Comptes rendus

De nouvelles données sur le point de redéfinir la prise en charge optimale de l’hypertension artérielle pulmonaire
L’imprévisibilité du SHUa et le bénéfice associé à un traitement précoce plaident en faveur d’un indice de suspicion élevé

Traitement de l’hypertension non compliquée : les ß-bloquants revisités

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Vasculaire 2013

Montréal, Québec / 17-19 octobre 2013

Montréal - Le Programme éducatif canadien sur l’hypertension (PECH) est unique en son genre. Année après année, on réexamine la littérature sur l’hypertension et on actualise les recommandations pour aider les médecins du Canada à optimiser la prise en charge de leurs patients. Les recommandations du PECH sont principalement axées sur des classes de médicaments, et cinq d’entre elles sont préconisées en première intention, après la modification des habitudes de vie. Le système par classes peut avoir des inconvénients, car les agents d’une même classe n’exercent pas tous les mêmes effets pharmacodynamiques. Le PECH recommande par exemple de réserver les b-bloquants au traitement de l’hypertension non compliquée chez les <60 ans. Or, comme on l’a dit au congrès, les b-bloquants de nouvelle génération diffèrent des β-bloquants traditionnels quant à leur efficacité, à leur tolérabilité et à leurs propriétés intrinsèques et pourraient se tailler un créneau important dans le paradigme thérapeutique.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les premiers essais cliniques sur les b-bloquants dans le traitement de l’hypertension ont mis en évidence une diminution des infarctus du myocarde (IM), des AVC et des événements cardiovasculaires (CV) (essai MRC : BMJ 1985;291;97-104; essai IPPSH : J Hypertension 1985 3:379-82). Pourtant, depuis quelques années, leur utilisation en monothérapie de première intention est limitée, probablement en raison du profil d’effets indésirables moins favorable des b-bloquants traditionnels. Cela dit, dans le guide de pratique 2013 du PECH et celui de de la European Society of Hypertension (ESH), les b-bloquants sont recommandés pour le traitement de première intention de l’hypertension non compliquée. Selon l’algorithme du PECH, on devrait viser, en l’absence de complications, une tension artérielle (TA) cible <140/90 mmHg, d’abord en préconisant une modification des habitudes de vie, puis en prescrivant un traitement médicamenteux reposant sur un diurétique thiazidique ou apparenté, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, un inhibiteur calcique à longue durée d’action ou un b-bloquant.

Réexamen des essais sur les ß-bloquants

En 2005, après une vaste méta-analyse de 13 essais comparatifs avec randomisation (Lancet 2005; 366:1545-53), Lindholm et al. ont conclu que les b-bloquants étaient associés à un risque accru d’AVC comparativement à d’autres antihypertenseurs, mais n’ont toutefois noté aucune différence quant au risque d’IM ou de décès. En 2006, Khan et McAlister (CMAJ 2006; 174:1737-42) ont réexaminé les essais sur les b-bloquants et ont subdivisé la population en deux groupes selon l’âge des patients (<60 ans et ≥60 ans). Ils ont constaté que, comparativement à un placebo, les b-bloquants étaient associés à une incidence moindre d’événements compris dans le paramètre mixte (décès, IM et AVC) chez les <60 ans. Ils ont aussi noté un avantage par rapport au placebo chez les patients de ≥60 ans, mais il n’a pas atteint le seuil de significativité statistique. Par rapport à d’autres antihypertenseurs, les b-bloquants se sont révélés d’efficacité similaire chez les patients jeunes, mais pas chez les patients âgés, les données groupées faisant plutôt ressortir un risque accru d’AVC. C’est sur la foi de ces méta-analyses que le PECH recommande les b-bloquants en monothérapie uniquement dans le traitement de première intention de l’hypertension non compliquée chez les <60 ans. Fait digne de mention, dans la revue de Lindholm et al., l’aténolol était l’agent évalué dans 14 des 18 essais, si bien que 86 % des sujets de la méta-analyse recevaient cet agent. Il y a lieu de se demander si les réserves émises dans le guide de pratique concernent l’utilisation de l’aténolol ou celle des b-bloquants en général chez les patients hypertendus âgés (≥60 ans).

