Comptes rendus

Les progrès du traitement antiplaquettaire
Réplication du VIH dans le SNC, pénétration des antirétroviraux dans le SNC et risque de déclin cognitif

Les retombées cliniques de l’étude JUPITER

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

LE FORUM 2009 - Cardiologie

Février 2009

Commentaire éditorial :

Jacques Genest Jr, MD, FRCPC

Professeur titulaire de médecine, Université McGill, Montréal (Québec)

Un essai multinational d’envergure a confirmé que le dosage de la protéine C-réactive ultrasensible (hsCRP) permettait de distinguer des patients exposés à un risque cardiovasculaire (CV) accru indépendant du taux de C-LDL. Cette étude de prévention primaire intitulée JUPITER (Justification of the Use of Statins in Prevention: an Intervention Trial Evaluating Rosuvastatin) a démontré qu’un traitement hypolipidémiant intensif peut réduire très significativement le risque d’événement CV chez des sujets apparemment en bonne santé et normolipidémiques dont le taux d’hsCRP est élevé. On a observé un bénéfice relatif indépendamment de la présence de tout autre facteur de risque. Les résultats de JUPITER rejailliront sûrement sur les recommandations actuelles pour la stratification du risque. Bien que le dosage de l’hsCRP n’ait sans doute pas d’intérêt à cet égard chez les patients déjà connus pour être à risque très élevé, ni d’ailleurs aux fins de dépistage dans les populations à faible risque, il semble un outil utile chez les sujets exposés à un risque intermédiaire.

Au Canada comme dans beaucoup d’autres pays industrialisés, environ la moitié des infarctus du myocarde (IM), des AVC et d’autres événements cardiovasculaires (CV) majeurs surviennent chez des patients dont le taux de C-LDL est normal. L’essai JUPITER, présenté dans le cadre des Séances scientifiques annuelles de l’American Heart Association (AHA) et subséquemment publié (Ridker et al. N Engl J Med 2008;359:2195-207), prouve de façon éloquente que le dosage de l’hsCRP permet de repérer une partie de ces patients. L’effectif de JUPITER se composait d’hommes de plus de 50 ans et de femmes de plus de 60 ans qui présentaient un taux élevé d’hsCRP mais pas d’hyperlipidémie. Chez ces sujets, le traitement par la rosuvastatine a réduit de 44 % (HR de 0,56; IC à 95 % : 0,46-0,69; p<0,00001) le risque de survenue du paramètre principal qui regroupait les IM, les AVC, les interventions de revascularisation artérielle, les hospitalisations pour cause d’angine instable et la mortalité d’origine CV, et ce, même si on a mis fin à l’étude prématurément, après 1,9 an de suivi. La réduction du risque était systématiquement robuste dans tous les sous-groupes définis en fonction du risque.

L’ampleur du bénéfice relatif observé chez les patients de cette étude de prévention primaire sélectionnés uniquement sur la base de leur taux élevé d’hsCRP a validé l’hypothèse voulant que cette variable représente un marqueur du risque viable, indépendant du taux de C-LDL. L’étude JUPITER n’a pas été conçue pour déterminer si l’hsCRP est un facteur de risque traitable. Cependant, elle a confirmé son hypothèse de départ, à savoir qu’un traitement par la rosuvastatine peut diminuer le risque d’événement CV majeur chez des hommes et des femmes d’un certain âge apparemment en bonne santé qui ne présentent ni antécédents de maladie CV ni hyperlipidémie. Cette statine administrée à une dose plutôt modeste de 20 mg une fois par jour a fortement abaissé à la fois le taux de C-LDL (50 %) et le taux d’hsCRP (37 %).

Figure 1. Paramètre principal de l’essai JUPITER : IM, AVC, angine instable/intervention de revascularisation, décès d’origine CV


L’essai JUPITER portait sur un imposant effectif de 17 802 sujets de 26 pays dont le Canada (Tableau 1). Le critère principal d’admissibilité était un taux d’hsCRP =2 mg/L. Au nombre des critères d’exclusion figuraient principalement un taux de C-LDL =3,4 mmol/L ainsi que tout antécédent ou signe de maladie CV ou vasculaire cérébrale, à quoi s’ajoutaient les critères suivants : traitement hypolipidémiant présent ou passé, hormonothérapie substitutive présente, hypertension non maîtrisée, diabète ou signe quelconque de dysfonction hépatique ou rénale notable. L’objectif était de cerner une population de sujets chez qui le taux d’hsCRP était le principal facteur de risque. Après randomisation, les participants ont reçu la rosuvastatine à 20 mg ou un placebo une fois par jour.

Alors que le protocole prévoyait une durée totale de cinq ans, le comité indépendant de surveillance des essais a recommandé de mettre fin à l’étude après moins de deux ans en raison de l’avantage marqué associé au traitement actif. Au moment de la cessation, l’objectif de recrutement était atteint. Une fois les analyses des données complètes achevées, il est apparu que la rosuvastatine avait autorisé des réductions très marquées et très significatives — statistiquement parlant — des principaux paramètres, tel le risque d’IM (54 %; p=0,0002) et d’AVC (48 %; p=0,002), que ceux-ci soient considérés conjointement ou individuellement. Malgré la durée plutôt courte du suivi, on a pu noter, dans le groupe rosuvastatine, une réduction de 20 % (HR de 0,80; IC à 95 % : 0,67–0,97; p=0,02) de la mortalité toutes causes confondues. De plus, la supériorité de la rosuvastatine sur le placebo était remarquablement constante dans tous les sousgroupes définis selon le sexe, l’âge (supérieur ou inférieur à 65 ans), le tabagisme (présence ou absence), le groupe ethnique, l’hypertension (présence ou absence), les antécédents familiaux de maladie CV (présence ou absence), l’indice de masse corporelle ou le syndrome métabolique (présence ou absence).

