Comptes rendus

Mise à jour sur la prise en charge de la dermatite atopique
Évolution incontestable de nos connaissances sur la suppression du VIH

Schémas HAART : rapport d’étape après 10 ans et défis de l’optimisation du traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 13e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes

Denver, Colorado / 5-8 février 2006

Avec l’avènement des schémas HAART en 1996, l’infection à VIH, jadis mortelle, est devenue une maladie chronique. Dans les pays où les schémas HAART sont préconisés, la mortalité a baissé de façon radicale et soutenue. Ces schémas sont loin d’être la solution au problème, mais ils permettent de retarder la progression de l’infection, voire de normaliser l’espérance de vie. Bien que l’avènement des schémas HAART ait été la première étape vitale, la maîtrise à long terme de l’infection tient aussi en partie aux progrès subséquents, dont la simplification des schémas, la diminution du risque d’effets indésirables et l’optimisation de la séquence des agents pour conserver des options lorsque les premiers traitements échouent.

«Nous avons connu des déceptions, entre autres un échec quasi total sur le plan de la prévention et l’absence de vaccin et de traitement curatif, mais nous avons aussi connu de beaux succès, entre autres la mise au point de traitements toujours plus efficaces et mieux tolérés qui ont sauvé des millions de vies», affirme le Dr John G. Bartlett, professeur titulaire de médecine et chef, division des maladies infectieuses, Johns Hopkins School of Medicine, Baltimore, Maryland. Dix nouveaux agents ont été commercialisés au cours des 10 dernières années, mais ils n’ont pas tous contribué étroitement à élargir l’éventail d’options thérapeutiques. Dans certains cas, l’optimisation du schéma HAART initial résulte de nouvelles connaissances sur les combinaisons optimales d’agents anti-VIH. Fait encore plus important, l’avirémie peut non seulement être obtenue, mais elle peut aussi être maintenue.

Essais 384 et 5095 de l’ACTG : quelques leçons

Les progrès qui, de l’avis du Dr Bartlett, ont grandement contribué à l’optimisation de la prise en charge de l’infection à VIH, surtout en première intention, sont les suivants : l’essai randomisé ayant montré que l’éfavirenz, inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse, est aussi efficace qu’un inhibiteur de la protéase (IP); l’essai 384 de l’ACTG (AIDS Clinical Trials Group) ayant montré que les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) n’autorisent pas tous une avirémie comparable à long terme; et l’essai 5095 de l’ACTG ayant montré que l’association de trois INTI, quoique bien tolérée, n’est pas aussi efficace qu’un schéma HAART à base d’éfavirenz pour supprimer l’infection à VIH de façon soutenue.

«L’essai 5095 de l’ACTG a eu des retombées sur la planète entière». Nous en avons tiré plusieurs leçons, précise le Dr Bartlett. Si les études antérieures avaient indiqué que des schémas simples et bien tolérés étaient avantageux sur le plan de l’observance, facteur clé pour la suppression soutenue de l’infection à VIH, l’essai 5095 de l’ACTG – qui visait à comparer l’association éfavirenz/lamivudine (3TC)/zidovudine (ZDV) avec l’association abacavir (ABC)/3TC/ZDV – a révélé que la simplicité a ses limites. On a dû mettre fin à l’étude prématurément en raison d’un taux d’échec inacceptable dans le groupe ABC/3TC/ZDV, résultat dû en grande partie à une faible protection contre l’apparition de souches résistantes. Si plusieurs trithérapies s’étaient révélées efficaces au fil des années pour supprimer l’infection à VIH de façon soutenue, l’essai 5095 de l’ACTG a confirmé que la puissance fait une différence. De nouvelles données issues de cet essai ont donné du poids à ce message sous un nouvel angle. Au moment où l’on a mis fin à cet essai, on a observé que les mutations conférant une résistance aux INTI, surtout K65R, donnaient lieu à une résistance croisée qui venait à bout rapidement de la trithérapie, ce qui n’était pas le cas lorsque deux INTI étaient associés à un troisième agent d’une autre classe.

Mesure du taux de décroissance virale

Selon les données d’une nouvelle étude satellite, l’association éfavirenz/3TC/ZDV serait plus puissante que l’association de trois INTI si l’on en juge par la mesure du taux de décroissance virale, peu importe la résistance. Ces données ont été présentées par la Dre Kathleen E. Squires, chef et directrice, division des maladies infectieuses et de la médecine de l’environnement, Thomas Jefferson University, Philadelphie, Pennsylvanie.

«Le taux médian de décroissance virale de la première phase était significativement plus lent dans le groupe trois INTI (0,56/jour) que dans le groupe éfavirenz plus deux INTI (0,67/jour) [p=0,02], souligne la Dre Squires. Le taux de décroissance plus rapide dans le groupe éfavirenz est compatible avec les résultats généraux de l’essai ayant montré que l’association de trois INTI était inférieure sur le plan de la maîtrise de l’infection à VIH.»

