Comptes rendus

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Solutions de rechange pour le traitement des infections nosocomiales sévères à bactéries Gram-positives

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 52e Conférence intersciences sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

San Francisco, Californie / 9-12 septembre 2012

Au congrès, en parallèle au nombre élevé de communications sur l’augmentation des concentrations minimales inhibitrices (CMI) de la vancomycine, diverses études ont porté sur des stratégies permettant d’atténuer le plus possible les conséquences de cette tendance. Il est ressorti de données parmi les plus probantes que le passage précoce de la vancomycine à la daptomycine, antimicrobien innovant de la famille des lipopeptides, avait amélioré les principaux résultats évalués, notamment la mortalité à 90 jours. Les résultats de cette étude pourraient un jour nous amener à modifier le seuil de sensibilité à la vancomycine actuellement en vigueur.

«Pour l’instant, je crois qu’il serait prématuré de modifier le seuil de sensibilité, mais nous avons constaté dans notre établissement qu’une CMI >1 μg/mL était un prédicteur indépendant d’échec du traitement», affirme Kyle P. Murray, PhD, Detroit Medical Center, Michigan. Ce dernier présentait les données de la première comparaison de patients appariés qui avaient reçu de la daptomycine administrée tôt ou de la vancomycine à dose optimisée pour le traitement d’une bactériémie à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) pour lequel la CMI de la vancomycine était >1 μg/mL. Les taux de mortalité à 90 jours et d’échec microbiologique étaient tous deux plus faibles chez les patients qui étaient passés tôt à la daptomycine, souligne M. Murray.

Analyse du traitement des bactériémies
au sein de cohortes appariées

La population ciblée par cette analyse était constituée d’adultes présentant une bactériémie à SARM à l’égard duquel la CMI de la vancomycine était >1 μg/mL. Les patients qui sont passés au lipopeptide ont été appariés selon un ratio 1:1 à des patients qui recevaient de la vancomycine à dose optimisée. Les critères d’appariement étaient l’âge, le score Pitt de sévérité de la bactériémie et le foyer d’origine de l’infection. L’analyse ciblait 108 patients, 54 dans chaque groupe, et couvrait une période de 5 ans. La durée maximale du traitement par la vancomycine avant la modification de traitement se chiffrait à 50 heures (médiane de 39,7 heures). Les infections les plus fréquentes dans ces groupes appariés étaient les infections compliquées de la peau et des tissus mous (44,4 %), les infections osseuses et articulaires (28,1 %) et les endocardites (18,5 %). Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes quant à l’exposition à la vancomycine au cours des 90 jours précédents.

Peu importe le paramètre mesuré, les résultats penchaient systématiquement en faveur du passage à la daptomycine. Le taux de mortalité à 90 jours s’élevait à 5,6 % dans le groupe daptomycine vs 20,4 % (p=0,022) dans le groupe vancomycine à dose optimisée. La bactériémie persistait à 7 jours chez 9,3 % des patients du groupe daptomycine vs 27,8 % (p=0,013) des patients du groupe vancomycine à dose optimisée. On a enregistré un échec clinique – défini par une bactériémie persistante à 7 jours ou la mort à 90 jours – chez 13 % des patients traités par la daptomycine vs 38,9 % (p=0,002) des patients qui avaient poursuivi leur traitement par la vancomycine. Les taux d’admission à l’unité des soins intensifs (USI) ne différaient pas de manière significative (37 % pour la vancomycine vs 33,3 % pour la daptomycine), mais l’admission à l’USI était un prédicteur indépendant de l’échec du traitement.

«Ces données étayent la pratique voulant que l’on passe de la vancomycine à la daptomycine dès qu’il est établi que la CMI de la vancomycine est >1 μg/mL chez les patients atteints de bactériémie à SARM», conclut M. Murray. Le seuil de sensibilité à la vancomycine est actuellement de 2,0 μg/mL (il était de 4,0 μg/Ml il y a quelques années), mais on a tout de même observé des différences dans les résultats lorsque le changement de traitement était dicté par un seuil >1 μg/mL, quoique le creux plasmatique médian de vancomycine ait été de 17 μg/mL (concentration cible de 15 à 20 μg/mL). La dose médiane de daptomycine était de 8,3 mg/kg/jour.

Infections sur prothèses articulaires

À en juger par un registre sur l’utilisation de la daptomycine, on observe aussi des taux élevés de réussite clinique chez des patients infectés par un SARM ou une autre bactérie Gram-positive sur des prothèses articulaires ou des patients atteints d’ostéomyélite associée à un autre matériel (OAAM). Des évaluations distinctes ont objectivé des taux de réussite clinique de 82 % chez 27 patients aux prises avec une infection sur prothèse articulaire et de 86 % chez des patients atteints d’OAAM (suivi supérieur à 1 an dans certains cas). Dans le cadre d’une étude présentée au congrès dont l’un des auteurs était le Dr Elie F. Berbari, Service des maladies infectieuses, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota, on a groupé les données de 54 établissements. Un peu moins de la moitié des patients souffraient d’une infection à SARM et, chez ces patients, on a obtenu un taux de succès de 77 %. L’autre moitié était constituée de patients chez qui l’agent pathogène n’avait pas été identifié (environ 20 %) et de patients qui, pour la plupart, étaient infectés par un S. aureus sensible à la méthicilline (SASM).