Tableau 1. JUPITER : Éléments du paramètre principal (délai de survenue de la première éventualité : décès CV, IM, AVC, angi
risation artérielle)

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Autre preuve de la contribution indépendante du taux d’hsCRP, la réduction relative du risque d’événement CV majeur autorisée par la rosuvastatine était indépendante du score de Framingham (risque sur 10 ans inférieur ou supérieur à 10 %). Par rapport au placebo, la rosuvastatine était aussi avantageuse chez les patients qui ne présentaient aucun facteur de risque d’événement CV à part leur âge que chez le reste des patients.

Les réductions relatives des taux de C-LDL et d’hsCRP observées dans le groupe de traitement actif étaient plus marquées que dans les essais antérieurs sur des statines. À une dose de 20 mg, la rosuvastatine a ramené le taux de C-LDL à une médiane de 1,4 mmol/L et quelque 25 % des patients ont atteint un taux <1,0 mmol/L. Quant au taux d’hsCRP, il est passé d’une médiane de 4,4 mg/L à environ 2,0 mg/L. Bien que ces réductions ne soient pas corrélées, la rosuvastatine s’avère très efficace pour abaisser notablement l’un et l’autre taux même à des doses plutôt modestes. Même aux doses maximales, il serait difficile d’obtenir des réductions comparables avec les autres statines chez la plupart des patients.

Les baisses des taux de C-LDL et d’hsCRP obtenues chez ces sujets apparemment en bonne santé étaient bien tolérées et sûres. De cette étude, dotée de l’effectif nécessaire pour que soient décelées des manifestations défavorables relativement rares, il n’est ressorti aucun signal d’alarme concernant l’innocuité du traitement. Notamment, on n’a observé ni écart significatif ni différence tendant vers la signification statistique entre les deux groupes de traitement quant à la faiblesse musculaire, aux myopathies ou à la rhabdomyolyse. Comme dans de nombreux essais sur des statines auparavant, on a noté une légère augmentation du taux d’HbA1c (5,9 % vs 5,8 %; p=0,001) et du nombre de nouveaux cas de diabète signalés par les médecins (3,0 % vs 2,4 %; p=0,01) chez les sujets recevant la statine. Le taux de cancers nouvellement diagnostiqués et le taux de mortalité par cancer étaient tous deux plus faibles dans le groupe de traitement actif.

Même si la durée médiane du suivi était courte, étant donné sa taille, cet essai apporte des données rassurantes quant à l’innocuité de la statine à l’étude et de taux de C-LDL très faibles en l’absence de signes antérieurs de maladie vasculaire (Tableau 2). Dans l’ensemble, lors des essais cliniques, les statines se sont révélées remarquablement bien tolérées et sûres. L’essai JUPITER donne une autre preuve solide de cette innocuité en démontrant que la réduction de 50 % du taux de C-LDL, ainsi ramené au taux moyen le plus bas jamais atteint dans un essai d’envergure, apporte des avantages sans exposer à de nouveaux risques. Ce sont là des arguments de poids en faveur de la thèse selon laquelle on a tout à gagner à réduire au maximum le taux de C-LDL, en deçà des cibles actuelles. Il n’est pas clair si la baisse du taux d’hsCRP a contribué aux bénéfices constatés, mais sur le plan des effets hypolipidémiants, 20 mg de rosuvastatine ont suffi à produire la réduction du taux de C-LDL observée. À cet égard, au lieu de cibles définies, on devrait peut-être simplement chercher à atteindre le taux de C-LDL

Tableau 2. JUPITER : Données sur la tolérabilité et l’innocuité

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Des études antérieures, telle AFCAPS/TexCAPS (Air Force/Texas Coronary Atherosclerosis Prevention Study), laissaient déjà prévoir les conclusions de JUPITER, mais il reste maintenant à interpréter la pertinence de ces résultats dans la pratique clinique. Des groupes de consensus sont ou seront bientôt mis sur pied dans plusieurs pays, y compris le Canada, afin de guider l’intégration de ces résultats dans les stratégies de stratification du risque et de traitement.

Les enjeux économiques devront bien sûr être discutés. Il ne faut pas seulement tenir compte de l’accroissement du coût des médicaments qui résulterait de l’extension des indications des statines mais également du coût du dépistage et des autres dépenses qui y sont associées. Cela dit, le dosage de l’hsCRP offre une occasion importante de réduire la morbidité et la mortalité CV, si bien qu’il devrait, au regard des normes d’efficience actuelles, être justifié chez de nombreux patients qui ne sont pas traités à l’heure actuelle.

