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Les échinocandines au Service des soins intensifs : une avancée clinique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Critical Care Canada Forum

Toronto, Ontario / 11-13 novembre 2008

Les infections invasives à Candida, y compris la candidémie, sont associées à des taux élevés de morbi-mortalité. Les agents que l’on utilise le plus souvent pour le traitement empirique de ces infections présentent toutefois d’importants inconvénients. Notamment, de nombreuses souches de Candida sont résistantes au fluconazole, et l’amphotéricine B est reconnue pour sa toxicité non négligeable.

Il n’est donc pas étonnant que les grands experts en infectiologie applaudissent l’efficacité et l’efficience des plus récents antifongiques utilisés dans le traitement de la candidémie. C’est d’ailleurs avec enthousiasme que le Dr Coleman Rotstein, professeur titulaire de médecine, Division d’infectiologie, University of Toronto, et codirecteur du Département des maladies infectieuses chez les greffés, Toronto General Hospital, Ontario, a parlé de l’utilisation des échinocandines au Service des soins intensifs (SSI), où les médecins doivent livrer une lutte de plus en plus acharnée pour sauver la vie de patients gravement malades.

«Dans ses nouvelles recommandations, l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) privilégie les échinocandines pour le traitement en première intention de la candidémie chez des patients modérément ou gravement malades ou ayant déjà été exposés à un antifongique azolé, déclare le Dr Coleman. Au SSI, en tout cas, il semble que les échinocandines soient la solution par excellence.»

Les nouvelles recommandations de l’IDSA – dont la publication est attendue en janvier 2009 (Pappas et al. Clin Infect Dis 2008; sous presse) – ont été motivées par la diminution du taux de mortalité et l’augmentation des taux de réponse globale associées aux nouvelles échinocandines, par comparaison aux agents traditionnels.

Les infections à Candida, un problème qui prend rapidement de l’ampleur au SSI

Les candidémies/candidoses invasives (C/CI) sont les mycoses généralisées les plus courantes en milieu hospitalier. Le taux de sepsis associé aux mycoses augmente «en flèche», signale le Dr Rotstein, qui a d’ailleurs cité un article à l’appui de ses dires (Martin et al. N Engl J Med 2003;348:1546-54). De plus, la fréquence accrue des C/CI est particulièrement évidente au SSI.

La colonisation et l’infection par Candida prolongent le séjour au SSI et à l’hôpital et augmentent le coût des soins (Olaechea et al. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2004;3:323-30). Les C/CI sont aussi grevées d’une mortalité importante. Si des études ont situé le taux de mortalité associé à ces infections à environ 40 % dans les années 1990, des études, sur les échinocandines, plus récentes montrent que ce taux serait maintenant inférieur à 30 % (Pappas et al. Clin Infect Dis 2007;45:883-93).

«Peut-on parler de progrès? demande le Dr Rotstein. Jetons un coup d’œil sur le traitement des C/CI au SSI. Qu’utilisons-nous en 2008? […] Le traitement repose sur deux grands principes. D’abord, il faut frapper tôt. Si le traitement n’est pas amorcé sans délai, le risque de décès augmente. Ensuite, on doit évidemment prescrire l’antifongique qui convient, mais ce principe est particulièrement vrai dans le cas des C/CI.»

L’amphotéricine B fait partie de l’arsenal traditionnel pour le traitement des C/CI. Cet antifongique est toutefois très toxique; il entraîne notamment une néphrotoxicité, des réactions liées à la perfusion, une hypokaliémie, une hypomagnésiémie et des anomalies de la fonction hépatique. Des formulations liposomiques ont été mises au point, mais celles-ci sont considérablement plus coûteuses que l’amphotéricine B ordinaire. Les dérivés azolés, surtout le fluconazole, se sont pour leur part révélés efficaces. Le spectre d’activité du fluconazole est toutefois lacunaire. C. glabrata et C. parapsilosis, par exemple, figurent au nombre des espèces de Candida résistantes au fluconazole.

Fort heureusement, les échinocandines agissent contre les souches résistantes au fluconazole. Dotées d’un large spectre d’activité, elles sont efficaces contre plusieurs espèces de Candida, dont C. glabrata, C. tropicans, C. albicans, C. parapsilosis (quoique cette espèce soit moins sensible que les autres) et C. tropicalis. Lors d’un essai international avec randomisation mené par le Dr Rotstein et son équipe, 191 patients en proie à une C/CI ont reçu aléatoirement de la micafongine à raison de 100 ou 150 mg/jour et 150 autres, de la caspofongine à la dose standard de 70 mg, puis de 50 mg/jour (Pappas et al. Clin Infect Dis 2007;45:883-93). Après deux semaines en moyenne, la micafongine n’était pas inférieure à la caspofongine, les taux de réussite thérapeutique ayant atteint 76,4 % dans le groupe micafongine à 100 mg, 71,4 % dans le groupe micafongine à 150 mg et 72,3 % dans le groupe caspofongine. Les échinocandines sont aussi plus sûres, note le Dr Rotstein. Côté métabolisme, l’anidulafongine est métabolisée dans le sang plutôt que d’être dégradée par le foie, alors que la micafongine est métabolisée par le foie et que la caspofongine est dégradée en partie par le foie, en partie par le rein.

