Comptes rendus

Prise en charge du risque cardiovasculaire global
Mieux comprendre les mécanismes d’action du C-HDL pour mieux gérer le risque CV : la qualité prévaut sur la quantité

Main dans la main avec les patients en hémodialyse : soutien, sensibilisation et compétence

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Congrès de 2011 de l’Association canadienne des infirmières et infirmiers et des technologues de néphrologie (ACITN)

Calgary, Alberta / 20-22 octobre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Le parcours thérapeutique des patients en hémodialyse (HD) est jalonné de nombreuses décisions difficiles. Alison Thomas, infirmière en HD, St. Michael’s Hospital, Toronto, Ontario, a parlé de son expérience à l’auditoire. «Même si les patients reçoivent de l’information en prédialyse, ils tardent à prendre des décisions; la confusion règne en maître dans leur tête et ils restent indécis», confirme-t-elle. Le choix de la technique de dialyse figure au nombre des décisions les plus ardues et détermine le type d’abord vasculaire à pratiquer.

 

Choix de l’abord vasculaire

 

La fistule artérioveineuse (FAV) et le greffon artérioveineux (GAV) constituent les abords vasculaires de prédilection aux fins d’HD; pourtant, conviennent les conférenciers, l’idée de la fistule déplaît à bon nombre de patients, et ce, même si les FAV/GAV permettent une dialyse plus efficace et sont moins sujettes aux complications que les cathéters veineux centraux (CVC). De fait, les études indiquent que l’abord par FAV et GAV dès le début de l’HD a un effet non négligeable sur la survie (J Am Soc Nephrol 2011;22:1113-21).

Mme Thomas estime que le personnel infirmier doit essayer de comprendre pourquoi le patient est indécis, puis, de là, le guider vers la solution la mieux adaptée à ses besoins.

Dans le cadre d’un projet de recherche de petite envergure, Mme Thomas et ses collaborateurs ont sondé 16 patients en HD par CVC pour déterminer s’ils vivaient un conflit décisionnel; dans l’affirmative, le protocole prévoyait l’évaluation de l’effet d’une intervention personnalisée d’aide à la décision. Des infirmières et infirmiers chevronnés ont ainsi recherché, par une série de questions, des patients véritablement indécis quant à l’abord leur convenant le mieux. Aucun des 16 patients ne se débattait avec un conflit décisionnel — «en d’autres termes, ils étaient fermement résolus à garder leur cathéter, et aucun de nos arguments ne pouvait les convaincre d’opter pour la fistule», précise Mme Thomas. Comme elle et ses collègues l’ont constaté par la suite, l’aspect de la FAV/GAV que redoutent les patients est la mise en place d’une canule qui pourrait être douloureuse et incommodante. Du coup, s’est dit Mme Thomas, les patients seraient peut-être plus ouverts à l’idée de la fistule si on calmait cette crainte de la douleur en proposant, par exemple, une anesthésie locale.

«Selon moi, une fois que le patient est en HD, il est trop tard pour discuter de ces choses; à ce stade, il entend d’autres patients dans la salle d’attente parler de leurs mauvaises expériences [avec les fistules] et ne veut plus rien savoir de ce type d’accès. Nous devons aborder le sujet plus tôt, à un moment où nous pouvons décrire les différentes techniques au patient et prendre le temps de le rassurer», soutient Mme Thomas.

 

Préservation de l’abord vasculaire

 

Selon des données présentées par Patricia Quinan, infirmière clinicienne, Accès à la dialyse, Humber River Regional Hospital, Weston, Ontario, le délai entre la recommandation de la dialyse et la réalisation d’un abord vasculaire permanent est plus long au Canada (61,7 jours) qu’en Europe (29,4 jours) et aux États-Unis (16 jours). Les fistules peuvent mettre jusqu’à 5 mois, voire davantage, à se développer, et de 55 à 60 % d’entre elles ne se développent pas. Concrètement, cela veut dire que dans bien des cas, le patient atteint d’une néphropathie chronique aura son baptême de dialyse, avec pose urgente d’un CVC .

De même, de nombreux patients en dialyse péritonéale et candidats à la greffe doivent passer de toute urgence à l’HD, si bien qu’eux aussi auront besoin d’un CVC. Les conférenciers s’entendent sur l’importance de la préservation du capital veineux, la plupart des patients ayant besoin de plus d’une fistule au cours de leur vie.

