Comptes rendus

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Inhibition des récepteurs de l’IL-6 dans la polyarthrite rhumatoïde : nouvelles données tirées d’essais cliniques

Nouvelles tendances dans le traitement du psoriasis

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE Point de Vue sur des allocutions présentées au congrès Dermatology Update 2009

Montréal (Québec) / 25-28 mars 2009

Relu et révisé par :

Neil H. Shear, MD, FRCPC

Chef de la dermatologie, Professeur titulaire de médecine, de pharmacologie, de pédiatrie et de dermatologie, University of Toronto

Chef de la dermatologie, Sunnybrook Health Sciences Centre, Toronto (Ontario)

Surmonter les obstacles au traitement

De plus en plus de données militent en faveur du recours aux agents systémiques dans le traitement du psoriasis modéré ou sévère. Fait intéressant à souligner, un sondage réalisé récemment auprès de dermatologues américains a révélé qu’environ 40 % des patients aux prises avec un psoriasis sévère recevaient un agent topique en monothérapie (Patel et al. J Am Acad Dermatol 2008; 58[6]:964-9). Un sondage distinct mené auprès de patients a pour sa part révélé que 60 % des patients atteints d’un psoriasis sévère recevaient des agents topiques en monothérapie et qu’environ le tiers des patients ne recevaient absolument aucun traitement (Horn et al. J Am Acad Dermatol 2007;57[6]:957-62). Pareilles statistiques pourraient expliquer en partie pourquoi une proportion substantielle de patients psoriasiques ne sont pas satisfaits de leur traitement et pourquoi le psoriasis demeure associé à de piètres scores de qualité de vie malgré le vaste arsenal thérapeutique à la disposition des médecins (Stern et al. J Investig Dermatol Symp Proc 2004;9[2]:136-9).

De nombreux autres facteurs peuvent faire obstacle à la réussite du traitement du psoriasis. Il arrive, par exemple, que les médecins sous-estiment la gravité de la maladie, qu’ils connaissent mal les recommandations consensuelles ou les algorithmes de traitement (recommandations de l’American Academy of Dermatology pour l’utilisation des agents biologiques : Menter et al. J Am Acad Dermatol 2008;58[5]:826-50 – des recommandations canadiennes sont attendues incessamment) ou qu’ils soient réticents à prescrire des agents très actifs en raison d’idées préconçues quant au temps que requiert le suivi du patient ou de craintes quant à l’innocuité du traitement à long terme. Certains cliniciens ont été mal renseignés sur les traitements contemporains ou ne l’ont pas été suffisamment pour être à l’aise de les prescrire. Le patient psoriasique résigné à son sort, la crainte d’effets indésirables du traitement et le paiement par une tierce partie peuvent tous constituer des obstacles importants.

Le patient psoriasique qui reçoit un traitement efficace étant globalement en meilleure santé, plus heureux et davantage capable de fonctionner, le médecin devrait faire les efforts nécessaires pour éliminer tous les obstacles éventuels. Une évaluation complète pourra l’aider à mieux évaluer la gravité de la maladie et il évitera ainsi de la sous-estimer ou de la banaliser. L’intensification graduelle du traitement n’est pas nécessaire; autrement dit, on peut omettre les traitements légers ou topiques qui risquent d’échouer avant de passer à un traitement plus efficace. Un dialogue franc permettra au médecin de voir si le patient est prêt à utiliser des agents très actifs ou si les craintes de ce dernier au sujet des médicaments peuvent être apaisées. Le médecin doit pour sa part reconnaître qu’un patient sous agent biologique exige relativement peu de temps, vu la similarité des protocoles d’administration et la probabilité d’une stabilisation durable de la maladie. Les données à l’appui de l’innocuité à long terme de ces agents s’accumulent – certains remontent maintenant à une dizaine d’années – et militent en faveur de l’utilisation d’agents puissants chez des patients bien sélectionnés. Des études de phase IV pourraient remédier à quelques-unes des craintes répandues et persistantes à cet égard. Bien qu’il ne soit pas encore clair que tous les antipsoriasiques systémiques aident à diminuer les facteurs de comorbidité inflammatoire comme les maladies cardiovasculaires, les données actuelles sont prometteuses.

