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Le point sur la néphroprotection et l’issue cardiovasculaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE Point de vue sur l’article suivant : J Am Soc Nephrol 2009;20(4):893-900.

Avril 2009

Relu et révisé par :

Ellen D. Burgess, MD, FRCPC, FACP

Directrice, Hypertension Research Clinic, Foothills Medical Centre, Calgary (Alberta)

Professeure titulaire de médecine, University of Calgary, Calgary (Alberta)

Bien que les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) puissent corriger l’albuminurie, leur effet sur l’albuminurie n’est pas nécessairement proportionnel à leur effet sur la tension artérielle (TA). Par conséquent, pour obtenir une néphroprotection optimale, il pourrait être nécessaire d’administrer des doses beaucoup plus fortes que les doses maximales approuvées pour le traitement de l’hypertension.

Comme l’ont montré Eijkelkamp et al. (J Am Soc Nephrol 2007;18:1540-6) dans leur analyse rétrospective de l’essai RENAAL (Reduction of Endpoints in NIDDM with the Angiotensin II Antagonist Losartan), les patients randomisés de façon à recevoir un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) étaient plus nombreux à présenter à la fois une baisse de la TA systolique (TAS) et une baisse de l’albuminurie.

Au chapitre de la fonction rénale, les résultats ont confirmé que les patients dont la TAS avait baissé de moins de 15 mmHg étaient exposés à un risque plus élevé d’insuffisance rénale terminale (IRT) que ceux dont la TAS avait baissé de 15 mmHg ou plus. Inversement, on a obtenu les résultats cliniques les plus favorables chez les patients dont la TAS et l’albuminurie avaient toutes deux baissé de façon marquée. Par ailleurs, le risque de progression vers l’IRT était aussi le plus faible chez les patients qui présentaient la plus faible albuminurie résiduelle, quelle qu’ait été leur TAS.

Ces résultats remettent en question le besoin de surveiller non seulement la réponse de la TA au traitement, mais aussi celle de l’albuminurie. Yu et al. ont indiqué que pour maximiser l’effet antifibrosant d’un ARA sur le rein, on doit l’administrer à très forte dose (J Am Soc Nephrol 2007;18:750-9). Cela pourrait tenir au fait que le nombre de récepteurs de l’angiotensine de type 1 est beaucoup plus élevé dans le rein et que, pour les bloquer, on doit administrer une dose plus forte de l’ARA que la dose requise pour abaisser la TA.

On a donc conçu l’essai SMART (Supra Maximal Atacand Renal Trial) pour évaluer les bénéfices et les risques éventuels d’une posologie atteignant 128 mg/jour de candésartan, par comparaison à la dose maximale approuvée (au moment où l’étude a commencé) pour le traitement de l’hypertension, soit 16 mg/jour, en présence d’une protéinurie persistante <u>></u>1 g/jour malgré l’administration de la dose maximale approuvée pendant sept semaines avant le début de l’étude.

L’étude SMART

Parmi les 346 patients recrutés, 269 ont continué de présenter une protéinurie persistante <u>></u>1 g/jour même s’ils recevaient la dose maximale approuvée de candésartan, soit 16 mg/jour. Ces patients pouvaient soit continuer de recevoir 16 mg/jour, soit passer à 64 mg/jour ou à 128 mg/jour, et le traitement durait 30 semaines (Figure 1). Au moment du recrutement, les taux sériques médians de créatinine et de potassium se chiffraient respectivement à 130,0 µmol/L et à 4,5 mmol/L.

Figure 1.


Entre la randomisation et le terme de l’étude, la moyenne géométrique des protéines excrétées dans les urines de 24 heures est passée de 2,85 à 1,79 g/jour chez les patients qui recevaient la dose de 128 mg/jour, ce qui représente – par comparaison au groupe recevant 16 mg – une réduction moyenne de 33,05 % (p<0,0001) selon l’analyse en intention de traiter (Figure 2) et de 44,34 % (p<0,0001) selon l’analyse per protocol. Une sous-analyse a mis en évidence une diminution comparable de la protéinurie, que les patients aient été atteints d’une néphropathie diabétique ou non diabétique.

Les effets antiprotéinuriques supplémentaires de la dose supramaximale étaient indépendants de la baisse de la TA. Au chapitre de la baisse de la TA, les auteurs n’ont observé aucune différence entre les trois groupes, ni au moment de la randomisation ni au terme de l’étude. Il n’y avait aucune corrélation entre la baisse de la TA et la baisse de la protéinurie. Au terme de l’étude, la réduction moyenne de la protéinurie par rapport à la protéinurie initiale se chiffrait à 16,91 % dans le groupe 64 mg vs 7,49 % dans le groupe 16 mg.

La réponse au traitement a toutefois semblé être influencée par la protéinurie au moment de la randomisation. Ainsi, chez les patients qui ont reçu la dose de 128 mg, la protéinurie a baissé de 43,62 % si elle était <u><</u>3 g/jour au départ et de 25,29 % si elle était >3 g/jour.

