Comptes rendus

Solutions de rechange pour le traitement des infections nosocomiales sévères à bactéries Gram-positives
Bénéfices associés aux agents multicibles dans le cancer colorectal métastatique et les tumeurs stromales gastro-intestinales

Inhibition de la réabsorption rénale du glucose : nouvelle stratégie de traitement indépendante de l’insuline dans le diabète de type 2

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 15e Conférence professionnelle/Assemblée annuelle de l’Association canadienne du diabète (ACD) et de la Société canadienne d’endocrinologie et métabolisme (SCEM)

Vancouver, C.-B. / 10-13 octobre 2012

Vancouver - La mise à jour des lignes directrices sur la prise en charge du diabète de type 2 est attendue au début de 2013. À en juger par un aperçu des nouvelles lignes directrices, les cibles glycémiques pourront être moins strictes chez certains patients et on encouragera l’individualisation du traitement. La mise au point d’agents dotés d’un mode d’action novateur pourrait contribuer à l’atteinte de l’objectif d’individualisation du traitement. Au nombre des molécules qui suscitent un vif intérêt, on compte une nouvelle classe d’agents oraux qui abaissent le taux d’HbA1c de manière indépendante de l’insuline et entraînent une perte de poids en favorisant l’excrétion du glucose dans l’urine. Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2), du fait qu’ils inhibent la réabsorption rénale du glucose, se montrent très prometteurs dans les essais cliniques. Certains inhibiteurs du SGLT2 semblent aussi efficaces chez les patients – assez nombreux, surtout parmi ceux dont le diabète est ancien – qui présentent une atteinte rénale modérée. 

Rédactrice médicale adjointe : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’individualisation de la prise en charge semble être le leitmotiv des Lignes directrices de pratique clinique 2013 de l’Association canadienne du diabète (ACD), dont la publication est prévue pour mars 2013. Comme le souligne la Dre Alice Cheng, professeure adjointe d’endocrinologie, University of Toronto, Ontario, et présidente du comité directeur des lignes directrices de pratique clinique, l’ACD a modifié les cibles glycémiques et les choix thérapeutiques pour les patients atteints d’un diabète de type 2, de récentes données ayant indiqué que l’on peut viser des cibles moins strictes, à tout le moins chez certains patients. «Chez la vaste majorité des patients, le taux [cible] d’HbA1c ≤7 % [recommandé depuis 2008] demeure».

Plusieurs autres recommandations demeurent inchangées, notamment un taux cible d’HbA1c ≤6,5 % pour abaisser davantage le risque de néphropathie chez certains patients, une glycémie à jeun ou préprandiale de 4,0 à 7,0 mmol/L ou une glycémie postprandiale à 2 heures de 5,0 à 10,0 mmol/L. «Cette fois, nous expliquons plus en détail chez quels patients – encore une minorité – nous pouvons être moins stricts, dans quelles conditions nous pouvons donner plus de corde aux patients et dans quelle mesure on peut les laisser s’éloigner de la cible», fait valoir la Dre Cheng. Pour l’instant, on préconise de ne pas excéder un taux d’HbA1c de 8,5 %, ajoute-t-elle.

Comme le note la Dre Cheng, les professionnels œuvrant dans le monde du diabète sont maintenant plus conscients de quelques-uns des risques éventuels d’un traitement antihyperglycémiant énergique. Certains facteurs – tels l’âge biologique, la capacité fonctionnelle, la comorbidité, une courte espérance de vie et la tendance à l’hypoglycémie ou l’incapacité de reconnaître les signes d’hypoglycémie – pourraient autoriser le médecin à faire preuve d’une plus grande «tolérance aux écarts». Selon cette nouvelle optique, la metformine demeure une option de première intention que l’on peut utiliser dès le diagnostic.

Pour le traitement de deuxième intention, le comité aspire dans ses nouvelles lignes directrices à mieux orienter le médecin quant au choix de l’antidiabétique. Tous les antidiabétiques qui auront été homologués au moment où l’on mettra la dernière main à la rédaction des lignes directrices seront inclus dans la mise à jour de 2013.

La protection contre les complications macroangiopathiques demeure un thème important dans les nouvelles lignes directrices, mais on a mieux défini et simplifié le profil des patients ayant besoin de cette protection.

