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Le point sur le vaccin pentavalent contre la gastro-entérite à rotavirus

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 8e Conférence canadienne sur l’immunisation

Toronto, Ontario / 30 novembre-3 décembre 2008

Le rotavirus (RV) est l’une des causes principales de gastro-entérite chez les nourrissons et les jeunes enfants du monde entier et elle vient au premier rang des motifs d’hospitalisation pour déshydratation imputable à la diarrhée et aux vomissements dans les pays industrialisés. Il est évident que la protection des nourrissons et des jeunes enfants contre cette cause importante de morbidité a d’énormes retombées cliniques.

Comme on l’a rapporté au congrès commun récent de l’ICAAC (Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie) et de l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) qui s’est tenu en octobre 2008 à Washington, le vaccin pentavalent oral à virus vivant contre le RV a réduit de 100 % les hospitalisations et les visites au service des urgences pour cause de gastro-entérite à RV pendant la saison d’infections à RV de 2007-2008, qui s’échelonnent généralement de janvier à mai. Ces données proviennent d’une étude d’observation nationale post-commercialisation, laquelle a été réalisée à partir de demandes de règlement d’assurance pour environ 61 000 nourrissons aux États-Unis. Au sein de cette cohorte, 33 135 nourrissons ont reçu les trois doses recommandées du vaccin contre le RV et 27 954 nourrissons n’ont pas été vaccinés.

Plutôt que de reposer sur des comparaisons historiques, cette étude a comparé des sujets vaccinés et des témoins non vaccinés du même âge. De cette façon, les chercheurs ont pu évaluer l’efficacité réelle du vaccin utilisé dans la pratique. Il importe toutefois de souligner que le diagnostic de l’infection à RV n’avait pas besoin d’être confirmé en laboratoire.

Des analyses ont montré que, sous l’effet du vaccin, l’incidence combinée des hospitalisations et des visites au service des urgences pour cause de gastro-entérite à RV était passée à 0,0, vs 3,7 événements, pour 1000 années-patients, ce qui représente une réduction de 100 % à la fois des hospitalisations et des visites au service des urgences. «Ces données témoignent sans doute d’une immunité collective», fait valoir le Dr Paul Offit, directeur du Vaccine Education Center, Children’s Hospital of Philadelphia, Pennsylvanie, qui a participé au développement du vaccin pentavalent contre le RV. Aspect tout aussi important, le vaccin a réduit de 100 % le coût des soins médicaux associés aux hospitalisations et aux visites au service des urgences pour cause de gastro-entérite à RV, celui-ci étant passé à 0 $, contre 12 021 $, pour 1000 années-patients. Le vaccin pentavalent oral à virus vivant contre le RV est indiqué pour la prévention de la gastro-entérite causée par les sérotypes G1, G2, G3, G4 et les sérotypes G contenant la protéine P1A[8]. Il est recommandé chez les nourrissons âgés de six à 32 semaines et s’administre en trois doses.

Ce succès remarquable était déjà apparent une saison après l’homologation par les autorités en 2006. Lors d’une présentation distincte au congrès de l’IDSA, le Dr Steven Hatch, University of Massachusetts, Worcester, a rapporté que son établissement traitait par année, en moyenne, environ 65 cas de gastro-entérite à RV avant l’homologation du vaccin. Ce nombre avait chuté à 37 au terme de la saison de 2007, la première saison complète d’infections à RV après l’homologation, et à trois au terme de la saison de 2008.

Données cliniques récentes

Dans un rapport antérieur des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) à Atlanta, en Géorgie, les chercheurs avaient fait état d’une réduction significative de l’incidence de la gastro-entérite à RV et des soins médicaux connexes après l’introduction du vaccin pentavalent oral à virus vivant contre le RV par rapport aux années précédentes (Morbidity and Mortality Weekly Report, 26 juin 2008). À la lumière de données provenant de deux systèmes de surveillance, les chercheurs des CDC ont constaté une réduction marquée du nombre de tests de laboratoire positifs pour la gastro-entérite à RV pendant la saison 2007-2008, le taux étant passé d’une médiane de 41 % de juillet 1991 à juin 2006 à 18 % pendant la saison 2007-2008. Les données ayant servi à cette analyse provenaient du National Respiratory and Enteric Virus Surveillance System.

Une deuxième analyse, dont les données provenaient du New Vaccine Surveillance Network, a fait ressortir une diminution marquée des hospitalisations et des visites au service des urgences et à la clinique pour cause de gastro-entérite à RV durant la saison de 2008, comparativement à celle de 2007 ou de 2006. Par exemple, parmi les enfants qui se sont présentés à un hôpital, à un service des urgences ou à une clinique ambulatoire pour une gastro-entérite aiguë, le RV était en cause dans 207 cas en 2006, 259 cas en 2007 et seulement 18 cas en 2008.

D’autres données ont objectivé les retombées du nouveau vaccin pentavalent contre le RV sur l’incidence de la maladie. Des chercheurs de Quest Diagnostics, Madison, New Jersey, ont réalisé en moyenne 27 625 tests pour identifier le RV pendant le pic d’activité de la saison au cours des trois années précédant l’homologation du vaccin; et environ le quart de ces tests étaient positifs. Pendant la saison de décembre 2007 à juin 2008, l’entreprise a réalisé à peu près autant de tests, mais moins de 8 % étaient positifs. C’est donc dire que le nombre de tests positifs a chuté d’environ 70 % au cours des dernières années, même si seulement 50 % environ des nourrissons admissibles avaient été vaccinés.

