Comptes rendus

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L’asthme chez l’enfant : stratégies pour une meilleure adhésion au traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESS PRIORITAIRE - La 5e Conférence mondiale de l’International Primary Care Respiratory Group

Toronto, Ontario / 2-5 juin 2010

Chez l’enfant, l’apparition d’une respiration sifflante peut avoir de nombreuses causes, notamment une infection virale ou bactérienne. Même persistante et chronique, la respiration sifflante n’est pas forcément un signe d’asthme, affirme le Dr John Haughney, président, The International Primary Care Respiratory Group (IPCRG), Glasgow, Royaume-Uni. Par exemple, certains enfants en bas âge souffrent d’infections virales à une fréquence telle que la respiration sifflante paraît chronique. Chez d’autres, les problèmes respiratoires chroniques tiennent à l’exposition constante à un allergène, telles les squames d’un animal de compagnie. Bien que l’asthme soit une maladie répandue, le diagnostic est souvent erroné, si bien qu’il doit être confirmé par des tests.

Une fois le diagnostic d’asthme confirmé, un autre défi important attend le médecin : traiter le processus morbide sous-jacent et non seulement les symptômes. Selon les données de 2007 de l’Asthma Society of Canada, environ la moitié seulement des enfants asthmatiques répondent aux critères d’une bonne maîtrise. Tous les pays font état d’une piètre maîtrise de l’asthme, y compris la Suède où le suivi pendant six ans d’une cohorte de 71 adolescents et jeunes adultes a révélé que l’asthme était mal maîtrisé chez environ les deux tiers des sujets, possiblement en raison d’une sous-utilisation des corticostéroïdes en inhalation (CSI), explique l’auteur principal de l’étude, le Dr Bjorn Stallberg, Université d’Uppsala, Stockholm, Suède.

Les CSI sont des agents de première intention dans tous les cas d’asthme léger ou modéré persistant, y compris chez les enfants, car ils ciblent l’inflammation sous-jacente. Cependant, de nombreux parents croient qu’en l’absence de symptômes, on peut diminuer la dose du CSI ou mettre fin au traitement, comme on le fait avec les bêta-agonistes à courte durée d’action pour le soulagement des symptômes à court terme. L’usage constant d’un CSI est au contraire essentiel à la maîtrise optimale de l’asthme.

Les risques de la non-adhésion

«Aux doses usuelles, tous les CSI mettent environ six semaines avant d’exercer leur plein effet», prévient le Dr Tom Kovesi, professeur agrégé de pédiatrie, Université d’Ottawa, Ontario. Qualifiant l’importance d’une bonne adhésion de «vérité qui dérange», il a cité des données montrant que dans certains cas, la fonction pulmonaire continuait de s’améliorer après un an de traitement par un CSI, ce qui souligne l’importance du traitement quotidien. L’ennui, c’est que «les CSI sont presque toujours utilisés par intermittence». Ainsi, des chercheurs néerlandais ont rapporté que seulement 22 % des quelque 300 enfants asthmatiques âgés de 0 à 17 ans recevaient en continu un traitement reposant sur un bronchodilatateur ou un corticostéroïde, ou les deux. Près de 5 % de ces sujets recevaient seulement un bronchodilatateur en continu. À en juger par l’évaluation de l’efficacité des associations «en conditions réelles» vs dans le cadre d’essais comparatifs avec randomisation (étude rétrospective reposant sur la General Practice Research Database du Royaume-Uni intitulée GOAL [Gaining Optimal Asthma Control]), seulement 17,4 % des quelque 7000 adolescents et adultes de la base de données répondaient au critère mixte définissant une maîtrise totale; de plus, les taux annuels d’exacerbations étaient nettement plus élevés chez les patients asthmatiques évalués en conditions réelles que chez les sujets de l’étude GOAL.

Même si la prescription est appropriée pour l’enfant, le mauvais usage, volontaire ou involontaire, de l’inhalateur est un problème de taille et peut assurément compromettre la maîtrise de l’asthme, affirme Jolyon Mitchell, PhD, directeur scientifique, Trudell Medical International, London, Ontario. La réticence des parents à l’utilisation des CSI chez les jeunes enfants pourrait être un autre facteur qui contribue à leur utilisation sous-optimale. La plupart des parents craignent les effets indésirables des CSI – en particulier le risque potentiel de retard de croissance – en raison de l’absorption systémique, ajoute le Dr Kovesi.

Les parents doivent comprendre que les CSI exercent une action topique sur les voies respiratoires et que leur efficacité ne nécessite pas une absorption systémique. Des mesures visant la prévention de l’absorption permettent de conserver l’effet anti-inflammatoire essentiel tout en contournant les risques. Tous les CSI sont d’efficacité comparable, insiste le Dr Kovesi, mais deux facteurs clés peuvent éviter l’absorption systémique. Le premier est une bonne technique d’utilisation de l’inhalateur. Il en résulte une proportion accrue de CSI acheminée aux poumons, où le risque d’absorption est faible, et une proportion moindre atteignant le tube digestif, où le risque d’absorption systémique est plus élevé. Le deuxième facteur est le choix d’un CSI dont les propriétés pharmacocinétiques donnent lieu à une biodisponibilité moindre après l’absorption systémique.

