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Les échinocandines dans le traitement prophylactique et empirique des mycoses invasives

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Congrès commun de l’ICAAC (48e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie) et de l’IDSA (46e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America)

Washington, D.C. / 25-28 octobre 2008

Les mycoses invasives sont grevées d’une morbidité et d’une mortalité appréciables dans de nombreuses populations de patients, notamment chez les malades neutropéniques sous chimiothérapie anticancéreuse ou soumis à une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH). En cas de mycose invasive, les armes à la disposition du clinicien sont l’amphotéricine B et ses formes lipidiques, les antifongiques triazolés (fluconazole, itraconazole, voriconazole) et les échinocandines (caspofongine, micafongine, anidulafongine). La caspofongine s’est également révélée efficace chez les patients en proie à une fièvre persistante et à une neutropénie. Les échinocandines inhibent de façon non compétitive la synthèse du 1,3-bêta-D-glucane contenu dans la paroi cellulaire fongique et sont généralement mieux tolérées que l’amphotéricine B et les antifongiques triazolés. Par exemple, l’amphotéricine B est reconnue pour sa néphrotoxicité et à sa toxicité liée à la perfusion.

Lors du volet mycologique des séances scientifiques, on a parlé du recours aux échinocandines en traitement de la candidose et de l’aspergillose invasives, en traitement empirique et chez l’enfant. On s’est en outre intéressé au choix des candidats à un traitement antifongique prophylactique ou empirique dans les populations de patients en phase critique.

Conduite à tenir en cas d’aspergillose invasive

Pour l’instant, les échinocandines ne comptent pas au nombre des traitements de première intention de l’aspergillose invasive en raison du manque d’études dans cette indication, affirme la Dre Kieren Marr, directrice, Transplant and Oncology Infectious Diseases, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland. Toutefois, la caspofongine a déjà fait la preuve de son efficacité en traitement de rattrapage de l’aspergillose invasive. Selon toute vraisemblance, l’efficacité de la caspofongine contre Aspergillus fumigatus tient en bonne partie à la modulation des réactions inflammatoires par l’altération du bêta-glucane présent à la surface des champignons, explique la Dre Marr. On a constaté que la caspofongine réduisait la sécrétion de cytokines inflammatoires par des macrophages de moelle osseuse murine.

Présente chez jusqu’à 30 % des receveurs d’une greffe de CSH, l’aspergillose pulmonaire invasive est souvent mortelle. Dans cette population, le traitement par le voriconazole aux doses habituelles pose problème à cause de la variabilité du taux plasmatique et de l’éventuelle toxicité de cette substance, note la Dre Marr. En cas d’échec du voriconazole après une greffe de CSH, elle propose deux solutions : l’augmentation de la dose de voriconazole (si la dose initiale le permet) et l’ajout d’une échinocandine, ou encore la prescription d’une préparation lipidique d’amphotéricine B.

Le Pr Raoul Herbrecht, Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, France, a présenté des données qui témoignent de l’efficacité de la caspofongine en monothérapie de premier recours dans l’aspergillose invasive avec attestation mycologique. Les résultats proviennent d’une étude ouverte menée chez 24 patients ayant subi une allogreffe de CSH et sous caspofongine pendant une médiane de 24 jours. Le traitement a connu une issue favorable, c’est-à-dire qu’il a amené une réponse complète ou partielle, chez 10 des 24 (42 %) patients. Quatre-vingt-quatre jours après le début du traitement, le suivi de la population a permis de constater que huit des 24 (33 %) patients évaluables présentaient une réponse complète ou partielle. Aucun sujet n’a subi d’effet indésirable grave lié au traitement ni n’a cessé de prendre le médicament pour cause de toxicité.

«Il convient d’approfondir l’étude de la caspofongine dans le traitement de l’aspergillose invasive sur fond d’immunosuppression grave liée à une greffe de CSH», conclut le Pr Herbrecht.

Forte activité contre Candida

Les échinocandines, explique le Dr Coleman Rotstein, professeur titulaire de médecine et directeur, Division des maladies infectieuses, University of Toronto, Ontario, sont extrêmement actives contre les espèces du genre Candida et très actives contre C. parapsilosis et C. lusitaniae. «Elles sont particulièrement efficaces en présence de souches de Candida résistantes au fluconazole», fait-il remarquer.