Pour beaucoup de cliniciens, l’atteinte des cibles préconisées dans les lignes directrices semble encore difficile. Un sondage mené dans trois provinces a révélé que la médecine factuelle avait la faveur de la grande majorité des médecins de premier recours sondés, mais que les résultats étaient décevants; en effet, seulement 45 % des patients ont atteint un taux d’HbA1c <7 %; 59 %, un taux de C-LDL <2 mmol/L et <29,6 %, une tension artérielle (TA) <130/80 mmHg (Figure 1). «Seulement 10,1 % des patients respectaient les trois valeurs cibles», précise le Dr Lawrence Leiter, professeur titulaire de médecine et de sciences de la nutrition, University of Toronto. «L’atteinte des valeurs cibles laisse encore à désirer», dit-il.

La Dre Cheng estime que ce fossé ne pourra être comblé que si tous les intervenants intègrent les recommandations de l’ACD dans leur pratique afin de promouvoir le changement : les professionnels de la santé doivent être conscients des changements à apporter et les accepter; le système de santé doit en faciliter la réalisation; et les patients doivent non seulement être d’accord avec les changements, mais modifier leur comportement en conséquence. «En définitive, c’est le patient qui mène le bal», insiste la Dre Cheng. Si le patient s’informe de son taux d’HbA1c, de son taux de C-LDL et de sa TA, je considère que nous avons gagné la partie. Cela dit, les patients ont d’abord besoin d’outils pour se prendre en main, et c’est nous qui pouvons les leur fournir.»

Bien-fondé de l’inhibition du SGLT2

Le rein joue un rôle clé dans l’homéostasie du glucose, affirme le Dr Robert Josse, professeur titulaire de médecine, University of Toronto. «Dans des conditions normales, où le débit de filtration glomérulaire (DFG) est normal, tout le glucose est filtré [dans le glomérule] et réabsorbé», explique-t-il. Cette réabsorption se produit par l’intermédiaire de canaux spécialisés appelés cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (SGLT2) et de type 1 (SGLT1), ajoute-t-il. Le SGLT2 est un transporteur à haute capacité et à faible affinité qui facilite la réabsorption d’environ 90 % du glucose total en présence d’un DFG normal.

Le SGLT1, transporteur à faible capacité et à haute affinité, «ramasse» les 10 % restants de glucose qui échappent à la réabsorption. La quantité de glucose filtrée au niveau du glomérule dépend de la glycémie et du DFG; pour autant que la glycémie soit <10 mmol/L et que le DFG soit normal, «tout le glucose est réabsorbé», réitère le Dr Josse. Lorsque la glycémie excède cette concentration, «les récepteurs deviennent saturés et l’excédent de glucose est excrété dans l’urine», ajoute-t-il.

Les études cliniques sur les inhibiteurs du SGLT2 en développement étayent la théorie voulant que l’inhibition du transporteur SGLT2 permette l’excrétion de grandes quantités de glucose dans l’urine. Fait digne de mention, la diminution de la toxicité du glucose qui résulte de l’inhibition du SGLT2 est indépendante de la fonction pancréatique et de l’insuline; bref, ces molécules agissent sur le rein et rien d’autre», précise le Dr Josse.

Le glucose étant excrété en plus grande quantité dans l’urine, «on observe une perte de 300 à 400 calories/jour, si bien qu’en général, le patient finit par perdre du poids.» Comme l’ont rappelé plusieurs conférenciers, la metformine seule ne permet pas de maintenir les cibles glycémiques chez une proportion substantielle de patients, et il est souvent nécessaire de prescrire un autre antidiabétique – une sulfonylurée en général – pour normaliser la glycémie. Les sulfonylurées sont toutefois associées à un gain de poids de même qu’à un risque accru d’hypoglycémie. En outre, elles ont tendance à perdre de leur efficacité avec le temps.

Résultats d’études

La canagliflozine, inhibiteur du SGLT2, pourrait être une solution de rechange aux sulfonylurées. Le Dr Leiter a présenté une étude dont tous les sujets, déjà sous metformine, ont été randomisés de façon à recevoir de la canagliflozine à raison de 100 mg/jour (n=483) ou de 300 mg/jour (n=485) ou du glimépiride (n=482) 1 fois/jour pendant 52 semaines. Le taux initial d’HbA1c était de 7,8 % dans tous les groupes de traitement.

«Nous avons obtenu une bonne diminution du taux d’HbA1c dans les trois groupes», explique le Dr Leiter. À 52 semaines, la diminution moyenne du taux d’HbA1c par rapport au taux initial se chiffrait à 0,82 % dans le groupe 100 mg, à 0,93 % dans le groupe 300 mg et à 0,81 % dans le groupe glimépiride, ce qui semble indiquer que les deux doses de canagliflozine étaient non inférieures au glimépiride. Cependant, la dose de 300 mg de l’inhibiteur du SGLT2 a autorisé une diminution significativement plus marquée du taux d’HbA1c comparativement à la sulfonylurée, note le Dr Leiter. L’inhibiteur du SGLT2 a également été associé à un taux d’HbA1c systématiquement plus faible que le glimépiride tout au long des 52 semaines.