Au cours des discussions sur les changements à apporter aux recommandations, il sera important de s’en tenir aux données probantes que nous avons en main. JUPITER démontre que la découverte d’un taux élevé d’hsCRP chez des hommes de plus de 50 ans et des femmes de plus de 60 ans dont le bilan lipidique est normal permet de distinguer un groupe auparavant inconnu de sujets susceptibles de bénéficier d’un traitement hypolipidémiant intensif. Ces données ne plaident pas pour l’utilisation systématique du dosage de l’hsCRP même si on la restreignait aux individus d’un certain âge. Le dosage n’est pas indiqué ou nécessaire chez les sujets que l’on sait déjà exposés à un risque élevé en raison de la présence de facteurs tels qu’une hyperlipidémie, un diabète ou une maladie CV établie. Par ailleurs, on n’a pas évalué cette stratégie de dépistage chez des patients jeunes et on ignore donc sa valeur dans ce contexte. Toutefois, du point de vue de la société, il est peu probable qu’elle soit efficiente chez les sujets qui sont par ailleurs exposés à un faible risque.

JUPITER est une étude phare susceptible de changer la pratique clinique. Elle montre que le dosage de l’hsCRP permet de cerner des patients d’un certain âge qui, bien qu’ils ne soient pas hyperlipidémiques, peuvent bénéficier d’un traitement hypolipidémiant intensif par la rosuvastatine. Chez des patients plus jeunes, un taux élevé d’hsCRP pourrait encourager l’instauration d’un traitement lorsque le risque est limite, mais des études prospectives s’imposent pour confirmer la pertinence de cette stratégie. L’étude JUPITER ne nous indique pas si l’hsCRP est un facteur de risque traitable; néanmoins, elle met en évidence une diminution très significative du risque CV chez des patients dont le taux d’hsCRP est élevé qui reçoivent de la rosuvastatine à une dose permettant de réduire les taux de C-LDL et d’hsCRP.

Résumé

L’étude JUPITER montre qu’une élévation du taux plasmatique d’hsCRP témoigne d’un risque CV chez des sujets d’un certain âge qui auraient intérêt à recevoir un traitement par 20 mg de rosuvastatine pour diminuer ce risque, même en l’absence d’hyperlipidémie ou de maladie CV. La réduction du risque enregistrée lors de l’étude était associée à l’atteinte d’un taux médian de C-LDL beaucoup plus faible que les cibles recommandées actuellement, même chez les patients à risque élevé. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles stratégies de prise en charge du risque et on s’attend à une mise à jour des recommandations thérapeutiques. Cette étude n’encourage pas une utilisation aveugle du dosage de l’hsCRP, mais donne à penser que l’on pourrait, grâce à ce moyen, repérer une proportion considérable de patients exposés à un risque CV élevé qui échappent aux outils actuels de dépistage du risque.

questions et réponses

Groupe d’experts

Beth Abramson, MD, MSc, FRCPC, FACC, University of Toronto

Todd Anderson, MD, FRCPC, University of Calgary

Jean Davignon, OC, MD, MSc, FRCPC, FACP, FAHA, MSRC, Université de Montréal

Stephen Fort, MB ChB, MRCP, FRCPC, Dalhousie University

Jacques Genest Jr, MD, FRCPC, Université McGill

Ruth McPherson, MD, PhD, FRCPC, Université d’Ottawa

Subodh Verma, MD, PhD, FRCSC, FAHA, University of Toronto

Quelles sont les retombées cliniques des résultats de l’étude JUPITER?

Dr Davignon : Essentiellement, les résultats de JUPITER soulignent l’efficacité d’une statine pour la prévention primaire de la maladie coronarienne chez les patients dont le taux plasmatique de C-LDL n’est pas, à l’heure actuelle, considéré comme un facteur de risque majeur. Ils confirment également que les processus inflammatoires chroniques contribuent étroitement à l’athérogenèse et qu’ils sont des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires (CV). Les résultats de JUPITER ont par ailleurs permis de cerner sans équivoque une cohorte jusque-là négligée de patients dont le risque découle d’un processus inflammatoire, comme on s’y attendait à la lumière des études chez l’animal. Enfin, ils sont rassurants du fait qu’ils confirment l’efficacité et l’innocuité d’une dose de 20 mg de rosuvastatine pour la prévention et le traitement des maladies CV. Ces résultats arrivent à point nommé, d’aucuns mettant en doute l’utilité d’agir uniquement sur les taux de cholestérol.

Dr Verma : Au chapitre de la prévention primaire, JUPITER est un essai révolutionnaire. Cet essai a confirmé une fois pour toutes la théorie voulant que l’inflammation contribue aux maladies CV. Le traitement par statine étant de nature anti-inflammatoire, il a donné lieu à des baisses marquées du nombre de décès, d’infarctus du myocarde (IM), d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) et d’interventions de revascularisation chez des patients à qui on n’aurait pas envisagé de prescrire une statine auparavant. Le taux d’hsCRP doit être mesuré chez les patients exposés à un risque faible ou modéré, et s’il excède >2 mg/L, on doit envisager un traitement par statine, quel que soit le taux de C-LDL.

Dre McPherson : Cliniquement parlant, ces résultats sont pertinents, car ils nous aident à repérer, parmi les patients qui ne montrent pas de signes cliniques de maladie CV, ceux qui pourraient bénéficier le plus d’un traitement hypolipidémiant énergique. Les résultats de JUPITER vont au-delà de l’équation de Framingham en nous fournissant un outil autre que les facteurs de risque traditionnels pour l’évaluation du risque. Il s’agit là d’un point important, car nous savons qu’une proportion substantielle de premiers événements CV surviennent en l’absence d’hyperlipidémie avérée.

