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Insuffisance rénale et autres complications chez le patient infecté par le VIH qui vieillit

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Nouvelles Frontières - 10e Congrès international sur la pharmacothérapie de l’infection à VIH

Glasgow, Royaume-Uni / 7-11 novembre 2010

La morbidité associée au vieillissement accéléré chez les patients infectés par le VIH, thème central de nombreux congrès récents sur le VIH/SIDA, est maintenant la principale menace pesant sur les patients dont l’infection est maîtrisée. Bien que la quasi-totalité des systèmes organiques semblent touchés par un processus que certains chercheurs ont attribué à la sénescence mitochondriale induite par le VIH, l’appareil rénal pourrait être la source méconnue d’événements potentiellement mortels.

«Les modalités de surveillance de la fonction rénale chez les patients infectés par le VIH sont mal définies, et nous ignorons si elles doivent différer de celles qu’on applique chez les personnes non infectées», affirme le Dr Ole Kirk, Programme sur l’infection à VIH de Copenhague, Université de Copenhague, Danemark. Selon diverses études épidémiologiques, dont celles réalisées dans l’établissement du Dr Kirk, la détérioration de la fonction rénale survient plus fréquemment et à un âge moins avancé chez les personnes infectées par le VIH. Il n’existe toutefois aucun consensus sur la fréquence de surveillance de la protéinurie, de l’albuminurie et de la fonction rénale au moyen, notamment, du taux de filtration glomérulaire estimé (TFGe).

La dysfonction rénale trop souvent négligée

Que ce soit dans la population générale ou chez les patients vieillissants infectés par le VIH, les maladies cardiovasculaires (CV) sont à elles seules une source de morbidité et de mortalité beaucoup plus importante que la dysfonction rénale. De même, les complications hépatiques menacent davantage les patients co-infectés par le VIH et le virus de l’hépatite. Toutefois, les maladies CV et hépatiques peuvent être décelées des années, voire des décennies plus tôt que la dysfonction rénale par la surveillance de facteurs de risque tels que l’hyperlipidémie, l’hypertension ou l’élévation des enzymes hépatiques. Bien que l’évaluation systématique de facteurs de risque comme l’hypertension et le diabète permette également de prédire la survenue d’une insuffisance rénale chronique (IRC), la fonction rénale peut se détériorer rapidement en l’absence de tels facteurs; le dépistage est donc particulièrement important chez certains patients.

Il serait souhaitable que toutes les affections liées à l’âge, y compris l’IRC, soient dépistées plus tôt et peut-être plus fréquemment chez les patients infectés par le VIH. Les maladies du vieillissement n’apparaissent généralement pas avant la soixantaine chez les personnes non infectées par le VIH, et le dépistage en l’absence de signes de morbidité précoce commence rarement avant, mais comme les maladies liées à l’âge surviennent beaucoup plus tôt chez les patients infectés par le VIH, les lignes directrices s’adressant à la population générale ne sont pas toujours applicables. Plusieurs experts estiment qu’une mise à jour des stratégies de dépistage s’impose.

«La prise en charge des patients vieillissants infectés par le VIH devrait comporter une évaluation initiale du risque CV, ainsi que la surveillance périodique de la lipidémie et de la glycémie à jeun, de la fonction rénale et des marqueurs osseux», suggère le Dr William Powderly, University College of Dublin, School of Medicine & Medical Science, Irlande. Il souligne qu’un vaste corpus de données probantes permet de croire que le dépistage et la prise en charge des problèmes liés à l’âge devraient différer chez les personnes infectées par le VIH et celles qui ne le sont pas, mais reconnaît que certaines recommandations sont surtout fondées sur l’opinion d’experts plutôt que sur une approche factuelle.

«Le choix d’un antirétroviral doit tenir compte des affections concomitantes, car il faut à tout prix éviter les effets toxiques – notamment métaboliques – et les interactions médicamenteuses», affirme le Dr Powderly, précisant que certains antirétroviraux semblent accélérer la détérioration de certains organes plus que d’autres. Le traitement doit donc être ajusté en fonction du profil de risque du patient.

La prévalence des maladies rénales augmente avec l’âge

Une étude d’observation où la prévalence globale de l’IRC se chiffrait à 3 % et augmentait nettement avec l’âge est récemment venue étayer l’importance du dépistage des altérations de la fonction rénale. Selon le Dr A.W. Colson, Hôpital universitaire d’Anvers, auteur principal de cette étude réalisée à Anvers, en Belgique, ces résultats tirés d’une base de données cliniques monocentrique permettent de prédire que ce problème prendra de l’ampleur à mesure que les patients vieilliront. Selon lui, un nombre sans cesse croissant d’affections concomitantes, dont les maladies CV, seront causées par l’IRC.

