Comptes rendus

Progrès dans le traitement de l’hémophilie B
Traitement des infections à SARM compliquées chez les patients hospitalisés : guide de pratique de l’IDSA vs nouvelles données

Intérêt renouvelé pour les cibles lipidiques autres que le C-LDL : expansion prometteuse des facteurs à cibler

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 33e Congrès annuel de la Société européenne de cardiologie

Paris, France / 27-31 août 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

En matière de risque cardiovasculaire (CV), la révolution qui a fait suite à la découverte d’agents permettant de normaliser le taux de C-LDL pourrait se poursuivre de plus belle grâce au potentiel de nouveaux agents qui ont suscité beaucoup d’intérêt au congrès. Si les baisses marquées de la mortalité obtenues lors d’essais historiques sur les statines ont redéfini la prise en charge du risque CV, les taux pathogènes d’autres lipoprotéines, dont le C-HDL, les triglycérides (TG) et de facteurs mesurés moins souvent comme la lipoprotéine phospholipase A2 (Lp-PLA<sub>2</sub>), n’ont pas moins une valeur pronostique, et il semble qu’ils soient aussi à l’origine d’événements.

Bien qu’on ne sache pas si tous les facteurs sont modifiables, il y a consensus sur le fait que l’on doit cibler des fractions autres que le C-LDL afin de réduire le risque davantage. Il semble que nous soyons à l’aube d’une nouvelle étape de la réduction du risque. «Le dossier C-LDL est très convaincant, mais nous avons épuisé la question», affirme le Pr Philippe Gabriel Steg, directeur de l’unité de soins intensifs cardiologiques, Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris, France. La formation de plaques athéromateuses étant un processus dynamique où interviennent divers facteurs interdépendants, la réduction du risque au-delà de ce que permettent les statines dépend probablement d’une maîtrise serrée d’un vaste éventail de facteurs contribuant à l’athérogenèse, estime le Pr Steg.

Parmi les quelques agents en développement qui ciblent des lipoprotéines autres que le C-LDL, les plus avancés semblent être ceux qui ciblent le C-HDL et la Lp-PLA<sub>2</sub>, enzyme inflammatoire présente dans les plaques athéromateuses que l’on associe à un risque accru d’événements thrombotiques. À l’heure actuelle, les seuls traitements qui font augmenter le C-HDL de façon substantielle sont la niacine et les fibrates, mais aucune donnée de niveau 1 n’a encore confirmé que l’un ou l’autre réduit l’incidence d’événements CV. Les traitements ciblant la Lp-PLA<sub>2</sub> demeurent expérimentaux, mais de nouvelles données présentées au congrès ont ravivé l’intérêt à la fois pour un faible taux de C-HDL et un taux élevé de Lp-PLA<sub>2</sub> dans le contexte de vastes essais avec paramètres d’évaluation cliniques.

Faire augmenter le C-HDL

L’essai multinational de phase IIb dal-VESSEL visait à établir l’innocuité du dalcetrapib, modulateur de la protéine de transfert des esters de cholestérol (CETP [cholesteryl ester transfer protein]). Ce modulateur de la CETP de nouvelle génération – dont le développement clinique continue d’avancer – n’a pas été associé aux effets indésirables qui ont mis fin au développement de son prédécesseur, le torcetrapib, notamment l’hypertension et la dysfonction endothéliale. L’essai à double insu dal-VESSEL visait à confirmer l’innocuité du dalcetrapib avant la tenue d’un essai pivot de phase III axé sur les événements cliniques et devant mener à l’homologation.

Lors de cet essai, 476 patients coronariens ou exposés à un risque équivalent et ayant un taux de C-HDL <1,3 mmol/L ont été randomisés de façon à recevoir 600 mg de dalcetrapib ou un placebo et ont été suivis pendant 36 semaines. Les paramètres principaux étaient la dilatation flux-dépendante (DFD) mesurée dans l’artère brachiale à 12 semaines et la tension artérielle (TA) mesurée en ambulatoire à 4 semaines. Les paramètres secondaires étaient ces deux mêmes paramètres mesurés à 36 semaines, la variation des taux lipidiques et l’innocuité globale.