Dr Fort : Les résultats de JUPITER ont révélé que certains patients chez qui un traitement par statine n’est pas indiqué à l’heure actuelle auraient tout de même intérêt à recevoir une statine du seul fait de leur taux élevé d’hsCRP. C’est donc dire que l’hsCRP est extrêmement utile pour la détermination et la stratification du risque CV et que cette observation modifiera probablement la pratique clinique.

Dr Anderson : JUPITER nous donne un nouvel outil pour évaluer le risque. C’est la première fois qu’on tente d’utiliser un modèle qui déborde vraiment du cadre de Framingham. Chez les patients dont le taux d’hsCRP était élevé, le traitement hypolipidémiant énergique a conféré une protection hautement significative contre la survenue d’événements, mais on doit reconnaître que le taux absolu d’événements était faible. Le rapport coûtefficacité sera probablement acceptable, mais il reste à le prouver.

Dre Abramson : C’est un essai passionnant qui semble indiquer que l’on peut évaluer le risque indépendamment des taux lipidiques et des autres facteurs traditionnels. Les résultats de JUPITER sont aussi révélateurs de la pathologie sous-jacente, car ils étayent sans équivoque la théorie voulant que l’inflammation soit la force motrice des maladies CV.

Dr Genest : Les résultats de JUPITER indiquent que l’hsCRP, au même titre que d’autres facteurs de risque comme l’hypertension, l’hypercholestérolémie, le diabète et l’usage du tabac, est utile pour l’évaluation des probabilités d’un événement CV. Nous avions déjà des données montrant que le taux d’hsCRP est un marqueur du risque, mais JUPITER nous aiguille quant à la façon dont on pourrait l’utiliser dans la pratique clinique.

À votre avis, les résultats de l’essai JUPITER amèneront-ils une mise à jour des lignes directrices sur le traitement de l’hypercholestérolémie?

Dr Genest : Je pense que les recommandations seront effectivement remaniées. Il m’apparaît important de faire une telle mise à jour afin d’analyser divers aspects – dont le coût – du dosage systématique de l’hsCRP dans un contexte de santé publique. Nous saurons ainsi comment les résultats de JUPITER devraient se traduire dans la pratique clinique au Canada.

Dre McPherson : Ces données influeront probablement sur les recommandations cliniques. Au Canada, il était déjà précisé dans la version de 2006 que l’on pouvait envisager l’hsCRP comme marqueur du risque, mais les résultats de JUPITER ont ajouté pas mal de poids à son utilité à cet égard. Ils ont en outre permis de cerner les patients qui bénéficient le plus d’un traitement par statine à forte dose. Une mise à jour serait particulièrement utile pour les patients dont le risque est considéré comme limite selon d’autres paramètres. Un taux élevé d’hsCRP serait alors un argument de plus à l’appui de la nécessité du traitement. Nous devrons néanmoins analyser minutieusement les groupes d’âge et les catégories de risque de Framingham pour lesquels le dosage de l’hsCRP sera le plus efficient et fournira des données qui seraient autrement inaccessibles.

Dr Fort : À l’heure actuelle, les principaux facteurs de risque sont l’âge, le bilan lipidique, la tension artérielle et l’usage du tabac, mais ceux-ci devraient être influencés par d’autres considérations, comme les antécédents familiaux de maladie CV ou la présence du syndrome métabolique. Chez les patients à risque élevé de maladie vasculaire, le traitement par statine est approprié et le dosage de l’hsCRP est inutile. Chez les patients à risque modéré ou faible, et peut-être chez les sujets âgés, les résultats de JUPITER montrent que le dosage de l’hsCRP permet de cerner un groupe plus vaste de patients pouvant bénéficier d’un traitement par statine, ce qui devrait être pris en compte dans les recommandations.

Dr Anderson : Le dosage de l’hsCRP aura peut-être un rôle à jouer chez le patient à risque modéré, mais j’aimerais voir plus d’analyses de coût pour que la diminution du risque observée dans l’essai JUPITER soit confirmée de manière efficiente dans la pratique clinique au quotidien. De telles analyses sont probablement déjà en cours. D’ailleurs, nous en aurons besoin si nous aspirons à des recommandations rationnelles.

Dr Verma : Oui, à l’échelle internationale, on insistera probablement sur la nécessité de mesurer l’hsCRP pour repérer les patients qui auraient intérêt à recevoir une statine.

Dre Abramson : Je soupçonne que les résultats seront intégrés dans les nouvelles recommandations jusqu’à un certain point, mais je pense qu’on devra faire attention pour ne pas généraliser l’importance de l’hsCRP dans une population autre que celle de JUPITER. Ces patients étaient déjà exposés à un risque accru en raison de leur âge. Je ne pense pas que l’on puisse tirer de conclusions de l’essai JUPITER quant au rôle du dosage de l’hsCRP chez des patients plus jeunes.

