Comptes rendus

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Mise à jour sur la prise en charge de la dermatite atopique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

15th Congress of the European Academy of Dermatology and VenereologyLe 15e Congrès de l’Académie européenne de dermatologie et de vénéréologie

Rhodes, Grèce / 4-8 octobre 2006

La dermatite atopique (DA) est une affection inflammatoire et chronique de la peau qui peut entraîner des complications potentiellement graves. Sa prévalence globale est estimée à 10 % au Canada. Bien que le coût du traitement individuel soit relativement faible (entre 300 et 1200 $ par année), la forte prévalence de la DA occasionne des coûts de soins de santé élevés au Canada, que l’on estime à 1,4 milliard de dollars par année en 2006.

Le traitement vise à la fois à guérir les lésions cutanées et à prévenir l’apparition d’autres poussées. Les poussées aiguës de DA sont souvent traitées par des corticostéroïdes topiques. Toutefois, un traitement au long cours est souvent nécessaire, et l’utilisation prolongée de corticostéroïdes topiques a été associée à des effets indésirables graves, y compris l’atrophie cutanée, l’insuffisance corticosurrénale et le glaucome.

Le tacrolimus, inhibiteur de la calcineurine sous forme topique (ICT), semble supprimer l’activation précoce des lymphocytes T sans exercer d’effet sur la synthèse du collagène ou l’épaisseur de la peau. L’onguent s’est révélé efficace pour traiter la DA chez l’enfant et l’adulte.

Traitement à long terme de la DA

Le Dr Sakari Reitamo, service de dermatologie, Hôpital central universitaire d’Helsinki, Finlande, a résumé les préoccupations actuelles à l’égard des ICT aussi bien que les données d’efficacité à long terme colligées à ce jour. Il a également exploré les données d’innocuité et d’efficacité de l’étude CONTROL (Clinical Study on Tacrolimus Ointment Over the Long Term in Adults) et fait état des données récentes d’une étude sur la pharmacocinétique du tacrolimus topique menée chez de jeunes enfants.

L’Agence européenne des médicaments (EMEA) et la FDA (Food and Drug Administration) des États-Unis s’inquiètent du risque d’immunosuppression que pourrait comporter le traitement à long terme de la DA par le tacrolimus ou le pimécrolimus, un agent apparenté. Comme l’explique le Dr Reitamo, l’EMEA a informé les patients et les professionnels de la santé que les avantages associés aux ICT l’emportent actuellement sur les risques connus, et qu’elle n’était pas en mesure de se prononcer sur l’éventuelle responsabilité de ces agents dans les cas de cancer cutané ou de lymphome qui ont été signalés. La FDA recommande actuellement l’onguent au tacrolimus et le pimécrolimus en deuxième intention pour le traitement à court terme ou le traitement intermittent à long terme de la DA, de préciser le Dr Reitamo.

Ce dernier rappelle que l’on a mis en évidence une pénétration systémique extrêmement faible de l’onguent au tacrolimus. Il a passé en revue d’autres données sur l’innocuité du tacrolimus provenant d’un essai de phase III réalisé auprès d’enfants (Remitz et al. Acta Dermato-Venereologica 2006; sous presse). Les auteurs ont signalé une très faible prévalence des infections virales (infection par le virus varicelle-zona, herpès et verrues) dans les zones cutanées traitées par le tacrolimus topique chez ces enfants. Ces données ont été compilées à intervalles de trois mois au cours d’un suivi de 18 mois.

Le Dr Reitamo a également examiné l’efficacité et l’innocuité de l’onguent au tacrolimus en se reportant aux résultats d’une étude de phase III qui visait à comparer l’onguent au tacrolimus (0,1 %) à un corticostéroïde topique de puissance moyenne chez des adultes atteints de DA (Reitamo et al. Br J Dermatol 2005;152[6]:1282-9). Les patients du groupe tacrolimus (n=487) ont appliqué l’ICT sur toutes les zones touchées. Les patients du groupe corticostéroïde (n=485) ont traité les zones touchées au moyen d’un onguent au butyrate d’hydrocortisone à 0,1 % sur le tronc et les membres, et d’un onguent à l’acétate d’hydrocortisone à 1 % sur le visage et le cou. Le traitement était appliqué deux fois par jour pendant un maximum de six mois. Le paramètre principal d’évaluation était la proportion de patients chez qui on observait une diminution d’au moins 60 % de l’indice de l’étendue et de la sévérité de l’eczéma (mEASI, pour modified Eczema Area and Severity Index) trois mois après le début du traitement. Le traitement à long terme par l’onguent au tacrolimus a autorisé des résultats supérieurs et soutenus par comparaison aux corticostéroïdes pour ce paramètre (p<0,001, pour toutes les évaluations). Les auteurs n’ont signalé aucune augmentation de l’incidence des infections ou des cancers dans l’un ou l’autre groupe de traitement au cours de l’essai.

L’utilisation du tacrolimus topique pourrait également être avantageuse dans le traitement d’autres symptômes atopiques, fait observer le Dr Reitamo, citant, à l’appui, les données d’une étude rétrospective qui associent l’ICT à des résultats prometteurs dans la blépharoconjonctivite sévère compliquant une DA (Virtanen et al. Acta Ophthalmol Scand 2006;84[5]:693-5).

