Comptes rendus

Inhibiteurs du facteur de croissance endothéliale vasculaire dans le cancer du rein avancé
Données à l’appui du traitement de la sclérose en plaques avant qu’elle ne devienne cliniquement manifeste

Mise à jour des lignes directrices d’Action cancer Ontario sur le traitement des lymphomes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

D’après la publication suivante : Cancer Treat Rev 2007;33(2):161-76

Comme le soulignent les auteurs des lignes directrices du Hematology Disease Site Group (HDSG) du Programme de soins fondés sur des preuves d’Action cancer Ontario (PSFP-ACO), la recherche sur le rituximab, anticorps monoclonal anti-CD20, a été féconde depuis la découverte, en 1997, de son efficacité dans le traitement du lymphome. On l’a ensuite évalué en association avec divers protocoles de chimiothérapie de première intention, chez des patients dont le lymphome récidivait après avoir répondu à un traitement initial et, plus récemment, comme traitement d’entretien pour maintenir la rémission. Il semblait donc pertinent de faire un résumé systématique des données publiées afin de faciliter les décisions thérapeutiques, expliquent les membres du HDSG.

Lymphomes B et lymphomes du manteau indolents

Sept essais comparatifs et randomisés (ECR) ont porté sur l’administration du rituximab en association avec une chimiothérapie, soit de première intention, soit d’intention subséquente, dans le traitement des lymphomes B ou des lymphomes du manteau indolents. Le recrutement de l’un des essais n’est pas encore terminé, mais tous les autres ECR ont fait ressortir une amélioration de la maîtrise de la maladie en faveur du rituximab, précisent les membres du HDSG. Deux de ces essais ont mis en évidence une prolongation significative de la survie globale en faveur du rituximab alors qu’un troisième essai a révélé une prolongation tendancielle de la survie.

De même, selon la méta-analyse du Cochrane Haematological Malignancies Group qui regroupait six ECR sur des protocoles de chimiothérapie avec ou sans rituximab dans le traitement de lymphomes B ou de lymphomes du manteau indolents nouvellement diagnostiqués ou récidivants, l’ajout du rituximab, par comparaison à la chimiothérapie seule, a autorisé une prolongation de la survie globale dans cinq essais, ce qui vient confirmer l’interprétation du HDSG. Deux ECR portaient sur des patients souffrant d’un lymphome indolent réfractaire ou récidivant qui recevaient une chimiothérapie avec ou sans rituximab. Les résultats de l’un des essais ont objectivé l’amélioration de la survie sans progression et de la survie globale chez les patients ayant reçu une chimiothérapie avec rituximab, alors que ceux d’un autre essai, qui portait sur un protocole de chimiothérapie différent avec rituximab, ont fait ressortir une amélioration de la survie sans progression, mais pas de la survie globale. À la lumière de ces résultats, les membres du HDSG ont formulé les recommandations suivantes :

• Les patients souffrant d’un lymphome folliculaire ou d’un autre lymphome B indolent (p. ex., lymphome du manteau, lymphome de la zone marginale et lymphome lymphoplasmocytoïde) qui n’ont jamais été traités et qui sont aptes à recevoir une chimiothérapie devraient recevoir du rituximab avec cette chimiothérapie.

• Les patients souffrant d’un lymphome folliculaire ou d’un autre lymphome B indolent (p. ex., lymphome du manteau, lymphome de la zone marginale et lymphome lymphoplasmocytoïde) qui ont déjà été traités, mais qui n’ont jamais reçu de rituximab et qui sont aptes à recevoir une chimiothérapie devraient recevoir du rituximab avec cette chimiothérapie.

Traitement d’entretien des lymphomes B ou des lymphomes du manteau indolents

Le traitement d’entretien par le rituximab a été évalué après l’administration du rituximab en monothérapie, après une polychimiothérapie de première intention et après une polychimiothérapie de deuxième intention ou d’intention subséquente. Après un examen des données dans ces trois contextes principaux, le HDSG a conclu que cinq des six ECR sur le rituximab comme traitement d’entretien avaient fait ressortir «des améliorations cliniquement notables» quant à la maîtrise de la maladie, alors que deux autres essais, toujours sur le traitement d’entretien, avaient aussi montré une prolongation de la survie.

