Comptes rendus

Insuffisance rénale et autres complications chez le patient infecté par le VIH qui vieillit
Nouvelles options thérapeutiques dans la sclérose en plaques

Nouveaux agents oraux contre la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 26e Congrès du Comité européen pour le traitement et la recherche sur la sclérose en plaques (ECTRIMS)

Göteborg, Suède / 13-16 octobre 2010

Les traitements classiques contre la sclérose en plaques (SEP) rémittente étant administrés par voie parentérale, les patients hésitent parfois à les entreprendre, ou ont du mal à les poursuivre pendant les périodes de rémission, affirme le Pr Hans-Peter Hartung, Heinrich-Heine Universität, Düsseldorf, Allemagne. La possibilité d’un traitement oral n’a pas manqué d’éveiller l’intérêt des participants au tout dernier congrès de l’ECTRIMS.

Modes d’action et schémas posologiques

Les deux nouveaux traitements oraux étudiés, à savoir la cladribine en comprimés et le fingolimod, semblent réduire efficacement la fréquence annualisée des poussées (FAP) de SEP rémittente et agissent tous les deux en diminuant le nombre de lymphocytes. Ciblant de préférence les lymphocytes T, la cladribine perturbe le métabolisme cellulaire et inhibe la synthèse de l’ADN, ce qui entraîne l’apoptose. Quant au fingolimod, premier représentant de sa classe, c’est un agoniste des récepteurs de la sphingosine-1-phosphate (S1P) des lymphocytes T et B; il provoque une régulation négative de ces récepteurs, rendant les cellules insensibles au gradient de S1P qui, normalement, leur permettrait de migrer hors des tissus lymphoïdes secondaires. À noter cependant que cet agent pourrait avoir des effets toxiques, vu la présence de récepteurs S1P dans de nombreux tissus.

Ces deux agents sont assortis de schémas posologiques différents. En effet, le fingolimod doit être pris en continu, tous les jours. Dans le cas des comprimés de cladribine, la posologie est fonction du poids du patient, et on vise des doses cumulatives de 3,5 ou 5,25 mg/kg, obtenues par la prise quotidienne de 1 ou 2 comprimés à 10 mg, lors de 4 ou 5 jours consécutifs pendant les 2 premiers mois de l’année. C’est donc dire que pendant 10 mois sur 12, les patients n’ont pas à prendre le médicament. Près de 90 % des sujets de CLARITY (Cladribine Tablets Treating Multiple Sclerosis Orally), essai pivot mené à double insu contre placebo, ont poursuivi leur traitement jusqu’au terme des 96 semaines de l’étude, fait observer le Pr Hartung.

Efficacité : résultats préliminaires

Voici les constatations faites jusqu’à maintenant dans l’étude CLARITY : FAP significativement moins élevée dans les groupes 3,5 et 5,25 mg que dans le groupe placebo (0,14 et 0,15 vs 0,33; p<0,001 pour les deux comparaisons), pourcentage plus élevé de patients exempts de poussées (79,7 % et 78,9 % vs 60,9 %; p<0,001 pour les deux comparaisons), risque relatif plus faible de progression soutenue de l’invalidité sur 3 mois (HR dans les groupes 3,5 mg et 5,25 mg : 0,67 et 0,69) et diminution significative du nombre de lésions cérébrales visibles à l’IRM (p<0,001 pour les deux comparaisons).

D’autres données de CLARITY témoignent de la constance de l’effet, qu’il ait été évalué d’après les paramètres cliniques ou les clichés d’IRM. Ainsi, comme l’ont constaté le Pr Giancarlo Comi, Università Vita-Salute San Raffaele, Milan, Italie, et ses collègues, les doses cumulatives de 3,5 et 5,25 mg/kg ont donné lieu à une réduction/patient/cliché significative des lésions prenant le gadolinium (GD+) visibles en T1, des lésions visibles en T2 et des lésions uniques combinées sur la période de 96 semaines chez les patients qui avaient subi =1, 2 ou =3 poussées au cours des 12 mois ayant précédé l’étude, et chez les patients atteints depuis <3, de 3 à 10 et >10 ans. Les observations ont été comparables chez tous les sujets, peu importe le sexe, l’âge, les traitements antérieurs, le degré d’invalidité ainsi que la présence de lésions GD+ en T1 et le volume des lésions en T2 au début de l’étude.

