Comptes rendus

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Nouvelles données sur la maladie de Parkinson et les troubles apparentés : l’intervention thérapeutique revisitée

L’imprévisibilité du SHUa et le bénéfice associé à un traitement précoce plaident en faveur d’un indice de suspicion élevé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La Semaine du rein – American Society of Nephrology (ASN)

Atlanta, Géorgie / 5-10 novembre 2013

Atlanta - Le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa) – qui frappe à la fois des enfants et des adultes – se caractérise par une microangiopathie thrombotique systémique, laquelle peut entraîner un AVC, un arrêt cardiaque, une insuffisance rénale et la mort. Malgré des échanges ou des perfusions plasmatiques, environ 65 % des patients meurent ou développent une insuffisance rénale terminale au cours de l'année suivant le diagnostic. Les complications du SHUa – que l’on prévenait avec difficulté par le passé – peuvent maintenant être prises en charge pour autant que l’activation du complément soit inhibée avant que les organes ne soient sévèrement atteints. Le tableau clinique non spécifique continue de faire obstacle à un diagnostic rapide, mais la maladie est de mieux en mieux comprise. L’inhibition du complément inactive la pathologie, mais le SHUa n’est pas guéri pour autant; c’est une maladie génétique systémique et chronique dont les conséquences sont catastrophiques si elle n’est pas maîtrisée. Un diagnostic et une intervention clinique rapides sont essentiels à l’optimisation des résultats.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’activation incontrôlée du complément est le principal événement pathogène dans le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa). Le complément joue un rôle central dans le recrutement de plaquettes, de leucocytes et de médiateurs de l’inflammation qui entraînent une microangiopathie thrombotique (MAT). On a compris il y a longtemps déjà que le complément alimente la MAT caractéristique du SHUa, mais l’efficacité d’un inhibiteur du complément confirme que la voie finale commune du complément est bel et bien en cause.

«Le SHUa est une maladie génétique progressive à risque mortel qui découle d’une activation incontrôlée chronique du complément. Si l’on parvient à bloquer l’activation du complément, il est possible de couper court au processus», explique le Dr A. Osama Gaber, directeur de la transplantation d’organes, Methodist Hospital, Houston, Texas. À preuve, l’éculizumab, anticorps monoclonal dirigé contre la fraction C5 du complément, est associé à des réponses sans précédent. À en juger par toutes les données, dont quelques-unes ont été présentées par le Dr Gaber, cet agent autorise une normalisation rapide des marqueurs hématologiques du SHUa et une protection durable contre les complications de la maladie. 

L’anticorps monoclonal cible le complément

En inhibant la MAT dépendante du complément, l’éculizumab a fait la preuve qu’il pouvait améliorer l’issue clinique chez les patients atteints d’un SHUa, mais nous avons encore de nombreux obstacles à surmonter.

«Pourquoi le rein est-il la cible principale de l’activation du complément? En vérité, on ne le sait pas, mais nous avons quelques hypothèses solides», affirme le Dr Joshua M. Thurman, division des maladies rénales et de l’hypertension, University of Colorado, Denver. L’une de ces hypothèses repose sur le facteur H, puissant inhibiteur du complément dont les mutations génétiques sont souvent associées à un SHUa. L’identification d’une mutation génétique n’est toutefois pas essentielle au diagnostic d’un SHUa.

Les signes et les symptômes du SHUa, du SHU typique ou infectieux, tel le SHU à Escherichia coli producteur de shigatoxines (SHU-STEC), et ceux du purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) se chevauchent et ne sont pas spécifiques. Le SHUa s’installe souvent de manière abrupte et touche d’emblée plusieurs organes, dont le rein, le cœur, les poumons, les vaisseaux sanguins, le cerveau et le tube digestif. Les tests de laboratoire mettent en évidence une thrombopénie, un taux élevé de lactate déshydrogénase, un faible taux d’haptoglobine, une anémie avec schizocytes, un taux élevé de créatinine et une protéinurie. À ces constats biologiques s’ajoutent des symptômes cliniques de la MAT dépendante du complément – entre autres, douleurs abdominales, confusion, fatigue, œdème, nausées, vomissements et diarrhée – qui témoignent également de la maladie sous-jacente. En pratique, et il s’agit là d’un point important, on ne doit pas oublier que le SHUa frappe aussi des adultes, insiste le Dr Thurman.

Le SHUa peut survenir à tout âge

«Les patients génétiquement prédisposés peuvent ne jamais développer un SHUa ou encore, ils vivent en bonne santé pendant des dizaines d’années, puis un jour, un stresseur quelconque met la maladie en branle, souligne le Dr Thurman. Ce processus est méconnu, je crois. Le SHUa est envisagé chez l’enfant alors qu’en présence d’une MAT chez l’adulte, les cliniciens diagnostiquent généralement un PTT, omettant ainsi d’envisager un SHUa, qui en est la cause réelle.»

La mise au point d’un anticorps monoclonal dirigé contre la fraction C5 du complément constitue une percée, car elle confirme que le SHUa dépend du complément et elle modifie le pronostic. Avant l’ère de l’éculizumab, également efficace dans le traitement de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (Hillmen et al. Am J Hematol 2010;85:553-9), environ 65 % des patients atteints d’un SHUa mouraient ou développaient une insuffisance rénale terminale au cours de l’année suivant l’apparition des symptômes, malgré des échanges ou des perfusions plasmatiques. L’avènement de l’anticorps monoclonal a changé le pronostic radicalement. Selon les données de deux essais de phase II publiées simultanément, l’éculizumab a éliminé en grande partie les événements liés à la MAT et rétabli la fonction rénale (Legendre et al. N Engl J Med 2013;368:2169-81). Des observations similaires se sont dégagées de nouvelles données présentées au congrès, y compris celles d’une étude prospective.

