Comptes rendus

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Immunosuppression et cancer : changements favorables à l’horizon

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 7e Conférence internationale sur les nouvelles tendances en immunosuppression et en immunothérapie

Berlin, Allemagne / 16-19 février 2006

«Le cancer est devenu la cause première de mortalité chez les greffés d’organes. Il devance même la mortalité cardiaque dans certains centres», affirme le Dr Josep Campistol, Hospital Clinic i Provincial, Barcelone, Espagne. «Après 10 à 30 ans, un cancer apparaît chez 80 % des patients. Environ 75 % de ces cancers sont des cancers de la peau, mais 40 % des greffés finissent par présenter une tumeur organique qui mène souvent à la mort bien que le traitement soit par ailleurs une réussite.»

Le Dr Campistol note que les inhibiteurs de la calcineurine (ICN), en particulier, exercent assurément un effet oncogène qui semble relié à l’intensité de l’immunosuppression. L’incidence du cancer est significativement plus élevée et le délai d’apparition du cancer est significativement plus court lorsque les patients reçoivent une immunosuppression plus intensive à base d’un ICN, explique-t-il, ajoutant qu’il a été démontré que l’utilisation d’un ICN mène surtout à des métastases pulmonaires et à des tumeurs organiques plus volumineuses. De plus, on croit que les ICN pourraient activer des oncovirus oncogènes.

Les inhibiteurs de la mTOR – qui forment une nouvelle famille – sont non seulement de puissants immunosuppresseurs en soi, mais ils exercent aussi d’importants effets antitumoraux et antiprolifératifs dans le cycle cellulaire qui sont indépendants de leurs propriétés immunosuppressives, explique le Dr Campistol. Lorsqu’il se lie à la mTOR, le sirolimus bloque l’une des principales voies utilisées par les oncogènes qui sont souvent incriminés dans le cancer chez l’humain. «Les inhibiteurs de la mTOR bloquent l’activité tumorale de deux façons : premièrement, en inhibant la croissance de la tumeur et, deuxièmement, en bloquant l’angiogenèse, poursuit-il. L’angiogenèse joue un rôle stratégique dans l’apparition et la croissance des tumeurs ainsi que dans la propagation des métastases.»

Résultats des transplantations rénales

Un essai italien a confirmé la première observation du Dr Campistol, à savoir que le remplacement de la cyclosporine (CsA) par le sirolimus peut autoriser une régression complète d’un sarcome de Kaposi établi chez des patients greffés. Quinze patients ayant reçu un greffon prélevé chez un donneur mort sont passés de la CsA et du mycophénalate mofétil (MMF) plus la prednisone au sirolimus et à la prednisone lorsqu’ils ont reçu un diagnostic de sarcome de Kaposi. Les lésions cutanées ont commencé à disparaître en l’espace d’un mois et avaient complètement disparu chez tous les patients après trois mois de traitement par le sirolimus. À l’examen histologique, aucun des fragments biopsiques prélevés à six mois ne montrait de traces du sarcome de Kaposi.

Pour que l’on puisse explorer les retombées du retrait de la CsA d’un schéma à base de sirolimus sur la survie et le fonctionnement du greffon, plus de 500 greffés du rein ont reçu une trithérapie à base de sirolimus, de CsA et de stéroïdes, et l’administration de la CsA a été arrêtée chez la moitié des patients après trois mois. L’autre moitié continuait de recevoir le sirolimus plus un stéroïde.

«La survie du greffon et la fonction rénale évaluées aux suivis de trois et de quatre ans étaient significativement supérieures chez les patients qui avaient cessé de recevoir l’ICN à trois mois, et le greffon affichait un meilleur profil histologique, rapporte le Dr Campistol. À cinq ans, l’incidence de tous les types de cancer était significativement plus faible chez les patients qui ne prenaient plus de CsA.»

«Dans le cas du cancer de la peau, la différence entre les groupes de traitement était très importante et statistiquement significative, tant selon l’analyse des sujets sous traitement que selon l’analyse en intention de traiter, ajoute-t-il. Selon l’analyse en intention de traiter, les cancers touchant un organe – entre autres, les cancers du poumon, de la vessie, du rein, de l’appareil digestif, etc. – étaient significativement moins fréquents à cinq ans chez les patients qui ne prenaient plus de CsA que chez ceux qui recevaient la trithérapie. Parmi les sept patients qui sont morts des suites d’un cancer pendant l’étude, cinq faisaient partie du groupe trithérapie et deux, de la cohorte recevant le sirolimus plus un stéroïde.»

