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La protection vasculaire revisitée dans les nouvelles lignes directrices sur le diabète

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE Point de vue sur l’article suivant : Lignes directrices de pratique clinique 2008 de l’Association canadienne du diabète pour la prévention et le traitement du diabète au Canada. Can J Diabetes sep 2008;32(suppl 1).

Décembre 2008

Revu par :

Richard Lewanczuk, MD, PhD

Professeur titulaire, Département de médecine, University of Alberta, Edmonton (Alberta)

Dans ses nouvelles lignes directrices pour le traitement du diabète, l’Association canadienne du diabète (ACD) a actualisé la démarche qu’elle préconise pour favoriser la diminution de la morbi-mortalité1. Depuis 2003, année de publication de la version antérieure des lignes directrices2, la prévalence du diabète au Canada est passée de 4,7 à 5,5 % de la population3. En raison des taux croissants d’obésité et de la hausse de l’âge médian de la population canadienne, la proportion de Canadiens aux prises avec un diabète devrait augmenter de façon substantielle au cours des années à venir4. Bien entendu, nous avons besoin de nouvelles stratégies pour renverser la vapeur, mais il nous faut aussi de meilleures stratégies pour améliorer l’issue chez les patients qui souffrent déjà de diabète. La protection vasculaire est peut-être en soi le facteur le plus important sur lequel nous pouvons agir pour abaisser la morbi-mortalité en raison du lien étroit entre la dysfonction vasculaire, d’une part, et la vulnérabilité aux infarctus du myocarde (IM) et aux accidents vasculaires cérébraux (AVC), d’autre part. Les maladies cardiovasculaires (CV) et les AVC expliquent près de 85 % de tous les décès au sein de la population diabétique5.

Protection vasculaire par l’inhibition du SRAA

La décision de l’ACD de consacrer une section complète de ses lignes directrices à la protection vasculaire témoigne de l’importance de cette question. L’ACD précise en toutes lettres que l’inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) est une composante essentielle de la prise en charge du risque CV. Un grand nombre de nouvelles données ont été publiées depuis la parution de la version antérieure des lignes directrices. Si l’étude comparative avec placebo HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation) a été la première à montrer qu’un inhibiteur du SRAA, le ramipril en l’occurrence, conférait une protection CV indépendante de la tension artérielle (TA)6, l’étude plus récente ONTARGET (ONgoing Telmisartan Alone and in combination with Ramipril Global Endpoint Trial) a objectivé un bénéfice comparable lorsque le telmisartan, antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA), était comparé directement au ramipril7. La grande différence entre ces deux stratégies est la meilleure tolérabilité du telmisartan. Avant la tenue de l’étude ONTARGET, il n’était pas clair qu’un ARA puisse offrir une protection supérieure, comparable ou inférieure à celle de cet inhibiteur de l’ECA contre les événements CV. Le telmisartan est le seul ARA à avoir fait la preuve de son équivalence chez des sujets à risque élevé comme ceux des études HOPE et ONTARGET.

Les études sur l’inhibition du SRAA aux fins de protection vasculaire qui ont précédé l’étude ONTARGET reposaient pour la plupart sur une comparaison avec un placebo. Lorsque l’étude ONTARGET a été amorcée, les bénéfices associés aux inhibiteurs de l’ECA avaient déjà été bien établis et il aurait été contraire à l’éthique d’administrer un placebo à des patients exposés à un risque élevé. Lors de l’étude HOPE, le traitement par le ramipril avait conféré une diminution de 22 % (p<0,001) du paramètre mixte regroupant les IM, les AVC et les décès d’origine CV par rapport à un placebo. Lors de l’étude EUROPA (European Trial on Reduction of Cardiac Events), réalisée au sein d’une population légèrement différente, c’est-à-dire des patients coronariens stables, le perindopril avait été associé à une diminution comparable de 20 % (p<0,0003) des IM, des arrêts cardiaques rattrapés et de la mortalité d’origine CV8. Il semble que les deux études – qui réunissaient un nombre substantiel de patients diabétiques – aient l’une et l’autre objectivé une protection vasculaire indépendante de la baisse des chiffres tensionnels.

L’étude ONTARGET visait deux objectifs. Le premier était de déterminer si le telmisartan, ARA doté d’une longue demi-vie, conférait une protection comparable à celle du ramipril, inhibiteur de l’ECA ayant fait ses preuves dans l’étude HOPE, tous deux administrés une fois par jour, le premier à raison de 80 mg et le second, de 10 mg. Le deuxième objectif consistait à déterminer si l’association du telmisartan et du ramipril, administrés aux mêmes doses qu’en monothérapie, conférait un avantage supplémentaire. L’étude, qui portait sur 25 620 sujets répartis aléatoirement dans trois groupes, était l’une des plus vastes sur l’inhibition du SRAA et la plus importante jamais réalisée sur un ARA. Pour être admissibles à l’étude, les patients devaient avoir au moins 55 ans et présenter une maladie coronarienne, vasculaire périphérique ou vasculaire cérébrale ou encore, un diabète avec atteinte des organes cibles. Environ 38 % de l’effectif, ce qui représente plus de 9500 patients, souffraient de diabète au départ. Une proportion substantielle d’entre eux n’avaient jamais été victimes d’un événement CV.