Les membres ont donc décidé que, dans le lymphome folliculaire récidivant, le traitement d’entretien par le rituximab est «nettement avantageux» sur les plans de la maîtrise de la maladie et de la survie globale, et que l’amélioration de la maîtrise de la maladie est préservée même chez les patients qui ont reçu une polychimiothérapie avec rituximab. Les membres ont toutefois émis une réserve : le traitement d’entretien par le rituximab n’a été étudié qu’après une polychimiothérapie initiale sans rituximab. Néanmoins, ils ont conclu que les données cumulées à ce jour militent en faveur du recours au traitement d’entretien par le rituximab chez les patients qui reçoivent une chimiothérapie initiale avec rituximab, citant un «bénéfice d’ampleur appréciable» quant à la maîtrise de la maladie dans ce contexte et la préservation de ce même bénéfice après une chimiothérapie avec rituximab dans le contexte d’un lymphome récidivant. À la lumière de ces données, les membres du HDSG ont formulé la recommandation suivante :

• Chez les patients souffrant d’un lymphome folliculaire ou d’un autre lymphome B indolent qui répondent à une polychimiothérapie avec ou sans rituximab, ce traitement devrait être suivi d’un traitement d’entretien par le rituximab.

Stratégie de traitement répété

Aucun des essais randomisés effectués à ce jour n’a porté sur le rôle du rituximab administré en association avec une chimiothérapie à des patients qui ont déjà reçu un traitement à base de rituximab. En l’absence de données directes à l’appui de l’utilisation de ce produit dans ce contexte particulier, le HDSG n’était pas en mesure de formuler des recommandations formelles. Néanmoins, comme les cliniciens et les instances décisionnelles provinciales avaient besoin d’orientation en pareille situation, le groupe s’est tourné vers des sources autres que les ECR pour déterminer l’utilité du rituximab dans ce contexte.

Selon des données provenant de sources autres que les ECR, les patients sensibles au rituximab pourraient répondre à un traitement répété par le rituximab aussi bien que la première fois. Comme le soulignent les membres du HDSG, la reprise d’un traitement s’étant déjà avéré efficace est une «tactique courante et efficace» dans le traitement des lymphomes indolents, et la toxicité cumulative associée à un traitement répété par le rituximab serait improbable. À la lumière de ces données, les membres du HDSG ont émis l’opinion consensuelle suivante :

• Les patients qui ont déjà obtenu une réponse complète ou partielle à un traitement préalable par le rituximab, que celui-ci ait été administré en association avec une chimiothérapie, en monothérapie ou comme traitement d’entretien, qui n’ont pas reçu de rituximab pendant au moins un an à la suite du dernier traitement et qui ont besoin d’une chimiothérapie devraient recevoir du rituximab avec cette chimiothérapie.

Lymphomes agressifs

L’interprétation consensuelle des résultats collectifs de ces essais fait «nettement» pencher la balance en faveur de l’ajout du rituximab à une polychimiothérapie dans le traitement initial des lymphomes diffus à grandes cellules B (LDGCB) chez l’adulte, affirment les membres du HDSG. Le traitement doit aussi être administré au début de chaque cycle de traitement à raison de 375 mg/m². Les membres du HDSG se sont penchés sur le rôle possible du rituximab comme traitement d’entretien chez les patients qui l’ont déjà reçu en association avec une chimiothérapie de première intention. Comme un seul essai a porté sur la question – et que cet essai n’a objectivé aucun avantage associé au traitement d’entretien par le rituximab dans ce contexte – le HDSG a jugé insuffisantes les données à l’appui de son utilisation comme traitement d’entretien chez les patients ayant reçu en première intention une chimiothérapie avec rituximab.

Les membres du HDSG ont aussi discuté de l’utilisation du rituximab dans le traitement du lymphome B agressif lié au SIDA. L’utilisation du rituximab dans ce contexte a fait l’objet d’une seule étude, et aucune différence ne s’est dégagée entre les groupes quant à la survie globale. Dans cette étude en particulier, on a également observé un risque accru de mortalité par infection iatrogène, surtout chez les patients dont le nombre de cellules CD4 était très faible. Ces résultats ont incité les membres du HDSG à conclure que les données sur l’utilisation du rituximab dans le contexte d’un lymphome lié au SIDA sont actuellement insuffisantes pour qu’ils puissent en recommander l’utilisation.

Les membres du HDSG recommandent toutefois l’utilisation du rituximab dans ce contexte particulier :

• Les patients souffrant d’un LDGCB ou d’une variante de LDGCB – comme le lymphome B primitif du médiastin, le lymphome B riche en cellules T, le lymphome de type Burkitt, le lymphome transformé après une présentation indolente ou le lymphome intravasculaire – qui n’ont jamais été traités et qui sont aptes à recevoir une polychimiothérapie à visée curative devraient recevoir du rituximab avec cette chimiothérapie.