Toujours entre la randomisation et le terme de l’étude, on n’a observé aucune différence entre les trois groupes quant à la variation des taux sériques de créatinine ou du débit de filtration glomérulaire estimatif (DFGe). On a mis fin au traitement chez 11 patients parce que leur kaliémie excédait 5,5 mmol/L; par contre, il n’y avait aucune différence significative entre les
iémie.

Figure 2.

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Résultats de l’étude ROAD

Si l’étude SMART a révélé que des doses supramaximales de candésartan pouvaient abaisser la protéinurie de façon significativement plus marquée que les doses administrées pour le traitement de l’hypertension, ce n’est pas la seule étude à montrer qu’une inhibition plus prononcée du SRA se traduit par un effet néphroprotecteur supérieur chez les patients présentant une protéinurie et une insuffisance rénale sans pour autant, comme c’est le cas ici, souffrir de diabète. Dans le cadre de l’essai ROAD (Renoprotection of Optimal Antiproteinuric Doses), Hou et al. (J Am Soc Nephrol 2007;18:1889-98) ont exploré la possibilité que des doses plus fortes de bénazépril ou de losartan améliorent l’issue rénale sans risque chez des patients à risque d’IRT. En tout, 360 patients ont été recrutés au départ, mais 50 se sont retirés avant la phase d’ajustement posologique, principalement en raison d’une toux sèche.

Les patients recevaient soit du bénazépril à la dose standard (10 mg/jour) ou à une dose supérieure (10 à 40 mg/jour; médiane de 20 mg/jour), soit du losartan à la dose standard (50 mg/jour) ou à une dose supérieure (50 à 200 mg/jour; médiane de 100 mg/jour).

Après un suivi d’une durée médiane de 3,7 ans, 15 patients sur les 84 (17,9 %) parvenus graduellement aux doses antiprotéinuriques de bénazépril ont atteint le paramètre principal – qui regroupait un doublement de la créatinine sérique, l’IRT ou le décès – par comparaison à 26 patients sur les 83 (31,3 %) qui recevaient la dose standard (p=0,025). De même, au sein des cohortes sous losartan, 13 patients sur les 84 (15,5 %) qui recevaient les doses antiprotéinuriques ont atteint le paramètre principal, par comparaison à 26 patients sur les 88 (29,5 %) qui recevaient la dose standard.

Le paramètre secondaire était la variation de la protéinurie et la vitesse de progression de la néphropathie. Les doses antiprotéinuriques (ajustées graduellement) des deux médicaments ont donné lieu à des réductions significativement plus marquées de la protéinurie par rapport aux valeurs initiales, la réduction médiane ayant atteint 50 % après 36 mois dans le groupe bénazépril et 53 % dans le groupe losartan. Des réductions similaires ont aussi été observées dans les deux groupes recevant la dose standard : 38 % pour le bénazépril vs 41 % pour le losartan.

Une hyperkaliémie a été signalée chez 4,4 % des patients sous bénazépril et chez un pourcentage identique de patients sous losartan, mais aucune différence liée à la posologie n’a été signalée entre les groupes de traitement quant aux effets indésirables.

Par conséquent, les doses antiprotéinuriques, tant de l’inhibiteur de l’ECA que de l’ARA, ont diminué la probabilité de survenue du paramètre principal de 51 % comparativement aux doses antihypertensives, et cette diminution est demeurée significative après prise en compte de la TAS. Les études SMART et ROAD plaident toutes deux en faveur du recours à des doses plus fortes des inhibiteurs du SRA pour maximiser les réductions de la protéinurie et améliorer l’issue rénale chez les patients à risque d’IRT. Pour autant que la dose soit ajustée à la hausse judicieusement et que la kaliémie soit surveillée de près, il est possible d’optimiser l’effet néphroprotecteur en administrant des doses supramaximales d’inhibiteurs du SRA, peu importe leur effet sur la TA.

Protéinurie et maladies cardiovasculaires

S’il est généralement admis que la protéinurie est un marqueur de l’atteinte rénale, elle est aussi considérée comme un facteur de risque des maladies cardiovasculaires (CV). En se servant de la cohorte de l’étude de Framingham, Culleton et al. (Am J Med 2000;109:1-8) ont constaté à la lumière d’un suivi de 17 ans que la protéinurie initiale – tant à l’état de trace que confirmée – était associée à la mortalité toutes causes confondues chez les hommes (taux de risque [hazard ratio ou HR] de 1,3). Chez les femmes, la protéinurie à l’état de trace a été associée à une légère augmentation du risque de maladie CV (HR de 1,6) et de la mortalité toutes causes confondues (HR de 1,4).

