Comptes rendus

Taux cibles de LDL plus faibles attendus dans les lignes directrices de 2006
Évaluer le risque cardiovasculaire du patient et intervenir à temps

Nouveaux développements dans la prise en charge de l’hémorragie intracérébrale

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

International Stroke Society-Joint World Congress on Stroke

Le Cap, Afrique du Sud / 26-29 octobre 2006

Selon le Dr Alan Bryer, chef, unité neurovasculaire, Hôpital Groote Schuur, et professeur titulaire, University of Cape Town, Afrique du Sud, l’hémorragie intracérébrale (HIC) est le type d’AVC associé au pire pronostic et comporte un taux de létalité de 35 % à 52 %. Les facteurs de risque sont l’hypertension, retrouvée dans 70 % à 80 % des cas d’HIC; l’abus d’alcool; l’angiopathie amyloïde; l’emploi d’anticoagulants, qui multiplie le risque par un facteur de 8 à 11; et la prédisposition génétique. La morbimortalité est directement liée à l’ampleur de l’HIC. Une détérioration secondaire – associée à l’expansion de l’hématome et à l’œdème cérébral – frappe 20 % à 38 % des patients. L’incidence standardisée pour l’âge est de 30 à 120 cas pour 100 000 années-personnes. La proportion d’AVC causés par une HIC varie d’une population à l’autre et s’avère plus élevée chez les Asiatiques, les Hispaniques et les sujets d’origine africaine. En Afrique subsaharienne, l’HIC représente entre 26 % et 33 % des AVC.

Jusqu’à tout récemment, les soins en unité neurovasculaire étaient à peu près la seule option offerte aux patients victimes d’une HIC, note le Dr Stephen Davis, directeur, division des neurosciences et département de neurologie, et professeur titulaire, Royal Melbourne Hospital et University of Melbourne, Australie. L’évacuation de l’hématome n’apporte pas de bénéfice selon l’étude STICH (Surgical Trial in Intracerebral Hemorrhage); les traitements médicamenteux pour réduire l’œdème cérébral et la pression intracrânienne n’ont pas fait leurs preuves; et les corticostéroïdes sont contre-indiqués. Quant à la prise en charge de l’hypertension chez ces patients, elle demeure controversée.

La taille de l’hématome semble être un facteur pronostique important. Si un volume <10 mL n’est pas particulièrement menaçant, un volume >60 mL l’est, et, en fait, l’issue est rarement favorable lorsque le volume excède 30 mL. Selon une méta-analyse regroupant 218 patients des groupes placebo d’études sur l’HIC et le facteur VIIa recombinant (rFVIIa), l’expansion de l’hématome a été constatée chez 72,9 % des patients à 24 heures. Chaque augmentation de 10 % du volume de l’hématome correspondait à une augmentation de 5 % du risque de mortalité et de 16 % de la probabilité de détérioration de 1 point sur l’échelle de Rankin modifiée (mRS). Comme l’AVC ischémique, l’HIC s’étend au cours des premières heures suivant son apparition. «Du fait de son caractère dynamique, l’expansion de l’hématome est une cible clinique cruciale, souligne le Dr Davis, et fournit une occasion d’intervenir».

Une étude de validation du concept a été menée sur le rFVIIa dans 20 pays. «Nous avons été particulièrement frappés par l’effet très significatif sur la variation absolue et en pourcentage de l’expansion de l’hématome», indique le Dr Davis. Le rFVIIa a autorisé une réduction globale de 50 % du volume de l’hématome de même que des résultats favorables sur le plan des critères de jugement secondaires représentés par la mortalité et les scores cliniques.

Le Dr Thorsten Steiner, professeur titulaire de neurologie et soins intensifs neurologiques, Université de Heidelberg, Allemagne, a décrit cette étude plus en détail. Après randomisation, près de 400 patients présentant une HIC ont reçu 40, 80 ou 160 µg/kg de rFVIIa dans les trois heures suivant l’apparition des symptômes et au plus 60 minutes après la confirmation du diagnostic par tomodensitométrie.

Les résultats pour le critère de jugement principal ont confirmé que le traitement actif réduisait de moitié le risque d’expansion de l’hématome, ce qui s’accompagnait d’une réduction efficace de la mortalité et d’une amélioration de l’issue clinique. D’autres données de cette étude sur l’issue clinique ont récemment été communiquées. La proportion de patients qui ont obtenu un score mRS de 0 ou de 1 – soit un résultat clinique excellent – était plus importante dans les groupes de traitement actif que dans le groupe placebo. Les deux doses les plus élevées évaluées ont aussi été associées à une diminution de l’index de Barthel au cours du suivi par rapport au placebo. Quant au nombre de sujets à traiter par le rFVIIa pour obtenir une issue favorable, il se chiffrait entre cinq et sept pour l’ensemble des doses utilisées.

Dans une analyse rétrospective des résultats de l’étude de validation du concept, le Dr Michael Diringer, professeur titulaire et directeur de l’unité de soins intensifs en neurochirurgie, Washington University, St. Louis, Missouri, et ses collègues ont constaté que, pour toutes les doses de rFVIIa combinées comparées au placebo, il y avait diminution de la mortalité (18 % vs 29 %; p=0,02) et de l’incapacité grave (score mRS : 4-6, 53 % vs 69 %; p=0,004). Selon les scores d’utilité mRS, le rFVIIa était associé à une qualité de vie liée à la santé significativement meilleure (p<0,006, pour toutes les doses).