Nouvelles données physiopathologiques

De récents travaux sur les anomalies génétiques et immunologiques associées au psoriasis ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de la maladie et de repérer de nouvelles cibles pour le traitement systémique. L’apparition et la persistance du psoriasis dépendent de lymphocytes T qui, lorsque activés par des cellules présentatrices d’antigènes, favorisent la libération de cytokines, la prolifération de kératinocytes, l’inflammation et l’angiogenèse. On a découvert il y relativement peu de temps que la régulation à la hausse d’une cytokine, l’interleukine-23 (IL-23) – réponse d’une cellule dendritique à la présence de micro-organismes dans la peau – joue un rôle clé dans le processus psoriasique (Torti DC, Feldman SR. J Am Acad Dermatol 2007;57[6]:1059-68). La principale fonction de l’IL-23 est de stimuler la croissance et la survie d’un sous-groupe de cellules T, les Th17, dont le taux sanguin est anormalement élevé en présence de psoriasis. Les cellules Th17 sécrètent l’IL-17 et l’IL-22, et cette dernière est un acteur important dans la prolifération des kératinocytes. Des études chez l’animal ont montré que des injections répétées d’IL-23 causaient des lésions cutanées semblables aux plaques de psoriasis. Une étude récente a confirmé que le polymorphisme de trois gènes intervenant dans la signalisation de l’IL-23 (p19, p40 et IL-23R) compte parmi les 10 facteurs génétiques probablement impliqués dans la vulnérabilité au psoriasis (Nair et al. Nat Genet 2009;41[2]:199-204). Les taux de sous-unités protéiques p19 et p40 de l’IL-23 sont très élevés dans les lésions psoriasiques. Deux autres facteurs génétiques font intervenir le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-a).

De nouveaux agents ciblent l’IL-12 et l’IL-23

Deux nouveaux agents biologiques de la famille des anticorps monoclonaux humains, l’ABT-874 et l’ustekinumab, ciblent la sous-unité p40 commune à l’IL-12 et à l’IL-23 de même que les cellules Th17. Lors d’études de phase II, le taux de réponse Psoriasis Area and Severity Index (PASI)-75 a atteint 90 % chez les patients recevant l’ABT-874 chaque semaine ou toutes les deux semaines (Kimball et al. Arch Dermatol 2008;144[2]:200-7). L’ustekinumab a été homologué par Santé Canada en décembre 2008 pour le traitement du psoriasis chronique modéré ou sévère. Les principaux avantages de cet agent résident dans le long intervalle de 12 semaines entre les injections sous-cutanées après deux doses d’attaque administrées à quatre semaines d’intervalle et sa longue demi-vie qui favorise une réponse thérapeutique durable.

Deux études de phase III multicentriques menées à double insu avec placebo ont confirmé l’efficacité et l’innocuité de cet agent. Dans le cadre de l’essai PHOENIX (Psoriasis Followed by Long-Term Extension) 1, 766 patients d’âge adulte atteints d’un psoriasis en plaques modéré ou sévère (score PASI <u>></u>12 et surface corporelle touchée <u>></u>10 %) ont été traités pendant une période pouvant atteindre 76 semaines (Leonardi et al. Lancet 2008;371[9625]:1665-74) (Figure 1). Après avoir reçu les deux doses d’attaque, la première au départ et la suivante après quatre semaines, les patients recevaient 45 mg ou 90 mg d’ustekinumab ou un placebo toutes les 12 semaines. Le paramètre principal était la proportion de patients atteignant le critère de réponse PASI-75 à 12 semaines. Au nombre des paramètres secondaires figuraient le score PGA (Physician’s Global Assessment) quant à la présence de lésions minimes ou au blanchiment des lésions, la variation de l’index DLQI (Dermatology Life Quality Index) à 12 semaines et le délai de disparition de la réponse PASI-75 après le cap des 40 semaines selon que les patients poursuivaient le traitement d’entretien ou qu’ils recevaient un placebo.