Dr Davignon : Oui. Les recommandations devraient tenir compte du nouveau schème de référence qu’ont généré les résultats de JUPITER et l’appliquer à la pratique clinique. Voici les points importants à régler : 1) Comment repérer les sujets qui semblent exposés à un risque élevé, mais qui peuvent échapper aux méthodes actuelles d’évaluation du risque? Ce n’est pas si simple, car JUPITER n’a pas généré beaucoup d’information sur le profil des patients qui, parmi les 6375 sujets dont le taux d’hsCRP était supérieur à 2 mg/L, ont été victimes d’un événement en l’absence d’autres facteurs de risque classiques. Il n’est pas clair, à en juger par les données publiées, que les antécédents familiaux de maladie CV aident à reconnaître les patients, car seulement 2045 sujets avaient des antécédents familiaux de maladie coronarienne au sein de la cohorte; quelle est la réduction absolue du risque dans ce groupe, et quel est le nombre de patients à traiter? 2) Comment optimiser le dosage de l’hsCRP dans la pratique de façon que soient traités tous les patients qui ont vraiment intérêt à l’être et qu’on ait le plus possible de résultats positifs et le moins possible de résultats faussement négatifs tout en limitant les coûts? 3) Le dosage de l’hsCRP est-il standardisé et accessible partout au Canada? Nous devons arriver à un consensus pancanadien quant aux valeurs-seuils et sensibiliser les utilisateurs aux facteurs de confusion qui pourraient influencer la décision de mesurer le taux et fausser l’interprétation des résultats. 4) En quoi le taux d’hsCRP est-il relié aux autres facteurs de risque de la maladie coronarienne dans l’évaluation du risque? Nous devons, à mon avis, aspirer à une analyse intégrée des biomarqueurs. Dans les recommandations, on devra distinguer l’utilisation du dosage de l’hsCRP selon que l’objectif est la prévention primaire ou secondaire. L’ennui dans le cas des sujets qui ne présentent aucun autre facteur de risque, c’est que nos recommandations s’appliquent au traitement des dyslipidémies et non à celui de l’athérosclérose en tant que maladie inflammatoire et qu’elles ciblent les taux anormaux de cholestérol et non d’hsCRP. Y a-t-il lieu d’élargir la portée de nos recommandations de façon à inclure le risque de maladie CV découlant de l’inflammation?

Devrons-nous probablement réviser nos stratégies de stratification du risque à la lumière des résultats de JUPITER?

Dr Davignon : Oui, ce sera nécessaire parce qu’à l’heure actuelle : 1) nous n’avons pas de meilleur paramètre de substitution que l’hsCRP pour reconnaître les patients à risque chez qui le taux de C-LDL n’est pas élevé et chez qui les facteurs de risque habituels sont absents ou presque; 2) si l’on en juge par les résultats de l’évaluation du risque selon la méthode de Reynolds, l’ajout de l’hsCRP à l’équation de Framingham améliore la détection des individus à risque; 3) le risque d’un patient présentant un taux élevé de C-LDL et un taux normal d’hsCRP est équivalent au risque d’un patient présentant un taux élevé d’hsCRP et un taux normal de C-LDL; 4) toutes les grandes cohortes évaluées ont révélé que l’hsCRP avait une valeur pronostique lorsqu’elle s’ajoutait au score de Framingham (la question reste toutefois débattue dans certaines études). L’objectif sera de capter et de traiter les patients à risque modéré qui présentent un taux élevé d’hsCRP et dont le taux de C-LDL est conforme au taux cible.

Dr Fort : Les résultats de JUPITER ont confirmé qu’il était utile de déterminer le taux d’hsCRP dans certaines situations cliniques. Quelques médecins mesurent déjà le taux d’hsCRP, mais ce taux n’a jamais été nécessaire pour l’évaluation du risque en dehors du cadre d’un essai clinique. Je vais dorénavant mesurer le taux d’hsCRP pour évaluer le risque chez les patients qui auraient été admissibles à l’essai JUPITER. Le dosage risque bien sûr d’être utilisé de façon abusive, mais il faut garder à l’esprit que le taux d’hsCRP n’est pas un élément d’information utile chez tous les patients et que le test doit être utilisé de manière sélective.

Dre McPherson : Comme je l’ai déjà dit, le taux d’hsCRP sera surtout utile chez le patient limite. On ne devrait pas le mesurer à moins que le résultat puisse modifier le traitement. Autrement dit, il n’est pas nécessaire de mesurer le taux d’hsCRP chez le patient à risque très élevé qui, de toute façon, a besoin d’un traitement hypolipidémiant énergique, quel que soit son taux d’hsCRP, pas plus qu’il est nécessaire de le mesurer chez le patient exposé à un très faible risque. Chez ces patients, le traitement ne sera probablement associé qu’à un léger bénéfice à court terme. Par contre, chez un patient qui présente des facteurs de risque mais dont le taux de C-LDL est faible, un taux élevé d’hsCRP pourrait justifier le recours à une statine.

Dr Verma : En principe, oui, mais nous devons attendre de voir ce que les auteurs des lignes directrices recommanderont. Les résultats de JUPITER ont révélé que le bénéfice était similaire chez tous les patients, que le risque ait été <10 % (faible selon Framingham) ou >10 %, et qu’ils aient eu ou non des antécédents familiaux. On devra donc remanier les algorithmes traditionnels de prédiction du risque de façon à intégrer le taux d’hsCRP dans ce schème de référence. J’estime personnellement que la méthode d’évaluation du risque de Reynolds est un superbe effort en ce sens.

Dr Genest : Les données montrent que le taux d’hsCRP sera surtout utile chez les patients à risque modéré. Chez les patients à risque élevé, comme on sait déjà qu’un traitement hypolipidémiant énergique s’impose, le dosage de l’hsCRP est parfaitement inutile. Chez les patients à faible risque, on n’a pas de données pour affirmer que le dosage de l’hsCRP est pertinent. Dans le cas des patients à risque modéré, par contre, le dosage de l’hsCRP pourrait nous aider à décider si le traitement est souhaitable.

