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Le point sur la prise en charge de la fibrillation auriculaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - Point de vue sur des allocutions présentées à la 61e Assemblée annuelle de la Société canadienne de cardiologie

Toronto (Ontario) / 25-29 octobre 2008

Revu et révisé par :

Denis Roy, MD

 

Institut de cardiologie de Montréal, Professeur titulaire et directeur, Département de médecine, Université de Montréal, Montréal (Québec)

La fibrillation auriculaire (FA) peut apparaître à n’importe quelle étape du continuum cardiovasculaire (CV), notamment à l’étape de l’hypertension, après un infarctus du myocarde (IM), pendant le remodelage faisant suite à un IM et très souvent en présence d’insuffisance cardiaque (IC). L’une des principales conséquences de la FA est la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC), fait remarquer le Dr Malcolm Arnold, professeur titulaire de médecine, de physiologie et de pharmacologie, University of Western Ontario, London. On estime en effet que la FA est responsable du quart de tous les AVC enregistrés chez les aînés, ce qui représente annuellement plus de 70 000 AVC aux États-Unis.

Par rapport à l’absence de traitement anticoagulant, le traitement par la warfarine réduit le risque d’AVC des deux tiers environ. L’AAS est un peu moins efficace à cet égard, mais la warfarine et l’AAS ont tous deux pour effet de majorer le risque hémorragique, surtout chez un patient âgé. Les manifestations indésirables survenant après le début du traitement par la warfarine se soldent par l’arrêt du traitement dans environ 20 % des cas. Les risques associés à la FA tiennent non seulement à l’arythmie en tant que telle, mais aussi à la façon dont on traite cette population, précise le Dr Arnold.

Peu importe l’étape du continuum CV où survient la FA, celle-ci majore le risque de morbi-mortalité. Lors de l’étude LIFE (Losartan Intervention for Endpoint Reduction in Hypertension), qui avait pour objectif d’évaluer le losartan dans le traitement de l’hypertension en présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche, le risque de décès toutes causes confondues, de décès d’origine CV, de mort subite cardiaque et d’AVC était significativement plus élevé en présence d’une FA concomitante qu’en son absence. De même, parmi les patients porteurs d’une myocardiopathie hypertrophique, la probabilité de survie sur une période de 10 ans est significativement moins élevée chez ceux qui développent une FA que chez ceux qui en sont épargnés. Sur une période d’environ quatre ans, 20 % des insuffisants cardiaques sont exposés au risque de FA, et la présence de FA augmente le risque de décès à la fois chez l’homme et la femme.

Le Dr Arnold a aussi parlé du cas particulier où la FA accompagnée d’une tachycardie ventriculaire que l’on ne traite pas ou qui passe inaperçue peut provoquer directement une myocardiopathie dans un cœur que l’on croyait normal. D’aucuns avancent qu’une myocardiopathie comme celle-là pourrait résulter d’une tachycardie de plus de 110 bpm qui survient seulement 10 à 15 % du temps, ce qui est un point assez important. De plus, une IC à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) conservée est aussi courante, sinon plus courante, qu’une IC systolique chez les patients âgés, et risque autant qu’une IC à FEVG réduite d’entraîner l’hospitalisation. Le traitement de l’IC à fonction systolique réduite améliore l’issue, note le Dr Arnold, mais on ne peut pas en dire autant de l’IC à fonction systolique conservée, l’issue demeurant relativement inchangée. Le risque de survenue d’une FA est aussi considérablement plus élevé lorsque la FEVG est conservée.

Tout cela donne à penser que le diagnostic de la FA est grevé d’un lourd fardeau de morbi-mortalité qui ajoute aux coûts du système de santé et qui nuit au bien-être du patient, conclut le Dr Arnold.

Fardeau de la FA vs bien-être du Patient

Les résultats de tout essai clinique sur la FA, si poussé soit-il, sont généralement des données électrocardiographiques (ECG) comme le délai d’apparition du premier épisode de FA récidivant, la fréquence et la durée des épisodes de FA et d’autres composantes du «fardeau de la FA». Ces paramètres «factuels» sont néanmoins peu descriptifs des retombées cliniques de la FA, souligne le Dr Paul Dorian, professeur titulaire de médecine, University of Toronto, Ontario. De nombreux épisodes de FA sont asymptomatiques, précise-t-il, mais les symptômes, si symptômes il y a, sont souvent minimes.