Après un suivi d’une durée médiane de 56 mois, le taux d’IM, d’AVC, d’hospitalisations pour cause CV ou de décès d’origine CV – le paramètre principal – était presque identique dans les trois groupes de traitement (16,7, 16,5 et 16,3 % dans les groupes ARA, inhibiteur de l’ECA et association, respectivement). Si l’on compare ces trois groupes en fonction du paramètre principal de l’étude HOPE, c’est-à-dire les IM, les AVC et les décès d’origine CV, les taux demeurent presque identiques (13,9, 14,1 et 14,1 %, respectivement) (Figure 1). Dans ses lignes directrices, l’ACD s’appuie sur ces données pour conclure que le telmisartan à 80 mg n’est pas inférieur au ramipril à 10 mg au chapitre de la protection CV.

Figure 1. Détermination de la non-infériorité lors de l’étude ONTARGET


Tolérabilité

Sur le plan de la tolérabilité, la comparaison des trois stratégies a révélé que le taux d’abandons le plus élevé – près de 30 % – avait été enregistré chez les patients qui recevaient l’association. Bien que ce taux ait été significativement plus élevé que le taux de 24,5 % enregistré dans le groupe ramipril (p<0,001), ce dernier taux était lui-même significativement plus élevé que le taux d’abandons associé au telmisartan (23 %; p=0,02, Figure 2) et ce, bien que les patients ne tolérant pas bien leur traitement par le ramipril ou le telmisartan ou n’y adhérant pas aient été exclus de l’étude après une période préliminaire antérieure à la randomisation. La toux caractéristique associée au traitement par un inhibiteur de l’ECA a motivé 4,2 % de ces abandons (vs 1,1 % pour le telmisartan; p<0,001), ce qui donne tout lieu de croire que l’étude n’est pas un parfait reflet des conditions réelles de la pratique clinique. Lors de certains essais sur les inhibiteurs de l’ECA qui ne comportaient pas de période préliminaire, le taux d’abandons motivés par la toux a atteint 35 %9. Bien que les symptômes hypotensifs aient été plus fréquents sous telmisartan que sous ramipril (2,7 % vs 1,7 %; p<0,001), on n’a observé aucun écart entre les deux groupes quant au taux de syncope (0,2 % vs 0,2 %), la conséquence la plus redoutée de l’hypotension. Inversement, l’angio-œdème, effet indésirable potentiellement mortel, était significativement plus fréquent sous ramipril (0,3 % vs 0,1 %; p=0,01).

Figure 2. Taux d’a
ns l’étude ONTARGET

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Prise en charge des autres facteurs de risque

Dans ses nouvelles lignes directrices sur la protection vasculaire, l’ACD considère l’inhibition du SRAA comme une stratégie indépendante de la maîtrise des chiffres tensionnels. Elle insiste toutefois sur le fait que cette stratégie doit s’inscrire dans une démarche multifactorielle globale qui cible les autres facteurs de risque modifiables, dont l’hypertension et l’hyperlipidémie. Chez les patients diabétiques, quelle que soit leur TA, le telmisartan à 80 mg, le ramipril à 10 mg et le perindopril à 8 mg sont recommandés aux fins de protection vasculaire, mais ils peuvent aussi servir d’antihypertenseurs. Dans le cadre de l’étude ONTARGET, on a enregistré un écart tensionnel faible, quoique possiblement important sur le plan clinique, entre le groupe telmisartan à 80 mg et le groupe ramipril à 10 mg : 2,4/1,4 mmHg. Chez les nombreux patients qui doivent prendre au moins deux antihypertenseurs pour atteindre la TA cible actuelle (<130/80 mmHg) recommandée par l’ACD, l’association du telmisartan et d’un diurétique thiazidique faiblement dosé est particulièrement efficace et comporte un risque très faible d’effets indésirables10. Il importe néanmoins de souligner que les patients exposés à un risque élevé doivent recevoir un inhibiteur du SRAA administré à une dose conférant une protection vasculaire, peu importe le schéma antihypertensif qu’ils reçoivent (Tableau 1
nce des traitements conférant une protection vasculaire et rénale