Mécanismes qui sous-tendent le changement

Le Dr Edward Geissler, Université de Ratisbonne, Allemagne, souligne que le facteur de croissance transformant bêta (TGF-ß), qui affecte la croissance tumorale et qui rend en fait les cellules tumorales plus invasives, augmente sous l’effet d’un ICN, tout comme le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF), qui est probablement le facteur de croissance le plus important pour ce qui est de la formation des vaisseaux sanguins dont a besoin la tumeur pour croître et se propager. Les actions des inhibiteurs de la mTOR, en revanche, sont médiées par l’inhibition des voies de signalisation intracellulaire, lesquelles sont vitales à la croissance et à la dissémination métastatique des cellules cancéreuses et à l’angiogenèse de la tumeur. «Si l’on bloque la protéine mTOR, il se pourrait que l’on fasse obstacle à la capacité des cellules cancéreuses de fonctionner, de croître et de se propager, explique-t-il. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons implanté des adénocarcinomes du côlon chez des souris et observé que les tumeurs étaient inhibées de manière substantielle chez les animaux traités par le sirolimus alors qu’elles étaient volumineuses et bien vascularisées chez les animaux témoins recevant une solution saline.»

Le Dr Geissler précise que la surface vascularisée chez les animaux du groupe sirolimus était beaucoup plus petite et que les vaisseaux en développement n’étaient pas bien reliés entre eux ni ne fonctionnaient de façon suffisamment efficace pour bien irriguer la tumeur et ainsi permettre sa croissance. En revanche, la formation rapide de vaisseaux chez un certain nombre d’animaux ayant reçu la CsA était encore plus prolifique que chez les animaux n’ayant reçu aucun traitement actif. Le sirolimus limite l’angiogenèse en inhibant la synthèse, la transcription et la capacité de signalisation du VEGF. Cette observation a été confirmée par de nombreux modèles, dont l’hypernéphrome et l’adénocarcinome humains, dans son établissement. De plus, l’effet antitumoral des inhibiteurs de la mTOR chez les greffés d’organes n’est pas perdu même en présence d’un ICN.

«Lorsqu’on se sert d’un inhibiteur de la mTOR, peut-être faisons-nous obstacle aux effets cancéreux des immunosuppresseurs chez les greffés d’organes en diminuant l’angiogenèse de même qu’en inhibant la croissance tumorale et la dissémination métastatique des cellules tumorales, conclut-il. Ces nouveaux immunosuppresseurs pourraient même exercer un effet favorable sur la réplication virale, ce qui serait important parce que l’initiation des tumeurs secondaires aux greffes est souvent déclenchée par un virus.»

Fonctionnement du greffon

«La néphrotoxicité fait suite à l’utilisation continue d’un ICN chez la quasi-totalité des greffés du rein traités. On se retrouve donc face à un déclin inexorable de la fonction rénale avec le temps», fait valoir le Dr Stuart M. Flechner, Cleveland Clinic Lerner College of Medicine Transplant Center, Ohio. «Les résultats se détériorent assez soudainement après la première année; à cinq ans, la perte du greffon est importante, et les statistiques à 10 ans ne sont pas meilleures qu’au cours des décennies antérieures. On observe donc un déclin de la fonction rénale qui s’accompagne de signes de néphrotoxicité de l’ICN.»

Dans le cadre d’un essai prospectif et randomisé visant à explorer l’issue d’une immunosuppression sans ICN chez des greffés du rein exposés à un risque faible à modéré, son équipe a eu recours à un traitement d’induction par le basiliximab suivi du MMF, de stéroïdes et du sirolimus ou de la CsA. Le Dr Flechner rapporte que les taux de fonctionnement retardé des greffons prélevés chez des donneurs morts et de rejet aigu n’étaient pas plus élevés chez les patients ne recevant pas d’ICN pour autant que ceux-ci aient reçu un anticorps. À trois mois, quand les chercheurs ont mesuré le taux sérique de créatinine, ils ont observé une différence significative de 15 à 20 % en faveur du traitement sans ICN.

Une étude satellite chez le même groupe de patients a démontré que plus de 70 % des biopsies provenant de patients n’ayant pas reçu d’ICN affichaient un score de 0 selon la classification de Banff, contrairement à seulement 20 % des biopsies provenant de patients ayant reçu un ICN. Par ailleurs, les chercheurs ont noté une différence pouvant atteindre 20 % sur le plan du débit de filtration glomérulaire (DFG), mais aucune différence significative quant à l’excrétion de protéines. Au chapitre de la survie des patients à cinq ans, l’absence d’ICN n’avait été associée à aucun compromis, mais il y avait une différence de 7 % quant à la survie du greffon. Si l’on exclut les patients dont le greffon était fonctionnel à la mort, la différence entre les deux groupes quant à la survie des greffons à cinq ans était de 20 %.

«L’immunosuppression sans ICN mais avec un traitement d’induction par un anticorps peut se faire sans risque et donner des résultats similaires à cinq ans chez les patients exposés à un risque faible à modéré, de conclure le Dr Flechner. Le traitement sans ICN a été associé à une meilleure fonction rénale lors de chaque évaluation et à la conservation du profil histologique du greffon à deux ans; or, j’estime que la préservation du profil histologique se traduit par un meilleur DFG.»

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