En ce qui concerne le poids corporel, «les patients sous glimépiride ont pris en moyenne 0,7 kg en 1 an, alors que les patients sous canagliflozine ont perdu en moyenne 3,7 kg [100 mg] et 4 kg [300 mg]; chez les patients qui recevaient la dose plus forte [de canagliflozine], la perte de poids de 5,7 % au cours de l’année a donné lieu à une différence de 4,7 kg entre les patients recevant de la canagliflozine et les patients recevant la sulfonylurée», ajoute le Dr Leiter.

La canagliflozine a également été associée à une diminution numériquement plus marquée de 3 à 5 mmHg de la tension artérielle (TA) systolique et de 2 à 2,5 mmHg de la TA diastolique comparativement à la sulfonylurée, dit-il. L’incidence des épisodes d’hypoglycémie était faible chez les patients qui recevaient l’une ou l’autre dose de canagliflozine et significativement moins fréquente que dans le groupe sulfonylurée. Le taux de C-LDL a augmenté dans les trois groupes, mais l’élévation était numériquement plus élevée chez les sujets qui recevaient l’inhibiteur du SGLT2.

Par contre, «étant donné que l’inhibiteur du SGLT2 a aussi été associé à une élévation du C-HDL, on n’a pas observé de grande différence entre les deux agents», poursuit le Dr Leiter. D’ailleurs, il n’y a eu de différence marquée pour aucun effet indésirable, quoique les infections fongiques génitales et les infections urinaires aient été plus fréquentes sous inhibiteur du SGLT2.

Traitement d’association

Dans une revue globale des inhibiteurs du SGLT2, le Dr Vincent Woo, professeur adjoint de médecine, University of Manitoba, Winnipeg, a présenté des données à l’appui de la pertinence de l’ajout d’un inhibiteur du SGLT2 à la metformine, à l’insuline ou aux deux. Lors d’une étude citée par le Dr Woo, l’association de la dapagliflozine orale à la metformine avait donné lieu à une diminution moyenne du taux d’HbA1c d’environ 0,70 % après 24 semaines, par comparaison à une diminution moyenne de 0,30 % sous placebo.

L’ajout de 100 mg de canagliflozine orale à la metformine a également entraîné une variation moyenne du taux d’HbA1c à 12 semaines de 0,76 % vs 0,92 % pour la canagliflozine à 300 mg. Chez les sujets sous placebo de la même étude, la diminution moyenne du taux d’HbA1c a atteint 0,22 % (Figure 2). Chez les sujets qui recevaient la trithérapie, l’ajout de la canagliflozine à un traitement de fond à base de metformine et d’une sulfonylurée a abaissé le taux d’HbA1c en moyenne de 0,85 % et de 1,06 % pour les doses de 100 mg et de 300 mg, respectivement. Le placebo, en revanche, a abaissé le taux moyen d’HbA1c de 0,13 % (p<0,001).

Même utilisée seule, la canagliflozine à 100 mg et à 300 mg a abaissé le taux d’HbA1c de 0,77 % et de 1,03 %, respectivement, sur une période de 26 semaines. Il a aussi été démontré que les deux inhibiteurs du SGLT2 abaissaient le taux d’HbA1c lorsqu’ils étaient associés à l’insuline. Que les inhibiteurs du SGLT2 aient été utilisés seuls ou en association avec d’autres antihyperglycémiants, ils ont systématiquement entraîné une diminution du poids corporel de 2,5 à 3,5 kg, généralement au cours des 3 premiers mois de traitement; le poids avait ensuite tendance à se stabiliser, souligne le Dr Woo.

«Cet agent exerce un léger effet diurétique, ajoute le Dr Woo, de sorte qu’on observe aussi une petite baisse des TA, tant systolique que diastolique, mais – et c’est là un point important – la fréquence cardiaque n’augmente pas pour autant.» Le profil d’effets indésirables comporte toujours une augmentation de l’incidence des infections fongiques génitales de même qu’une légère augmentation de l’incidence des infections urinaires. Cela dit, ces infections sont généralement isolées et récidivent rarement.

«Avec cet agent, le risque d’épisode d’hypoglycémie est toujours faible, enchaîne le Dr Woo, et à ce jour, aucun inhibiteur du SGLT2 n’a soulevé de problèmes d’innocuité.»

