépistage dans le cancer de la prostate

Le Dr Judd Moul, chef de l’urologie, Duke University Medical Centre, Durham, Caroline du Nord, a présenté des données démontrant que lorsqu’on procède à des examens de dépistage successifs, 72 % des cancers de la prostate sont de stade T1c. Ces épreuves successives ont également fait passer de 62 % à 77 % le taux de cancer localisé à la prostate. Enfin, c’est aussi grâce à elles que l’on détecte aujourd’hui le cancer à un stade moins avancé aux États-Unis et dans d’autres pays développés.

Le Pr Laurent Boccon-Gibod, chef de service, Urologie, Hôpital Bichat, Paris, France, a parlé des circonstances justifiant l’exécution d’une biopsie initiale de la prostate, puis la reprise d’une biopsie. Il y a des cas où l’intervention est formellement indiquée. Toutefois, lorsque le taux de PSA n’est que légèrement élevé et que le toucher rectal ne révèle aucune anomalie, la biopsie est facultative : tout dépend du but recherché. «Souhaitez-vous déceler et traiter tous les cancers de la prostate ou uniquement ceux qui risquent de nuire au patient?», demande le professeur. Pour mettre au jour tous les cancers, il faudrait pratiquer une biopsie chez tous les hommes de 45 à 75 ans, ce qui risquerait fort de se traduire par des traitements excessifs. «Nous pourrions probablement faire preuve de modération en nous attachant à diagnostiquer uniquement les cancers susceptibles de nuire au patient, auquel cas la biopsie serait réservée aux patients dont le toucher rectal est anormal ou le taux de PSA est >4 ng/mL», propose le Pr Boccon-Gibod. En abaissant la valeur seuil du PSA à 2,5, on augmente le nombre de biopsies, sans pour autant faire reculer le taux de mortalité par cancer de la prostate, du moins selon les données actuelles.

Une reprise de biopsie s’impose si la biopsie initiale, quoique négative, a été réalisée à l’aide d’une trop faible quantité de tissus. On doit prélever de huit à 12 carottes d’une longueur minimale de 10 mm. La biopsie est également indiquée lorsque le taux de PSA demeure élevé ou à la hausse (Djavan et al. Eur Urol 2002;42[2]:92-103). Le prélèvement d’un plus grand nombre de carottes biopsiques a ramené de 40 % à 25 % l’incidence du cancer de la prostate associé à une néoplasie intra-épithéliale prostatique de grade élevé. On recommande de réévaluer le taux de PSA et de reprendre la biopsie après un an. L’existence d’une prolifération acineuse atypique peu étendue – associée au cancer de la prostate dans ³40 % des cas – ou d’un foyer suspect commande également une reprise de biopsie (Epstein JI, Herawi M. J Urol 2006;175[3 Pt 1]:820-34). Si la biopsie initiale révèle un micro-foyer cancéreux, on recommande de pratiquer une biopsie en saturation (32 carottes), qui sera négative chez 30 % des patients (Boccon-Gibod et al. J Urol 2006;176[3]:961-3). L’exécution de la biopsie initiale et les reprises de biopsie sont fonction de l’évaluation du risque. Un échantillonnage minutieux, un dossier pathologique irréprochable et une évaluation soignée prémuniront le clinicien contre les conclusions nébuleuses.

Résumé

Les maladies touchant la prostate mobilisent beaucoup de ressources de soins de santé. En effet, l’HBP et le cancer de la prostate entraînent tous les deux une morbidité appréciable. La prise en charge de l’HBP n’a pas échappé au principe voulant que le mieux soit l’ennemi du bien, vague de fond qui déferle sur le monde de la médecine. Cela dit, les modalités thérapeutiques doivent toutes être comparées au traitement de référence.

On doit repérer les patients grandement exposés au cancer de la prostate et les soumettre à des stratégies de prévention appropriées. Mais le travail de discrimination ne s’arrête pas là, car, une fois le diagnostic de cancer posé, on doit savoir distinguer les personnes chez lesquelles la maladie a une véritable portée clinique de sorte à épargner aux autres la morbidité liée à des traitements inutiles.

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