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L’hyperactivité vésicale, du point de vue du patient : une question d’urgence!

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le XXIIIe Congrès de l’Association européenne d’urologie

Milan, Italie / 26-29 mars 2008

La définition récente de l’hyperactivité vésicale selon l’International Continence Society repose sur la présence de l’urgence mictionnelle, c’est-à-dire un désir soudain et impérieux d’uriner que l’on peut difficilement différer et qui entraîne ou non une incontinence urinaire par impériosité (Abrams et al. Neurourol Urodyn 2002;21:167-78). L’urgence mictionnelle s’accompagne généralement, mais pas obligatoirement, de pollakiurie et de nycturie. Comme l’explique le Pr Paul Abrams, University of Bristol, Royaume-Uni, «cette sensation est très différente de la sensation physiologique de remplissage et du désir normal d’uriner [...] elle se manifeste soudainement et varie en intensité». Le mécanisme physiopathologique exact n’a pas été parfaitement élucidé, poursuit le Pr Abrams, mais «c’est un phénomène réel».

Le point de vue du patient

Du point de vue du patient, l’urgence mictionnelle peut avoir d’énormes répercussions sur la qualité de vie. «Ma vie n’est plus normale! Ma vie sexuelle est ruinée! J’ai perdu mon emploi parce que je suis toujours aux toilettes! Une nuit de sommeil normale, je ne sais plus ce que c’est!», voilà autant de doléances qu’entend souvent le Pr Piotr Radziszewski, École de médecine de Varsovie, Pologne.

Malgré ces conséquences fâcheuses, il est fréquent que les patients ne voient pas la nécessité d’en parler à leur médecin, en partie parce que les symptômes s’installent graduellement. Les premiers symptômes – comme les mictions plus fréquentes et nocturnes – peuvent pratiquement passer inaperçus ou être perçus comme une conséquence normale du vieillissement. «L’urgence mictionnelle, par contre, est plus évidente et moins facile à rationaliser, et elle perturbe le patient davantage», explique le Pr Radziszewski. Cela dit, même lorsque le patient reconnaît l’existence de son problème, il est parfois trop embarrassé pour en discuter avec son médecin si celui-ci ne prend pas l’initiative d’aborder la question.

Pour s’adapter à l’urgence mictionnelle, le patient prend parfois des mesures qui lui sont préjudiciables comme restreindre sa consommation de liquide ou arrêter de prendre un médicament associé à l’incontinence, avec les conséquences négatives que l’on sait pour la santé. Sa vie sociale peut en souffrir, d’où une diminution de son bien-être et un isolement progressif. Par ailleurs, les intervalles de courte durée entre les mictions risquent de nuire à la productivité au travail et les nuits ponctuées de mictions peuvent se traduire par une somnolence diurne. L’hyperactivité vésicale perturbe aussi la vie sexuelle – 52 % des personnes atteintes signalent une diminution de leur intérêt pour le sexe – et occasionne donc des problèmes personnels.

Attentes des patients

Les patients ont généralement des attentes réalistes à l’égard du traitement. En effet, seuls 17 % s’attendent à une guérison complète alors que 43 % s’attendent à une bonne amélioration. Cela dit, seulement 14 % jugent un traitement à vie acceptable, ce qui dénote peut-être le refus de voir l’hyperactivité vésicale comme une affection chronique.

Lorsque le patient consulte, explique le Dr Marc Toglia, Urogynecology Associates of Philadelphia, Pennsylvanie, «il importe de consigner au dossier, en toute objectivité, les symptômes comme l’urgence mictionnelle, l’incontinence et la nycturie». Le médecin doit aussi cerner et traiter les facteurs possiblement en cause comme une atrophie urogénitale, un prolapsus pelvien, une infection urinaire et une obstruction prostatique. Le taux d’abandon du traitement par un antimuscarinique étant plutôt élevé au cours des quatre à 12 premières semaines, le Dr Toglia juge important que le médecin «fasse bien comprendre au patient que le processus morbide remonte à un certain temps déjà et que, par conséquent, le patient doit faire preuve de patience et ne pas baisser les bras s’il ne voit pas d’amélioration dès la première ou la deuxième semaine». Le patient doit aussi comprendre l’importance d’un traitement multimodal et être conscient de la probabilité moindre de résultats satisfaisants avec un traitement médicamenteux administré seul.

Évaluation de l’urgence mictionnelle

Les critères d’évaluation de l’efficacité d’un traitement, comme la fréquence des mictions, ou les critères de type «tout ou rien», comme l’incontinence par impériosité, sont assez faciles à mesurer. «L’urgence mictionnelle, en revanche, est plus difficile à mesurer, tant dans la pratique qu’en recherche», note le Dr Toglia. Pour l’évaluer objectivement, par exemple, on peut demander au patient de tenir un journal des mictions ou de chronométrer l’intervalle entre le signal d’alerte et la miction en tant que telle. L’évaluation subjective peut se faire à l’aide d’instruments permettant de déterminer l’intensité de l’urgence.