Atteinte rénale

À mesure que progresse leur diabète, les patients deviennent à risque d’insuffisance rénale; or, en présence d’insuffisance rénale, il faut utiliser judicieusement ou éviter certains antihyperglycémiants. Il n’y a pas encore de consensus sur la meilleure façon d’atteindre les cibles glycémiques chez un patient atteint d’un diabète de type 2 qui présente une insuffisance rénale, mais les résultats d’une méta-analyse rétrospective de trois essais cliniques sur le liraglutide, agoniste du GLP-1 (glucagon-like peptide-1) à longue durée d’action, – présentés par Gough et al. – constituent un bon point de départ.

Après 26 semaines de traitement, l’injection de doses de 1,2 mg ou de 1,8 mg n’avait entraîné aucune différence quant à la réponse du taux d’HbA1c selon que la fonction rénale était normale ou que le patient présentait une atteinte rénale légère (60 à <90 mL/min) ou modérée (<60 mL/min). Après 26 semaines, par contre, l’agoniste du GLP-1 à forte dose était associé à une diminution significative de la créatininémie par rapport au placebo. La baisse de la créatininémie observée chez les patients qui recevaient la dose de 1,8 mg a été associée à une diminution de 38 % du risque pour les patients d’avoir une atteinte rénale modérée à 26 semaines.

L’incidence des épisodes d’hypoglycémie majeurs et mineurs – qui était faible dans tous les groupes de traitement – ne variait pas en présence d’une atteinte rénale, quelle qu’en ait été la sévérité.

Le Dr Jean-Francois Yale, professeur titulaire d’endocrinologie, Centre universitaire de santé McGill, Montréal, Québec, et ses collègues ont étudié l’efficacité de l’inhibition du SGLT2 par la canagliflozine chez des patients présentant une atteinte rénale modérée. Ainsi, 269 patients ayant au départ un taux d’HbA1c moyen de 8,0 % et un DFG estimé de 39,4 mL/min/1,73 m2 ont été randomisés de façon à recevoir de la canagliflozine à 100 mg ou à 300 mg, ou un placebo. Environ 75 % des patients recevaient déjà de l’insuline.

Après 26 semaines, le taux d’HbA1c avait baissé significativement, en moyenne de 0,33 % dans le groupe 100 mg et de 0,44 % dans le groupe 300 mg. Dans le groupe placebo, en revanche, le taux d’HbA1c avait baissé de 0,03 % en moyenne (p<0,05 et p<0,001) (Tableau 1). Les deux doses ont là encore été associées à une perte de poids moyenne de 1,2 et 1,4 kg, par comparaison à un gain de 0,2 kg pour le placebo. Les chercheurs ont en outre observé des effets favorables sur la TA.

Comme la plupart des patients recevaient déjà de l’insuline, les épisodes d’hypoglycémie ont été légèrement plus nombreux chez les patients recevant l’une ou l’autre dose de l’inhibiteur du SGLT2 : un peu plus de 50 % vs 36 % pour le placebo. L’incidence des infections urinaires était aussi légèrement plus élevée dans les groupes sous traitement actif. Cela dit, les résultats de cette étude étayent l’efficacité de la canagliflozine en présence d’une atteinte rénale modérée, concluent les chercheurs.

«Les seuls antidiabétiques qui permettent une perte de poids sont les agonistes du GLP-1; or, ils s’administrent par injection et ils entraînent beaucoup de nausées au départ, donc il faut passer beaucoup de temps à éduquer le patient», a précisé le Dr Yale lors d’une interview. «Les inhibiteurs du SGLT2 nous permettent d’obtenir une perte de poids tout en améliorant la maîtrise de la glycémie et en évitant les épisodes d’hypoglycémie; c’est donc une nouvelle classe qui suscite un grand intérêt».

Résumé

Les sociétés savantes peuvent bien recommander des valeurs cibles et des stratégies de traitement dans leurs lignes directrices, mais il reste que si le patient ne croit pas au plan de traitement et n’y adhère pas, il y aura échec. En tant que nouvelle classe d’agents oraux, les inhibiteurs du SGLT2 peuvent être utilisés seuls ou en association avec d’autres agents afin d’abaisser davantage le taux d’HbA1c et de favoriser la perte de poids. La possibilité d’une utilisation efficace de certains d’entre eux en présence d’une atteinte rénale modérée est un avantage de plus, car les antihyperglycémiants ne sont pas tous sûrs ou efficaces en pareilles circonstances.  

 

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