Dr Anderson : L’éditorial du New England Journal of Medicine qui accompagnait la publication des résultats de JUPITER était, à mon avis, bien raisonné. Même s’il est ressorti d’études antérieures que l’incidence des maladies CV était faible chez les sujets dont le taux d’hsCRP était faible et dont les taux de cholestérol étaient normaux, on ne peut pas exclure la possibilité que le traitement par statine n’aurait pas réduit l’incidence des événements dans cette cohorte. Lors de l’étude JUPITER, les réductions marquées du taux de C-LDL ont certainement contribué aux effets bénéfiques observés; par contre, le rôle spécifique de l’hsCRP dans la stratification du risque est un peu moins clair. Cela dit, l’information qui se dégage de l’étude montre sans équivoque que les patients dont le taux d’hsCRP est élevé bénéficient d’une baisse énergique du taux de C-LDL.

Dre Abramson : Il n’est pas ressorti de JUPITER que l’hsCRP était un facteur de risque traitable. Pour l’instant, donc, l’hsCRP est un simple marqueur du risque, et à ce titre, elle permet de cerner un groupe de patients qui bénéficieraient d’un traitement hypolipidémiant énergique. Je crains toutefois que les cliniciens en concluent qu’ils devraient mesurer le taux d’hsCRP chez tous leurs patients. Ce n’est pas le cas. Parmi les sujets âgés de JUPITER, un taux élevé d’hsCRP a permis d’isoler seulement ceux dont le risque CV pouvait diminuer sous l’effet d’un traitement hypolipidémiant.

Peut-on appliquer les résultats de l’essai JUPITER à la pratique clinique dès maintenant?

Dr Verma : Oui, pour autant que le dosage de l’hsCRP soit facile d’accès! Le nombre de patients à traiter est de 25, ce qui est en fait inférieur au nombre de patients à traiter pour corriger l’hyperlipidémie au moyen d’une statine. Dans un contexte de santé publique, les répercussions de cette donnée sont énormes.

Dr Davignon : Oui, absolument, mais je ne suis pas encore fixé sur la façon optimale de le faire. À la clinique de lipides, qui est un établissement de soins tertiaires, je mesure le taux d’hsCRP depuis quelques années déjà chez tous les nouveaux patients qui me sont envoyés. Je considère que c’est un outil de plus pour l’évaluation du risque, mais je n’ai pas encore analysé sa pleine valeur au fil du temps. Un individu qui ne présente pas de facteurs de risque de maladies CV à part un taux élevé d’hsCRP est peu susceptible de venir à la clinique des lipides, à moins qu’il n’ait des antécédents familiaux ou des symptômes de maladie CV et que son bilan lipidique doive être analysé ou que, par chance, il fasse l’objet d’une enquête familiale parce que l’un de ses proches est un patient de la clinique.

Dr Genest : Les résultats de JUPITER sont applicables dès aujourd’hui, mais je pense que les lignes directrices nous aideront à déterminer comment ils devraient influencer la pratique clinique au quotidien.

Dr Fort : Il est inhabituel qu’un seul essai change la pratique clinique, mais vu l’ampleur des résultats de cette étude, je pense que certains médecins modifieront leurs habitudes de pratique avant même que les recommandations soient modifiées. Bien que, du point de vue de la société, le coût du dépistage par l’hsCRP et du nombre croissant de patients sous statine soient des sources d’inquiétude, c’est en ayant davantage recours au dépistage systématique que l’on maximisera le bénéfice du traitement par statine en prévention primaire.

Dre McPherson : Je pense que les médecins devraient songer à utiliser l’hsCRP comme source d’information additionnelle lorsqu’ils ont des doutes sur la pertinence d’amorcer un traitement chez des patients dont le risque a été évalué à l’aide de facteurs de risque traditionnels. Le rôle du dosage systématique de l’hsCRP devrait être précisé dans la prochaine version des recommandations de traitement des dyslipidémies.

Dr Anderson : Ces résultats auront probablement pour conséquence que de nombreux cliniciens prescriront une statine à beaucoup plus de patients et qu’ils ne craindront pas de viser un taux très faible de C-LDL. Le taux cible des patients admis à l’étude JUPITER serait d’à peine 3,5 mmol/L et des bénéfices substantiels pourraient être associés à des taux plus faibles. En tant que cardiologue, je ne vois pas beaucoup de patients comme les sujets de l’étude JUPITER. Par contre, les résultats seront d’un grand intérêt pour les médecins de premier recours. Le bénéfice était assez marqué pour influer sur les choix cliniques.

Dre Abramson : De nombreux médecins envisageront probablement de mesurer le taux d’hsCRP pour avoir cette donnée supplémentaire chez les patients à risque limite qu’ils songent à traiter. Je pense que l’étude JUPITER nous rassure aussi quant à l’innocuité de taux très faibles de C-LDL. Ces résultats vont assurément modifier notre perception de plusieurs enjeux cliniques.

L’étude JUPITER portait sur un grand nombre de femmes et de minorités ethniques. Estimez-vous rassurant que les résultats s’appliquent à toutes les populations dans les groupes d’âge évalués?