Dans le traitement de patients atteints d’une candidose invasive et d’un sous-groupe qui présentait une candidémie, la caspofongine a donné lieu, dans l’ensemble, à des résultats cliniques plus favorables que l’amphotéricine B et a provoqué moins d’effets indésirables iatrogènes, souligne le Dr Rotstein (Mora-Duarte et al. N Engl J Med 2002; 347[25]:2020-9).

L’anidulafongine s’est montrée plus efficace que le fluconazole pour traiter la candidose invasive et pourrait éliminer Candida de la circulation sanguine plus rapidement que celui-ci, poursuit-il (Reboli et al. N Engl J Med 2007; 356[24]:2472-82). À en juger par les essais cliniques, la persistance des germes Candida semble varier suivant l’échinocandine; ainsi, les épisodes de persistance ont été moins nombreux avec la micafongine et l’anidulafongine qu’avec la caspofongine, précise le médecin.

Prophylaxie anti-Candida au SSI

Plus on retarde le traitement de la candidose invasive, plus le risque de décès est grand, d’où l’intérêt de la prophylaxie. Mais comment choisir, parmi la population du service des soins intensifs (SSI), les patients qui seront soumis à une prophylaxie de la candidose invasive?

Le Dr Thierry F. Calandra, professeur titulaire de médecine et chef du Service des maladies infectieuses, Département de médecine, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse, propose quelques règles de base. Ainsi, il envisage un traitement préventif chez les patients hospitalisés au SSI depuis plus de trois jours. «Je m’inquiète davantage lorsqu’on a repéré chez le patient un ou plusieurs sites colonisés [par Candida] et si la fièvre persiste en dépit d’une antibiothérapie à large spectre. Si l’état du patient se détériore, j’ajoute éventuellement un antifongique en attendant le rapport du laboratoire; je décide ensuite, en fonction du contexte clinique, s’il y a lieu de poursuivre le traitement antifongique.»

Des chercheurs du University of Texas Health Science Center at Houston ont élaboré une règle de prédiction clinique de la candidose invasive nosocomiale. Cette règle comprend l’un des éléments suivants : fièvre, hypothermie, hypotension ou leucocytose, auquel s’ajoute la mise en place d’un cathéter veineux central, la ventilation artificielle ou l’administration d’antibiotiques du premier au troisième jour de l’hospitalisation au SSI, puis l’un des éléments suivants : nutrition parentérale du premier au troisième jour, dialyse du premier au troisième jour, intervention chirurgicale majeure dans la semaine ayant précédé l’admission au SSI, apparition d’une pancréatite dans la semaine ayant précédé l’admission au SSI ou prise de stéroïdes systémiques ou d’autres immunosuppresseurs avant le séjour au SSI.

Lors de son application prospective à 649 patients de Suisse, de France, des États-Unis et d’Australie, cette règle s’est révélée exacte dans 68 % des cas. En l’appliquant, on obtiendrait un taux de candidose invasive de 4,7 % et on mettrait en route un traitement prophylactique chez 32 % des patients, explique le Dr Luis Ostrosky-Zeichner, Groupe d’étude sur les mycoses et professeur titulaire de médecine, University of Texas at Houston. En ajoutant la colonisation par des espèces Candida découvertes au hasard de la mise en culture d’échantillons provenant de sites non stériles, on porte à 87 % le degré d’exactitude de la règle. Grâce à cet ajout, on obtient un taux de candidose invasive de 9,3 % et on ne traite que 13 % des patients du SSI.

Traitement antifongique empirique

Utilisées à titre empirique chez des patients neutropéniques sous l’emprise d’une fièvre persistante, la caspofongine et l’amphotéricine B ont amené des résultats favorables à une fréquence comparable. Toutefois, chez les patients atteints dès le départ d’une mycose, la caspofongine a donné lieu à un nombre significativement plus élevé de réussites thérapeutiques que l’amphotéricine B (51,9 % vs 25,9 %; p=0,04), et le taux de survie à sept jours était significativement plus élevé dans le groupe caspofongine (92,6 % vs 89,2 %; p=0,05), rapporte le Dr Rotstein (Walsh et al. N Engl J Med 2004;351[14]:1391-402). Enfin, les manifestations de néphrotoxicité ont été moins nombreuses dans le groupe caspofongine, et ici encore, l’écart était significatif.

