Comptes rendus

Le point sur la néphroprotection et l’issue cardiovasculaire
Nouvelles tendances dans le traitement du psoriasis

Longévité et qualité de vie du patient infecté par le VIH, une fois l’infection maîtrisée

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

NOUVELLES FRONTIÈRES EN MÉDECINE VIH/SIDA - Le 18e Conférence canadienne annuelle de recherche sur le VIH/SIDA (CAHR)

Vancouver, Colombie-Britannique / 23-26 avril 2009

Selon les plus récentes données à long terme, les traitements antirétroviraux hautement actifs (HAART) permettent aux patients infectés par le VIH d’aspirer à une longévité qui avoisine celle de la population générale. Toutefois, des données contradictoires selon lesquelles le VIH accélérerait le vieillissement tempèrent maintenant cette victoire contre une maladie jadis mortelle. Dans de nombreux cas, on ne sait pas si l’apparition prématurée de maladies liées au vieillissement est due à l’infection en tant que telle ou à son traitement. Dans un cas comme dans l’autre, cependant, on doit porter une attention grandissante au maintien de la qualité de vie du patient âgé.

«Les schémas HAART sont efficaces, très efficaces même. Les patients peuvent maintenant tabler sur une espérance de vie relativement normale, ce qui aurait été impensable par le passé», affirme la Dre Sharon Walmsley, directrice de la recherche clinique, Clinique d’immunodéficience, UHN-Toronto General Hospital, et professeure agrégée de médecine, University of Toronto, Ontario. Cependant, bien que les patients ne meurent plus de l’immunodéficience, «des problèmes non reliés à l’infection à VIH, comme les maladies cardiaques, les maladies du foie et les cancers, ne cessent d’allonger la liste des causes de décès. Chez les patients dont la charge virale est bien maîtrisée, ce phénomène influe largement sur la prise en charge de la maladie, indique-t-elle.

La difficulté consiste à reconnaître les facteurs de confusion qui viennent brouiller notre compréhension des raisons de la progression accélérée de certaines maladies chez le patient infecté par le VIH. La maladie coronarienne, la plus répandue d’entre elles, est un parfait exemple. L’infection à VIH et ses traitements de même que les habitudes de vie y sont tous pour quelque chose. Par exemple, l’infection à VIH abaisse le taux de HDL tout en créant un état inflammatoire potentiellement athérogène. De nombreux antirétroviraux, dont certains inhibiteurs de la protéase (IP), exercent aussi un effet négatif sur le métabolisme lipidique qui annonce un risque accru de maladie coronarienne. Enfin, l’usage du tabac est plus fréquent chez les patients infectés par le VIH que chez les individus non infectés.

Les facteurs de confusion appellent à la prudence

Le risque de confusion découlant de multiples variables contribuant ou non au risque de morbidité chez un même individu est élevé. Ce constat important émerge des données récentes de l’étude D:A:D à cohortes multiples selon lesquelles certains inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) expliqueraient le risque accru de maladie coronarienne. Selon les données de l’étude D:A:D, l’exposition à l’abacavir (ABC) ou à la didanosine (ddI) est associée à un risque accru de maladie coronarienne par rapport aux autres INTI; par contre, deux autres études d’envergure n’ont pas réussi à reproduire le lien avec l’ABC. Une troisième étude a fait ressortir un lien uniquement chez les patients sous ABC depuis moins de un an, mais pas chez les patients sous ABC depuis plus de un an. L’absence d’un mécanisme plausible par lequel l’ABC ou la ddI pourrait accroître le risque de maladie coronarienne est l’un des problèmes que soulèvent ces données. Ni l’un ni l’autre n’exerce d’effet substantiel sur les lipides, pour ne citer que cet exemple.

Dans son analyse de la question, la Dre Walmsley a insisté sur la différence entre un simple lien et un lien causal. En l’absence d’un essai comparatif avec randomisation, un lien causal est difficile à prouver, mais certains critères permettent de déterminer sa probabilité. Au nombre de ces critères figurent la constance des données provenant de différentes sources, une forte augmentation du risque relatif, un risque croissant proportionnel à l’exposition au médicament et l’existence d’une explication plausible et probable du mécanisme physiopathologique en cause. Or, aucun de ces critères n’est respecté quand on cherche à établir un éventuel lien causal entre la maladie coronarienne et l’ABC ou la ddI. Vu les nombreux facteurs de confusion, y compris la possibilité que le médecin privilégie un INTI bien toléré et sans effet sur les lipides comme l’ABC chez ses patients infectés par le VIH qu’il sait coronariens, le lien inconstant entre ces INTI et la maladie coronarienne est impossible à interpréter.

Le risque individuel est aussi important. Lorsqu’on applique la même réflexion au problème grandissant du déclin cognitif chez les patients âgés infectés par le VIH, la liste des antirétroviraux à éviter ou à privilégier n’est pas la même que celle des antirétroviraux à éviter ou à privilégier pour réduire le risque de maladie coronarienne. Les enquêtes révèlent maintenant qu’environ 50 % des patients de plus de 50 ans infectés par le VIH présentent un déclin cognitif mesurable. Là encore, les facteurs de confusion comme l’usage abusif répandu de substances psychotropes et d’alcool, rendent le rôle pathogène de l’infection ou de son traitement difficile à isoler, mais il ne semble pas que les antirétroviraux se valent pour ce qui est de réduire le risque.

