Comptes rendus

Progrès en matière de vaccination antipneumococcique
Main dans la main avec les patients en hémodialyse : soutien, sensibilisation et compétence

Prise en charge du risque cardiovasculaire global

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès 2011 de la Société canadienne de médecine interne

Halifax, Nouvelle-Écosse / 12-15 octobre 2011

Rédacteur : Corey Toal, PhD. Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec.

Le patient aux prises avec de multiples facteurs de risque de maladie cardiovasculaire (CV) doit souvent changer ses habitudes de vie, par exemple modifier son alimentation, cesser de fumer et adopter une routine d’activité physique. Souvent, toutefois, les nouvelles habitudes de vie ne suffisent pas à abaisser le risque. Le présent article fera état de ce qui s’est dit au congrès sur la prise en charge du risque CV.

Prise en charge du risque CV en présence d’une maladie rénale

Le Dr Findlay McAlister, University of Alberta, Edmonton, a présenté quelques données encourageantes : au sein d’un échantillon aléatoire de 6000 Canadiens d’âge adulte, la tension artérielle (TA) systolique s’élevait en moyenne à 124 mmHg chez les hommes et à 118 mmHg chez les femmes, ce qui pourrait refléter les soins prodigués par les médecins de premier recours. Les données les plus récentes montrent qu’environ 65 % des Canadiens hypertendus sont traités et que leur hypertension est maîtrisée, vs 50 % aux États-Unis. Cela dit, selon un article récent de Leiter et al. (Can J Cardiol 2011;27[2]:e1-e33), les facteurs de risque cardiométabolique qui s’installent progressivement, dont l’hyperglycémie à jeun, les dyslipidémies, l’hypertension, l’obésité et les maladies rénales, doivent être mieux pris en charge, tant isolément que globalement. Comme le souligne le Dr Sheldon Tobe, University of Toronto, Ontario, il ressort d’enquêtes nationales que quelque 4,3 % des patients ont un débit de filtration glomérulaire (DFG) <60 mL/min/1,73 m2, ce qui évoque une maladie rénale chronique (MRC). Go et al. (N Engl J Med 2004;351[13]:1296-305) ont pour leur part montré que la baisse progressive du DFG estimé de >60 à <15 mL/min/1,73 m2 s’accompagnait d’une augmentation progressive des hospitalisations, des événements CV et des décès. «La protéinurie est le plus important prédicteur de la progression vers la MRC, davantage que le stade du DFG», déclarait le Dr Tobe à l’auditoire. Un DFG à la baisse et une protéinurie sont également des marqueurs d’un risque CV accru. «Plus l’albuminurie diminue, meilleure est l’issue rénale, mais en deçà de 1 g/jour, il n’y a pas d’avantage à ne cibler que la protéinurie, de sorte que l’on devrait plutôt s’employer à diminuer le risque CV global», dit-il.

Une meilleure prise en charge du bilan lipidique est une façon de modifier le risque CV en présence d’une MRC. Cependant, lors d’études comme 4D (Wanner et al. N Engl J Med 2005;353:238-48), ALERT (Holdaas et al. Lancet 2003;361:2024-31) et AURORA (Fellstrom et al. N Engl J Med 2009;360:1395-407), l’ajout d’une statine n’a conféré aucun bénéfice chez les patients atteints d’une maladie rénale sévère, les patients en hémodialyse ou les transplantés rénaux. Les études antérieures sur le traitement par une statine chez des patients atteints de la maladie coronarienne ou d’une autre maladie CV avaient au contraire objectivé un bénéfice.