Lors d’un essai qui portait sur des adultes et des enfants neutropéniques soumis à une greffe de CSH, la micafongine s’est révélée plus efficace que le fluconazole en prophylaxie des mycoses invasives (van Burik et al. Clin Infect Dis 2004;39[10]:1407-16). «On a enregistré moins d’échecs thérapeutiques et d’aspergilloses chez les patients sous micafongine, ce qui n’a rien d’étonnant», indique le Dr Rotstein. Le taux d’efficacité global enregistré dans cette étude se situe à 80 % dans le groupe micafongine et à 73 % dans le groupe fluconazole (p=0,03).

Forte activité dans l’aspergillose invasive

Les échinocandines sont «très actives» contre les germes Aspergillus, affirme le Dr Rotstein. La caspofongine a fait la preuve de son utilité en traitement de rattrapage de l’aspergillose invasive. Lors d’une étude déterminante menée chez des sujets réfractaires ou intolérants à l’amphotéricine B, aux formes lipidiques de l’amphotéricine B ou aux antifongiques triazolés, 45 % des participants ont bien répondu à la caspofongine, et seulement deux patients sur 83 ont cessé de prendre le médicament en raison d’effets toxiques (Maertens et al. Clin Infect Dis 2004;39[11]:1563-71). Selon lui, l’efficacité de la caspofongine en traitement de l’aspergillose invasive chez le receveur d’une greffe de CSH atteste son efficacité en traitement de premier recours, constatée d’ailleurs par le Pr Herbrecht.

Chez les patients neutropéniques traités par la caspofongine pour cause de candidose invasive établie, la proportion de sujets ayant bien répondu à la substance s’établit à 58 % en traitement de premier recours et à 100 % en traitement de rattrapage. Chez les patients neutropéniques souffrant d’aspergillose invasive établie, les pourcentages de réponse favorable à la caspofongine se situent à 42 % pour le traitement de premier recours et à 38 % pour le traitement de rattrapage (Betts et al. Cancer 2006; 106[2]:466-73).

«La micafongine se compare raisonnablement à la caspofongine» pour le traitement de l’aspergillose invasive, fait remarquer le Dr Rotstein, évoquant, à l’appui de cette affirmation, le taux de réponse à la micafongine de 36 % enregistré lors d’un essai ouvert qui réunissait 331 sujets atteints d’une aspergillose avérée ou probable (Denning et al. J Infect 2006;53[5]:337-49).

Inscription dans les listes de médicaments

Avant d’inscrire une échinocandine dans une liste de médicaments, on s’intéresse à son activité contre les germes invasifs et à son efficacité clinique, mais également à son profil pharmacocinétique et pharmacodynamique, à sa toxicité et au risque d’interactions médicamenteuses, explique le Dr Rotstein, qui a étudié chacun de ces paramètres.

La caspofongine est l’échinocandine aux indications les plus nombreuses : traitement de premier recours de la candidose invasive, de la candidémie et d’autres infections à Candida (abcès intra-abdominaux, péritonites et infections de la cavité pleurale), traitement de première intention de la candidose œsophagienne, traitement de l’aspergillose invasive chez le sujet réfractaire ou intolérants aux autres antifongiques et traitement antifongique empirique en cas de neutropénie fébrile. «Les échinocandines sont très sûres, affirme le Dr Rotstein. On observe des anomalies hématologiques chez moins de 5 % des patients.» Par ailleurs, le taux des enzymes hépatiques s’élève chez 11 à 24 % des patients traités par la caspofongine, ajoute-t-il.