Pharmacocinétique et pharmacodynamie

Parmi les propriétés pharmacocinétiques, la liaison aux protéines, la vitesse d’élimination et la demi-vie comptent parmi les plus pertinentes. Celles-ci diffèrent considérablement (Tableau 1). La biodisponibilité orale désigne la quantité approximative du médicament absorbée lorsque le CSI atteint le tube digestif. Une forte liaison aux protéines est avantageuse, même après l’absorption, car la portion de médicament libre pouvant causer des effets indésirables, telle la suppression surrénalienne, s’en trouve réduite. De même, une élimination rapide et une demi-vie brève sont préférables à une élimination lente et à une longue demi-vie, car le risque d’exposition systémique s’en trouve réduit.

Tableau 1. Propriétés pharmacocinétiques des CSI


Plusieurs études corroborent la pertinence clinique de ces différences. Par exemple, une étude où l’on comparait le budésonide et le ciclésonide a montré l’efficacité comparable de ces deux CSI, mais elle a aussi objectivé des différences quant à l’effet sur la fonction de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), reflet d’une absorption systémique (Von Berg et al. Pediatr Allergy Immunol 2007;18[5]391-400). Lors de cette étude, 621 enfants (6 à 11 ans) ont été randomisés de façon à recevoir 200 µg de budésonide ou 160 µg de ciclésonide 1 fois/jour, par inhalateur. Après 12 semaines, les deux étaient associés à une amélioration comparable du volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS), le paramètre principal, mais la fonction de l’axe HHS avait été significativement moins perturbée par le ciclésonide que par le budésonide (p<0,001). Le budésonide a aussi été associé à une diminution significativement plus marquée de la cortisolurie des 24 heures.

Lors d’une étude similaire regroupant 744 enfants, l’administration de 88 µg de fluticasone 2 fois/jour a été associée à une diminution plus marquée de l’excrétion urinaire de cortisol, marqueur important de l’activité systémique, que le ciclésonide à 80 µg ou à 160 µg administré 1 fois/jour, même si les améliorations relatives de la fonction respiratoire étaient comparables après 12 semaines de traitement (Pedersen et al. Pulm Pharmacol Ther 2009;22[3]:214-20). Des exemples ont démontré qu’il était possible d’atténuer les effets systémiques en passant à un autre CSI doté de propriétés pharmacodynamiques plus favorables. Dans sa discussion d’une série publiée (Heller et al. J Asthma 2010;47:337-9), la Dre Preetha Krishnamoorthy, professeure adjointe de pédiatrie, CUSM-Hôpital de Montréal pour enfants, au Québec, a cité le cas d’un nourrisson sous fluticasone qui avait été admis à l’hôpital avec une excrétion de cortisol de seulement 8 nmol/L (mesurée le matin) et que l’excrétion du cortisol s’était rétablie après le passage au ciclésonide (Figure 1).


: taux de cortisol

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Croissance

Lors d’une étude canadienne regroupant 360 enfants âgés de 6 à 9 ans qui avaient été randomisés de façon à recevoir 200 µg de béclométhasone avec CFC 2 fois/jour, un placebo ou 5 mg de montélukast, le taux moyen de croissance était significativement moins élevé sous béclométhasone (-0,78 cm) que sous placebo ou sous montélukast (0,81 cm) (p<0,001 dans les deux cas) (Becker et al. Ann Allergy Asthma Immunol 2006;96[6]:800-7). Certes, de telles études effraient les parents, mais la Dre Krishnamoorthy estime néanmoins, à l’instar d’autres experts, que la maîtrise de l’asthme est LA priorité.

Les parents doivent comprendre que l’asthme est une maladie potentiellement mortelle, affirme la Dre Krishnamoorthy, et que la maîtrise de la maladie est de loin plus importante qu’un risque incertain d’effets indésirables systémiques, y compris le retard de croissance. Certes, les parents doivent apprendre comment ils peuvent modifier le risque d’effets systémiques des CSI, mais on doit leur expliquer clairement la nécessité d’une adhésion rigoureuse au traitement.

Résumé

S’il aspire à maîtriser à long terme l’asthme persistant chez l’enfant, le médecin doit bien sûr prescrire le bon CSI à la bonne dose, condition sine qua non du traitement de première intention pour que la maladie ne progresse pas, mais il doit aussi discuter des risques associés aux CSI avec les parents. Tous les CSI sont d’efficacité comparable pour la maîtrise des symptômes, mais ils diffèrent quant à leur risque relatif d’absorption systémique qui peut influer sur les risques systémiques, tel le retard de croissance. Le plus important est d’éviter toute exacerbation grave de l’asthme, mais si le médecin choisit le CSI qui risque le moins d’être absorbé par l’organisme, les parents seront peut-être plus nombreux à s’assurer de l’adhésion à un traitement qui pourrait sauver la vie de leur enfant.

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