C’est donc dire que l’évaluation du «fardeau de la FA» ne reflète pas bien non plus l’ampleur de l’incapacité qu’impose la FA ni l’effet de cette dernière sur la qualité de vie. De même, et c’est là un point tout aussi important, si le médecin traite la FA à l’aide d’un médicament qui atténue la FA sur le tracé ECG, mais qui fait que le patient se sent moins bien qu’avant, on ne peut pas vraiment considérer que le traitement est efficace. Le médecin doit garder à l’esprit l’importance d’une démarche thérapeutique centrée sur le patient qui tient compte non seulement de la façon dont se sent ce dernier, mais aussi de l’effet du traitement sur le trouble du rythme et sur la qualité de vie, poursuit le Dr Dorian. La présence d’épisodes de FA, par comparaison à l’absence de tels épisodes, s’accompagne d’une incidence accrue d’IC, d’AVC et d’ischémies cérébrales transitoires (ICT), d’une fréquence accrue d’hospitalisations pour cause de FA ou d’autres causes CV et d’un taux plus élevé de mortalité, rappelait le Dr Dorian à l’auditoire, précisant toutefois que la FA n’est pas nécessairement un facteur causal. Par ailleurs, la réponse ECG n’est pas représentative de la réponse clinique du patient à un antiarythmique donné.

Dans le cadre d’une initiative de la Société canadienne de cardiologie, des experts en troubles du rythme ont élaboré une échelle simplifiée d’évaluation de sévérité de la FA qui permet de mesurer la qualité de vie et le bien-être du patient en FA de même que les effets indésirables du traitement de la FA. Il est ressorti des études ayant validé cette échelle que la fréquence et la durée des épisodes de FA ne sont pas liées aux conséquences de ces épisodes sur le bien-être et la qualité de vie que perçoit le patient. De même, insiste le Dr Dorian, le risque d’AVC n’est pas déterminé par la présence ou l’absence de FA ni par le nombre d’épisodes de FA.

Ainsi, en particulier du point de vue du patient, mais aussi du point de vue du médecin traitant, le bien-être et la qualité de vie du patient de même que des paramètres objectifs de la morbi-mortalité devraient être les seuls paramètres d’évaluation d’un antiarythmique, conclut le Dr Dorian.

L’étude AF-CHF

Vu la coexistence fréquente de la FA et de l’IC, des chercheurs ont voulu déterminer si la prévention de la FA chez des insuffisants cardiaques améliorait le pronostic de l’IC ou en atténuait la sévérité. La question a été abordée dans le cadre de l’étude multicentrique internationale AF-CHF (Atrial Fibrillation and Congestive Heart Failure), dont l’objectif était de comparer l’effet du maintien du rythme sinusal (contrôle du rythme) ou du maintien de la fréquence ventriculaire (contrôle de la fréquence) sur la survenue d’événements majeurs chez des patients qui présentaient une FEVG <u><</u>35 %, une IC symptomatique et des antécédents récents de FA. La plupart des 1376 sujets de l’étude souffraient d’IC de classe III-IV selon la New York Heart Association, et la FEVG se chiffrait en moyenne à 27 %.

En tout, 682 patients ont été randomisés dans le groupe contrôle du rythme et 694 dans le groupe contrôle de la fréquence. Le rythme sinusal a été confirmé par de multiples évaluations chez 75 à 80 % des patients du groupe contrôle du rythme, alors que la fréquence cardiaque cible a été atteinte chez 82 à 88 % des patients du groupe contrôle de la fréquence. Quelque 82 % des patients du groupe contrôle du rythme étaient sous amiodarone.

Dans le groupe contrôle du rythme, la prévalence de la FA est passée de 54 % au départ à 17 % après quatre mois. Après un suivi d’une durée moyenne de 37 mois, le taux de décès d’origine CV – le paramètre principal de l’étude – était presque identique dans les deux groupes : 27 % dans le groupe contrôle du rythme vs 25 % dans le groupe contrôle de la fréquence (p=0,59). La mortalité totale (environ 33 % dans les deux groupes) et le risque d’AVC de même que le taux d’aggravation de l’IC étaient aussi semblables dans les deux groupes. Le nombre de patients ayant dû être hospitalisés après un an de suivi était plus élevé dans le groupe contrôle du rythme (46 %) que dans le groupe contrôle de la fréquence (39 %; p=0,057).

À la lumière des résultats de cette étude, les chercheurs concluent que, chez un insuffisant cardiaque en FA, on doit d’abord envisager une stratégie axée sur le contrôle de la fréquence cardiaque, une stratégie axée sur le contrôle du rythme ne devant être envisagée que si les symptômes persistent. Les tenants de l’ablation par cathéter devraient attendre qu’une vaste étude avec randomisation confirme le bénéfice de cette stratégie chez ces patients avant de la recommander.