Comme on s’y attendait à la lumière des essais antérieurs, le modulateur de la CETP n’a pas eu d’effet sur la TA mesurée en ambulatoire ni n’a perturbé la DFD. Par contre, le taux de C-HDL avait augmenté de 27 % (p<0,001) à 4 semaines et de 31 % (p<0,001) à 36 semaines. Fait digne de mention quant à l’éventualité d’un bénéfice clinique, la majeure partie de l’augmentation du taux de C-HDL s’accompagnait d’une augmentation du taux d’apolipoprotéine A-1, fraction qui, croit-on, favoriserait l’efflux du cholestérol cellulaire et qui est connue pour ses effets anti-inflammatoires.

«Cet essai était conçu pour évaluer l’innocuité du dalcetrapib, et les résultats montrent qu’il diffère du torcetrapib à cet égard. La tenue d’un essai clinique avec paramètres d’évaluation est justifiée, et nous sommes impatients d’en connaître les résultats», affirme le Dr Thomas F. Lüscher, Universität Zurich, Suisse. Le C-HDL revient donc dans la mire, conclut-il.

Invité par la Société européenne de cardiologie à présenter son point de vue sur les résultats de l’essai dal-VESSEL, le Pr Keith A.A. Fox, Royal Infirmary, Édimbourg, Royaume-Uni, a fait état d’une étude sur un autre inhibiteur de la CETP, l’anacetrapib, lequel est aussi exempt des effets indésirables qui torpillaient l’effet bénéfique éventuel de l’augmentation du taux de C-HDL sous torcetrapib. Le Pr Fox est d’accord pour dire que l’on observe un intérêt renouvelé pour le C-HDL en tant que cible du traitement. Au vu de la très étroite corrélation entre un taux élevé de C-HDL et la protection CV, les développements à cet égard pourraient revêtir une grande importance à l’étape subséquente de la réduction du risque.

Mesure du fardeau athéromateux

Les résultats positifs d’une autre étude de phase IIb, dal-PLAQUE, sont venus renforcer ceux de l’essai dal-VESSEL. Cette étude multicentrique d’imagerie a été réalisée chez 130 patients randomisés de façon à recevoir 600 mg de dalcetrapib ou un placebo. Les deux paramètres principaux étaient l’indice du fardeau athéromateux à l’IRM mesuré à 24 mois et l’inflammation artérielle mesurée à 6 mois au moyen de la tomodensitométrie et de la tomographie par émission de positons au 18F-fluorodésoxyglucose. Comme dans l’essai dal-VESSEL, le C-HDL a augmenté de 31 %. Non seulement n’a-t-on observé aucun effet pro-inflammatoire, mais le dalcetrapib a été associé à une protection significative contre la progression du fardeau athéromateux.

Encouragés par les résultats de ces deux études, les chercheurs ont entrepris un essai axé sur les événements cliniques, dal-OUTCOMES, qui regroupe plus de 15 000 patients ayant été victimes d’un syndrome coronarien aigu; le recrutement vient de se terminer et les résultats sont attendus en 2013.

La Lp-PLA<sub>2</sub>, une cible potentielle?

Les agents ciblant la Lp-PLA<sub>2</sub> laissent aussi entrevoir de bons résultats à ce chapitre. Parallèlement aux résultats à venir d’un essai sur le darapladib, qui cible cette enzyme en particulier, des chercheurs ont tenté de mieux comprendre l’effet d’une variation du taux de Lp-PLA<sub>2</sub> sur le risque d’événement CV chez des patients coronariens. Dans le cadre d’un modèle statistique devant leur permettre d’estimer l’excédent de risque coronarien attribuable à la Lp-PLA<sub>2</sub>, les chercheurs ont utilisé les valeurs initiales de STABILITY (Stabilisation of Atherosclerotic Plaque by Initiation of Darapladib Therapy) et les ont appliquées au calcul du risque à 4 ans de survenue d’un événement du paramètre mixte (infarctus du myocarde, insuffisance coronarienne, angine et mort d’origine coronarienne) selon l’équation de Framingham. Les deuxième, troisième et quatrième quartiles de taux de Lp-PLA<sub>2</sub> représentaient chacun une augmentation du risque de 10 à 15 % par rapport au quartile précédent. Selon cette méthode de calcul du risque relatif, le risque calculé par l’équation de Framingham a dû être rajusté chez 36 % des patients; de l’avis des auteurs, l’excédent de risque ainsi calculé est aussi révélateur que le ratio C-HDL:cholestérol total.