Utilisation dans les greffes de cellules souches

Les membres du HDSG ont aussi évalué l’utilisation du rituximab chez des patients aptes à recevoir un traitement à forte dose et une autogreffe de cellules souches (AGCS). Pour prendre une décision, ils se sont penchés sur deux ECR lors desquels le rituximab avait été administré avant une AGCS afin de contribuer à la mobilisation de cellules souches avant la greffe et sur un autre essai dans lequel le rituximab était administré après une AGCS. Si les deux premiers essais n’avaient pas la puissance statistique voulue pour faire ressortir des différences entre les groupes quant à la maîtrise de la maladie ou à la survie globale, le troisième essai – dont l’objectif était de comparer le rituximab comme traitement d’entretien et l’attente sous surveillance chez des patients souffrant d’un LDGCB à risque élevé qui avaient terminé une chimiothérapie à forte dose et une AGCS – n’a pas objectivé de différence entre les groupes quant à la survie sans événement. Les membres du HDSG ont conclu que les données sont actuellement insuffisantes pour qu’ils puissent recommander l’utilisation du rituximab dans le cadre d’une stratégie de mobilisation de cellules souches préalable à une autogreffe ou comme traitement d’entretien après une AGCS.

Résumé

Les membres du HDSG n’ont ménagé aucun effort pour classer par ordre de priorité les données ayant servi à la rédaction des lignes directrices en fonction de leur robustesse. Le groupe reconnaît néanmoins qu’une «hiérarchie des résultats» influe sur les décisions thérapeutiques et les recommandations de principe et que – bien qu’un changement de pratique doive idéalement être influencé d’abord et avant tout par des données qui dénotent une prolongation de la vie ou une amélioration de la qualité de vie – les données sur le rôle du rituximab dans le lymphome sont «fluides» et «en constante évolution» et nécessiteront une évaluation continue, dont les résultats seront affichés sur le site Web du PSFP-ACO : www.cancercare.on.ca/index_practiceGuidelinesandEvidencesummaries.htm.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec l’un des auteurs du PSFP-ACO, le Dr Kevin Imrie, service d’hématologie, Centre régional de cancérologie Sunnybrook de Toronto et professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario.

Q : Vous indiquez dans l’introduction que les LDGCB peuvent faire l’objet d’un traitement à visée curative, mais que la récidive demeure fréquente, comme c’est aussi le cas pour les lymphomes indolents. En quoi le rituximab a-t-il changé le pronostic global des lymphomes non hodgkiniens?

R : Les lymphomes de faible malignité sont pris en charge comme des maladies chroniques, car ils récidivent chez la majorité des patients. Lorsque le lymphome est agressif, par contre, le traitement a vraiment une visée curative et un grand nombre, voire la majorité, de nos patients souffrant d’un LDGCB sont maintenant guéris. Avant l’avènement du rituximab il y a cinq à sept ans, on aspirait tout de même à la guérison, mais les probabilités de succès étaient d’environ 50 %, et les récidives étaient monnaie courante. Le rituximab a diminué le risque de récurrence [des lymphomes agressifs] de façon appréciable et il a amélioré la survie globale, ce qui n’est pas toujours le cas pour un nouveau traitement; en effet, si certains traitements diminuent le risque de récurrence, ils ne prolongent pas la survie pour autant. Il s’agit là d’un cas où l’effet sur la survie a été favorable.

Q : Comment votre groupe a-t-il décidé de procéder à cette revue systématique sur l’utilisation du rituximab dans le lymphome, puis de rédiger des lignes directrices de pratique clinique?

R : Notre groupe s’est d’abord penché sur l’utilisation du rituximab dans le lymphome en 1998 ou 1999, lorsque le rituximab a été commercialisé, et a fait plusieurs mises à jour, voire une refonte complète, à mesure que de nouvelles données étaient publiées. On a maintenant en main plus de 22 ECR sur plusieurs types de lymphomes. La version actuelle est donc le fruit de l’examen le plus récent et le plus complet des données, mais c’est tout de même la troisième ou quatrième revue de la littérature et nous devrons probablement revoir notre document avant longtemps. Il y a deux nouveautés : 1) dans le lymphome indolent, l’effet favorable sur la survie du rituximab ajouté à la chimiothérapie est maintenant concluant et 2) toujours dans le lymphome indolent, les données militent en faveur du rituximab comme traitement d’entretien après une chimiothérapie.

