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L’autosurveillance de la glycémie dans le diabète : Quels sont les obstacles à l’adhésion? Comment les faire tomber?

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

L’ODYSÉE de la SANTÉ - Les Échos de la prise en charge du diabète

Mai 2010

De toute évidence, il est essentiel de faire comprendre au patient diabétique que l’adhésion aux consignes d’autosurveillance de la glycémie (ASG) favorise la maîtrise du diabète. Parmi les auteurs qui ont récemment tenté d’objectiver un lien entre la fréquence des lectures de la glycémie et l’équilibre glycémique, Evans et al.1 ont mis en évidence un lien direct entre l’utilisation de bandelettes réactives et la fraction HbA1C notée au dossier de patients atteints d’un diabète de type 1. Lors d’une étude d’envergure menée auprès de plus de 24 000 patients inscrits dans un organisme de soins intégrés, de fréquentes lectures de la glycémie ont été associées à une amélioration clinique et statistique de l’équilibre glycémique, peu importe le traitement administré2, ce qui vient démontrer une fois de plus que l’ASG fait partie intégrante d’une prise en charge efficace du diabète. En effet, seule l’ASG permet de déceler, de traiter et d’éviter les anomalies glycémiques. Partant, de fréquentes lectures sont particulièrement importantes chez le patient recevant des doses variables d’insuline qui doit connaître sa glycémie avant de s’injecter une dose d’insuline.

Cependant, soulignent Nielsen et Christiansen3, la plupart des patients diabétiques ne parviennent pas à un équilibre glycémique optimal. «Même dans les sociétés très industrialisées, un très fort pourcentage de patients diabétiques n’atteint pas les cibles glycémiques», écrivent-ils. Des études ont aussi révélé que de nombreux patients diabétiques ne surveillaient pas du tout leur glycémie ou que leur adhésion aux consignes d’ASG était loin d’être optimale. Harris et al.4, par exemple, ont constaté que seulement 40 % des patients atteints d’un diabète de type 1 mesuraient leur glycémie au moins une fois par jour alors que seulement 26 % des patients atteints d’un diabète de type 2 sous insuline le faisaient une fois par jour.

Les éducateurs en diabète seront heureux d’apprendre que les sujets de l’étude de Harris et al. qui avaient assisté à un cours sur la prise en charge du diabète et qui avaient souvent consulté leur médecin au sujet de leur diabète étaient plus susceptibles de surveiller leur glycémie. De même, Scorpiglione et al.5 ont pour leur part constaté que parmi les 1384 patients sous insuline recrutés dans des cliniques ambulatoires pour diabétiques ou au sein de la clientèle d’omnipraticiens, 31 % ne mesuraient jamais leur glycémie alors que seulement 18,2 % la surveillaient à la fréquence moyenne minimale d’une fois par jour.

Lors d’une étude transversale regroupant plus de 44 000 adultes diabétiques, Karter et al.6 ont constaté que 60 % des sujets atteints d’un diabète de type 1 pratiquaient l’ASG moins souvent que le recommande l’American Diabetes Association (ADA). L’Association canadienne du diabète (ACD) recommande d’individualiser la fréquence de l’ASG selon l’équilibre glycémique et le type de traitement. Chez les patients sous insuline, qu’ils souffrent d’un diabète de type 1 ou de type 2, l’ACD estime que l’ASG est une composante essentielle de l’autoprise en charge du diabète et qu’elle doit comporter au moins trois mesures de la glycémie par jour, y compris des mesures préprandiales et postprandiales.

Sondage sur les réalités du traitement du diabète

Ida Wijsman, infirmière et coordonnatrice des soins aux diabétiques, Hôpital Gelre, Zutphen, Pays-Bas, a tenté récemment de cerner les raisons pour lesquelles les patients ne suivent pas les recommandations quant à la fréquence des lectures de la glycémie et des injections d’insuline. Elle a dévoilé les résultats de son étude à la 14e Conférence annuelle de la FEND (Federation of European Nurses in Diabetes), qui a eu lieu à Vienne en 2009. Dans le cadre d’un sondage sur les réalités du traitement du diabète, l’équipe néerlandaise a réalisé 150 entrevues téléphoniques dirigées avec des patients sous insuline, dont 59 % étaient atteints d’un diabète de type 2. Les patients ont été subdivisés en deux groupes selon leur schéma d’insuline : à doses variables (41 %) ou à doses fixes (59 %). Par schéma à doses fixes, on entendait que la dose quotidienne d’insuline était calculée par un professionnel de la santé.

