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Lipoatrophie et efficacité du traitement chez les patients déjà traités

Infection à VIH : obtenir l’avirémie chez les patients déjà traités

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 15e Conférence canadienne annuelle sur la recherche sur le VIH/SIDA

Québec, Québec / 25-28 mai 2006

Les conférenciers s’entendent pour dire que, dans le traitement de l’infection à VIH, le choix d’un schéma doit reposer largement sur une bonne connaissance de la situation, la clairvoyance et la prudence, surtout si le patient a déjà reçu plusieurs traitements, car une mauvaise décision peut sérieusement compromettre la réponse au traitement.

Stratégies préalables, résistance actuelle

«Depuis 20 ans, nous faisons face à des problèmes de plus en plus complexes», affirme la Dre Sharon Walmsley, professeure agrégée de médecine, University of Toronto, Ontario. Par exemple, on sait maintenant que de nombreuses stratégies mises à l’essai dans le passé, dont les monothérapies séquentielles, favorisent l’émergence de souches résistantes. «Nous avons maintenant la responsabilité de nous assurer que cela n’arrive plus en optant systématiquement pour un traitement d’association.»

Lorsque le virus devient multirésistant, il risque d’être transmis à d’autres patients et de s’accumuler dans les réservoirs, de sorte que «les souches résistantes se logent dans le cerveau, la moelle épinière et les ganglions lymphatiques pour ensuite faire irruption lorsque l’effet suppressif du traitement n’est pas suffisant», explique la Dre Walmsley.

Les schémas «méga-HAART» – terme qui sous-entend essentiellement que l’on traite le patient avec tous les agents à notre disposition – semblaient une stratégie logique à l’époque, mais dans la pratique, on a constaté qu’ils entraînaient la prise d’un nombre excessif de comprimés, des problèmes d’observance et des coûts élevés. De même, des concentrations sous-optimales de médicaments favorisent la sélection de souches virales résistantes.

Les interruptions de traitement programmées (ITP) ont aussi été préconisées à un moment donné, l’hypothèse voulant que la réintroduction d’un agent après une pause du traitement renouvelle la sensibilité du virus au traitement. Les résultats de l’étude CTN 164 sur les ITP réalisée par la Dre Walmsley et ses collègues (qui ont été dévoilés à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes de 2005) ont révélé que cette stratégie n’est pas appropriée chez les patients porteurs de souches virales multirésistantes. En effet, les résultats de l’étude ont montré que la suppression de la charge virale n’était pas plus probable sous l’effet d’un nouveau schéma de sauvetage si le patient avait d’abord été soumis à une ITP, sans compter que les ITP comportent un faible risque de progression, note la Dre Walmsley.

Chez les patients porteurs de multiples mutations de résistance aux inhibiteurs de la protéase (IP), l’une des stratégies proposées consiste à utiliser deux IP en association à des concentrations assez élevées à l’aide du ritonavir (r) comme agent potentialisateur (IP/r). Les études de pharmacocinétique montrent qu’il faut toutefois faire preuve de prudence, parce que certaines stratégies IP/r ont des effets thérapeutiques additifs alors que d’autres n’en ont pas. Par exemple, si le saquinavir est utilisé en association avec le lopinavir/r, l’atazanavir ou le fosamprénavir, les effets sont additifs. Cependant, les taux de protéase baissent d’environ 80 % si le saquinavir est associé avec le tipranavir (TPV). De même, l’utilisation du lopinavir/r en association avec le fosamprénavir abaisse les concentrations des deux agents. «Si vous songez à utiliser deux IP potentialisés par le ritonavir, je vous conseille de consulter votre pharmacien pour déterminer la dose optimale», prévient la Dre Walmsley.

Changement de paradigme

Fort heureusement, «le paradigme a changé», note-t-elle, car nous avons à notre disposition de nouveaux agents qui peuvent donner lieu à une bonne réponse, même chez les patients multirésistants qui ont déjà reçu plusieurs traitements. L’enfuvirtide, représentant d’une toute nouvelle classe d’agents appelés inhibiteurs de l’entrée, a été le premier de ces nouveaux antirétroviraux, mais les classes existantes nous offrent maintenant des antirétroviraux efficaces contre les souches virales résistantes.

Lors des essais RESIST 1 et 2 (Randomized Evaluation of Strategic Intervention in Multi-drug Resistant Patients with Tipranavir), le TPV potentialisé par le ritonavir (TPV/r) a essentiellement doublé la proportion de patients au lourd passé thérapeutique qui avaient obtenu une virémie <50 copies/mL après 48 semaines, par comparaison aux IP de comparaison potentialisés par le ritonavir (IPC/r). Dans le groupe du schéma IPC/r le plus utilisé, c’est-à-dire le lopinavir/r, 11,5 % des patients avaient obtenu une virémie <50 copies/mL à 48 semaines. Les autres IPC évalués dans les essais RESIST étaient le saquinavir, l’amprénavir et l’indinavir, et tous étaient potentialisés par le ritonavir.

Plus de 33 % des patients qui recevaient le schéma TPV/r ont aussi atteint l’un des paramètres principaux, à savoir la baisse de 1 log10 copies de la charge virale à 48 semaines, vs seulement 15 % environ dans les groupes IPC/r. De même, les probabilités d’échec du traitement à 48 semaines étaient 37 % plus faibles chez les patients recevant le TPV/r.

