Comptes rendus

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Retombées cliniques de l’optimisation du traitement par le 5-ASA

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 111e Semaine annuelle des maladies digestives (DDW)

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 1er-5 mai 2010

De nouvelles données issues du vaste essai multinational PODIUM (Pentasa Once Daily in Ulcerative Colitis for Maintenance of Remission) publié l’année dernière (Dignass et al. Clin Gastroenterol Hepatol 2009;7:762-9) montrent que la mésalamine à libération prolongée en sachet administrée une fois par jour est hautement efficace pour maintenir durablement la cicatrisation de la muqueuse et la rémission chez des patients atteints de colite ulcéreuse (CU).

Cicatrisation de la muqueuse

Si la rémission était le paramètre principal de l’étude publiée, lors de laquelle les patients avaient été randomisés de façon à recevoir de la mésalamine à raison de 2 g une fois par jour ou de 1 g deux fois par jour, les nouvelles données portent sur la cicatrisation. «À en juger par l’apparence de la muqueuse, les deux groupes de l’étude ne différaient pas de manière significative, mais on a observé une tendance à la hausse du pourcentage de patients dont la muqueuse paraissait tout à fait normale dans le groupe sous traitement uniquotidien», souligne le Dr Axel Dignass, Service de gastroentérologie, Hôpital Markus, Francfort, Allemagne. «Ces résultats sont compatibles avec la supériorité déjà démontrée du schéma à une prise par jour sur le schéma à deux prises par jour au chapitre de la rémission.» Bien que les deux schémas aient été efficaces, le schéma à une prise par jour a été le préféré des deux.

Les nouvelles données sont tirées de l’étude PODIUM, lors de laquelle 362 patients dont la CU était quiescente ont été randomisés de façon à recevoir de la mésalamine à libération prolongée en sachets une ou deux fois par jour; les deux schémas ont ensuite été comparés à 12 mois sur le plan de la rémission (Dignass et al. 2009). Dans le cadre de cette étude, 70,9 % des patients recevant le schéma à une prise par jour vs 58,9 % des patients recevant le schéma à deux prises par jour répondaient aux critères de rémission, laquelle était évaluée à l’aide du score UCDAI (UC Disease Activity Index). Lors de la quasi-totalité des auto-évaluations de chaque sujet de l’étude, l’adhésion était supérieure parmi les patients traités une fois par jour, ce qui pourrait expliquer la supériorité du schéma 2 g une fois par jour.

La nouvelle analyse du même essai découle de l’évaluation sigmoïdoscopique à 12 mois. L’apparence de la muqueuse était évaluée à l’aide d’un score UCDAI de trois points. Pour les besoins de l’analyse, on attribuait un score de 0 si la muqueuse était d’apparence normale et un score de 1 si on observait de l’érythème, un réseau capillaire moins important, une légère friabilité ou une granularité minime; un score de 3 était attribué si la muqueuse dénotait une maladie sévère. Au départ, la quasi-totalité des patients (>99 %) avaient un score de 0 ou 1, mais plus de la moitié (~55 %) avaient un score de 0.

Au terme des 12 mois, la cicatrisation de la muqueuse – correspondant à un score de 0 ou 1 – a été observée chez 85,1 % des patients recevant 2 g une fois par jour et 81,4 % des patients recevant 1 g deux fois par jour. Dans le groupe recevant le schéma uniquotidien, 49,3 % des sujets avaient un score de 0, vs 46,2 % pour le schéma biquotidien : les muqueuses complètement cicatrisées étaient donc plus nombreuses dans le groupe traité une fois par jour, mais l’écart entre les deux groupes n’était pas statistiquement significatif. Le Dr Dignass souligne qu’un taux élevé de cicatrisation de la muqueuse pourrait être important, car les données prouvant que la cicatrisation est annonciatrice de la quiescence s’accumulent, même si elles demeurent incomplètes.

Colite gauche

Une autre analyse de l’étude PODIUM a fait ressortir des résultats très similaires au sein du sous-groupe des patients atteints de colite gauche. Là encore, les deux posologies – soit 2 g une fois par jour, soit 1 g deux fois par jour – ont été efficaces et bien tolérées, mais le schéma uniquotidien avait tendance à être plus efficace. Parmi les 261 sujets de PODIUM (72 %) atteints de colite gauche, le taux de rémission à 12 mois se chiffrait à 71 % dans le groupe traité une fois par jour vs 59 % dans le groupe traité deux fois par jour (p=0,024). Abondant dans le sens du Dr Dignass, l’auteure principale de la sous-étude, la Dre Séverine Vermeire, Hôpital universitaire, Louvain, Belgique, estime que la dose «à privilégier» est celle de 2 g une fois par jour si l’on en juge par les données d’efficacité, l’efficacité tenant probablement, du moins en partie, à une meilleure observance. Selon la Dre Vermeire, on ne doit pas négliger le fait que le choix d’un schéma uniquotidien visant à faciliter l’observance améliore la qualité de vie au sein de cette population atteinte d’une maladie chronique pouvant nécessiter un traitement à vie.