Pharmacologie des ß-bloquants

Il importe ici de souligner que, dans leurs guides de pratique respectifs, le PECH et l’ESH recommandent des classes de médicaments et non des agents individuels. Les b-bloquants forment une classe hétérogène, certains agents ne ciblant pas sélectivement l’un des récepteurs β (nadolol, propranolol), alors que d’autres ciblent sélectivement le récepteur β1 (acébutolol, aténolol, bisoprolol, métoprolol, nébivolol) et que d’autres encore exercent une activité antagoniste sur les récepteurs α1- et β-adrénergiques (carvédilol, labétolol). Même parmi les b-bloquants b1-sélectifs, la sélectivité varie, le nébivolol étant le plus sélectif et l’acébutol, le moins sélectif (Mason et al. J Cardiovasc Pharmacol 2009;54:123-28). Le mode d’action des b-bloquants n’a pas été totalement élucidé, mais on sait qu’il repose sur plusieurs mécanismes, notamment : diminution du débit cardiaque, inhibition du système rénine-angiotensine, diminution de la volémie, diminution des résistances périphériques, diminution de la libération de noradrénaline, et effets sur le SNC, pour ne nommer que ceux-là (Frishman et al. J Clin Hypertension 2011; 13:649-53). Certains de ces mécanismes pourraient aussi expliquer quelques effets délétères des b-bloquants traditionnels, dont la bradycardie, le bloc auriculo-ventriculaire, le bronchospasme, la dépression, la fatigue, les dysfonctions sexuelles, une sensibilité moindre à l’insuline et des dyslipidémies. Compte tenu de la distribution des récepteurs β1 et β2 et de l’action pharmacodynamique subséquente, les antagonistes b1-sélectifs semblent préférables chez les patients hypertendus. Au fil de leur commercialisation, ils sont devenus d’usage courant dans les essais sur l’hypertension.

Progrès des ß-bloquants

Les b-bloquants de nouvelle génération sont beaucoup plus sélectifs envers le récepteur b1 que l’aténolol et pourraient être dotés d’autres propriétés pharmacologiques, comme la vasodilatation, qui peuvent conférer des avantages hémodynamiques. Depuis longtemps déjà, on étudie le rôle du monoxyde d’azote (NO) dans la régulation du tonus artériolaire périphérique, les anomalies de cette régulation contribuant à un certain nombre de maladies CV et non CV (Front Physiol 6 nov 2013;4:321). Il a aussi été démontré que le nébivolol – fortement b1-sélectif – favorise la libération de NO par les cellules endothéliales humaines (Mason et al. Circ 2005;112:3795–801).

Schiffrin et al. – qui ont étudié les effets de l’aténolol sur le muscle lisse vasculaire (endothélium) – ont montré que l’aténolol était associé à une relaxation endothélium-dépendante moindre comparativement au losartan et à la nifédipine STGI (système thérapeutique gastro-intestinal) (Schiffrin et al. Circ 2000;101:1653-9; J Hypertension 1996;14:1247-55). Ces études semblent indiquer que différents b-bloquants exercent des effets différents sur la fonction endothéliale et la libération de NO.

Traitement de l’hypertension chez les <60 ans

Il est bien connu que la prévalence de l’hypertension augmente avec l’âge et que la plupart des études ciblent des patients de >55 ans.