À 12 semaines, 67,1 % des patients recevant la dose de 45 mg d’ustekinumab et 66,4 % des patients recevant la dose de 90 mg ont atteint le score PASI-75, par comparaison à 3,1 % des patients sous placebo (p<0,001) (Figure 1). Les patients sous traitement actif ont aussi été significativement plus nombreux que les patients sous placebo à atteindre les critères de réponse PASI-50, PASI-90 et PASI-100 (p<0,001). À 24 semaines, moment où l’efficacité était maximale, 76,1 % et 85 % des patients sous ustekinumab avaient atteint le critère PASI-75.

Figure 1. Réponse PASI-75 à 12 semaines : paramètre principal des essais PHOENIX 11 et 22


Pendant la phase randomisée de retrait de l’étude (semaines 40 à 76), la probabilité de maintien de la réponse PASI-75 était plus élevée chez les patients qui poursuivaient leur traitement d’entretien que chez ceux qui avaient été randomisés dans le groupe placebo. Dans ce dernier groupe, le délai médian de disparition de la réponse PASI-75 a atteint 15 semaines, ce qui confirme la pertinence d’une administration toutes les 12 semaines. Les chercheurs n’ont pas observé de rebond du psoriasis après le retrait de l’ustekinumab. L’indice DLQI s’était amélioré de manière significative après 12 semaines de traitement actif, et l’amélioration s’est maintenue pendant le traitement d’entretien. Inversement, l’indice DLQI s’est détérioré chez les patients de nouveau randomisés dans le groupe placebo.

L’essai PHOENIX 2 avait pour objectif de déterminer si des patients ne répondant pas suffisamment bien à l’ustekinumab administré toutes les 12 semaines pouvaient atteindre le critère de réponse PASI-75 en recevant le traitement toutes les huit semaines (Papp et al. Lancet 2008; 371[9625]:1675-84). Dans le cadre de cette étude, 1230 patients ont reçu 45 mg ou 90 mg d’ustekinumab ou un placebo. Après 28 semaines, les répondeurs partiels (amélioration de 50 à 75 % du score PASI) étaient de nouveau randomisés de façon à recevoir le traitement toutes les huit ou 12 semaines. Les patients initialement randomisés dans le groupe placebo ont de nouveau été randomisés de façon à recevoir de l’ustekinumab aux semaines 12 et 16, puis toutes les 12 semaines. Les principaux paramètres de l’étude étaient les mêmes que ceux de l’étude PHOENIX 1, à savoir que l’on comparait les taux de réponse PASI-75 à partir du début de l’étude chez les patients qui recevaient l’ustekinumab toutes les 12 ou huit semaines entre la 40e et la 52e semaine.

Dans le cadre de l’étude PHOENIX 2, 67 % des patients recevant la dose de 45 mg d’ustekinumab et 76 % des patients recevant la dose de 90 mg avaient atteint le critère PASI-75 après 12 semaines (Figure 1); ces proportions se sont maintenues dans l’ensemble jusqu’à la semaine 28. Les résultats de l’étude ont confirmé que les répondeurs partiels à la dose de 90 mg d’ustekinumab qui ont ensuite reçu le traitement toutes les huit semaines étaient plus susceptibles d’atteindre le critère de réponse PASI-75 que les patients qui ont poursuivi le traitement à une fréquence moindre. Ces données semblent indiquer que l’intensification de la dose pourrait avoir sa raison d’être chez les patients qui atteignent le critère PASI-50 à 75 sous l’effet d’une dose initiale de 90 mg. La dose plus faible d’ustekinumab n’a pas généré de résultats similaires.