Dans un autre compte rendu, ce même groupe fait état de baisses fortement significatives de la FAP sous cladribine par rapport au placebo, peu importe l’histoire de la maladie. Qui plus est, le profil d’innocuité des premier et deuxième blocs de 48 semaines est comparable, quoique la proportion de sujets ayant eu des effets indésirables ait été plus faible pendant la seconde moitié de l’étude (60 % vs 77,5 %). Dans le groupe ayant reçu la dose cumulative la plus forte, une lymphopénie s’est installée chez un plus grand nombre de patients pendant la première période que pendant la seconde (26 % vs 13 %), ce qui, de l’avis des chercheurs, pourrait s’expliquer par des différences dans les schémas posologiques.

Dans le protocole de CLARITY, un traitement de secours au moyen de l’interféron bêta-1a (IFNß-1a) par voie sous-cutanée était autorisé 3 fois par semaine chez les sujets qui avaient eu plus d’une poussée ou dont la cote EDSS (Expanded Disability Status Scale) était en constante progression. On a dû prescrire un traitement de secours à 2,5 % et 2 % des patients sous cladribine à 3,5 et 5,25 mg/kg, respectivement, par rapport à 6,2 % des témoins sous placebo. On a mis fin au traitement en raison d’un manque d’efficacité perçu ou de la progression de la maladie chez 1 % des patients des deux groupes sous cladribine et 5,5 % des sujets sous placebo. Ces résultats, tout comme la forte proportion de patients qui se sont rendus au terme de l’étude, témoignent d’une perception favorable de l’efficacité du traitement. Les chercheurs estiment que les comprimés de cladribine pourraient être associés à un taux élevé de persévérance.

Lors de l’étude pivot fingolimod vs IFNß-1a menée à double insu et avec double placebo, les sujets ont reçu du fingolimod à raison de 1,25 ou 0,5 mg par jour ou l’IFNß-1a par voie intramusculaire. La FAP a été significativement plus faible dans les deux groupes fingolimod, soit 0,2 et 0,16, que dans le groupe IFNß-1a (0,33; p<0,001 pour les deux comparaisons). Les clichés d’IRM reflétaient ces résultats. Dans une autre étude menée à double insu, avec randomisation et placebo, sur ces mêmes doses de fingolimod, la FAP s’est établie respectivement à 0,16 et à 0,18, contre 0,40 dans le groupe placebo. Au cours de l’étude de 12 mois contre l’IFN, on n’a pas observé d’écart significatif entre les groupes au chapitre de la progression de l’invalidité. Lors de l’étude de 24 mois contre placebo, le fingolimod a réduit le risque de progression de l’invalidité, ce qui a été confirmé après 3 mois (HR 0,68 et 0,70 pour les doses de 1,25 et 0,5 mg). Dans le premier essai, 87 % des patients poursuivaient leur traitement par le fingolimod au terme de la période d’étude de 12 mois. À la fin du deuxième essai, de 24 mois celui-là, tout près des trois quarts des patients affectés au fingolimod prenaient encore ce médicament.

Innocuité

Le fingolimod agit non seulement sur les récepteurs S1P lymphocytaires, mais également sur ceux des neurones et du réseau vasculaire. Plusieurs conférenciers se sont montrés préoccupés par cette absence de sélectivité. Après la première dose de fingolimod, on observe un ralentissement de la fréquence cardiaque (de 11 bpm en moyenne) qui est fonction de la dose ainsi qu’une diminution légère et transitoire de la tension artérielle; par la suite, la TA augmente légèrement au fil du traitement. Dans les groupes fingolimod, on a signalé un œdème maculaire chez 6 sujets de l’essai contre l’IFN et 7 sujets de l’essai contre placebo. «On pourrait réaliser un meilleur équilibre entre l’innocuité, l’efficacité et la commodité», concède le Pr Chris Polman, Centre hospitalier de l’Université libre (VU), Amsterdam, Pays-Bas, ajoutant qu’il faut accumuler davantage de données à long terme.