Pour évaluer l’adhésion aux consignes d’ASG, les chercheurs demandaient aux participants combien de fois par jour ils mesuraient leur glycémie à l’aide d’un glucomètre, combien de fois par jour leur professionnel de la santé leur recommandait de le faire et, dans l’ensemble, dans quelle mesure ils suivaient les recommandations de leur professionnel de la santé quant à la fréquence des lectures de la glycémie.

La non-adhésion a été mesurée à l’aide de trois définitions. La «non-adhésion selon l’autoévaluation» correspondait à l’évaluation des patients sur une échelle de sept points. Un score de 5 ou moins sur cette échelle dénotait une non-adhésion.

La «non-adhésion calculée» était une combinaison de la nonadhésion selon l’autoévaluation du patient et de la non-adhésion selon les recommandations des professionnels de la santé. Pour calculer cette dernière donnée, les chercheurs demandaient aux patients à quelle fréquence ils mesuraient leur glycémie et à quelle fréquence on leur recommandait de le faire, et la différence entre les deux dénotait le degré d’adhésion. Chez les patients dont les doses d’insuline étaient variables, on évaluait la non-adhésion aux consignes en comparant la fréquence autoévaluée des lectures de la glycémie et la fréquence préconisée dans les guides de pratique internationaux. Les patients étaient considérés comme non observants s’ils mesuraient leur glycémie moins de trois fois par jour, ce qui correspond aux recommandations actuelles de l’ADA et de l’ACD7,8. Les patients dont les doses d’insuline étaient fixes étaient quant à eux considérés comme observants s’ils mesuraient leur glycémie au moins une fois par jour.

Globalement, la non-adhésion à l’insulinothérapie – 11 % – était relativement faible au sein de la cohorte néerlandaise. Au chapitre de la non-adhésion aux consignes d’ASG, en revanche, 41 % des patients sous insuline à doses variables ont été qualifiés de non observants selon les guides de pratique. Dans ce dernier groupe, 60 % des patients mesuraient leur glycémie une fois par jour et 40 %, deux fois par jour. La «non-adhésion calculée» se chiffrait à 39 %. «La fréquence insuffisante des lectures au glucomètre est un problème chez tous les patients, y compris chez les patients que l’on considère comme observants, notent les chercheurs. Cependant, la fréquence des mesures est particulièrement faible chez les patients non observants recevant des doses variables d’insuline.»

Quels sont les obstacles à l’ASG?|

Le sondage a permis de découvrir quelques-uns des principaux motifs de non-adhésion à l’ASG, notamment le manque de sensibilisation à la fréquence requise des mesures de la glycémie. «Nombreux sont les patients qui pensent honnêtement respecter la fréquence recommandée, soulignent les auteurs, mais ceux qui de leur propre aveu ne la mesurent pas assez souvent affirment généralement qu’ils n’en voient pas l’utilité ou qu’ils manquent de temps pour le faire.»

Parmi les autres obstacles à l’ASG, les auteurs ont constaté que les problèmes de manutention des bandelettes réactives étaient l’obstacle le plus fréquent (88 %). Plus précisément, 67 % des participants ne savaient pas que les bandelettes pouvaient être contaminées si elles étaient sorties de leur gaine protectrice, par exemple; 20 % transportaient sur eux des bandelettes réactives sorties de leur flacon; un nombre similaire de patients ne se lavaient pas les mains avant de mesurer leur glycémie; plus de 10 % des répondants ne respectaient pas la température recommandée pour les bandelettes et le glucomètre ou ne refermaient pas le flacon après en avoir retiré des bandelettes; enfin, d’autres patients avaient des problèmes de dextérité en raison de neuropathies au niveau des mains, des poignets ou des doigts qui rendaient l’ASG difficile; et quelques patients encore se servaient de bandelettes dont la date de péremption était échue.