Q : Y a-t-il un protocole de chimiothérapie auquel vous préférez, personnellement, ajouter le rituximab? Le cas échéant, quels sont les avantages de ce protocole particulier à votre avis?

R : Le traitement des lymphomes est complexe, entre autres parce qu’il ne s’agit pas d’une maladie unique, mais bien d’un groupe de maladies distinctes. Dans les lymphomes agressifs, et c’est à cet égard que les données sont le plus fouillées, le traitement est assez standardisé en Amérique du Nord : le plus souvent, c’est le protocole CHOP avec rituximab. Dans les lymphomes plus indolents ou de faible malignité, plusieurs ECR ont évalué l’utilisation du rituximab avec divers protocoles de chimiothérapie. À mon avis, le protocole importe peu, car l’ajout du rituximab améliore les résultats dans tous les cas. Cela dit, avant l’avènement du rituximab, le protocole CVP était la norme; comme beaucoup d’entre nous avaient participé à un essai d’envergure clé sur ce protocole, nous nous sentions à l’aise de l’utiliser et nous savions qu’il était bien toléré. En outre, au Canada, de nombreux médecins et patients préfèrent commencer par un traitement moins toxique et attendre avant de traiter la maladie plus énergiquement. Il va de soi que cette pratique changera si de nouvelles données montrent la supériorité d’un protocole donné, mais pour l’instant, la plupart des centres au Canada ajoutent du rituximab à la chimiothérapie chez la quasi-totalité des patients, mais ont tendance à privilégier les protocoles de chimiothérapie moins intensifs dans un premier temps. Ma préférence à moi est d’utiliser le protocole CVP en association avec le rituximab en première intention, surtout parce qu’on croit encore que le lymphome de faible malignité est en quelque sorte une maladie chronique et qu’on veut conserver des options pour les interventions subséquentes. Le protocole CHOP, en revanche, ne peut être administré qu’une fois.

Q : Le rituximab ne semble pas améliorer les résultats autant dans le lymphome du manteau que dans le lymphome folliculaire et, pourtant, il est recommandé dans le traitement du lymphome du manteau, que celui-ci ait déjà été traité ou non. Y a-t-il une raison particulière pour laquelle le groupe considère que le rituximab peut être utile chez ces patients?

R : Le terme «lymphome du manteau» désigne en fait un groupe de lymphomes où se recoupent les pires caractéristiques des lymphomes agressifs et les pires caractéristiques des lymphomes indolents. Ces lymphomes étant à la fois agressifs et incurables, la chimiothérapie standard n’est pas vraiment idéale. On dispose de données concrètes montrant un bénéfice associé au rituximab dans ce contexte, mais elles sont un peu moins concluantes que dans le lymphome agressif; en effet, son ajout prolonge la durée de la réponse dans le lymphome du manteau, mais son effet sur la survie est moins homogène. Par contre, aucune étude n’a montré que le rituximab était nocif. Bref, vu le nombre restreint d’options et une survie plutôt brève, le groupe estimait qu’il devait recommander le rituximab dans le lymphome du manteau même si son effet sur la survie n’est pas tout à fait clair.

Q : Vous indiquez que le rôle du rituximab est «fluide» et «en constante évolution». Y a-t-il de nouvelles utilisations en perspective dans un avenir prochain?

R : Le rituximab est maintenant utilisé comme traitement d’entretien après [le traitement initial du] lymphome indolent, car on a observé un effet favorable sur la survie en l’administrant pendant deux ans [après le traitement initial]; cette pratique est maintenant la norme au Canada. Pour ce qui est de l’avenir, la leucémie lymphoïde chronique, la forme de leucémie la plus courante dans les pays occidentaux, est un élément clé des résultats attendus. Par ailleurs, comme la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) exprime l’antigène CD-20, qui est la cible du rituximab, on verra peut-être un bénéfice. Pour l’instant, aucune donnée probante provenant d’un ECR n’indique que le rituximab pourrait être utile dans la LAL. Les études sont en cours et nous prévoyons avoir une réponse à nos interrogations à court terme. On ne sait pas encore combien de fois on peut réutiliser le rituximab, car la réalisation de ces études est complexe, mais les membres du groupe étaient d’accord à l’unanimité pour dire qu’il serait bête de ne pas offrir le rituximab de nouveau aux patients dont la réponse au rituximab a été bonne et durable la première fois. Si le rituximab s’est déjà révélé efficace, on devrait pouvoir l’utiliser de nouveau en association avec les protocoles de chimiothérapie subséquents.

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