«Si ces données montrent que la Lp-PLA<sub>2</sub> est un prédicteur sensible du risque secondaire, l’essai STABILITY nous permettra quant à lui de déterminer s’il s’agit d’un facteur de risque modifiable», explique le Pr Lars Wallentin, Département de cardiologie, Centre de recherche clinique d’Uppsala, Suède. Les données montrant que la Lp-PLA<sub>2</sub> est, à l’instar du C-HDL, un marqueur sensible du risque doivent en effet être confirmées par une étude montrant qu’un traitement agissant sur ce marqueur réduit le nombre d’événements et qu’il est sûr.

Risque résiduel sous statine

Une fois le taux de C-LDL abaissé au maximum, on a probablement intérêt à corriger le risque résiduel chez la majorité, voire la totalité des patients ayant des antécédents de maladie CV, à plus forte raison s’ils sont porteurs du syndrome métabolique ou atteints de diabète. Ces patients ont typiquement un faible taux de C-HDL et un taux élevé de TG, de sorte que le risque résiduel demeure sans doute assez élevé malgré le traitement par une statine. Les auteurs suédois d’une étude présentée au congrès ont même avancé qu’il pourrait y avoir une interaction entre un faible taux de C-HDL et une forte résistance à l’insuline.

«Lorsqu’un risque élevé était défini par un taux de C-HDL <1,03 mmol/L chez l’homme ou <1,3 mmol/L chez la femme, et un index HOMA2-IR >1,5, le taux de risque d’événement CV après prise en compte des facteurs de risque CV classiques s’élevait à 2,57 (IC à 95 % : 1,57-4,21) comparativement aux patients à faible risque selon le taux de C-HDL et l’index HOMA», souligne le Dr Axel C. Carlsson, Institut Karolinska, Stockholm, Suède. Ces données montrent qu’il serait bien sûr utile de mesurer à la fois le taux de C-HDL et la résistance à l’insuline pour mieux évaluer le risque CV chez les patients porteurs d’un syndrome métabolique ou atteints de diabète, mais elles font également ressortir un profil de risque indépendant du C-LDL chez ces patients, poursuit le Dr Carlsson.

Pendant une quinzaine d’années, les essais cliniques sur les statines ont constitué la majeure partie de la recherche et nous ont permis de comprendre la physiopathologie qui sous-tend à la fois la formation des plaques athéromateuses et leur rupture, qui signe les événements thrombotiques. Il est maintenant clair qu’un taux élevé de C-LDL n’est pas le seul facteur à l’origine de la progression des plaques et de l’installation d’un état pro-inflammatoire.

Résumé

Les données montrant qu’il est important de maîtriser des facteurs autres que le C-LDL pour réduire le risque CV sont probantes au point que de nombreux organismes recommandent déjà des stratégies visant à modifier d’autres facteurs, surtout un faible taux de C-HDL. Ces recommandations ne sont toutefois pas étayées par des données de niveau 1 qui témoigneraient d’une réduction significative du risque de survenue d’événements majeurs, tels les événements CV ou la mort. Grâce à plusieurs essais multinationaux en préparation ou déjà en cours, il sera possible de déterminer le bénéfice rattaché à la modification de marqueurs du risque autres que le C-LDL. Si le bénéfice attendu se concrétise, on assistera à une évolution majeure de la prise en charge du risque CV, surtout chez les patients dont les dyslipidémies ne se limitent pas à un taux élevé de C-LDL.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.