Comptes rendus

L’inhibition de l’IL-6 dans la polyarthrite rhumatoïde : une analyse des données récentes
Lutte contre la prévalence croissante des pneumonies nosocomiales et communautaires

Les progrès du blocage androgénique dans le traitement du cancer de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 9e Réunion d’hiver annuelle de la SUO (Society of Urologic Oncology)

Bethesda, Maryland / 4-6 décembre 2008

Lorsque le traitement d’un cancer de la prostate repose sur la suppression des androgènes, les antagonistes de la gonadolibérine (GnRH) agissent plus rapidement que les agonistes de la GnRH sans causer d’élévation ni de micro-élévations du taux de testostérone comme le font les agonistes. Cependant, ils sont souvent mal tolérés en raison de réactions allergiques. Dans le cadre d’un programme de recherche clinique, plus de 2000 patients ont reçu du degarelix, nouvel antagoniste de la GnRH. Selon les données recueillies à ce jour, cet agent a permis d’obtenir systématiquement et sans délai un taux de testostérone de castration du fait qu’il ne stimule pas la sécrétion de cet androgène et il n’a pas entraîné d’effets indésirables histaminergiques.

Résultats d’un essai de phase III

Dans le cancer de la prostate, le leuprolide, agoniste de la GnRH, est actuellement le traitement hormonal de référence lorsqu’un blocage androgénique s’impose. On a mené un essai de phase III multicentrique et ouvert d’une durée de un an sur des groupes parallèles afin de confirmer la non-infériorité statistique du degarelix par rapport au leuprolide chez des patients porteurs d’un adénocarcinome de la prostate (quel que soit le stade) confirmé par un examen histologique. Comme le souligne le chercheur principal, le Dr Neal Shore, Carolina Urologic Research Center, Myrtle Beach, Caroline du Sud, «le degarelix a été étudié chez des patients souffrant d’un cancer de la prostate, quel qu’en soit le stade, qui se prêtait à un blocage androgénique selon l’investigateur ou le centre participant».

En tout, 610 patients ont été randomisés de façon à recevoir l’un des trois schémas suivants : une injection unique de 240 mg de degarelix par voie sous-cutanée (s.-c.) suivie de 12 injections d’une dose d’entretien de 80 mg ou de 160 mg, à intervalles de 28 jours; ou 13 injections de 7,5 mg de leuprolide par voie intramusculaire, à intervalles de 28 jours. Pour être admissibles à l’étude, les patients devaient avoir besoin d’un blocage androgénique en raison de taux croissants d’antigène prostatique spécifique (PSA) (<u>></u>2 ng/mL) et de testostérone (>1,5 ng/mL) après avoir subi une prostatectomie ou une radiothérapie à visée curative.

Les caractéristiques initiales des patients étaient comparables dans tous les groupes de traitement : âge médian de 73 ans (50 à 98 ans), taux sérique médian de testostérone de 3,93 ng/mL (2,89 à 5,10) et taux médian de PSA de 19,0 ng/mL (8,7 à 57). L’un des critères d’admissibilité étaient un indice fonctionnel <u><</u>2 selon l’Eastern Cooperative Oncology Group. Étaient exclus les patients ayant besoin d’un traitement hormonal néoadjuvant de même que les patients chez qui un traitement à vise curative était envisageable. Le paramètre principal était la réponse au traitement, laquelle se définissait comme l’obtention d’un taux de testostérone <u><</u>0,5 ng/mL lors de tous les dosages mensuels prévus entre le 28e et le 364e jour.

Les résultats à 14 jours ont confirmé que le taux de PSA s’était abaissé plus rapidement dans les deux groupes degarelix, la baisse ayant atteint 64 % (80 mg) et 65 % (160 mg), vs 18 % dans le groupe leuprolide. Un taux sérique de testostérone <u><</u>0,5 ng/mL s’est maintenu à long terme chez 97,2 % et 98,3 % des patients sous degarelix vs 96,4 % des patients sous leuprolide. La suppression de la testostérone a été significativement plus rapide sous degarelix, 96 % et 95,5 % des patients, respectivement, ayant répondu au 3e jour vs aucun patient dans le groupe leuprolide. Une poussée de sécrétion de testostérone (c.-à-d., une augmentation <u>></u>15 % de la testostéronémie lors de deux dosages pendant les deux premières semaines de traitement), qui s’est traduite par une élévation médiane de 65 % du taux de testostérone au 3e jour, a été observée chez 161 patients sous leuprolide vs aucun patient sous degarelix. Des micro-élévations ont aussi été rapportées chez huit patients du groupe leuprolide; chez quatre patients, ces élévations ont même excédé 0,5 ng/mL (valeur-seuil de la réponse au traitement). Aucune micro-élévation n’a été rapportée dans le groupe degarelix.

«Le mode d’action [du degarelix] permet manifestement d’éviter les élévations et les micro-élévations, qui peuvent jouer un rôle particulièrement important dans le cancer avancé, explique le Dr Shore. Une fois que la décision d’amorcer un blocage androgénique a été prise, le moindre risque d’élévation du taux de testostérone semble théoriquement inapproprié; le degarelix devrait donc être utile chez tous les patients ayant besoin d’un blocage androgénique», ajoute-t-il.