De nombreux médecins sont réticents à utiliser de tels outils dans la pratique clinique et préfèrent que le patient signale ses symptômes lui-même, précise le Dr Toglia. «L’objectif n’est pas nécessairement la guérison, mais plutôt une diminution des symptômes [...] Il arrive qu’un patient se souvienne du pire symptôme qu’il ait eu et qu’il ait l’impression que sa situation ne s’améliore pas, même si, dans les faits, ses symptômes sont moins fréquents». L’outil peut-être le plus facile à utiliser dans la pratique clinique est l’échelle UPS (Urgency Perception Scale), qui comporte trois catégories présentées en termes fort simples. Les chercheurs se servent aussi du questionnaire PPIUS (Patient Perception of Intensity of Urgency Scale) qui, lui, se subdivise en cinq catégories.

Consolidation des critères objectifs et subjectifs

L’étude VENUS (Vesicare Efficacy and Safety in Patients with Urgency Study) – qui s’est déroulée dans 16 centres aux États-Unis – visait à comparer la solifénacine (dose variable de 5 mg ou de 10 mg) et un placebo, et avait pour paramètre principal la réduction des épisodes d’urgence mictionnelle par période de 24 h (Serels et al. Urology 2006;68[suppl 1]:72 résumé MP-04.11). Dans le groupe de traitement actif, le nombre moyen d’épisodes d’urgence mictionnelle est passé de 6,15 au départ à 2,24 après huit semaines, alors que dans le groupe placebo, il est passé de 6,03 à 3,30 (p<0,0001). Au chapitre de l’évaluation subjective (UPS), le traitement s’est aussi révélé efficace, la proportion de patients ayant pu terminer la tâche en cours au moment où ils ont ressenti une envie impérieuse d’uriner étant passée de 11,7 % au départ à 46,1 % après 12 semaines.

L’intervalle signal-miction est un autre critère important, puisqu’une légère amélioration peut vouloir dire que le patient se rend aux toilettes à temps. Lors de l’étude VENUS, le traitement par la solifénacine a augmenté la médiane et la moyenne de cet intervalle de 31,3 et 186 secondes, respectivement. Il est ressorti d’un sondage que 43 % des patients perçoivent ce résultat comme étant important et 20 %, comme étant très encourageant; par ailleurs, 16 % ont souligné qu’ils seraient plus sûrs d’eux. De toute évidence, donc, la prolongation de l’intervalle signal-miction revêt une grande importance aux yeux des patients.

L’étude SUNRISE (Solifenacin for Urgency of OAB in a Rising Dose Efficacy Trial) portait aussi sur l’urgence mictionnelle. Elle visait à comparer la solifénacine (5 mg ou 10 mg) et un placebo, et avait pour paramètre principal un critère d’évaluation subjectif (score au questionnaire PPIUS) (Cardozzo et al. Neurourol Urodyn 2006;25[6]:résumé 281). Dans le groupe de traitement actif, la baisse du degré d’urgence mictionnelle perçue se chiffrait à 60 %, alors qu’elle était de 33 % dans le groupe placebo (p<0,0001). «Les patients sont donc sensibles aux différences d’intensité», de conclure le Dr Matthias Oelke, service d’urologie, Centre médical universitaire, Université d’Amsterdam, Pays-Bas. La diminution du degré de gêne fonctionnelle associée à l’urgence mictionnelle sur une échelle visuelle analogique était significativement plus marquée sous solifénacine que sous placebo (35,1 % vs 25,4 %, p<0,0001). De plus, «la satisfaction à l’égard du traitement était très étroitement corrélée avec la perception du degré de gêne fonctionnelle, ce qui indique qu’une diminution de la gêne correspond à la satisfaction à l’égard du traitement», poursuit le Dr Oelke.

Une autre question importante a été soulevée : est-il possible d’évaluer le succès du traitement avec exactitude dans la pratique clinique? Les résultats de l’étude EOS (Evaluation of Solifenacin) – qui s’est déroulée dans 50 centres en Belgique et qui a permis de recueillir des données complètes chez 227 patients – donnent à penser que c’est effectivement possible. Cette étude est intéressante du fait que l’on évaluait l’évolution de la perception de l’effet bénéfique du traitement, du point de vue du patient comme du médecin. Après quatre semaines, 42 % des patients estimaient que le traitement était très bénéfique, comparativement à 48 % des médecins. «On observe donc un écart entre l’appréciation du patient et celle du médecin, et cet écart est statistiquement significatif», note le Dr Oelke. Après huit semaines, par contre, l’écart s’était dissipé. Bref, les médecins devraient être à l’écoute de leurs patients et travailler main dans la main avec eux pour parvenir à l’effet escompté.

Résumé

L’hyperactivité vésicale est un problème pénible dont les répercussions touchent la santé, la qualité de vie et la productivité. Si l’on arrive à maîtriser l’urgence mictionnelle, le symptôme cardinal, plusieurs symptômes connexes s’estompent. Comme la physiopathologie sous-jacente évolue généralement sur une longue période, le patient ne doit pas s’attendre à ce que le traitement pharmacologique remédie au problème rapidement. Néanmoins, l’association d’un antimuscarinique et de mesures non pharmacologiques peut grandement améliorer le tableau sémiologique, surtout si le patient demeure fidèle à son traitement longtemps.

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