Les résultats d’une méta-analyse qui regroupait 26 études de cohorte (n=169 949) ont révélé que la présence d’une protéinurie était associée à une augmentation d’environ 50 % du risque coronarien après prise en compte de facteurs de risque connus (Perkovic et al. PLoS Med 2008; 5[10]:e207). Au chapitre de l’albuminurie, les auteurs de la même méta-analyse ont aussi observé un lien dose-réponse : la présence d’une microalbuminurie était associée à un risque 50 % plus élevé de maladie coronarienne que l’absence de microalbuminurie, tandis que la présence d’une macroalbuminurie multipliait le risque par plus de deux. Ces données étayent le lien entre la protéinurie et la maladie coronarienne au sein de la population générale. La microalbuminurie – maintenant reconnue comme un facteur de risque des maladies CV – a également été incriminée dans la mortalité d’origine CV, mais pas de façon aussi nette que la protéinurie macroscopique, à tout le moins chez les diabétiques de type 2.

Dans le cadre d’une étude de population qui portait sur 840 patients dont le diabète était apparu à un âge avancé, Valmadrid et al. (Arch Intern Med 2000;160:1093-100) ont constaté après un suivi de 12 ans que le taux de mortalité CV était significativement plus élevé chez les patients présentant une microalbuminurie et une protéinurie macroscopique au départ que chez les patients normoalbuminuriques (après prise en compte de tous les autres facteurs de risque). Leur analyse a aussi objectivé un lien significatif entre la microalbuminurie et la protéinurie macroscopique, d’une part, et la mortalité toutes causes confondues et la mortalité imputable aux maladies CV, aux maladies vasculaires cérébrales et à la maladie coronarienne, d’autre part.

Les données les plus fascinantes proviennent probablement de de Zeeuw et al. (Circulation 2004;110: 921-7), qui ont reconnu l’albuminurie comme étant une cible thérapeutique pour l’obtention d’une protection CV chez les patients atteints d’une néphropathie associée au diabète de type 2. Se servant des données de l’étude RENAAL, les chercheurs ont tenté de savoir si, au sein de cette population de patients, la diminution de l’albuminurie se traduisait par une baisse du taux d’événements CV et de déterminer dans quelle mesure la diminution de l’albuminurie était prédictive d’une protection à long terme contre les maladies CV. Dans l’ensemble, l’étude RENAAL a indiqué que le losartan exerçait un effet bénéfique sur la première hospitalisation pour cause d’insuffisance cardiaque, l’un des éléments du paramètre CV secondaire de l’essai.

Dans leur analyse rétrospective, de Zeeuw et al. ont conclu que l’albuminurie était en soi le facteur prédictif le plus puissant de la survenue du paramètre CV et de l’insuffisance cardiaque. Les événements CV étaient significativement plus nombreux chez les patients présentant une albuminurie élevée (<u>></u>3,0 g/g) ou modérée (1,5 à <3,0 g/g) que chez ceux présentant une albuminurie faible (<1,5 g/g). Une augmentation de l’albuminurie de 1 g/g était en effet associée à une augmentation de 17 % du risque de survenue du paramètre CV et de 26 % du risque d’insuffisance cardiaque.

Dans le cadre de l’étude, comme les baisses de l’albuminurie étaient très variables après six mois, les auteurs ont subdivisé la cohorte en fonction de la réponse aux doses antiprotéinuriques (<0 %, <u>></u>0% <30 %, <u>></u>30 %). Les deux paramètres – le paramètre CV et l’insuffisance cardiaque – sont survenus plus souvent dans les cas où la diminution de l’albuminurie avait été faible ou nulle. Inversement, le groupe dont l’albuminurie a le plus diminué est aussi celui dont le risque d’événement cardiaque a le plus diminué : pour chaque réduction de 50 % de l’albuminurie, le risque de survenue du paramètre CV diminuait de 18 % et le risque de survenue de l’insuffisance cardiaque, de 27 %.

Il importe ici de souligner qu’une albuminurie initiale élevée était associée à un risque accru d’événement cardiaque, mais seulement chez les patients qui avaient aussi été victimes d’un événement rénal. Les auteurs ont néanmoins conclu que leurs résultats pourraient être d’intérêt clinique, car l’albuminurie est facile à mesurer en tant que facteur de risque de la maladie cardiaque et peut donc servir de marqueur du succès des stratégies de cardioprotection.

Résumé

L’optimisation des baisses de la TA et de la protéinurie passe par l’inhibition du SRA. Jusqu’à tout récemment, les cliniciens prescrivaient les doses maximales approuvées pour le traitement de l’hypertension aux patients à risque élevé, mais ces doses ne permettent pas nécessairement de réduire la protéinurie. Plusieurs chercheurs ont tenté de démontrer que l’augmentation de la dose au-delà du seuil recommandé pour le traitement de l’hypertension exerce un effet sur la protéinurie. L’étude SMART a permis de constater que, chez des patients présentant une protéinurie avérée, des doses supramaximales de candésartan pouvaient être administrées sans risque et qu’il était ainsi possible d’abaisser ce paramètre significativement tout en maintenant la baisse de la TA. Nous avons donc de bonnes raisons de prescrire des doses supérieures aux doses nécessaires pour traiter l’hypertension et de cibler l’albuminurie pour atténuer l’atteinte rénale. Cela dit, la recherche doit se poursuivre pour que l’on parvienne à cerner la dose nécessaire pour optimiser la diminution de la protéinurie et ses effets sur l’issue CV.

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