Dre Abramson : Les résultats de JUPITER justifient ma façon de faire avec les femmes. La proportion assez faible de femmes qui ont participé aux essais antérieurs sur les statines a toujours semé le doute. Les résultats de JUPITER ont réglé la question une fois pour toutes. Sur le plan de la physiopathologie des maladies vasculaires, j’ai l’impression que les femmes ne diffèrent pas vraiment des hommes. Ces résultats montrent sans l’ombre d’un doute que le traitement hypolipidémiant est aussi efficace dans les deux sexes.

Dr Davignon : Et comment! En outre, les résultats de JUPITER arrivent à point nommé, l’intérêt des statines étant contesté chez les femmes et les personnes âgées. De plus, les statines pourraient être inefficaces chez la femme non ménopausée, ce qui n’arrange rien. Pour ce qui est des minorités ethniques, ça ne m’a jamais inquiété sauf dans le cas des Asiatiques, qui peuvent répondre différemment aux statines et être plus sensibles à leurs effets indésirables. [Les résultats de JUPITER] ajoutent du poids aux données que nous avions déjà pour d’autres minorités.

Dr Fort : Nous avons toujours eu trop peu de données concernant l’utilisation des statines chez les femmes et dans les groupes ethniques. Je me doutais bien que le bénéfice serait similaire dans ces sous-populations, mais nous en avons maintenant la preuve, et elle est solide. L’étude JUPITER est importante à cet égard. Même à des taux très faibles de C-LDL, le bénéfice était comparable dans tous les sous-groupes évalués.

Dre McPherson : Près de 7000 femmes ont participé à JUPITER, et j’estime que c’est un point extrêmement important. Même s’il n’y avait aucune raison de penser que les statines étaient moins bénéfiques chez les femmes que chez les hommes, le petit nombre de participantes aux essais antérieurs sur les statines laissait place au doute. JUPITER montre en fait que le traitement est même peut-être un peu plus bénéfique chez la femme. Les doutes quant aux bénéfices des statines chez la femme, les minorités et les autres groupes représentés dans les études antérieures ont finalement été dissipés.

Dr Anderson : C’est une particularité de l’étude qui nous réjouit tous. Bien que les bénéfices associés au traitement hypolipidémiant aient été assez robustes dans les essais passés, ces sous-populations étaient généralement mal représentées. Nous avons maintenant la preuve que les bénéfices des statines s’appliquent à tous les individus.

Dr Genest : Certains ont affirmé par le passé que les statines n’étaient peut-être pas aussi bénéfiques pour les femmes, mais ces allégations n’étaient pas vraiment fondées, je pense. Dans le cas de JUPITER, la preuve est très convaincante en raison de la taille de l’effectif. Il en va de même pour les non- Caucasiens.

Dr Verma : JUPITER est aussi un [essai] phare en ce sens. C’est la plus vaste étude de prévention primaire chez la femme et dans les minorités ethniques, et elle a d’importantes retombées. Entre autres choses, nous savons maintenant que les résultats du traitement par une statine sont extrapolables.

Lors de l’essai JUPITER, la médiane du taux de LDL sous traitement était de 1,4 mmol/L. Peut-on en conclure qu’un si faible taux de LDL est sûr?

Dr Genest : Nous savions déjà, à la lumière d’autres essais randomisés, que de très faibles taux de LDL étaient sûrs. Personnellement, je n’avais pas besoin de JUPITER pour me rassurer. Cela dit, l’ampleur de l’effectif de JUPITER a de quoi rassurer tous les sceptiques.

Dre Abramson : Je n’étais pas très inquiète des risques associés à de très faibles taux de C-LDL. D’autres chercheurs s’étaient déjà penchés sur l’innocuité de tels taux et n’avaient relevé aucun risque apparent. [JUPITER] apporte une preuve de plus. Même s’il reste que les données d’innocuité sont compatibles avec celles des études antérieures, n’oublions pas que la durée médiane du suivi de cette étude est inférieure à deux ans.

Dre McPherson : Les analyses des sousgroupes de TNT et de PROVE-IT – pour ne nommer que ces deux essais sur les statines – ont aussi révélé que de très faibles taux de LDL étaient sûrs. Les données de l’étude JUPITER – lors de laquelle environ 25 % des patients ont atteint un taux de LDL inférieur à 1 mmol/L durant le traitement – sont encore plus rassurantes. Bref, de très faibles taux de LDL ne devraient pas nous inquiéter.

Dr Fort : J’espère que cette observation encouragera les médecins à atteindre les taux cibles, voire des taux encore plus faibles. Il importe toutefois de reconnaître que les données à l’appui de l’innocuité de taux très faibles de C-LDL, comme c’est le cas dans l’essai JUPITER, sont des données à court ou à moyen terme. La durée médiane du suivi de l’essai JUPITER n’est que de 1,9 an. Un suivi plus long s’impose pour que nous en soyons plus certains.

Dr Davignon : Probablement, si la réponse se limite à la période d’observation et si l’on considère l’expérience acquise lors d’études d’envergure qui ont été réalisées sur une plus longue période et lors desquelles on a atteint des taux comparables (PROVE-IT), mais pas plus faibles. Cela dit, il y a toujours un risque d’effet délétère dans un sous-groupe particulier de patients ayant des facteurs écologiques ou une prédisposition génétique défavorables. Par exemple, Regieli et al. (Eur Heart J 2008;29:2792-9) ont récemment objectivé, sur une période de 10 ans, une augmentation de la mortalité par maladie CV chez des patients sous statine qui étaient porteurs de l’allèle TaqIB-B2 (taux de risque [HR] de 1,59 par copie) par rapport à des nonporteurs. Cette observation est paradoxale, compte tenu du fait que l’allèle B2 est associé à un faible taux de CETP et à un taux élevé de C-HDL. Voilà une autre preuve de l’utilité de la pharmacogénétique pour prédire l’effet à long terme d’un médicament.