Effets indésirables

Il est ressorti d’études antérieures que les antagonistes de la GnRH peuvent occasionner des réactions allergiques que de nombreux patients sont incapables de tolérer. Or, lors de tous les essais cliniques combinés sur le degarelix, «aucune réaction allergique n’a été signalée», précise le Dr Shore.

Dans le cadre de l’essai de phase III, le degarelix et le leuprolide ont tous les deux été bien tolérés, et aucun effet indésirable grave lié au traitement n’a été signalé. Les effets indésirables les plus fréquents de l’un et l’autre agent étaient les réactions au point d’injection. Cet effet a été signalé plus souvent sous degarelix; les symptômes les plus courants – douleur, érythème et œdème au point d’injection – ont pu être traités à l’aide d’analgésiques ou d’un contenant réfrigérant.

Certes, l’administration par voie s.-c. est pratique, poursuit le Dr Shore, mais une préparation retard trimestrielle de degarelix en est à un stade avancé de développement, les premiers essais cliniques étant prévus pour le début de 2009.

Retombées cliniques

Les agonistes de la GnRH comme le leuprolide suppriment la libération de l’hormone lutéinisante (LH) par un mécanisme de régulation négative. La diminution des taux de LH et de GnRH – qui fait suite à l’arrêt de la synthèse endogène – est toutefois précédée d’une stimulation ou élévation initiale qui peut perdurer plusieurs jours, voire quelques semaines.

Le chercheur responsable de l’un des deux centres canadiens qui participent à l’essai, le Dr Laurence Klotz, chef de l’urologie, Sunnybrook Health Sciences Centre, et professeur titulaire de chirurgie, University of Toronto, Ontario, a décrit les retombées cliniques de l’essai de phase III. Avec les agonistes, «on observe une élévation brutale du taux de testostérone dans les quelques jours qui suivent l’administration du médicament. Cette élévation atteint un maximum après 10 à 14 jours, et met environ un mois à se résorber, explique le Dr Klotz. Des chercheurs ont aussi montré que chaque administration du médicament [en traitement d’entretien] peut être suivie d’une “mini-poussée” de sécrétion de testostérone.» Avec le degarelix et d’autres agents de la nouvelle classe d’antagonistes, en revanche, «on observe une chute marquée du taux de testostérone et il n’y a aucune poussée», fait-il remarquer. Ce phénomène tient au fait que les antagonistes de la GnRH suppriment directement et sans délai la synthèse de la GnRH en bloquant son récepteur.

«Les deux médicaments se distinguent principalement par ce qui se produit le premier mois», fait remarquer le Dr Klotz. «Au départ, on observe une grosse différence quant au taux de testostérone et aussi quant au taux de PSA; en effet, le taux de PSA chute beaucoup plus abruptement sous l’effet de l’antagoniste que de l’agoniste.» Or, chez les patients souffrant d’un cancer avancé, la prévention d’une poussée de sécrétion de testostérone revêt une très grande importance. «Prenez un patient dont le cancer a essaimé dans une vertèbre du rachis. Si vous stimulez une métastase vertébrale, vous pouvez en théorie provoquer une compression médullaire qui ne serait peut-être pas survenue en l’absence de cette poussée initiale.»

La majorité des patients ayant besoin d’un blocage androgénique n’ont pas de métastases osseuses disséminées ni de masse vertébrale. L’antagoniste de la GnRH est néanmoins un traitement «à visée palliative, rappelle le Dr Klotz, même si la survie se prolonge de nombreuses années quand le patient reçoit ce type de traitement».

Généralement, chez les patients atteints d’un cancer de la prostate dont le taux de PSA augmente après un traitement localisé, la médiane de survie – qui s’est améliorée au fil des années – varie maintenant entre huit et 10 ans. Au dire du Dr Klotz, on devrait explorer l’utilisation du degarelix en traitement intermittent et possiblement en traitement adjuvant après une radiothérapie. Le Dr Shore estime lui aussi qu’un blocage androgénique intermittent conviendrait bien aux patients chez qui le traitement localisé a échoué et dont le taux de PSA est en hausse. D’ailleurs, un essai conçu expressément pour ce groupe de traitement est prévu pour 2009.

Résumé

Chez les patients souffrant d’un cancer de la prostate avancé ou porteurs de métastases avérées, une poussée de sécrétion de testostérone peut entraîner des complications. Il est ressorti d’un essai de phase III que le degarelix est aussi sûr et efficace que le leuprolide pour le blocage androgénique et qu’il offre l’avantage d’exercer une action immédiate et de ne causer aucune poussée de sécrétion de testostérone. Les patients n’ont donc pas besoin d’un antiandrogène supplémentaire. Dans le cadre du programme de recherche clinique, aucun des 2000 patients ayant reçu du degarelix n’a signalé de réaction allergique immédiate ou tardive. Peut-être ce nouvel antagoniste de la GnRH prometteur se substituera-t-il au traitement de référence actuel chez les patients souffrant d’un cancer de la prostate avancé ayant besoin d’un blocage androgénique.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.