Dans le contexte particulier du SSI où la polypharmacie est monnaie courante, «il s’agit là d’un avantage clé, car l’anidulafongine n’entraîne pas d’interactions médicamenteuses connues, contrairement à la micafongine – qui interagit avec le sirolimus et la nifédipine – et à la caspofongine – qui interagit avec la cyclosporine, le tacrolimus, la rifampicine, l’éfavirenz, la névirapine, la phénytoïne, la dexaméthasone et la carbamazépine, explique le Dr Rotstein. En outre, l’anidulafongine ne requiert aucun ajustement posologique en présence d’insuffisance rénale.»

Un essai déterminant pour le traitement des infections à Candida

Un essai mené à double insu avec randomisation dans lequel on a comparé l’anidulafongine et le fluconazole dans le traitement des candidoses invasives, et dont le Dr Rotstein était l’un des investigateurs, a contribué à préciser le rôle de ces antifongiques dans le traitement des candidoses invasives, explique-t-il (Reboli et al. N Engl J Med 2007;356:2472-82).

Les sujets de l’étude avaient au moins 16 ans et souffraient d’une candidémie ou d’une autre forme de candidose invasive. Certains avaient déjà reçu un dérivé azolé, et la majorité d’entre eux n’étaient pas neutropéniques. Le tableau clinique de ces grands malades était représentatif du tableau généralement associé à ces infections : dysfonction hépatique, insuffisance ou défaillance rénale, diabète et autres facteurs de comorbidité. L’analyse en intention de traiter modifiée englobait tous les patients qui avaient reçu au moins une dose du médicament à l’étude et qui avaient eu au moins une culture positive d’une espèce de Candida dans les 96 heures précédant leur admission à l’étude.

Après randomisation, 127 patients ont reçu par voie intraveineuse de l’anidulafongine à raison de 200 mg le premier jour, puis de 100 mg/jour, tandis que les 118 autres patients de l’analyse en intention de traiter ont reçu par voie intraveineuse du fluconazole à raison de 800 mg le premier jour, puis de 400 mg/jour. Le traitement était administré pendant 14 à 42 jours et se poursuivait pendant au moins deux semaines après l’obtention d’une hémoculture négative et une amélioration des signes et des symptômes. La décision d’administrer du fluconazole par voie orale après au moins 10 jours de traitement intraveineux était laissée à la discrétion des investigateurs.

C. albicans était présent chez 61,6 % de tous les patients. C. glabrata était présent chez 15,7 % des sujets sous anidulafongine et chez 25,4 % des sujets sous fluconazole (p=0,08). Les autres espèces de Candida étaient présentes en proportions moindres, mais similaires dans les deux groupes.

Le paramètre principal était la réponse globale au terme du traitement intraveineux. Le taux de réponse atteint a été de 75,6 % (96/127) dans le groupe anidulafongine et de 60,2 % (71/118) dans le groupe fluconazole (p=0,01). Cet écart est demeuré statistiquement significatif (p=0,04) lorsqu’on a reporté les données dans un modèle multivarié d’analyse par régression logistique de la réponse globale au terme du traitement intraveineux après prise en compte de divers paramètres comme le diabète, l’usage antérieur d’un dérivé azolé, le retrait d’un cathéter et une infection par C. glabrata.

L’échinocandine s’est révélée supérieure au fluconazole chez les patients présentant uniquement une candidémie, les taux de réponse ayant atteint respectivement 75,9 % et 61,2 % au terme du traitement intraveineux (p=0,02). Le pourcentage de répondeurs parmi les patients souffrant d’une autre forme de candidose invasive était également plus élevé dans le groupe anidulafongine que dans le groupe fluconazole (72,7 % vs 53,3 %, respectivement) ainsi que dans le sous-groupe de patients ayant un score APACHE II (Acute Physiology and Chronic Health Evaluation) de 20 ou plus (81,2 % vs 61,2 %). Sur le plan statistique, l’efficacité globale de l’échinocandine était significativement plus marquée au terme du traitement et au terme du suivi subséquent de deux semaines, mais après six semaines de suivi, l’écart ne répondait qu’aux critères de non-infériorité.

Des données non publiées sur divers sous-groupes de sujets de l’essai (dialyse, insuffisance hépatique et ventilation mécanique) ont aussi mis en évidence la supériorité de l’anidulafongine par rapport au fluconazole. Selon les résultats obtenus chez 63 sujets hospitalisés au SSI qui ont été présentés au 18e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie, le traitement par l’anidulafongine a été associé à un taux de réponse plus élevé, à un taux de mortalité toutes causes confondues plus faible et à un séjour au SSI de plus courte durée.

«On a donc objectivé un écart global significatif en faveur de l’anidulafongine, conclut le Dr Rotstein. En général, les échinocandines sont des antifongiques efficaces et sûrs, mais l’anidulafongine semble être l’échinocandine la plus fiable.»

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