Rémission durable après une intervention chirurgicale dans la maladie de Crohn

Si la mésalamine et d’autres préparations d’acide 5-aminosalicylique (5-ASA) sont considérées comme des traitements de première intention dans la plupart des guides de pratique actuels, c’est non seulement parce qu’elles sont efficaces, mais aussi parce qu’elles sont mieux tolérées que les autres agents utilisés dans la CU. Cela dit, on ne peut pas faire de compromis au chapitre de l’efficacité, si bonne soit la tolérabilité. À en juger par une nouvelle méta-analyse regroupant huit essais comparatifs avec placebo, les préparations de 5-ASA sont capables de maintenir une rémission même dans la maladie de Crohn (MC), souvent plus agressive. La méta-analyse – qui regroupait 1242 patients en tout – a démontré qu’en présence d’une rémission obtenue à la suite d’une intervention chirurgicale, le 5-ASA réduisait le risque de rechute de 32 % par rapport à un placebo (rapport de cotes [OR] de 0,68; IC à 95 % : 0,52-0,90; p=0,007). «Nous n’avons observé aucune hétérogénéité statistiquement significative parmi les huit essais où l’on comparait le 5-ASA avec un placebo», souligne le Dr Morris Gordon, Service de gastroentérologie pédiatrique, Royal Manchester Children’s Hospital, Royaume-Uni.

Les efforts visant à comparer le 5-ASA avec l’azathioprine ont avorté en raison d’un manque de données, mais ces dernières étayent néanmoins le rôle du 5-ASA. L’innocuité est l’une des forces du 5-ASA dans le traitement d’entretien de la MC et de la CU. Selon la méta-analyse, l’incidence des effets indésirables ne différait pas de manière significative chez les patients sous 5-ASA et les témoins sous placebo.

Optimisation du traitement et intervalle précédant la rémission

En vertu d’une démarche thérapeutique de puissance progressive dans la CU, les préparations de 5-ASA comme la mésalamine doivent faire place à des immunosuppresseurs comme l’azathioprine lorsque le traitement échoue, mais on craint que de nombreux cliniciens n’optimisent pas le potentiel du traitement de première intention avant de passer à des agents moins bien tolérés. Il y a quelques années, une étude multinationale intitulée PINCE a révélé que le taux de rémission après huit semaines de traitement par la mésalamine à libération prolongée en sachets pouvait augmenter substantiellement si des lavements à la mésalamine étaient utilisés en concomitance (Marteau et al. Gut 2005;54:960-5). De nouvelles données du même essai ont montré que l’ajout de lavements permettait non seulement d’augmenter les taux de rémission, mais aussi d’accélérer considérablement l’obtention d’une rémission, deux fois plus de patients ayant été sans symptômes après deux semaines (60 % vs 30 %).

«L’effet très rapide du traitement favorise grandement la satisfaction du patient et son engagement à l’égard du traitement, d’où l’obtention de meilleurs résultats», souligne le Dr Philippe Marteau, Service de gastroentérologie, Hôpital Lariboisière, Paris, France. Citant d’abondantes données à l’appui d’un lien entre une mauvaise adhésion et un risque accru de rechute, le Dr Marteau a expliqué que des facteurs tels que le soulagement rapide et une posologie simple peuvent conditionner la réussite du traitement, quelle que soit l’efficacité de l’agent administré.

Diminution du risque de cancer colorectal

La rémission durable de la CU est généralement le seul objectif des cliniciens et des patients, mais la possibilité de réduire le risque de cancer colorectal (CCR) grâce à la mésalamine ou à d’autres préparations de 5-ASA est une raison importante de plus de poursuivre ce traitement de première intention à long terme chez le plus grand nombre possible de patients.

Il ressort de nouvelles données issues de la cohorte de CESAME (Cancers et Sur-risque Associé aux Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin en France) - laquelle regroupe près de 20 000 patients atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin en France – que le risque de CCR a chuté de 48 % (p=0,03) sous 5-ASA et que la réduction, statistiquement significative, était d’autant plus marquée que la CU était ancienne ou que les patients présentaient des facteurs de risque de CCR, explique le Dr Laurent Beaugerie, Service de gastroentérologie, Hôpital Saint-Antoine, Paris. «Ces résultats concordent avec diverses données montrant que la chimioprévention du CCR est un effet réel du 5-ASA», affirme-t-il, citant à l’appui de ses dires une méta-analyse antérieure qui avait aussi mis en évidence une diminution d’environ 50 % du risque de cancer sous 5-ASA. Bien que les données de CESAME aient aussi permis d’établir un lien entre les thiopurines et un risque moindre de cancer, le lien n’a pas atteint le seul de signification statistique, ce qui semble indiquer que l’effet préventif du 5-ASA tient à un mécanisme autre que la maîtrise de la maladie.

Résumé

Les préparations de 5-ASA, comme les sachets de mésalamine à libération prolongée, sont connues pour être bien tolérées dans le traitement de première intention de la CU légère ou modérée, mais leur efficacité dépend totalement de l’observance du traitement. Fois après fois, l’observance s’est révélée un facteur clé de la réussite du traitement, et l’étude PODIUM ne fait pas exception, la cicatrisation de la muqueuse étant une composante de la rémission à 12 mois chez la vaste majorité des patients. La simplicité de la posologie uniquotidienne semble optimiser l’adhésion au traitement, mais la sensibilisation du patient à la possibilité d’un meilleur pronostic, notamment grâce à la prévention du cancer, a aussi sa place.

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