Dans le cadre des essais RESIST, l’évaluation des données à 24 semaines a montré que le TPV/r augmentait la proportion de patients obtenant une réponse au traitement à chaque palier du score de sensibilité génotypique (SSG), et l’ampleur de la réponse augmentait à tous les paliers du SSG lorsque l’enfuvirtide était associé au TPV/r.

Les essais réalisés chez les patients multirésistants montrent clairement que l’utilisation d’au moins deux nouveaux agents efficaces contre les souches multirésistantes du virus peut donner lieu à une réponse robuste. Le plan des essais TORO (T-20 vs. Optimized Regimen Only) (Lalezari et al. N Engl J Med 2003;348[22]:2175-85) sur l’enfuvirtide, inhibiteur de l’entrée, était semblable à celui des essais RESIST. Comme dans RESIST, les patients étaient randomisés de façon à recevoir soit un schéma optimisé de trois à cinq antirétroviraux, soit le schéma optimisé plus le nouvel agent. Les résultats ont révélé que les patients qui recevaient l’enfuvirtide avaient de meilleurs résultats que ceux qui ne le recevaient pas, mais ceux qui recevaient l’enfuvirtide en association avec un autre agent actif auquel ils n’avaient pas été exposés et auquel leur infection demeurait sensible sont ceux qui ont bénéficié des meilleurs résultats. Dans le groupe enfuvirtide plus un autre agent actif (généralement le lopinavir/r, qui était encore assez nouveau au moment où l’étude a été réalisée), 37 % ont obtenu une réponse virologique de <50 copies/mL – «chose que nous n’avions encore jamais vue chez des patients traités au préalable», fait valoir la Dre Walmsley.

Nouvelles options

Les résultats des essais RESIST 1 et 2 et des essais TORO ont été comparables chez les patients multirésistants. Les patients qui ont reçu le TPV/r plus un autre agent auquel ils n’avaient jamais été exposés et qui était actif contre leur virus (en général, l’enfuvirtide dans cet essai) sont ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats. Parmi ces patients, quelque 36 % ont obtenu une baisse de la charge virale sous le seuil de 50 copies/mL à 48 semaines.

«Depuis un an ou deux, nous avons des options, et la possibilité d’un schéma qui offre une suppression maximale est réelle. Nous devons donc nous assurer que nous amorçons le traitement lorsque le patient peut en bénéficier et que nous n’attendons pas trop longtemps avant d’agir», de conclure la Dre Walmsley.

Facteurs à considérer

Les lignes directrices actuelles recommandent de tester la résistance lorsqu’un schéma devient inefficace, et la plupart des provinces utilisent maintenant le rapport de résistance VircoTYPE VIH-1, souligne la Dre Cécile Tremblay, directrice, Unité des soins et de la recherche cliniques, CHUM-Hôpital Hôtel-Dieu, Montréal, Québec. En outre, «il est important de comprendre comment les souches résistantes sont apparues, ajoute-t-elle, et nous devons tenir compte des antirétroviraux que le patient a déjà pris parce que les mutations présentes pourraient conférer une résistance qui n’apparaît pas sur le rapport».

Cela dit, la solution n’est pas si simple et ne se limite pas à opter pour des médicaments anti-VIH auxquels le patient demeure sensible. Par exemple, le schéma à base d’inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) devrait demeurer intact même si le virus y est totalement résistant. Dans une étude citée par le Dr Jean-Guy Baril, Clinique médicale du Quartier Latin, et chef, Service-Consultation-Liaison VIH/SIDA, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, les patients qui étaient porteurs de la mutation M184V se portaient mieux, cliniquement parlant, s’ils continuaient de prendre le 3TC, même si l’efficacité du traitement était en perte de vitesse, que s’ils cessaient de le prendre. Cette classe d’agents doit donc continuer de faire partie intégrante du traitement de sauvetage chez les patients dont le traitement a échoué, note-t-il.

De l’avis de la Dre Mona Loutfy, division des maladies infectieuses, North York General Hospital, et professeure adjointe de médecine, University of Toronto, Ontario, les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), surtout chez les patients qui n’en ont jamais reçu, doivent être envisagés lorsqu’on détermine la composition d’un nouveau schéma. Comme on l’a vu dans les résultats des essais RESIST, l’association du TPV/r et d’un INNTI était la meilleure option dans l’étude. Cependant, prévient la Dre Loutfy, «tout n’est pas parfait du côté des INNTI parce qu’une mutation unique qui confère la résistance à un INNTI se traduit par une forte résistance croisée à d’autres classes».

Résumé

Les premiers efforts déployés pour maîtriser à nouveau une infection à VIH multirésistante ont été en grande partie décourageants. La mise au point de nouveaux agents qui conservent leur efficacité contre des souches du VIH résistantes à tous les autres traitements existants nous permet d’espérer de meilleurs résultats à long terme. Nous avons tiré plusieurs leçons des vastes essais de phase III TORO et RESIST, notamment que l’optimisation des résultats passe par un premier schéma qui comporte au moins deux médicaments dont l’efficacité est prévisible. C’est donc dire que les nouveaux agents ne devraient pas être mis de côté jusqu’à ce que toutes les autres options aient été épuisées, mais plutôt être employés lorsqu’il y a au moins un autre agent doté d’une efficacité prévisible avec lequel ils peuvent être associés.

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