Dans le cadre de cette étude prospective menée en mode ouvert chez 41 patients, la plus vaste jamais réalisée, 24 patients étaient en dialyse au moment de leur admission. La réponse au traitement par l’éculizumab a été à la fois rapide et remarquable. L’amélioration des marqueurs hématologiques est survenue presque immédiatement après le début du traitement. Le délai de normalisation du nombre de plaquettes a été de 8 jours en moyenne. Au cours des 26 semaines de traitement, le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) a augmenté en moyenne de 29,3 mL/min/1,73 m2. Des 24 patients qui étaient en dialyse lorsqu’ils ont amorcé le traitement, 20 n’en avaient plus besoin au terme de l’étude.

Rétablissement de la fonction rénale

«Ces résultats montrent que l’éculizumab peut normaliser les paramètres hématologiques, améliorer la fonction rénale et inhiber la MAT dépendante du complément», précise le Dr Fadi Fakhouri, département de néphrologie, Université de Nantes, France. «Une fois la fraction C5 du complément inhibée, l’ennemi est hors de combat.» 

L’effet bénéfique se maintient tant que le traitement se poursuit, à en juger par les données de deux études supplémentaires dont le suivi du traitement par l’éculizumab s’est échelonné sur une période pouvant atteindre 3 ans. Dans l’une d’elles, présentée par le Dr Gaber, 17 patients souffrant d’une MAT évolutive ont été admis. L’autre, présentée par la Dre Muriel-Yahsou Delmas, CHU Pellegrin-Bordeaux, Bordeaux, France, regroupait 20 patients. Après un schéma d’induction, les patients recevaient 1200 mg de l’anticorps monoclonalpar voie intraveineuse toutes les 2 semaines.  

Les deux études ont généré des résultats très semblables. L’amélioration rapide des marqueurs hématologiques au cours des 6 premiers mois s’est maintenue pendant 3 ans. Des améliorations supplémentaires de la fonction rénale mises en évidence par la mesure du DFGe ou de la créatininémie ont été observées à 1 an, par rapport aux résultats à 6 mois, et à 2 ans, par rapport aux résultats à 1 an; à 3 ans, par contre, on n’a pas noté d’amélioration additionnelle par rapport aux résultats à 2 ans. Comme le laissait prévoir la maîtrise des symptômes, les deux études ont objectivé une amélioration cliniquement significative de la qualité de vie des patients.  

«Il n’y a eu aucun cas de progression vers une insuffisance rénale terminale ou de transplantation rénale», précise le Dr Gaber, concluant que «ces données soulignent l’efficacité à long terme de l’éculizumab et militent en faveur de la poursuite du traitement». Résumant d’autres séries de données, la Dre Delmas a insisté sur le fait que la maîtrise du complément permettait de rétablir la fonction rénale. 

«Ces données montrent qu’il est possible de faire régresser la dysfonction rénale chez les patients atteints d’un SHUa qui reçoivent un traitement par l’éculizumab au long cours, même en présence d’antécédents d’atteinte rénale chronique», poursuit-elle. 

Étude prospective sur le SHUa chez l’enfant  

Dans le cadre d’une troisième étude, 22 patients d’âge pédiatrique atteints d’un SHUa ont été évalués sur une période de 26 semaines. Même si le diagnostic était récent chez 73 % des patients, près de la moitié avaient reçu des échanges plasmatiques avant leur admission à l’étude. On a obtenu une réponse complète de la MAT – le paramètre principal – chez 64 % des patients, la normalisation du nombre de plaquettes chez 95 % des patients et une amélioration du DFGe d’au moins 15 mL/min/1,73 m2 chez 86 % des patients. De l’avis du chercheur principal, le Dr Larry A. Greenbaum, Emory University, Atlanta, Géorgie, les résultats étayent la recommandation voulant que «l’éculizumab soit utilisé dans le traitement de première intention du SHUa en pédiatrie». 

À la lumière des résultats de ces essais, la voie du complément est la cible principale du SHUa et du SHU-STEC, et tous les composés capables de bloquer cette voie «joueront un rôle de premier plan dans le traitement», renchérit le Dr Christoph Licht, Hospital for Sick Children, University of Toronto, Ontario. Nous travaillons sans relâche pour mieux comprendre la physiopathologie de ces maladies et ainsi arriver à les prévenir ou à les guérir, et nous sommes loin d’avoir aplani toutes les difficultés, prévient-il, mais l’orientation de la recherche est maintenant beaucoup plus claire.  

Conclusion 

Le développement d’un traitement qui inhibe le complément efficacement a été une percée dans le traitement du SHUa. Cette découverte a confirmé que le complément était le moteur de la maladie et orientera la prochaine série de projets de recherche qui, espère-t-on, permettront de comprendre comment prévenir le processus morbide. L’éculizumab - seul médicament homologué pour le traitement de cette maladie potentiellement mortelle - permet de traiter les patients efficacement et d’améliorer l’issue clinique. 

 

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