Même si les taux de réussite ne différaient pas de manière significative lorsque la population était stratifiée selon la dose, «les analyses de Kaplan-Meier ont montré que l’intervalle sans récidive médian était plus long chez les patients qui recevaient de 6 à 8 mg/kg de daptomycine (p=0,001) que chez ceux qui recevaient une dose <6 mg/kg ou ≥8 mg/kg», soulignent les auteurs. Étant donné que la daptomycine a été associée à un taux d’effets indésirables de 16 % et qu’elle n’a entraîné aucun effet indésirable grave, on la considère comme «sûre, efficace et bien tolérée» dans le traitement de ces infections.

Dans le cadre d’une deuxième étude dont les auteurs étaient en partie les mêmes, la révision articulaire en deux temps a permis aux chercheurs d’évaluer le changement de sensibilité des isolats qui avaient été mis en culture dans un premier temps. Dans cette étude, 75 patients ont été randomisés dans l’un des trois groupes suivants : daptomycine à 6 mg/kg/jour, daptomycine à 8 mg/kg/jour ou l’un de trois agents de comparaison (vancomycine, téicoplanine ou pénicilline semi-synthétique). Les agents pathogènes ont été identifiés lors de la première intervention chirurgicale (retrait de la prothèse) et de nouveau lors de la deuxième intervention. L’agent pathogène le plus courant au départ – le SASM – était en cause chez 38,6 % des 68 patients atteints d’une infection staphylococcique selon l’analyse en intention de traiter modifiée. Un SARM a été incriminé dans environ 15 % des infections.

«Globalement, le taux de réussite microbiologique au test de contrôle post-traitement était de 50,0 % et de 52,2 % dans les groupes daptomycine à 6 mg/kg et à 8 mg/kg, respectivement, et de 38,1 % dans le groupe de comparaison. Les taux de réponse clinique reflètent les taux de réussite microbiologique, précisent les auteurs. On n’a observé aucune augmentation de la CMI de la daptomycine ou de l’agent de comparaison pour les isolats obtenus à la première intervention, comparativement aux isolats issus du même clone, obtenus au moment de la réimplantation.»

Autres stratégies de traitement

Ces résultats étayent le rôle de la daptomycine comme solution de rechange à la vancomycine, mais d’autres groupes se sont penchés sur d’autres antimicrobiens à large spectre actifs contre les agents pathogènes Gram-positifs. Lors d’une étude rétrospective des Veterans Affairs (VA) sur la pneumonie à SARM chez des sujets obèses, on a comparé l’activité du linézolide à celle de la vancomycine. Les sujets provenaient tous d’une base de données des VA, et l’étude couvrait une période de 8 ans. Parmi les 179 patients qui ont reçu du linézolide, 49 (15 %) étaient obèses, et on les a comparés à 740 (15 %) des 2859 patients qui recevaient de la vancomycine.

«Bien que la probabilité de réadmission à 30 jours ait été plus faible chez les patients non obèses qui avaient reçu du linézolide [HR 0,60; IC à 95 % : 0,37-0,97], le taux de réussite clinique était nettement plus élevé chez les patients obèses qui avaient reçu du linézolide que chez ceux qui avaient reçu de la vancomycine [HR 1,77; IC à 95 % : 1,18-2,64]», explique Aisling Caffrey, PhD, University of Rhode Island Health College of Pharmacy, Kingston. Mme Caffrey n’a pas formulé d’hypothèse quant au mécanisme qui pourrait expliquer cette différence, mais l’effet des différences de structure chimique sur la distribution du médicament est une raison soupçonnée.

Dans les cas où l’on doute de l’efficacité de la vancomycine pour le traitement d’infections à germes Gram-positifs difficiles à traiter, la tigécycline est une autre solution de rechange possible. Bien qu’aucune des études présentées au congrès n’ait comparé la tigécycline et la vancomycine, les résultats de l’étude TEST (Tigecycline Evaluation Surveillance Trial) ont fait l’objet de discussions. Cette étude – qui avait pour but d’évaluer l’incidence de la résistance croisée entre la tigécycline et la minocycline – a porté sur 1005 isolats d’agents pathogènes Gram-positifs résistants à la minocycline prélevés chez des patients septicémiques du monde entier entre 2008 et 2011. Les chercheurs ont eu recours aux recommandations de la FDA (Food and Drug Administration) pour évaluer la sensibilité.

«La résistance à la minocycline est maintenant monnaie courante, mais la résistance croisée entre la minocycline et la tigécycline demeure un phénomène rare dans ces espèces», note Stephen Hawser, PhD, International Health Management Associations (IHMA), Epalinges, Suisse. Sauf en 2009, où le pourcentage de sensibilité des S. aureus a chuté juste au-dessous de 90 %, la sensibilité des espèces Enterococcus et S. aureus est demeurée voisine de 100 % lors de chaque année évaluée, précise-t-il. Les résultats donnent à penser que la tigécycline pourrait exercer une activité marquée, même à l’égard des agents pathogènes Gram-positifs qui ont développé des mécanismes de résistance.

Résumé

La vancomycine, antibiotique de la famille des glycopeptides, a toujours été le pilier du traitement des infections à germes Gram-positifs difficiles à traiter. La vancomycine demeure une option de première intention dans la plupart des contextes, certes, mais les taux croissants de résistance incitent à l’utilisation d’autres antibiotiques. Les études présentées au congrès ont confirmé l’augmentation progressive des CMI de la vancomycine tout en présentant quelques options. Les données semblent indiquer que des agents comme la daptomycine, le linézolide et la tigécycline pourraient être des solutions de rechange efficaces.  

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