Dans sa communication sur l’hypertension chez le patient jeune lors du Congrès canadien sur l’hypertension (CCH) 2013 (volet Recherche clinique et populationnelle), le Dr Bobby Khan, Atlantic Vascular Research Foundation, a présenté les résultats d’une étude de 8 semaines regroupant 641 patients de 18 à 55 ans (45 ans en moyenne) atteints d’hypertension légère à modérée (Giles et al. J Clin Hypertens 2013;15:687-93). Le nébivolol a été associé à une diminution plus marquée des TA diastolique (-11,8 vs -5,5 mmHg) et systolique (-13,7 vs -5,5 mmHg) que le placebo, et le taux de réponse globale a atteint 72,8 % vs 47,9 %, respectivement. Ce b-bloquant est connu pour améliorer la biodisponibilité du NO, ce qui pourrait expliquer en partie qu’il exerce une vasodilatation […] et qu’il ait des effets souhaitables sur la santé vasculaire», affirme le Dr Khan. Les taux d’effets indésirables étaient comparables dans les deux groupes (34,7 % sous nébivolol et 32,2 % sous placebo).

À en juger par les méta-analyses des Drs Khan et McAlister, les b-bloquants semblent avoir leur place dans le traitement de l’hypertension non compliquée chez le patient jeune. Lors de la sélection d’un b-bloquant, on doit tenir compte non seulement de la maîtrise de la TA et des maladies concomitantes du patient, mais aussi des effets indésirables du médicament. Compte tenu de l’importante hétérogénéité de la classe des b-bloquants, l’individualisation du traitement et le recours aux agents de nouvelle génération pourraient être une solution de rechange aux autres traitements de première intention.

Guide de pratique 2014 du PECH

Le PECH a présenté la version provisoire de son guide de pratique 2014 dans le cadre du CCH. Cette année, la mise à jour et le débat découlaient d’un réexamen des essais cliniques antérieurs et des données existantes.

Par exemple, bien que l’on recommande de l’acide acétylsalicylique à faible dose chez les patients hypertendus de plus de 50 ans pour réduire leur risque global, un réexamen de l’étude HOT (Lancet 1998; 351[9118]:1755-62) a donné lieu à une reclassification de la qualité des preuves de A à B. Dans les versions antérieures du guide de pratique, la TA cible chez les personnes très âgées (≥ 80 ans) atteintes d’hypertension non compliquée était relativement stricte (TA systolique <140 mmHg). Sur la foi d’un réexamen de l’essai HYVET (N Engl J Med 2008; 358:1887-98) qui avait prouvé l’utilité de l’indapamide – diurétique apparenté aux thiazidiques – chez les patients très âgés, cette recommandation a été reformulée de façon à ce que la TA systolique cible soit plus conforme aux résultats de l’essai (<150 mmHg). «Depuis l’année dernière, sur la foi des résultats de l’essai HYVET, nous recommandons une TA systolique un peu moins stricte – soit moins de 150 mmHg – chez les patients de plus de 80 ans», explique le Dr Raj Padwal, directeur de la Clinique d’hypertension, University of Alberta.

De plus, le PECH et l’ESH affirment tous deux dans leur guide de pratique que de nombreux patients hypertendus ont besoin en première intention de deux antihypertenseurs ou plus pour maîtriser leur TA. L’association d’un inhibiteur calcique à longue durée d’action et d’un b-bloquant est connue pour être utile. Dans une communication, Rizk et Mahmoud ont montré que l’association de la nifédipine à libération prolongée (10 mg 2 fois/jour) et du métoproplol (25 mg 1 fois/jour) se caractérisait par une efficacité thérapeutique de 96,7 % vs 73,3 % pour la nifédipine seule (résumé ACS 14).

Une nouvelle recommandation a aussi été mise de l’avant pour les patients souffrant à la fois d’une maladie coronarienne établie et d’hypertension : lorsqu’on tente d’atteindre la TA systolique cible, on ne doit pas laisser la TA diastolique chuter sous le seuil de 60 mmHg, car l’ischémie risque de s’en trouver exacerbée.

Résumé

Les guides de pratique du PECH et de l’ESH continuent d’accorder une place aux b-bloquants dans le traitement de première intention de l’hypertension chez les patients de <60 ans de même qu’en association avec un, deux ou trois autres produits chez les patients de tous âges. Cela dit, les b-bloquants forment une classe de médicaments hétérogène et ils n’exercent pas tous les mêmes effets bénéfiques chez tous les patients hypertendus.      

 

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