Les résultats d’une analyse de la relation entre le risque de lymphome et l’exposition aux ICT et aux corticostéroïdes topiques ont également été présentés aux congressistes. Arellano et ses collègues ont réalisé une étude cas/témoins auprès d’une cohorte de sujets atteints de DA en vue d’évaluer le lien entre les immunosuppresseurs topiques et le lymphome. Chaque cas de lymphome au sein de la cohorte de près de 300 000 patients atteints de DA a été apparié de manière aléatoire avec quatre témoins ayant fait l’objet d’un suivi d’une durée similaire. Les auteurs n’ont pas constaté d’accroissement du risque de lymphome chez les patients traités par un ICT. La sévérité de la DA était le principal facteur associé à un risque accru de lymphome, tandis que les corticostéroïdes semblaient augmenter le risque à un degré moindre (Arellano et al. J Invest Dermatol DOI:10.1038/sj.jid.5700622).

Résultats de l’étude CONTROL

Le Dr Reitamo a approfondi les résultats l’étude CONTROL dans le cadre d’une présentation distincte qu’il a donnée durant les séances scientifiques. Cette étude de phase III multicentrique, randomisée et à double insu visait à comparer l’efficacité et l’innocuité de l’onguent au tacrolimus (0,1 %) à celles d’un placebo dans la maîtrise de la DA chez des sujets adultes. Au total, 257 patients atteints de DA légère, modérée ou sévère ont été recrutés pour une période de traitement initiale ouverte de une à six semaines au moyen de l’onguent, appliqué deux fois jour. Durant cette période, l’onguent au tacrolimus a été bien toléré et efficace, sans égard à la sévérité de la DA.

Les patients ont ensuite été randomisés dans un groupe de traitement actif ou dans un groupe témoin (placebo). Ils ont utilisé l’onguent actif ou un placebo, à raison d’une application deux fois par semaine, pendant 12 mois. Lors des poussées, les patients utilisaient le tacrolimus deux fois par jour. Les poussées dont la durée excédait six semaines entraînaient la fin de la participation à l’étude.

Le paramètre principal d’évaluation était le nombre de poussées au cours de la période de traitement d’entretien ayant nécessité une «intervention thérapeutique d’importance», selon la définition précisée par le protocole de l’étude. Les paramètres secondaires comprenaient le délai d’apparition de la première poussée, le score sur l’échelle d’évaluation globale de l’investigateur (IGA, pour Investigators’ Global Assessment) et le score sur l’échelle de qualité de vie DLQI (Dermatology Life Quality Index).

Le nombre de poussées nécessitant une intervention était significativement plus faible dans le groupe de traitement actif que dans le groupe placebo, indépendamment de la sévérité de la maladie. De même, le délai d’apparition de la première poussée était significativement plus long dans le groupe onguent au tacrolimus, et les résultats étaient similaires, sans égard à la sévérité de la DA. Le pourcentage de patients ayant un score IGA >2 était systématiquement plus faible dans le groupe de traitement actif, et l’on observait des avantages analogues pour d’autres paramètres d’efficacité, tous degrés de sévérité de la DA confondus. Le nombre d’effets indésirables liés au traitement était comparable dans les deux groupes, en dépit d’un suivi du traitement de plus longue durée dans le groupe tacrolimus, et la plupart des effets indésirables étaient d’intensité légère ou modérée. Seulement deux effets indésirables graves, un dans chaque groupe, ont été considérés comme liés au traitement. Les chercheurs ont en outre noté que la quantité totale d’onguent utilisée par les patients atteints d’une forme modérée ou sévère de DA n’était pas plus importante dans la cohorte sous traitement.

L’étude CONTROL est la première à montrer qu’un traitement d’entretien par l’onguent au tacrolimus (0,1 %) peut contribuer au succès de la prise en charge à long terme de la DA.

Profil pharmacocinétique chez l’enfant

Le Dr Reitamo a résumé les résultats d’une étude sur l’exposition systémique à l’onguent au tacrolimus (0,03 %) chez des enfants atteints de DA, âgés entre trois mois et deux ans. Il s’agissait d’une étude de phase II multicentrique, randomisée et à double insu. Les patients ont été randomisés en vue de recevoir le traitement en une application par jour (n=24) ou en deux applications par jour (n=22). On a effectué une série de prélèvements sanguins le jour 1 (première application de l’onguent) et le jour 14 (dernier jour d’application) afin d’évaluer le profil pharmacocinétique du principe actif. L’exposition systémique au tacrolimus s’est révélée minime, la plupart (>95 %) des échantillons sanguins ayant objectivé une absorption <1 ng/mL.

Résumé

La DA représente un enjeu de santé important chez les enfants et les adultes. D’aucuns craignent que l’emploi de nouveaux agents immunosuppresseurs comme le tacrolimus ou le pimécrolimus pour traiter la DA favorise l’apparition de cancers cutanés et de lymphomes. Le Dr Reitamo a présenté les données récentes de plusieurs études qui corroborent l’innocuité et l’efficacité du tacrolimus chez l’enfant et l’adulte.

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