Comme le fait observer M. Rick Luscombe, infirmier spécialisé en abord vasculaire, Providence Health Care, Vancouver, Colombie-Britannique, la réussite de la fistule repose sur la perméabilité des veines brachiales et le bon état du réseau veineux, jusqu’au cœur. «Il ne faut pas oublier, prévient-il, que les ponctions veineuses, les cathéters veineux périphériques et les cathéters centraux insérés par voie périphérique (CCIP) peuvent tous abîmer les veines et compromettre la création d’une fistule de même que son fonctionnement. La préservation des veines brachiales et centrales doit commencer en prédialyse et se poursuivre pendant l’HD», poursuit-il.

La préservation du capital veineux est de mise également chez les porteurs d’un greffon rénal fonctionnel. Dans cette optique, la BC Renal Agency a publié cette année une liste des abords veineux à privilégier (Tableau 1).

Tableau 1. Abords veineux recommandés par la BC Renal Agency pour la préservation du capital veineux


M. Luscombe précise que pour l’installation d’un CVC, on optera, par ordre de préférence, pour les veines jugulaires internes, les veines jugulaires externes et, en dernier lieu, pour les veines fémorales. Afin de réduire le risque de sténose de la veine centrale, on doit éviter, dans la mesure du possible, les CCIP et l’installation d’un CVC dans les veines sous-clavières. «Il existe des cartes pour portefeuille à l’intention des patients et des affiches pour les hôpitaux indiquant les veines à utiliser et à préserver», ajoute M. Luscombe.

 

Évaluation de la perméabilité des CVC

 

Au début de l’HD, l’accès veineux se fait généralement par CVC. Plus précisément, selon le Registre canadien des insuffisances et des transplantations d’organes (RCITO), plus de 80 % des patients ont un CVC lors de la mise en dialyse. Une lourde responsabilité incombe donc au personnel infirmier, qui doit s’assurer que les conduits sont perméables et libres de caillots pour le bon déroulement de la séance.

Le bon fonctionnement du CVC est essentiel à une dialyse réussie, explique Mme Alana Campbell, M.Sc.inf., infirmière clinicienne spécialisée et consultante, Roche Canada. Le cathéter doit absolument être bien positionné, son extrémité distale devant être logée à la jonction de l’oreillette droite et de la veine cave supérieure ou dans l’oreillette droite, où le débit sanguin est de 2 L/min. L’embout ainsi positionné, «on obtient un excellent retour sanguin, ce qui est essentiel en HD. En effet, on doit absolument retirer le sang à dialyser et le réinjecter au patient rapidement.» La plupart des CVC installés aux fins d’HD fonctionnent à environ 400 mL/min ou plus; conformément aux recommandations KDOQI, un débit sanguin <300 mL/minute témoigne d’une dysfonction du cathéter.

On estime que 1 cathéter sur 4 risque de s’obstruer, et environ 60 % des occlusions sont le fait d’une thrombose. Les occlusions thrombotiques ont plusieurs visages. Le thrombus intraluminal, qui est secondaire au reflux du sang dans le cathéter, finit par obstruer complètement ou partiellement la lumière du cathéter. Une queue de fibrine réalise ce qu’on appelle une «occlusion de retrait» en se refermant sur l’extrémité du cathéter au moment de l’aspiration. La gaine de fibrine se forme quant à elle le long du cathéter ou recouvre son extrémité à la manière, selon le cas, d’un bas ou d’une socquette. Il y a, enfin, le thrombus mural, véritable urgence cardiovasculaire (CV), qui bloque la veine centrale et parfois aussi le cathéter.

La douleur, l’œdème et un changement de couleur sont tous évocateurs d’une occlusion de la veine centrale (également appelée «syndrome de la veine cave supérieure»), note Mme Campbell, situation qui impose une consultation en radiologie interventionnelle aux fins de confirmation du diagnostic. En pareil cas, on procède directement à la lyse du caillot au moyen de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA).

L’examen du cathéter débute par son ouverture. En présence d’un thrombus intraluminal (déterminant une obstruction partielle ou complète), le flux est paresseux; l’aspiration, la perfusion ou les deux sont impossibles. Une queue de fibrine ne nuit pas à la perfusion, mais empêche l’aspiration; s’il y a gaine de fibrine, l’aspiration est difficile, et on sent une résistance lors de la perfusion; souvent, l’alarme de pression se déclenche en présence d’une gaine de fibrine. Une étude avec randomisation d’Oliver et al. (Clin J Am Soc Nephrol 2007;2:1201-6) a révélé que 70 % des patients aux prises avec une dysfonction réfractaire du cathéter avaient une gaine de fibrine; on peut dès lors présumer que c’est là la cause la plus fréquente de dysfonction du cathéter et qu’une prise en charge efficace du problème est cruciale.