Au quotidien, les facteurs qui faisaient le plus souvent obstacle à l’ASG étaient la difficulté d’effectuer des tests lorsqu’en déplacements fréquents (39 %); les oublis (31 %); le manque de temps pour des mesures régulières de la glycémie (23 %); le manque de certaines fournitures à portée de main pour faire le test (21 %); les fournitures encombrantes à transporter pour faire une lecture (21 %); et le manque de temps pour un nombre suffisant de lectures (18 %) (Figure 1). Par ailleurs, parmi les obstacles à des lectures plus fréquentes de la glycémie, 45 % des sujets de la cohorte ont cité la douleur et 40 %, l’incapacité à faire le test discrètement; entre 30 et 40 % des participants ont fait mention de facteurs tels que la motivation, des problèmes de codification si le glucomètre utilisé nécessitait l’entrée d’un code, le maniement sécuritaire des déchets et l’impression que le test n’était pas nécessaire.

Figure 1. Quelle est la principale raison pour laquelle vous n'arrivez pas à faire le test aussi souvent que vous le devriez?


Rapidité et facilité d’emploi

«Je connais beaucoup de patients pour qui la mesure de la glycémie est source de problèmes», faisait remarquer Mme Wijsman lors d’un entretien, «mais je ne savais pas avec certitude quels étaient les principaux problèmes». Par exemple, elle s’attendait à ce que le côté esthétique du glucomètre soit un obstacle important à l’ASG alors que, dans les faits, cet aspect a eu peu de conséquences sur les taux d’adhésion, seulement 17 % des sujets l’ayant cité comme étant un obstacle à l’ASG, alors que 22 % des sujets ont mentionné le coût comme étant un obstacle à l’ASG
2. Obstacles à l’ASG

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De nombreux patients diabétiques lui ont dit qu’ils devaient pouvoir mesurer leur glycémie «rapidement et facilement», poursuit Mme Wijsman. Le fait qu’un si grand nombre de patients aient déclaré avoir du mal à manipuler les bandelettes montre que, de l’avis de la plupart d’entre eux, l’équipement actuel pour l’ASG est loin d’être facile et rapide à utiliser.

Mme Wijsman s’inquiétait aussi de la disparité entre, d’une part, le degré élevé de satisfaction des patients quant à la formation qu’ils avaient reçue des éducateurs en diabète et aux connaissances qu’ils avaient acquises et, d’autre part, le taux relativement faible d’adhésion aux recommandations des éducateurs.

En fait, malgré les taux élevés de satisfaction face à la prise en charge du diabète et une bonne adhésion à l’insulinothérapie, environ 40 % des patients recevant un traitement à doses fixes ou à doses variables d’insuline mesuraient leur glycémie moins souvent que la fréquence recommandée par leur professionnel de la santé ou les guides de pratique internationaux (Figure 3). «Pour moi, en tant qu’infirmière, il s’agit là d’un phénomène très intéressant : les patients savent comment se servir de l’équipement et ils disent que tout va bien, mais lorsqu’on leur demande s’ils surveillent leur glycémie, on constate qu’ils ne font pas toujours ce qu’on leur demande de faire», encha
/sup> Wijsman.

Figure 3. Incompatibilité avec le mode de vie

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Ses collègues et elle-même soulignent par ailleurs que la méthode du sondage téléphonique a probablement attiré les personnes qui s’intéressent davantage à la prise en charge du diabète que le patient type. En conséquence, «les résultats pourraient donner l’impression que les patients sont plus résolus à se prendre en main qu’ils le sont vraiment dans les faits et en réalité, les taux de non-adhésion sont probablement pires que ceux que le sondage a révélés.»