L’étude SHARP (Study of Heart And Renal Protection) (Baigent et al. Lancet 2011;377:2181-92) (N=9438) était conçue pour déterminer l’impact du taux de C-LDL sur les principaux événements athéroscléreux (mort d’origine coronarienne, infarctus du myocarde [IM], AVC non hémorragique ou tout geste de revascularisation) chez des patients atteints de MRC; cela dit, les deux tiers des patients n’étaient pas encore dialysés, 80 % d’entre eux présentaient une albuminurie et le DFGe médian s’élevait à 27 mL/min/1,73 m2. Après un suivi de près de 5 ans des patients randomisés de façon à recevoir 10 mg d’ézétimibe et 20 mg de simvastatine, le taux moyen de C-LDL avait baissé significativement de 32 mg/dL (0,83 mmol/L) et le risque relatif, de 17 % (p=0,002) par rapport aux témoins sous placebo. La stratification des patients selon qu’ils étaient dialysés ou non au moment de la randomisation a révélé que les patients non dialysés étaient ceux qui en avaient tiré le plus grand profit, le risque ayant baissé d’environ 25 % dans ce groupe.

De l’avis du Dr Tobe, la prise en charge optimale du risque CV global en présence d’une MRC repose sur la stratégie suivante : atteindre la TA cible (<130/90 mmHg) au moyen d’un inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone; dans le cadre d’une stratégie de prévention primaire, abaisser le taux de C-LDL à l’aide d’une statine à faible dose (p. ex., simvastatine à 10-20 mg/jour) et, au besoin, ajouter de l’ézétimibe pour réduire davantage le taux de C-LDL sans avoir à augmenter la dose de la statine; enfin, traiter le diabète et amener le patient à changer ses habitudes de vie.

Syndrome coronarien aigu

Chez un patient en proie à un syndrome coronarien aigu (SCA), on doit pratiquer un ECG de repos à 12 dérivations sans délai (dans les 10 minutes suivant le premier contact avec le patient), souligne le Dr Iqbal Bata, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse. «L’ECG est révélateur du pronostic, car il permet de prédire le taux d’événements et de déterminer la prise en charge du patient». L’occlusion est plus fréquente chez les victimes d’un IM avec sus-décalage du segment ST (IM ST+) que chez les victimes d’un IM sans sus-décalage du segment ST (IM ST-) ou d’angor instable (AI), ajoute-t-il.

Le Dr Michael Love, Dalhousie University, a discuté des recommandations récentes et du traitement de référence en cas de SCA. Selon la base de données de la Nouvelle-Écosse sur la santé cardiovasculaire, qui contient des données sur chaque patient s’étant présenté à l’hôpital avec un SCA depuis 10 ans, la mortalité toutes causes CV confondues est plus fréquente en cas d’IM ST- (22 %) que d’IM ST+ (17 %) ou d’AI (8 %). La pratique clinique diffère grandement des essais cliniques, rappelle-t-il. De plus, «les patients qui subissent un IM ST- sont généralement plus âgés et sont atteints d’une maladie coronarienne plus complexe, d’autres maladies vasculaires plus complexes et d’autres problèmes de santé plus complexes». Dans les faits, poursuit le Dr Love, les IM ST- sont 3 à 4 fois plus fréquents que les IM ST+, et la majorité des patients (70 %) reçoivent un traitement médicamenteux plutôt que de subir un pontage aortocoronarien ou une intervention coronarienne percutanée. «Le traitement antiplaquettaire est la clé de voûte de la prise en charge de ces patients», affirme-t-il. Il a rappelé à ses confrères et consœurs que les recommandations de la Société canadienne de cardiologie portent sur le traitement ambulatoire post-SCA plutôt que sur le traitement du SCA en phase aiguë. En outre, comme l’a conclu le groupe de travail dont faisait partie le Dr Love, la bithérapie antiplaquettaire reposant sur l’AAS et un inhibiteur du récepteur P2Y<sub>12</sub> doit être utilisée chez la majorité des victimes d’un SCA dont le risque d’hémorragie n’est pas élevé.

Le Dr Bata a lui aussi insisté sur l’importance de la «bithérapie antiplaquettaire pour ce qui est de bloquer les multiples voies de l’activation». Advenant un IM ST- chez un patient à risque élevé (douleur récurrente, insuffisance cardiaque, œdème pulmonaire, instabilité électrique ou élévation des troponines), par contre, une stratégie invasive serait nettement bénéfique, poursuit-il.