 

Prise en charge d’une obstruction de cathéter

 

On a mené 5 essais cliniques avec randomisation sur l’efficacité du traitement fibrinolytique pour la désobstruction du cathéter et obtenu des données probantes de niveau 1 sur la dose à administrer en cas de cathéter dysfonctionnel : 2 essais réunissaient des adultes et des enfants/adolescents mais ne portaient pas sur des cathéters d’HD, 1 était une évaluation d’innocuité réalisée chez des enfants/adolescents et 2 portaient sur des patients en HD. Lors de l’essai COOL-1, les sujets de =30 kg ont reçu 2 mg d’alteplase à 1 mg/mL, tandis que les sujets =10 kg et <30 kg ont reçu assez d’alteplase pour remplir 110 % du volume de la lumière. Au bout de 2 heures de contact, la reperméabilisation a été constatée dans 74 % des cathéters après la première dose et dans 90 % des cathéters après la deuxième, contre 17 % dans le groupe placebo. Comme le montrent ces données probantes de niveau 1, indique Mme Campbell, la dose efficace aux fins de fibrinolyse en présence d’un cathéter dysfonctionnel est de 2 mg/lumière.

Lors de l’essai COOL-2 (n=1000), qui ne portait pas non plus sur des cathéters d’HD, on a noté des taux de reperméabilisation de 52 % et de 76,5 %, respectivement, 30 et 120 minutes après une première dose d’alteplase. Après une seconde dose, les taux ont atteint 83,6 % (après 30 minutes) et 87,2 % (après 120 minutes). Fait à noter, les chercheurs n’ont observé aucun cas d’hémorragie intracrânienne (HIC), d’embolie, d’hémorragie majeure ni de décès liés au traitement. On a fait des constatations comparables sur le plan de l’innocuité dans l’étude menée chez des enfants. Ainsi, l’étude CAPS réunissait 310 enfants/adolescents qui, tous, ont reçu du t-PA; ici encore, il n’y a eu aucun cas d’HIC, d’hémorragie majeure, d’embolie ni de décès; «si c’est sûr pour les enfants et les nourrissons, c’est sûr pour les adultes», déclare Mme Campbell.

Pour être pleinement efficace, l’alteplase doit être utilisée à la posologie homologuée, soit 2 mL/lumière, à moins qu’il s’agisse d’un cathéter fémoral, auquel cas il faudra probablement doubler la dose. (Lors des 2 essais cliniques avec cathéters d’HD, une molécule sœur, la tenecteplase, s’est révélée tout aussi efficace à une posologie de 2 mg/lumière, ce qui porte à croire que l’alteplase à 2 mg convient également pour les cathéters d’HD.) Ces 5 essais réunissent les preuves les plus solides pour tous les types de cathéters, tant chez l’adulte que chez l’enfant et l’adolescent.

Par ailleurs, l’infirmière ou l’infirmier doit instiller assez de liquide pour obtenir un trop-plein, de manière que l’extrémité du cathéter baigne dans le médicament et que les caillots situés à l’extérieur de la lumière soit eux aussi en contact avec l’alteplase. Précisons ici que la gaine et la queue de fibrine ainsi que le thrombus mural sont tous situés à l’extérieur du cathéter. Si l’on s’en tient au volume de remplissage du cathéter, les caillots situés dans la lumière seront traités, mais pas le thrombus se trouvant à l’extérieur du conduit.

Rappelons également que lorsque l’agent fibrinolytique est emprisonné dans le cathéter pendant plusieurs heures, voire une nuit entière, le médicament reste dans la tubulure et le peu qui s’en échappe pour gagner la circulation générale a une demi-vie de 5 minutes seulement.

«La fibrinolyse et la destruction des caillots demandent du temps et de la patience, le tout étant fonction de l’importance des caillots à détruire», souligne Mme Campbell.On peut avoir à lyser un minuscule caillot tout comme une gaine de 9 pouces.