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On ignore si les ARA autres que le telmisartan à 80 mg sont aussi efficaces que le ramipril à 10 mg pour conférer une protection vasculaire. La demi-vie du telmisartan – qui est de 25 heures – est passablement plus longue que celle de tous les autres ARA sur le marché11; dans bien des cas, sa durée d’action est deux fois plus longue. Fait particulièrement intéressant pour les patients diabétiques, plusieurs études récentes ont révélé que le telmisartan, contrairement à d’autres inhibiteurs du SRAA, améliorait la résistance à l’insuline12,13. Les décisions thérapeutiques devant être guidées par les principes de la médecine factuelle, on estime à la lumière des multiples différences éventuelles entre les ARA que seul l’ARA ayant fait ses preuves à la dose d’efficacité démontrée devrait servir aux fins de protection vasculaire. Il en va de même pour les inhibiteurs de l’ECA : seuls sont appropriés les agents ayant fait leurs preuves à la dose d’efficacité démontrée. Il est précisé dans les lignes directrices que le traitement par le trandolapril à 4 mg une fois par jour n’a pas donné lieu à une diminution du paramètre mixe (événements CV) lors de l’essai avec placebo PEACE (Prevention of Events with the Angiotensin Converting Enzyme inhibitor) qui, comme l’essai EUROPA, portait sur des patients coronariens stables14.

L’importance d’administrer un inhibiteur du SRAA à la dose d’efficacité démontrée est inhérente au concept de la protection vasculaire, qui repose sur des effets tissulaires spécifiques, notamment la protection de la fonction endothéliale pour réduire le risque de formation et d’expansion des plaques athéromateuses. L’inhibition du SRAA est l’une des stratégies pharmacologiques sur lesquelles on insiste dans les lignes directrices de l’ACD, mais d’autres stratégies de réduction du risque contribuent au maintien de la santé vasculaire. C’est pourquoi, dans sa section sur la protection vasculaire, l’ACD considère comme prioritaire que tous les patients diabétiques souscrivent à une démarche globale visant à réduire tous les risques modifiables. Sont donc visés l’abandon du tabac, un poids santé, une saine alimentation et l’activité physique régulière. S’ajoute à cette liste, bien entendu, l’optimisation de la TA et de la glycémie.

Les stratégies de protection vasculaire qui reposent sur l’inhibition du SRAA à l’aide des agents éprouvés sont recommandées chez les diabétiques exposés à un risque élevé d’événement CV, c’est-à-dire les hommes de 45 ans ou plus ou les femmes de 50 ans ou plus; tout patient exposé à de multiples facteurs de risque; tout patient exposé à un facteur de risque très lourd; tout patient déjà porteur d’une micro- ou d’une macro-angiopathie; tout patient dont le diabète remonte à au moins 15 ans. Selon les lignes directrices, le traitement antiplaquettaire devrait faire partie du schéma de protection vasculaire chez les patients à risque élevé. Par contre, préviennent les auteurs, la protection vasculaire résultant du traitement par un antiagrégant plaquettaire pourrait être moins marquée chez les diabétiques que chez les non-diabétiques; de plus, un traitement antiplaquettaire ne doit être envisagé qu’après une évaluation minutieuse du risque hémorragique du patient.

Résumé

L’ACD consacre une section complète de ses nouvelles lignes directrices à la protection vasculaire. Indépendamment de la maîtrise des chiffres tensionnels, elle recommande l’inhibition du SRAA pour réduire le risque d’événement CV chez les patients âgés ou ceux qui montrent déjà des signes de micro- ou de macro-angiopathie. Il ressort de l’essai ONTARGET mené à bien récemment que le telmisartan à 80 mg, antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, serait l’équivalent du ramipril à 10 mg sur le plan de la protection vasculaire. De nouvelles habitudes de vie, comme l’atteinte d’un poids santé, une saine alimentation et l’activité physique, sont autant de stratégies de protection vasculaire auxquelles tous les diabétiques doivent souscrire.

Références

1. Comité d’experts des Lignes directrices de pratique clinique de l’Association canadienne du diabète. Can J Diabetes 2008;32(suppl 1):S1-S201.

2. Meltzer S, Leiter L, Daneman D, et al. CMAJ 1998;159(suppl 9):S1-S29.

3. Fiche nationale de renseignements sur le diabète Canada 2007. Site Web de l’agence de la santé publique du Canada. Adresse : www.phac-aspc.gc.ca/ccdpc-cpcmc/diabetes-diabete/francais/pubs/ndfs-fnrd07-fra.html. Consulté le 1er décembre 2008.

4. Ohinmaa A, Jacobs P, Simpson S, et al. Can J Diabetes 2004;28:116-23.

5. U.S. National Institutes of Health. Death among people with diabetes, États-Unis, 2006. Site Web du NIDDK. Adresse : http://diabetes.niddk.nih.gov/dm/pubs/statistics/#deaths. Consulté le 1er décembre 2008.

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8. Fox KM et investigateurs de l’essai EUROPA. Lancet 2003;362:782-8.

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13. Sanchez RA, Masnatta LD, Pesiney C, et al. J Hypertens 2008;26:2393-8.

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