L’étude ATHENA

Les résultats de l’étude ATHENA (The Trial to Assess the Efficacy of Dronedarone 400 mg b.i.d. for the Prevention of Cardiovascular Hospitalization or Death from Any Cause in Patients with AF or Atrial Flutter) ont fait l’objet d’une allocution du Dr Stuart J. Connolly, directeur du Département de cardiologie et professeur titulaire de médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario. ATHENA n’était pas la première étude sur la dronédarone, antiarythmique inhibant de multiples canaux ioniques qui s’apparente à l’amiodarone, le radical iodé en moins. Deux études antérieures, EURIDIS et ADONIS, avaient déjà montré que la dronédarone administrée à raison de 400 mg deux fois par jour prolongeait significativement le délai de survenue d’un premier épisode récidivant de FA ou de flutter auriculaire (FLA) par rapport à un placebo. Il avait aussi été démontré que la dronédarone réduisait le nombre d’épisodes récidivants de FA, symptomatiques ou non, et qu’elle contribuait à contrôler la fréquence cardiaque de façon comparable à l’amiodarone. Cependant, une autre étude (ANDROMEDA) avait mis en évidence des problèmes d’innocuité lorsque la dronédarone était administrée à des patients souffrant d’IC sévère.

L’objectif des chercheurs étant de clarifier ces problèmes, l’étude ATHENA regroupait 4628 patients ayant eu un épisode confirmé de FA ou de FLA au cours des six mois précédant leur admission à l’étude. Les sujets devaient aussi présenter un facteur de risque supplémentaire, comme l’hypertension, le diabète, des antécédents d’AVC ou d’ICT, une FEVG <u><</u>40 % ou une hypertrophie auriculaire gauche. Le suivi – qui devait durer au moins 12 mois – a atteint 30 mois pour certains patients. Environ 20 % des patients des deux groupes avaient des antécédents d’IC (classe II-III), mais seulement 4 % des patients d’un groupe ou l’autre présentaient une FEVG <35 %.

Il importe ici de souligner que l’étude ATHENA n’était pas, comme EURIDIS et ADONIS, conçue pour évaluer les épisodes de FA récidivants, mais bien les événements cliniques majeurs, dont l’hospitalisation pour cause d’événement CV ou la mortalité toutes causes confondues (paramètre principal). Le suivi a mis en évidence une diminution de 24 % du paramètre principal chez les patients sous dronédarone (400 mg deux fois par jour) par rapport aux témoins sous placebo, ce qui représente un écart hautement significatif (p<0,001). De même, on a enregistré une diminution de 29 % de la mortalité CV (p=0,034) dans le groupe dronédarone.

En outre, les chercheurs ont rapporté une diminution de 45 % du risque de décès par arythmie, le nombre total de tels décès ayant atteint 48 sous placebo vs 26 sous dronédarone. Les hospitalisations pour cause de syndrome coronarien aigu ont diminué de 30 % sous dronédarone (p=0,03), et c’était la première fois qu’un antiarythmique s’avérait capable de faire reculer l’incidence des événements coronariens chez des patients en FA ou FLA. L’AVC ne faisait pas partie des paramètres évalués en vertu du protocole d’ATHENA, mais il est digne de mention que le traitement actif a tout de même réduit le risque d’AVC de 34 % par rapport au placebo. Fait intéressant, la diminution du risque d’AVC a été observée à la fois chez les patients recevant un antithrombotique – ce qui était le cas de la majorité des sujets de l’étude – et les patients n’en recevant pas.

Par ailleurs, on a rapporté des effets indésirables graves survenant pendant le traitement chez 21 % des témoins sous placebo vs 20 % des patients sous dronédarone. Contrairement à l’amiodarone, cet inhibiteur de canaux ioniques n’a pas semblé entraîner de troubles respiratoires, agir sur la fonction thyroïdienne ni causer de tremblements. Les éruptions cutanées et les malaises gastro-intestinaux ont été légèrement plus fréquents sous traitement actif que sous placebo.

La dronédarone augmente la créatininémie chez certains patients, mais il s’agit là de la conséquence d’un effet réversible sur la sécrétion tubulaire plutôt que sur la filtration glomérulaire.

Résumé

Comme le bien-être et la qualité de vie du patient, la diminution des événements morbides est un objectif important de la prise en charge de la FA. Aucun antiarythmique utilisé dans le traitement de la FA ne s’était encore montré capable de modifier l’issue clinique. En sa qualité de premier antiarythmique ayant fait reculer l’incidence d’événements cliniques majeurs dans un essai clinique sur la FA, la dronédarone contribuera peut-être à la mise en évidence des bénéfices réels de la suppression de la FA. Si ce nouvel inhibiteur de divers canaux ioniques est homologué, ce qui est probable, les médecins pourront dorénavant aspirer à agir sur d’importants paramètres cliniques de la FA sans pour autant nuire au bien-être de leurs patients, ce qui est peut-être l’issue la plus importante aux yeux de ces derniers.

Nota : Au moment de la mise sous presse, la dronédarone n’était pas commercialisée au Canada.

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