Lors de cette étude satellite planifiée, 64 participants à l’essai 5095 de l’ACTG, dont 25 femmes, ont été évalués. Ces patients étaient assez bien répartis dans les trois groupes de l’essai : 25 patients dans le groupe trois INTI, 18 dans le groupe éfavirenz plus deux INTI, et 21 dans le groupe éfavirenz plus trois INTI. Au départ, la charge virale se chiffrait en moyenne à 4,8 log10 copies/mL, tandis que le nombre moyen de cellules CD4+ était de 292 cellules/mm³. Cette étude satellite avait pour objectif de comparer les traitements quant au taux de décroissance de la première phase – qui correspond à la réduction du nombre de cellules infectées activement – et au taux de décroissance de la deuxième phase – qui correspond à la réduction du nombre de cellules infectées de façon latente. L’étude visait aussi à comparer les taux de décroissance selon le sexe.

Les taux de décroissance de la deuxième phase ne différaient pas de manière significative dans les trois groupes, bien que l’on ait observé une tendance vers un avantage dans le groupe éfavirenz plus deux INTI par rapport aux trois INTI (p=0,09). Selon l’analyse de la décroissance de la première phase, la différence en faveur de l’éfavirenz plus deux INTI était significative. Dans le groupe éfavirenz plus trois INTI, le taux de décroissance était plus lent que dans le groupe trois INTI (0,59/jour vs 0,67/jour), mais la différence n’était pas significative. Cependant, on a noté que les deux schémas à base d’éfavirenz offraient un avantage relatif encore plus marqué par rapport au schéma à base de trois INTI quant au taux de décroissance de la première phase chez les patients dont la charge virale initiale était élevée. Il n’y avait aucune différence significative entre les sexes quant à la décroissance virale.

La différence quant aux taux de décroissance pourrait avoir contribué à la plus grande efficacité de la trithérapie à base d’éfavirenz par rapport à l’association de trois INTI dans l’essai 5095 de l’ACTG, l’élimination plus rapide des cellules infectées étant plus susceptible de réduire le risque d’échec virologique. Des études antérieures ont montré que les patients n’atteignent pas une charge virale <400 copies/mL à 24 semaines s’ils n’ont pas atteint ce seuil après 16 semaines de traitement. L’importance d’atteindre l’avirémie rapidement et de la maintenir est l’un des points sur lesquels le Dr Bartlett a insisté.

«Nous n’avons aucun moyen prometteur d’éliminer les cellules infectées en latence, de sorte que, à tout le moins pour l’instant, l’infection à VIH est chronique. Il ressort des données qu’il y a un risque de progression de l’infection à VIH si la charge virale grimpe au-delà de 50 copies/mL. L’objectif est donc de parvenir à ce degré de suppression, puis de le maintenir», affirme le Dr Bartlett.

En quête d’une méthode optimale pour supprimer la virémie

La théorie voulant que la charge virale doive demeurer le plus faible possible a été solidement étayée, mais la définition de la meilleure façon d’atteindre cet objectif continue d’évoluer. Peu après l’avènement du schéma HAART, les exigences des schémas thérapeutiques – notamment la complexité du calendrier posologique et les restrictions alimentaires – faisaient de l’inobservance un obstacle important à l’obtention d’une suppression soutenue. Les effets indésirables importants, comme une diarrhée persistante, étaient des obstacles supplémentaires. Les traitements plus récents – qui entraînent moins d’effets indésirables à court terme et s’administrent plus simplement – ont permis des progrès importants après l’avènement des schémas HAART puissants. Cependant, de nombreux effets indésirables que l’on ne percevait pas initialement comme des obstacles à la maîtrise à long terme de l’infection, par exemple les dyslipidémies et les lipodystrophies, ont ensuite influé négativement sur l’observance du traitement et la satisfaction des patients vis-à-vis de leur traitement. À l’avenir, les essais qui permettront de mieux cerner les avantages relatifs des diverses options seront essentiels à l’évolution du traitement de l’infection à VIH.

«L’essai 5142 de l’ACTG, essai prometteur, vise à comparer un schéma HAART à base d’éfavirenz avec un schéma à base de lopinavir/ritonavir», ajoute le Dr Bartlett. Cette comparaison pourrait être révélatrice en raison des différentes caractéristiques de ces deux traitements. Si l’éfavirenz plus deux INTI est le schéma HAART le plus utilisé en première intention dans de nombreux pays, le lopinavir/ritonavir est la pierre angulaire du traitement à base d’un IP. L’éfavirenz comporte plusieurs avantages qui en ont fait l’un des agents les plus prescrits en première intention, notamment sa posologie une fois par jour et un faible risque relatif d’hypercholestérolémie par comparaison à d’autres IP comme le lopinavir/ritonavir. Cependant, ces deux agents n’ont jamais été comparés dans un essai randomisé. Une comparaison directe pourrait révéler de quelle façon les caractéristiques spécifiques de chaque agent influent sur la suppression à long terme de la virémie, de conclure le Dr Bartlett.

Résumé

Depuis l’avènement des schémas HAART il y a 10 ans, le principe de la suppression du VIH n’a pas changé. Un schéma efficace en première intention repose sur plusieurs agents d’au moins deux classes qui protègent efficacement contre la résistance. Cela dit, de nombreuses études réalisées au cours de cette décennie ont permis de mieux définir les facteurs qui contribuent à l‘efficacité, notamment la tolérabilité à court et à long terme et la simplicité de l’administration. Malheureusement, nous n’avons toujours pas de traitement curatif, et cet objectif paraît aussi éloigné qu’il y a 10 ans. Par contre, nous avons réalisé des progrès qui nous permettent de maîtriser l’infection, et nous nous rapprochons d’un autre objectif clinique, celui d’offrir aux patients infectés une espérance de vie normale.

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