«Le dépistage des néphropathies chroniques et la prévention de leur évolution vers l’IRC constituent des enjeux essentiels de la prise en charge des personnes atteintes du VIH/SIDA», confirme le Dr Colson. Ces données viennent en outre appuyer la théorie selon laquelle les patients infectés par le VIH devraient être soumis à une évaluation de leur fonction rénale lors de l’examen initial, puis bénéficier d’un suivi plus rapproché que les personnes en santé.

Les patients présentant des signes de dysfonction rénale doivent éviter la prise de médicaments susceptibles d’exacerber ce problème. De nouvelles données de l’étude EuroSIDA présentées par la Dre Lene Ryom, Programme de Copenhague sur l’infection à VIH, montrent que quatre antirétroviraux (trois inhibiteurs de la protéase [IP] et un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse [INTI]) augmentent significativement le risque relatif approché (odds ratio [OR]) de dysfonction rénale selon une analyse univariée. L’OR associé aux IP se chiffrait à 1,37 pour l’atazanavir (p=0,0032), à 1,37 pour le lopinavir (p<0,0001) et à 1,24 pour l’indinavir (p=0,0005). L’OR pour le ténofovir, seul INTI étudié, était de 1,33 (p=0,0011).

IP vs éfavirenz : effets sur la fonction rénale

Les résultats d’une autre étude présentée au congrès permettent de croire que le choix du bon antirétroviral pourrait contribuer à réduire le risque d’IRC. Des chercheurs ont comparé les paramètres de la fonction rénale chez 91 patients infectés par le VIH jamais traités au préalable auxquels on a administré du ténofovir (TDF) et de l’emtricitabine (FTC) et, après randomisation, de l’éfavirenz (EFV) ou de l’atazanavir potentialisé par le ritonavir (ATV/r). La détermination du TFGe a permis d’objectiver une détérioration de la fonction rénale au fil du temps dans les deux groupes, mais le déclin observé était plus marqué chez les patients sous TDF et ATV/r, résultats qui concordent avec ceux de l’étude EuroSIDA.

Bien que l’IRC constitue un facteur de risque bien connu de maladie CV, on sait maintenant que la dysfonction rénale participe à la pathogenèse de l’ostéoporose, l’une des maladies du vieillissement qui semble se manifester beaucoup plus tôt chez les patients infectés par le VIH. Le rôle de l’appareil rénal dans le métabolisme de la vitamine D pourrait vraisemblablement expliquer le lien pathologique entre l’IR et l’accélération de la perte osseuse. Toutefois, comme pour toute autre maladie liée à l’âge qui semble accélérée chez les sujets infectés par le VIH, d’autres facteurs de risque indépendants, comme les prédispositions génétiques, la consommation d’alcool et l’exposition au soleil, peuvent augmenter significativement le risque cumulatif de fractures. Selon le Dr Christoph Fux, Clinique universitaire des maladies infectieuses, Inselspital Berne, Suisse, la physiopathologie multifactorielle de l’ostéoporose met en jeu des facteurs de risque liés au traitement et indépendants de celui-ci.

«Bien que la réplication virale stimule la production de cytokines, lesquelles augmentent directement et indirectement l’activité des ostéoclastes responsables de la résorption osseuse, plusieurs études permettent de croire que les antirétroviraux accélèrent davantage la perte osseuse indépendamment du schéma administré», précise le Dr Fux, ce qui plaide en faveur d’un dépistage plus rigoureux chez les sujets infectés par le VIH.

L’attention portée à l’IR en présence d’infection à VIH ne doit pas primer la surveillance et l’ajustement du traitement en fonction des autres processus morbides liés au vieillissement, dont les maladies CV. L’appareil rénal n’est qu’un des systèmes organiques menacés par le vieillissement accéléré chez les patients infectés par le VIH. Le problème de l’IR a toutefois mené à d’importantes modifications de la prise en charge de l’infection à VIH. Cette dernière pouvant dorénavant être maîtrisée à vie chez la plupart des patients, le traitement vise maintenant à ralentir le vieillissement des systèmes organiques en présence d’une infection chronique.

Résumé

L’IR n’est pas la principale menace pesant sur la survie à long terme des patients infectés par le VIH qui avancent en âge, mais relève d’un processus particulièrement insidieux parfois négligé chez les patients sans facteur de risque clairement défini qui ne font l’objet d’aucun dépistage systématique. L’attention que l’on porte à l’IR chez les patients infectés par le VIH qui vieillissent témoigne d’un virage : on reconnaît maintenant le vieillissement accéléré de divers systèmes organiques et l’interaction entre ces systèmes – fonction rénale et métabolisme osseux, par exemple – dont les effets sont parfois cumulatifs.

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