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Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès commun de l’ICAAC (48e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie) et de l’IDSA (46e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America)

Washington D.C. / 25-28 octobre 2008

Depuis quelques années, la prévalence des infections par Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) progresse de façon notable. En outre, cette bactérie est sortie des établissements de soins pour se répandre dans les milieux communautaires non pas comme une traînée de poudre, mais de manière néanmoins alarmante, affirment les spécialistes en maladies infectieuses.

La situation est inquiétante, car l’arsenal du clinicien ne renferme que quelques armes encore efficaces contre les micro-organismes méthicillinorésistants. Or, le recours fréquent à ces agents risque d’accélérer le développement de «superbactéries», à savoir de souches de S. aureus résistantes aux antibiotiques de deuxième intention, tels que la vancomycine, glycopeptide tricyclique. L’apparition de staphylocoques et d’entérocoques résistants à la vancomycine fait ressortir l’importance de la mise au point d’antimicrobiens actifs contre divers germes pathogènes, dont SARM.

Les bactéries sous étroite surveillance

La télavancine, lipoglycopeptide de structure voisine à celle de la vancomycine, compte parmi les agents opposables à SARM et à S. aureus sensible à la méthicilline (SASM) parvenus à un stade avancé de leur développement. Rapidement bactéricide, cet antibiotique est efficace contre les micro-organismes à Gram positif, notamment SARM et SASM.

Afin d’évaluer l’activité de la télavancine contre des isolats actuels de bactéries à Gram positif, le Dr Thomas R. Fritsche, directeur, JMI Laboratories, North Liberty, Iowa, et ses collègues ont recueilli plus de 10 000 isolats cliniques différents en Amérique du Nord, en Europe, dans la région Asie-Pacifique et en Amérique latine.

L’antibiotique s’est montré très efficace contre les isolats obtenus en 2007 sur quatre continents. Il a inhibé tous les échantillons de S. aureus, dont 45,1 % résistaient à l’oxacilline, ainsi que les souches à coagulase négative, dont 78 % résistaient à l’oxacilline, suivant une concentration minimale inhibitrice (CMI) <u><</u>0,5 µg/mL. En outre, l’agent a inhibé 98 % des souches d’Enterococcus faecalis, dont 2,4 % résistaient à la vancomycine, et 61 % des souches d’E. faecium, dont 43,4 % résistaient à la vancomycine, ici encore suivant une CMI <u><</u>0,5 µg/mL.

À l’égard des souches entérococciques résistantes à la vancomycine, la CMI de la télavancine était <u><</u>1 µg/mL dans 26,8 % des cas et <u><</u>2 µg/mL dans 76,6 % des cas. La CMI était <u><</u>0,25 µg/mL à l’égard de toutes les souches de Streptococcus pneumoniae ainsi que des streptocoques ß-hémolytiques et viridans. Les souches de S. pneumoniae et du groupe viridans insensibles à la pénicilline ont bien répondu à la télavancine. Enfin, ce nouvel agent s’est montré plus puissant que la vancomycine et la téicoplanine contre toutes les souches Corynebacterium, comme en fait foi sa CMI <u><</u>0,06 µg/mL, comparativement à <u><</u>0,5 µg/mL pour la vancomycine et à <u><</u>4 µg/mL pour la téicoplanine.

CANWARD 2007 : analyse des isolats

Dans une étude satellite de CANWARD 2007, étude en cours pour la surveillance de la résistance antimicrobienne dans les hôpitaux canadiens, les chercheurs des Diagnostic Services of Manitoba Inc. et de l’Université du Manitoba, Winnipeg, ont examiné 7881 isolats en provenance de 12 hôpitaux sentinelles du Canada.

Les échantillons ont été prélevés chez des patients traités en ambulatoire, au service des urgences, dans les unités de soins, au bloc opératoire ou au service des soins intensifs. On a demandé à chaque établissement de soumettre un germe par patient et par foyer infectieux provenant du sang, des expectorations, des urines, d’une plaie ou d’un accès intraveineux (i.v.). On a obtenu, au total, 3473 coques à Gram positif. Les chercheurs ont évalué la sensibilité à la télavancine et aux agents de comparaison par la méthode de microdilution en milieu liquide du CLSI (Clinical and Laboratory Standards Institute), puis calculé la CMI<sub>50</sub> et la CMI<sub>90</sub> de la télavancine et de la vancomycine.

«Nous avons constaté que l’activité de la télavancine était comparable à celle de la daptomycine et supérieure à celle de la vancomycine», a souligné Kim A. Nichol, Diagnostic Services of Manitoba Inc., lors d’une communication par affiche.

Plus précisément, la télavancine s’est montrée plus active, in vitro, que la vancomycine contre 74 isolats de SARM communautaire et 290 isolats de SARM nosocomial. Les valeurs CMI<sub>50</sub>-CMI<sub>90</sub> de la télavancine se sont établies à 0,25-0,25 à l’égard des souches tant communautaires que nosocomiales, par rapport à 1-1 pour la vancomycine. La télavancine s’est également révélée plus puissante, in vitro, contre les isolats de S. pneumoniae, de SASM et d’Enterococcus, rapportent les chercheurs.

Évaluation de l’activité antimicrobienne

ATTAIN I et II (Assessment of Telavancin for Hospital-Acquired Pneumonia) sont des essais cliniques de phase III menés à double insu et avec randomisation suivant un plan identique. Ils visaient à comparer la télavancine et la vancomycine chez des patients atteints d’une pneumonie nosocomiale (PN) causée, de façon probable ou avérée, par un micro-organisme à Gram positif.