Trouble neurocognitif associé au VIH

«Depuis l’avènement des schémas HAART, nous avions tous l’impression que la situation s’était grandement améliorée sur le plan du déclin cognitif. Cette impression découle peut-être du fait qu’on ne voit plus les démences sévères liées au SIDA jadis si fréquentes, mais il n’en reste pas moins que la proportion de patients touchés par un déficit cognitif demeure très élevée», fait valoir le Dr David B. Clifford, professeur titulaire de neuropharmacologie, Washington University School of Medicine, St-Louis, Missouri. «Il ne faut pas être très malin pour penser que ce n’est pas un enjeu clinique important.»

Le phénomène maintenant connu sous le nom de trouble neurocognitif associé au VIH ou HAND (pour HIV-associated neurocognitive disorder) a été stratifié en trois stades : le stade léger se définit comme un déficit que l’on peut déceler facilement à l’aide de tests de performance objectifs, mais dont le patient ne se rend pas compte; le stade modéré correspond à un déficit cognitif assez marqué pour que le patient se plaigne d’une incapacité fonctionnelle, comme des pertes de mémoire ou le ralentissement du processus mental; enfin, le stade avancé commande nécessairement des soins de soutien. Si la démence liée au SIDA tombait dans cette dernière catégorie, poursuit le Dr Clifford, le stade avancé n’est actuellement le lot que d’environ 2 % des patients infectés par le VIH; 20 % souffrent d’un HAND asymptomatique et 30 % présentent suffisamment de symptômes pour que leur qualité de vie en soit perturbée.

«Lorsqu’on essaie de prendre en compte les facteurs de confusion comme l’usage de drogues, l’abus d’alcool et les antécédents de traumas crâniens, on observe un risque accru de HAND, surtout modéré ou sévère. Cependant, même chez des patients ayant un passé irréprochable pour qui on ne peut cerner aucun facteur prédisposant, la prévalence du déficit atteint 40 %», rappelait le Dr Clifford à l’auditoire.

Le risque relatif de HAND, tout comme le risque relatif de maladie coronarienne, semble effectivement être influencé par le traitement antirétroviral, même si ce n’est pas le seul facteur clinique en jeu. Cependant, si certains antirétroviraux semblent favoriser la maladie coronarienne, les agents qui pénètrent mieux dans le système nerveux central (SNC) semblent réduire le risque de HAND en freinant la réplication virale et en diminuant l’inflammation, deux facteurs qui semblent nuire à la capacité fonctionnelle neurologique.

La comparaison des antirétroviraux quant à leur capacité de pénétration dans le SNC fait ressortir des différences substantielles et permet de subdiviser les agents en trois niveaux de pénétration. Parmi les INTI, l’ABC et la zidovudine sont dotés des coefficients de pénétration les plus élevés, tandis que la ddI et le ténofovir sont dotés des coefficients les plus faibles. Parmi les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), la névirapine pénètre bien tandis que l’éfavirenz pénètre moyennement bien. Parmi les IP auxquels on adjoint le ritonavir comme agent potentialisateur, l’amprénavir, l’indinavir et le lopinavir sont ceux qui pénètrent le mieux alors que le ritonavir lui-même, le saquinavir et le tipranavir potentialisé par le ritonavir sont ceux qui pénètrent le moins bien.

«La comparaison des schémas antirétroviraux en fonction de leur capacité de pénétration dans le SNC a mis en évidence une suppression plus marquée du VIH sous l’effet d’antirétroviraux dotés d’un coefficient élevé que sous l’effet d’antirétroviraux dotés d’un coefficient faible, même si ces antirétroviraux sont d’efficacité similaire dans le plasma», indique le Dr Clifford, ajoutant que des données rétrospectives préliminaires ont associé une pénétration plus marquée dans le SNC à un risque plus faible de déclin cognitif. Un essai prospectif et randomisé est en préparation.

«Nous avons maintenant de solides données montrant qu’un HAND continue de causer une incapacité importante chez les patients qui reçoivent un schéma HAART efficace. Ces données semblent indiquer que les différences entre les schémas HAART quant à leur capacité de maîtriser l’infection à VIH dans le compartiment cérébral pourraient être d’intérêt clinique et que nous devrons évaluer le coefficient de pénétration afin de réduire ce risque», conclut le Dr Clifford. De l’avis de ce dernier, cet enjeu critique ne fera que prendre de l’ampleur avec l’avancée de l’âge médian des patients infectés par le VIH.

Résumé

Chez les patients d’un certain âge infectés par le VIH, comme chez les patients plus jeunes d’ailleurs, aucun objectif clinique ne prime la maîtrise durable de l’infection. Cependant, les données objectivant la progression accélérée de nombreux processus physiologiques liés à l’âge chez le patient infecté par le VIH semblent indiquer que la prise en charge optimale de l’infection à VIH chez le patient âgé devra être redéfinie. Les stratégies envisagées devront non seulement être axées sur la suppression virale, mais aussi sur l’évaluation du risque individuel de certains processus liés au vieillissement comme la maladie coronarienne, le déclin cognitif, l’insuffisance rénale et l’ostéoporose. Dans un contexte de prise en charge globale du risque, l’optimisation des choix thérapeutiques reposera sur une individualisation encore plus poussée du traitement.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.