Environ 20 % des sujets de l’étude ont été classés comme des répondeurs partiels. Par comparaison aux répondeurs, ces patients étaient plus susceptibles d’avoir un poids corporel élevé, de souffrir de psoriasis depuis longtemps, d’être atteints de rhumatisme psoriasique et d’être plus résistants aux agents biologiques. Les chercheurs ont noté que les répondeurs partiels à l’ustekinumab étaient plus susceptibles que les répondeurs d’avoir produit des anticorps en réponse au médicament (12,7 % vs 2 %) et que les concentrations sériques du médicament étaient deux à trois fois plus faibles que chez les répondeurs.

Les études PHOENIX semblent indiquer que l’ustekinumab peut être administré en toute sécurité et qu’il est bien toléré pendant au moins un an. Bien qu’il n’y ait pas eu de comparaison avec un placebo à un an, les effets indésirables graves comme les infections n’étaient pas plus fréquents après un an qu’après 12 semaines chez les patients traités (Figure 2). Dans l’ensemble, les effets indésirables étaient bénins (les rhinopharyngites et les infections des voies respiratoires supérieures étaient les effets indésirables les plus courants) et n’ont pas nécessité d’ajustement posologique. Les réactions au point d’injection étaient rares. Des effets indésirables graves ont été signalés chez moins de 2 % des patients de chaque groupe de traitement. Aucun cancer n’a été rapporté lors de l’essai PHOENIX 1 alors que deux cancers de la peau ont été signalés dans l’essai PHOENIX 2 (dont un dans le groupe placebo). On n’a rapporté aucun cas de lymphome, de tuberculose ou de maladie démyélinisante. Lors de l’essai PHOENIX 1, les effets indésirables n’ont pas été plus fréquents chez les patients qui ont poursuivi le traitement d’entretien que chez ceux qui ont cessé de le recevoir. Lors de l’essai PHOENIX 2, l’administration à intervalles plus courts a donné lieu à une augmentation de l’incidence des effets indésirables. Les sujets des études PHOENIX demeurent suivis : les données à trois ans sont attendues en mai 2009 et les données à cinq ans, dans environ deux ans.

Figure 2. ESSAIS PHOENIX 1 et 2 : Effets indésirables
arative avec placebo

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Comparaison d’agents biologiques

On a dévoilé récemment les résultats à 12 semaines de l’étude de phase III ACCEPT, première comparaison de deux agents biologiques – l’ustekinumab (45 mg ou 90 mg au départ, puis après quatre semaines) et l’étanercept (50 mg deux fois par semaine) – dans le traitement du psoriasis. Parmi les patients recrutés, nombreux étaient ceux qui avaient essuyé des échecs avec des traitements classiques et systémiques. Dans cette étude, la probabilité d’une réponse PASI-75 était plus élevée chez les patients sous ustekinumab, 68 % et 74 % des patients sous ustekinumab, respectivement, vs 57 % des patients sous étanercept ayant atteint ce paramètre principal (Figure 3). De même, les chercheurs ont conclu à la présence de lésions minimes ou au blanchiment des lésions chez une plus forte proportion de patients sous ustekinumab (65 % et 71 %, respectivement, vs 49 % des sujets sous étanercept). Les deux agents étaient comparables sur les plans de l’innocuité et de la tolérabilité.

Autres facteurs à considérer dans la prise en charge

Les répercussions, tant physiques que psychologiques, du psoriasis en plaques peuvent nuire à la qualité de vie des patients. La maladie peut aussi accroître le risque d’apparition de nombreux autres troubles associés à l’inflammation chronique en raison de voies génétiques et immunologiques communes. Le dermatologue doit donc avoir un tableau clinique complet pour bien choisir le traitement et doit, au besoin, diriger ses patients vers d’autres spécialistes pour un sui
mètre principal de l’essai ACCEPT : réponse PASI-75 à 12 semaines

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