Comme l’explique l’auteur principal du premier compte rendu de l’étude CLARITY, le Pr Gavin Giovannoni, Queen Mary University of London, Blizard Institute of Cell and Molecular Science, Barts and the London School of Medicine and Dentistry, Londres, Royaume-Uni, «la cladribine diminue le nombre de cellules, mais lorsqu’elles reviennent, nous croyons qu’il se produit une sorte de «réinitialisation» du système immunitaire. Ce médicament n›a donc pas besoin d’être administré en continu, contrairement au fingolimod, qui doit être pris sans interruption pour empêcher la pénétration des lymphocytes dans l’encéphale. Ce sont deux immunosuppresseurs, mais la différence, c’est que lorsque les lymphocytes reviennent après avoir été évincés par la cladribine, le patient est, semble-t-il, immunocompétent.»

Bien que la lymphopénie ait été l’effet indésirable le plus important dans l’étude CLARITY, elle n’a atteint les grades 3 ou 4 que chez une faible proportion de patients, souligne le Pr Hartung. Par ailleurs, 1,8 % et 2,4 % des patients ont souffert d’un zona dans les groupes 3,5 et 5,25 mg/kg, mais il n’y a eu aucun cas de dissémination de la maladie.

Lors d’une séance sur les aspects plus pratiques de la prise en charge, le Pr Giovannoni a affirmé que les comprimés de cladribine étaient bien tolérés et n’avaient pas trop d’effets indésirables majeurs. Ce serait un traitement convenable pour les patients qui ne répondent pas aux agents injectables de première intention ou n’aiment pas les injections.

À ce propos, selon le Pr Patrick Vermersch, Hôpital Roger Salengro, Lille, France, l’absence de réponse aux traitements injectables de première intention pourrait être le fait d’une piètre observance. Dans un autre ordre d’idées, le Pr Giovannoni a souligné que les femmes devaient éviter de concevoir au cours des 6 mois suivant la prise de la deuxième série de comprimés de cladribine. «Passé ce délai, rien n’indique que la grossesse soit contre-indiquée […] Aucune donnée n’a montré de toxicité ovarienne.» Or, dans le cas du fingolimod, il faudrait cesser le traitement.

Le nombre de lymphocytes demeure relativement peu élevé chez un patient sous fingolimod, ce qui risque d’atténuer le volet afférent de la réponse immunitaire, explique le Pr Giovannoni. En conséquence, les comprimés de cladribine semblent constituer un choix plus judicieux chez les patients vulnérables aux infections. Notons que l’administration de vaccins vivants serait contre-indiquée. Dans l’étude CLARITY, les taux d’infections graves «étaient semblables dans les deux groupes et proches du taux enregistré dans le groupe placebo (2,3 % et 2,9 % dans les groupes cladribine 3,5 mg/kg et 5,25 mg/kg vs 1,6 % dans le groupe placebo). Dans 99 % des cas, les infections ont été légères ou modérées», précise le professeur. En ce qui concerne le zona, tous les cas ont évolué spontanément vers la guérison, et les infections n’étaient pas étroitement associées à la lymphopénie.

Résumé

L’avènement des agents oraux marque un progrès important dans le traitement de la SEP rémittente. Les comprimés de cladribine sont assortis d’un schéma posologique souple qui devrait simplifier la prise en charge. Il faudra, bien sûr, étoffer le dossier clinique, mais un fait demeure : l’arsenal thérapeutique à opposer à cette maladie invalidante s’est enrichi de deux options relativement efficaces et faciles d’emploi.

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