Dr Anderson : Pour plusieurs raisons, de très faibles taux de C-LDL ne m’ont jamais inquiété. Dans les populations qui consomment peu de gras, un taux de C-LDL <1,0 mmol/L est monnaie courante et n’exerce apparemment aucun effet délétère sur la santé. De même, lors d’essais antérieurs sur les statines, les très faibles taux de C-LDL observés dans certains sous-groupes, parfois inférieurs à 1,0 mmol/L, ont semblé sûrs. L’essai JUPITER a montré que le risque d’une baisse énergique du taux de C-LDL était très acceptable chez un très grand nombre de patients. Il ne s’agit pas d’une réponse décisive en raison de la courte durée du suivi, mais il n’y a eu aucun signal d’alerte qui aurait pu nous rendre nerveux.

L’hsCRP est-elle un marqueur fiable et constant, ou est-elle influencée par les rythmes circadiens, certains aliments ou d’autres facteurs? Autrement dit, l’hsCRP est-elle un outil clinique facile à utiliser?

Dr Verma : L’hsCRP est un marqueur très stable et facile à mesurer qui n’est pas influencé par les rythmes circadiens, l’âge ou l’ingestion de certains aliments. Par contre, en présence d’une infection, d’une hépatite ou d’une arthrite actives ou de certains traitements médicamenteux, comme une hormonothérapie substitutive, des stéroïdes ou d’autres immunosuppresseurs, l’hsCRP peut réagir comme une protéine de la phase aiguë. En pareils cas, le dosage de l’hsCRP pourrait ne pas être révélateur du risque d’événement CV. Autrement, l’hsCRP se caractérise par une stabilité comparable à celle de la tension artérielle, voire du cholestérol.

Dre McPherson : Le taux d’hsCRP augmente en présence de diverses maladies inflammatoires chroniques, comme la sclérodermie, la polyarthrite rhumatoïde et le lupus, de même qu’en présence d’infections aiguës. Chez un patient qui ne souffre pas d’une maladie inflammatoire chronique et qui ne présente pas de signes ni de symptômes de maladie aiguë, deux dosages à au moins deux semaines d’intervalle sont recommandés, et la décision de traiter doit reposer sur la valeur la plus faible. Les dosages sont standardisés et, chez un patient généralement en bonne santé, le taux varie peu sur une période de plusieurs mois.

Dr Davignon : J’ai fait allusion à ce point dans ma réponse à la question sur l’intégration des résultats de JUPITER dans les recommandations cliniques. On doit déterminer dans quelle mesure le dosage de l’hsCRP est accessible dans l’ensemble du pays et voir s’il est bien standardisé, après quoi on devra parvenir à un consensus sur les valeurs-seuils pour la population canadienne. Il sera aussi important de sensibiliser les utilisateurs aux sources possibles de variation afin d’améliorer les critères de décision (chez quels patients et à quel moment effectuer le dosage) et l’interprétation des résultats. Le taux d’hsCRP peut à la fois être grandement influencé par plusieurs facteurs (âge, exercice, gènes, etc.) et influencer de nombreux paramètres (répercussions d’autres facteurs de risque, réponse aux médicaments, etc.).

Dr Anderson : Dans les études où les auteurs se sont penchés sur des dosages en série de l’hsCRP, la reprise du dosage entraînait un changement de catégorie dans environ 25 % des cas. Ce phénomène s’explique par les maladies qui influencent le taux d’hsCRP, mais les tests sont raisonnablement bien standardisés pour l’instant. On peut donc se fier à l’hsCRP pour autant que l’on tienne compte de facteurs de confusion comme les infections ou les maladies inflammatoires. C’est un outil assez simple.

Dr Genest : Les tests à notre disposition semblent assez exacts. L’élévation du taux d’hsCRP associée à une infection aiguë ou à une maladie inflammatoire est généralement assez marquée et on ne risque pas de la confondre avec l’élévation beaucoup plus ténue associée au risque CV. On peut donc considérer ce test comme fiable chez la plupart des patients.

Dre Abramson : Je ne mesure pas l’hsCRP de façon systématique dans ma pratique, mais pour autant que je sache, les tests actuellement à notre disposition sont assez fiables. Certaines maladies, comme les infections aiguës, peuvent entraîner une élévation du taux d’hsCRP, de sorte qu’il faut faire preuve de prudence quand on interprète les résultats. À mon avis, certains médecins trouveraient utile d’avoir des directives précises sur la meilleure façon de mesurer l’hsCRP dans la pratique clinique.

Dr Fort : Les tests actuels sont fiables, mais nous avons besoin de recommandations pour savoir comment et quand les utiliser. Il faudra bien sûr faire attention aux faux positifs et il faudra l’employer sélectivement chez les patients pour qui le résultat pourrait modifier la conduite à tenir. Pour autant que les recommandations soient claires, l’hsCRP est un outil dont pourront se servir à la fois les omnipraticiens et les spécialistes. C’est un test relativement simple et bon marché.

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