Le personnel infirmier souhaite rompre avec une pratique trop courante, qui consiste à inverser les voies du cathéter lorsque le flux artériel n’est pas abondant au moment de l’aspiration. Primo, fait remarquer Mme Campbell, cette manœuvre est censée être une solution temporaire en présence d’une occlusion de retrait : elle permet de compléter la dialyse en cours, mais il faudra par la suite s’occuper du caillot qui obstrue la lumière artérielle. «On ne traite pas le thrombus par une inversion des voies», réitère-t-elle.

Secundo, lorsqu’un thrombus séjourne dans un cathéter, à la température corporelle, pendant des heures, des jours, des semaines, voire des mois, ce cathéter contient des bactéries. «Si, du jour au lendemain, vous décidez de désobstruer une lumière dans laquelle du sang stagne depuis un bon moment, un sepsis peut s’installer avec fièvre, frissons, hausse des globules blancs, voire choc septique, prévient-elle. Si l’inversion des voies remonte à plusieurs mois, renoncez à toute tentative de désobstruction et optez plutôt pour un changement de voie d’abord.»

 

Prévention de la dysfonction du cathéter et de la bactériémie

 

Afin de prévenir la dysfonction du cathéter, on a fréquemment recours à des anticoagulants (surtout de l’héparine, jusqu’à tout récemment) comme verrous de cathéter. Or, des études ont montré que le citrate de sodium à 4 % était aussi efficace que l’héparine à 10 000 UI/mL tout en étant moins onéreux et associé à un risque moindre d’hémorragie.

La Dre Brenda Hemmelgarn, professeure agrégée de médecine et de sciences de la santé communautaire, University of Calgary, Alberta, a parlé des infections sur CVC, qui arrivent au premier rang des causes de morbidité et au deuxième rang des causes de mortalité chez les patients en HD.

«L’application d’antibiotiques topiques au pourtour de l’orifice de sortie a réduit de 75 à 93 % le risque de bactériémie sur cathéter», note-t-elle.

De plus, dans l’étude Pre-CLOT (Prevention of dialysis catheter lumen occlusion with rt-PA versus heparin), on a enregistré un taux de dysfonctions d’origine thrombotique de 20 % seulement chez les patients qui avaient reçu du t-PA en prophylaxie à raison de 1 mg/lumière/semaine, contre 34,8 % chez les patients qui avaient reçu une solution verrou d’héparine à raison de 5000 UI/lumière/semaine. Cet essai apporte des preuves de niveau 1 attestant l’efficacité de la dose de 1 mg/lumière en traitement prophylactique.

«Mais surtout, enchaîne la Dre Hemmelgarn, «l’incidence des bactériémies a été 3 fois plus élevée dans le groupe héparine que dans le groupe t-PA (13 % contre 4,5 %).» De plus, les hémorragies mineures, les hémorragies importantes sur le plan clinique et les hémorragies majeures ont été plus nombreuses sous héparine, sans compter que dans le groupe héparine, 4 des hémorragies majeures étaient des HIC. (Les conférenciers ont par la suite précisé que les sujets du groupe t-PA recevaient également de l’héparine 2 fois par semaine; en réalité, c’est donc cette dernière, et non le t-PA, qui était à l’origine des hémorragies dans le groupe t-PA.)

«Le verrouillage du cathéter à l’aide de t-PA 1 fois par semaine s’est révélé sûr, réduisant de manière significative les cas de dysfonction du cathéter d’origine thrombotique et de bactériémie sur cathéter», conclut la Dre Hemmelgarn.

 

Résumé

 

Les infirmières et infirmiers en HD nouent des liens très particuliers avec leurs patients. Non seulement les côtoient-ils beaucoup plus fréquemment qu’ils le feraient dans d’autres rôles infirmiers, mais leur compétence est indispensable à la bonne marche de l’HD; les patients savent que les soins qu’ils leur prodiguent sont fondés sur des preuves et conformes aux meilleures pratiques en médecine. Les infirmières et infirmiers peuvent, mieux que quiconque, offrir des soins axés sur le patient, puisqu’ils l’accompagnent tout au long de son traitement et peuvent même aller au-devant de ses besoins. Grâce à leur compétence et à leurs connaissances, ils allègent le parcours du dialysé, lui épargnant les complications dans toute la mesure du possible; bref, ils veillent à ce que leurs patients jouissent de la meilleure qualité de vie que peut offrir la médecine.

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