À l’aide du matériel obtenu auprès de l’effectif des essais ATTAIN, une équipe dirigée par Kevin M. Krause, San Francisco, Californie, a mesuré l’activité de nombreux antibiotiques sur les germes à Gram positif : télavancine, vancomycine, daptomycine, téicoplanine, clindamycine, ciprofloxacine, érythromycine et sulfaméthoxazole-triméthoprime.

Sur les 738 micro-organismes aérobies provenant de 1089 patients chez qui on a mis au jour un germe respiratoire en début d’étude, les espèces S. aureus ont été les agents à Gram positifs isolés le plus souvent, soit dans 88 % des échantillons; 63 % de ces isolats étaient résistants à la méthicilline. Venaient ensuite les souches de S. pneumoniae, mises en évidence dans 7 % des échantillons et pénicillinorésistantes dans le tiers des cas.

La télavancine et la daptomycine ont puissamment inhibé SARM, comme en témoigne leur CMI<sub>90</sub> de 0,5 µg/mL, suivies de la vancomycine (1 µg/mL), du linézolide et de la téicoplanine (2 µg/mL), puis des autres agents (4 µg/mL ou plus). La résistance à la méthicilline n’a pas affaibli l’activité de la télavancine, notent les auteurs.

Les chercheurs ont également constaté que la CMI90 de la télavancine était <u><</u>0,06 µg/mL à l’égard de toutes les espèces de S. pneumoniae. Cependant, la CMI<sub>90</sub> de cet agent était généralement plus élevée pour E. faecalis (1 µg/mL) que pour S. aureus ou S. pneumoniae.

Résultats cliniques des essais ATTAIN

Dans les essais ATTAIN, les plus vastes menés sur la PN, 1532 patients ont reçu, après répartition aléatoire, de la télavancine à 10 mg/kg i.v. toutes les 24 heures ou de la vancomycine à 1 g i.v. toutes les 12 heures pendant sept à 21 jours. Le paramètre d’évaluation principal était la guérison, à savoir la disparition complète des signes et des symptômes de la pneumonie ainsi que l’absence de progression sur la radiographie obtenue lors de la visite de suivi, sept à 14 jours après l’injection de la dernière dose du médicament; il y avait échec dans les cas suivants : persistance ou progression de la pneumonie, récidive post-thérapeutique, cessation du traitement à l’étude en raison d’un manque d’efficacité, mort après trois jours ou plus causée par la primo-infection et résultat indéterminé.

Le taux de guérison clinique s’est établi, pour l’ensemble des patients infectés par S. aureus et évaluables sur le plan microbiologique, à 84 % sous télavancine et à 74 % sous vancomycine, ce qui correspond à une différence absolue de 10 % (IC à 95 % : 0,7 à 19,2). «La télavancine a produit plus de guérisons que la vancomycine chez les sujets les plus gravement atteints, à savoir ceux dont les scores APACHE (Acute Physiology and Chronic Health Evaluation) et CPIS (Clinical Pulmonary Infection Score) étaient élevés, ceux qui présentaient un syndrome de détresse respiratoire ou une bactériémie ainsi que les personnes âgées», souligne le Dr Ethan Rubinstein, professeur de recherche médicale, titulaire de la chaire H. E. Sellers et chef, division des maladies infectieuses, Université du Manitoba.

Chez les porteurs de SARM, le taux de guérison était de 82 % dans le groupe télavancine, contre 74 % dans le groupe vancomycine (différence absolue : 7,9 %; IC à 95 % : -3,5 à 19,3). Chez les porteurs d’un germe sensible à la méthicilline, les taux de guérison se sont établis respectivement à 88 % et à 75 % (différence absolue : 12,2 %; IC bilatéral : 4,2 à 28,8).

Le profil des effets indésirables était comparable dans les deux groupes. Les manifestations apparues le plus souvent pendant le traitement ont été la diarrhée, l’anémie, l’hypokaliémie, la constipation et l’escarre de décubitus.

Ces résultats amènent les chercheurs à penser qu’on pourrait recourir à la télavancine pour le traitement empirique des PN lorsqu’on soupçonne un micro-organisme à Gram positif.

Par ailleurs, des chercheurs de l’équipe ATTAIN ont présenté une analyse de l’efficacité de la télavancine dans les PN causées par des souches de S. aureus plus ou moins sensibles à la vancomycine. Dans tous les sous-groupes, la télavancine a autorisé plus de guérisons cliniques que la vancomycine; chez les porteurs de souches de S. aureus pour lesquelles la CMI de la vancomycine était <u>></u>1 µg/mL, la télavancine a été associée à un taux de guérison clinique significativement plus élevé, à savoir 86 % vs 74 % (p<0,05).

Résumé

Les micro-organismes sont en perpétuelle mutation. Pour les gagner de vitesse, nous n’avons d’autre choix que de poursuivre notre quête d’agents à spectre d’action élargi contre les germes à Gram positif et négatif. Les spécialistes sont unanimes : l’existence d’agents efficaces et rapidement bactéricides telle la télavancine ne nous met pas à l’abri de la résistance bactérienne. La vigilance est donc de mise.

Nota : Au moment de la mise sous presse, la télavancine n’était pas commercialisée au Canada.

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