Ces résultats militent une fois de plus en faveur d’un effet impressionnant et rapide du nouveau vaccin oral sur l’immunité collective. «Lors de la primo-infection par le RV, une énorme quantité de virions est excrétée dans les selles, de sorte que le virus infecte non seulement le nourrisson, mais aussi tous ceux qui l’entourent, explique le Dr Offit. «Grâce au vaccin, l’excrétion virale et, donc, l’exposition au virus sont fortement diminuées», ce qui ne veut pas dire que les nourrissons n’auront plus besoin de la série de vaccins contre le RV, s’empresse-t-il d’ajouter. Comme le virus influenza, le RV circule encore en milieu communautaire, même en présence d’une immunité collective, précise-t-il. «On peut éliminer la polio et la varicelle [...], mais on ne peut éliminer ni le virus influenza ni le RV», prévient le Dr Offit.

Lorsqu’ils ont développé le vaccin, le Dr Offit et son équipe ont constaté que leur défi principal était de séparer la pathogénicité de l’immunogénicité du virus. «Nous avions alors espoir de créer un vaccin recombinant contenant les gènes qui induisent les anticorps protégeant les enfants contre la maladie, et non les gènes qui entraînent la synthèse des protéines qui les rendent malades.»

Fardeau de la maladie

On attend en décembre la publication d’une évaluation complète du fardeau de la maladie imputable à l’infection par le RV au Canada. À titre de pédiatres, par contre, les Drs Offit et John Yaremko, professeur agrégé de pédiatrie, Université McGill, Montréal, Québec, comprennent déjà très bien l’ampleur des répercussions de l’infection sur la famille. «J’ai tout compris le jour où j’ai vu un enfant mourir d’une gastro-entérite à RV aux urgences de notre établissement», se remémore le Dr Offit. La mère avait fait tout ce qu’on lui avait dit de faire pour soigner son enfant malade, mais seulement 24 heures environ après l’apparition des symptômes, les vomissements de l’enfant avaient été tellement sévères et persistants que l’équipe des urgences n’a rien pu faire pour éviter la mort des suites de la déshydratation causée par la gastro-entérite.

Le Dr Yaremko a lui aussi été témoin de nombreux cas de gastro-entérite à RV, et ni lui ni les parents ne la trouvent banale. «Il ne fait aucun doute que le RV est la cause la plus courante de gastro-entérite chez les enfants de moins de cinq ans, et surtout de moins de deux ans», confirme-t-il. En fait, la quasi-totalité des enfants présentant au moins un épisode de gastro-entérite avant d’avoir atteint l’âge de deux ans, ajoute-t-il. La gastro-entérite à RV est particulière : non seulement cause-t-elle diarrhée, vomissements et fièvre, mais «elle comporte aussi un risque beaucoup plus élevé de déshydratation que les autres types de gastro-entérite». L’hydratation orale permet parfois de faire régresser la déshydratation, mais il est plus difficile de réhydrater les très jeunes enfants, ajoute-t-il - «si bien qu’ils finissent aux urgences pour une réhydratation par voie intraveineuse, ce qui entraîne bien des coûts».

Qui plus est, le nourrisson n’est pas la seule victime de cette infection fort désagréable. Comme l’infection à RV est très contagieuse, il est très fréquent qu’au moins un autre membre de la famille soit atteint. L’étude qui sera publiée sous peu révélera que jusqu’à 50 % des familles sondées étaient aux prises avec au moins un deuxième cas de gastro-entérite à RV. Ainsi, le tiers des parents ont dû s’absenter du travail, non seulement pour prendre soin de leur enfant malade, mais aussi pour se soigner eux-mêmes.

«La prévention de la gastro-entérite à RV vaut vraiment la peine, parce que la maladie est très sévère et désagréable, très fréquente, et qu’elle entraîne un deuxième, voire un troisième cas dans la famille quand le nourrisson tombe malade, affirme le Dr Yaremko. Du point de vue de la société, l’infection à RV est très coûteuse en raison des nombreuses visites au cabinet et aux urgences et des nombreuses hospitalisations. Si nous pouvions éviter tout cela, la prévention se traduirait par des économies à terme.»

Dans le cadre du programme de surveillance IMPACT de l’Agence de la santé publique du Canada, on suit actuellement de près les taux d’infection à RV chez les enfants hospitalisés pour une gastro-entérite. Comme le souligne la Dre Nicole Le Saux, Département des maladies infectieuses, Children’s Hospital of Eastern Ontario, et l’un des investigateurs principaux de l’étude du réseau IMPACT, «le programme de surveillance de l’infection à RV a aussi pour objet d’étudier le profil des enfants qui se présentent aux urgences pour une gastro-entérite à RV et d’évaluer les coûts qu’entraîne cette infection, car les cas sont légion dans la collectivité.»

Allocutions d’intérêt connexe également présentées au congrès :

«Vaccinated Children Among Hospitalized Meningococcal Cases Across Canada, IMPACT 2002-2006.» Julie Bettinger, Nicole Le Saux, David W. Scheifele, Scott A. Halperin, Wendy Vaudry, Raymond Tsang, investigateurs du programme IMPACT.

«Trivalent Influenza Vaccine Effectiveness Against Infant/toddler Hospitalization During Three Canadian Winters: A Report from the Immunization Monitoring Program - Active (IMPACT).» Gaston De Serres, investigateurs du programme IMPACT.

«Genetic Analysis of Invasive Neisseria Meningitidis Strains in Canada Monitored by the IMPACT Program from 2002 to 2006.» Raymond Tsang, investigateurs du programme IMPACT.

«The Effect of Routine Vaccination on Invasive Pneumococcal Infection in Canadian Children: 2000-2007. A Report from the IMPACT Network.» Julie Bettinger, investigateurs du programme IMPACT.

«Communiquer les risques et les effets bénéfiques avec clarté et confiance : Communiquer la science au public.» Paul A. Offit.

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