Obstacles liés au mode de vie

Si, au sein de la cohorte néerlandaise, la non-adhésion à l’ASG tenait en grande partie à des facteurs liés au mode de vie, tels la perception du test comme étant un aria, le refus de faire le test, les oublis et le manque de temps, les éducateurs en diabète devront remédier à ces problèmes en trouvant des moyens de les atténuer. Ainsi, l’utilisation d’un glucomètre à bandelette à usage unique entraîne forcément la manipulation de bandelettes et d’aiguilles, et nécessite de nombreuses étapes. Un glucomètre qui intègre toutes les composantes (tout-enun) réduirait les obstacles et pourrait rendre l’ASG plus facile et rapide pendant les déplacements, permettant ainsi d’améliorer l’adhésion.

Il est aussi ressorti du sondage que le manque de connaissances et de formation des patients concernant la prise en charge du diabète était un autre obstacle important à l’ASG. Fait révélateur, l’insatisfaction face aux connaissances sur la prise en charge du diabète s’est avérée un obstacle majeur à l’ASG chez les patients sous insuline à doses variables qui étaient non observants.

«Aux Pays-Bas, de toute évidence, nous devons mieux former les patients et les motiver davantage à prendre [leur diabète] en charge afin de faire tomber les obstacles actuels à l’ASG et de favoriser l’adhésion aux consignes. Lorsque nous choisissons un glucomètre, nous devons aussi tenir compte de ces obstacles afin d’aider chaque patient à mieux adhérer au traitement recommandé», concluent les chercheurs.

QUESTIONS ET RÉPONSES

Ida Wijsman, infirmière

Coordonnatrice des soins du diabète, Hôpital Gelre, Zutphen, Pays-Bas

Question : Parmi les enseignements qui se dégagent de ce sondage, lesquels aimeriez-vous transmettre à d’autres éducateurs en diabète?

Réponse : Les éducateurs en diabète enseignent toujours aux patients [les principes de] l’ASG, mais ils doivent constamment répéter les points clés, car les patients oublient certaines procédures avec le temps. Posez des questions à un patient qui mesure sa glycémie depuis quelques années et vous verrez qu’il aura oublié des étapes et qu’il commet des erreurs. La répétition des messages éducatifs est donc essentielle.

Deuxièmement, je pense que tous les éducateurs en diabète doivent connaître à fond les caractéristiques de chaque glucomètre sur le marché. Ils doivent aussi individualiser le choix du glucomètre en se demandant lequel conviendrait le mieux au patient.

Et enfin, l’éducation n’est pas une simple question de technique. Le patient qui vient de recevoir un diagnostic de diabète est peut-être déprimé et anxieux. Or, le meilleur glucomètre sur le marché ne viendra pas à bout de sa détresse psychologique. L’éducateur doit donc être à l’affût des problèmes psychologiques que le patient pourrait avoir et tenter de remédier à ces problèmes également.

Références

1. Evans et al. Frequency of blood glucose monitoring in relation to glycaemic control: observational study with diabetes database. BMJ 1999;319(7202):83-6.

2. Hönes J, Müller P, Surridge N. The technology behind glucose meters: test strips. Diabetes Technol Ther 2008;10(suppl 1):S10-S26.

3. Nielsen JK, Christiansen JS. Self-monitoring of blood glucose—epidemiological and practical aspects. Diabetes Technol Ther 2008;10(suppl 1):S35-S42.

4. Harris MI, Cowie CC, Howie LJ. Self-monitoring of blood glucose by adults with diabetes in the United States population. Diabetes Care 1993;16(8):1116-23.

5. Scorpiglione et al. Epidemiology and determinants of blood glucose self-monitoring in clinical practice. Diabetes Res Clin Pract 1996;34(2):115-25.

6. Karter et al. Self-monitoring of blood glucose: language and financial barriers in a managed care population with diabetes. Diabetes Care 2000;23(4):477-83.

7. American Diabetes Association. Standards of medical care in diabetes - 2009. Diabetes Care 2009;32(suppl 1):S13-S62.

8. Association canadienne du diabète. Lignes directrices de pratique clinique 2008 de l’Association canadienne du diabète pour la prévention et le traitement du diabète au Canada. Can J Diabetes 2008;32(suppl 1):S1-S225.

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