Une mise en garde s’impose toutefois à l’égard de la micafongine. En effet, des tumeurs hépatiques se sont formées chez des rats après trois mois de traitement; de plus, une hausse persistante des transaminases pourrait comporter un risque de tumeur hépatique, prévient le Dr Rotstein. Toutes les échinocandines possèdent un pouvoir fongicide qui est fonction de leur concentration, poursuit-il. Vu le profil d’élimination particulier de l’anidulafongine (dans les selles), il n’est pas nécessaire d’ajuster la dose chez l’insuffisant rénal ou hépatique. Par contre, la caspofongine étant métabolisée dans le foie, «il faut ajuster la dose en cas de dysfonctionnement hépatique», précise le médecin. Par ailleurs, aucune interaction médicamenteuse avec l’anidulafongine n’a été mise au jour jusqu’à maintenant, mais la caspofongine interagit avec la cyclosporine (et, éventuellement, avec le tacrolimus) et la micafongine peut accroître la concentration du sirolimus. En règle générale, cependant, ces quelques interactions avec les échinocandines n’interdisent aucunement leur association à d’autres antifongiques (pour un traitement de rattrapage).

Aucune des échinocandines n’interagit de manière significative avec le cytochrome P450, ce qui explique que les interactions soient peu nombreuses. Cela dit, le Dr Rotstein a constaté que le taux des enzymes hépatiques augmentait plus souvent lorsque la cyclosporine était administrée en concomitance avec la caspofongine que lorsqu’elle était employée seule.

Traitement antifongique chez l’enfant

La caspofongine est la seule échinocandine homologuée chez l’enfant, note le Dr Theoklis Zaoutis, professeur adjoint de pédiatrie et d’épidémiologie, University of Pennsylvania, Philadelphie. Ses paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques autorisent l’administration d’une dose quotidienne de 50 mg/m2, affirment les chercheurs. Ils ont colligé les données sur la pharmacocinétique, la pharmacodynamie et l’innocuité provenant de quatre études réalisées chez des enfants et des adolescents (âgés de trois mois à 17 ans) soumis à un traitement empirique pour cause de fièvre persistante et de neutropénie. Ils ont constaté, après l’analyse de divers paramètres pharmacocinétiques, que les manifestations cliniques indésirables et les anomalies des valeurs biologiques ayant une portée clinique n’avaient pas été plus nombreuses en présence de concentrations plasmatiques plus élevées de caspofongine. Enfin, au terme de l’examen des interactions, ils n’avaient repéré aucun médicament altérant les paramètres pharmacocinétiques de la caspofongine chez l’enfant.

Le Dr Zaoutis a mentionné une étude, présentée lors des séances de 2007 de l’ICAAC, sur le traitement empirique par la caspofongine vs l’amphotéricine B liposomique chez 82 enfants de deux à 17 ans en proie à une fièvre persistante et à une neutropénie. Une analyse en intention de traiter modifiée a conduit à un taux global de réussite thérapeutique de 41 % dans le groupe caspofongine et de 28 % dans le groupe amphotéricine B liposomique, mais l’écart n’était pas significatif. On a répertorié plus d’effets iatrogènes graves chez les sujets sous amphotéricine (11 %) que chez les sujets sous caspofongine (2 %), mais la différence n’était pas significative ici non plus.

Lors d’un essai ouvert non comparatif sur l’emploi de la caspofongine chez des enfants souffrant d’une mycose invasive avérée, on a obtenu une réponse favorable chez 30 sujets sur 37 (81 %) atteints d’une candidose invasive, un sujet (il n’y en avait qu’un seul) atteint d’une candidose œsophagienne et cinq sujets sur 10 (50 %) atteints d’une aspergillose invasive, rapporte le Dr Zaoutis. Comme on l’a souligné précédemment, la micafongine s’est révélée plus efficace que le fluconazole en prophylaxie des mycoses invasives chez des adultes et des enfants neutropéniques soumis à une greffe de CSH. «La réussite thérapeutique [chez les enfants] rappelait en tous points les résultats obtenus chez les adultes», résume le Dr Zaoutis.

Chez les enfants aux prises avec une candidose invasive ou une candidémie, la micafongine et l’amphotéricine B liposomiques ont été assorties de taux de réussite similaires. Cependant, les abandons de traitement pour cause d’effets indésirables ont été moins nombreux dans le groupe micafongine (3,8 % vs 16,7 %; p=0,052) (résultats présentés au congrès commun de l’ECCMID/ICC, en 2007). Malgré les résultats prometteurs obtenus grâce à la micafongine chez l’enfant, «on doit la prescrire à un enfant uniquement si les autres antifongiques ne conviennent pas», conclut le Dr Zaoutis.

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