Fibrillation auriculaire

Dans le cadre d’un survol des recommandations pour le traitement des patients atteints de fibrillation auriculaire (FA), la Dre Jafna Cox, Dalhousie University, et le Dr Timothy Pollak, University of Calgary, Alberta, ont expliqué le bien-fondé du score CHADS<sub>2</sub> pour évaluer le risque des patients en FA. La FA peut être d’origine cardiaque (p. ex., hypertension, valvulopathie, dysfonction ventriculaire gauche, etc.) ou non cardiaque (p. ex., obésité, hyperthyroïdie, apnées obstructives du sommeil, etc.). Le score CHADS<sub>2</sub> est aussi utile pour orienter la stratégie de traitement de façon à prévenir l’AVC chez le patient atteint de FA. La Société européenne de cardiologie utilise le score CHADS2-VASC du fait qu’il prend en compte des facteurs de risque supplémentaires (maladie vasculaire, âge compris entre 65 et 74 ans et sexe féminin) dans le calcul du risque global.

«Chez chaque patient, indique le Dr Pollak, on doit évaluer le ratio bénéfice:risque du traitement anticoagulant, ces agents étant associés à un risque hémorragique élevé. Parmi les nouveaux agents (p. ex., les inhibiteurs directs de la thrombine ou les inhibiteurs du facteur Xa), par contre, certains sont associés à un ratio plus favorable.» D’un point de vue purement pratique, pour le médecin comme pour le patient, les nouveaux agents sont beaucoup plus faciles à utiliser que la warfarine.

Diabète

À l’échelle de la planète, on compte actuellement 370 millions de diabétiques, note le Dr Bernard Zinman, University of Toronto. Chez les 20 à 44 ans, le taux de mortalité est environ 4 à 10 fois plus élevé chez les diabétiques que chez les non-diabétiques et chez les 45 à 79 ans, 2 à 3 fois plus élevé. Plutôt que de se cantonner dans la démarche progressive usuelle, le Dr Zinman préconise une démarche proactive et précoce qui repose à la fois sur l’alimentation et l’association de deux antidiabétiques dès le départ, cette démarche étant associée à une meilleure maîtrise du taux d’HbA<sub>1c</sub>. Cette démarche a vu le jour lorsque les travaux de Shah et al. (Diabetes Care 2005;28:600-6) ont montré une inertie clinique chez 45 % des spécialistes et 37 % des médecins de premier recours face à un contrôle glycémique insuffisant.

Les antidiabétiques qui reproduisent l’effet incrétine sont les agents qui s’apparentent le plus au traitement idéal, estime le Dr Zinman. Il a été démontré que les mimétiques du GLP-1 avaient diminué le taux de HbA<sub>1c</sub> de 0,8 % et le poids de 2,5 kg de manière significative après 30 semaines et que les analogues du GLP-1 avaient pour leur part diminué le taux de HbA<sub>1c</sub> de 1,5 %, le poids de 7,5 kg chez 25 % des patients et même la TA de 3,5 mmHg.

Tout antidiabétique faisant la preuve de son efficacité CV – c’est-à-dire qui réduit le risque de maladie CV – se hissera en tête de liste des antidiabétiques et sera utilisé très tôt dans le traitement du diabète», conclut le Dr Zinman.

Résumé

Il est fréquent que les patients ayant été victimes d’un SCA ou atteints de FA, de diabète ou d’une MRC présentent de multiples facteurs de risque. L’optimisation des soins passe par la quantification du risque associé à chaque facteur et la mise en place d’un traitement ciblant ce risque qui aura fait ses preuves et sera recommandé dans la mesure du possible. En présence de certaines maladies, le médecin devrait opter pour un traitement d’association sans délai. Les nouveaux antidiabétiques qui simulent mieux la réponse physiologique (c.-à-d., les modulateurs de l’effet incrétine) peuvent être bénéfiques dans la prise en charge du risque global associé au diabète. Les associations d’hypolipidémiants ont par ailleurs montré qu’elles pouvaient réduire le nombre d’événements athéroscléreux chez les patients atteints d’une MRC et que le traitement était d’autant plus bénéfique qu’il était amorcé tôt.

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