Le Dr Stephan Mayer, professeur agrégé de neurologie clinique et de neurochirurgie, Columbia University, New York, et ses collègues ont présenté des données sur le délai de traitement provenant de l’étude de validation. Le volume initial moyen de l’HIC dans les groupes rFVIIa combinés était de 24 ± 26 mL. L’augmentation absolue moyenne du volume de l’HIC après 24 heures était de 8,7 mL dans le groupe placebo vs 4,2 mL dans la cohorte traitement actif (p=0,01). L’efficacité du rFVIIa était fonction du délai de traitement : chaque gain de 30 minutes dans la mise en route du traitement correspondait à une baisse du volume moyen de l’HIC de 3,6 mL en faveur du rFVIIa par rapport au placebo. Cela dit, la réduction de ce délai n’a pas fait diminuer la probabilité d’une issue défavorable (risque relatif approché ajusté de 0,98 par tranche de 30 minutes soustraite au délai de traitement [p=0,88]) après prise en compte des variables suivantes : traitement assigné, âge, sexe, score sur l’échelle de coma de Glasgow, volume initial de l’HIC, siège de l’hémorragie et atteinte intraventriculaire. D’après cette étude initiale, il semble que le traitement amorcé dans les quatre heures de l’apparition des symptômes réduit la taille de l’hématome.

Hémorragie intracérébrale avec complications

Selon le Dr Steiner, l’hémorragie intraventriculaire (HIV) survient dans 40 % à 50 % des cas d’HIC et majore la mortalité de près de 50 %. Une analyse rétrospective des données de l’étude de validation du concept a révélé que le rFVIIa avait limité la survenue de l’HIV. Ainsi, 43 % des patients sous placebo ont présenté une HIV contre 36 % dans les groupes rFVIIa. Les facteurs prédictifs du développement d’une HIV comprennent l’âge avancé, le volume initial de l’HIC, une tension artérielle (TA) moyenne >120 mmHg et une hémorragie thalamique. Pour chaque augmentation de 10 mL de l’hémorragie parenchymateuse, on notait une augmentation de 2,3 mL du volume hémorragique intraventriculaire.

Le traitement par le rFVIIa vise à réduire l’extension de l’hémorragie chez les patients présentant une HIC, mais peut comporter un risque d’événement thrombo-embolique. Selon le Dr Steiner, les événements thrombo-emboliques (définis comme les événements survenus moins de 15 jours après le début du traitement – le lien causal avec le rFVIIa étant jugé improbable par les investigateurs passé ce délai) n’étaient pas plus fréquents dans les groupes rFVIIa que dans le groupe placebo.

La question de la capacité potentielle du rFVIIa à renverser l’action du traitement anticoagulant chez les patients atteints d’HIC a également été discutée. Bien que les essais cliniques n’aient pas répondu directement à cette question (les patients sous anticoagulants étaient d’ailleurs exclus de l’étude de validation du concept), des résultats encourageants se sont dégagés de petites séries de cas. Selon trois revues rétrospectives de dossiers de patients, le rFVIIa a accéléré la normalisation de l’INR (international normalized ratio) après une HIC liée à la prise d’anticoagulants, explique le Dr Steiner. Une étude antérieure avait montré que l’INR s’était normalisé en 6,78 ± 2,68 heures chez 29 patients ayant reçu le rFVIIa en plus d’un traitement par la vitamine K et le plasma frais congelé (PFC), comparativement à 47,44 ± 9,88 heures chez 24 témoins traités par PFC seulement (Roitberg et al. Neurosurgery 2005;57(5):832-6). La normalisation de l’INR devrait se traduire par un bénéfice clinique, mais cela reste à démontrer dans des essais cliniques randomisés prospectifs.

Essais cliniques en cours et à venir

Le Dr Davis indique que l’étude FAST (rFVIIa in Acute Intracerebral Hemorrhage) est presque terminée et que les résultats sont attendus au début de 2007. Les critères de jugement de cette étude de confirmation sur l’emploi du rFVIIa dans les HIC diffèrent de ceux de l’étude de validation du concept. Dans l’étude FAST, les critères de jugement sont les scores d’incapacité et l’issue clinique après trois mois; la réduction de l’expansion de l’hématome et de la mortalité sont les critères secondaires. Les patients sont randomisés moins de quatre heures après la survenue de l’HIC en vue de recevoir un placebo ou l’une de deux doses de rFVIIa (20 ou 80 µg/kg).

Le rFVIIa s’est également révélé efficace en présence d’hyperglycémie ou d’insuffisance rénale. Comme le rapporte le Dr Davis, l’élévation de la glycémie lors d’une HIC assombrit un pronostic déjà mauvais, mais ne semble pas atténuer l’effet thérapeutique du rFVIIa. L’étude FAST permettra d’approfondir cette question. De plus, la dysfonction rénale n’est pas une contre-indication du rFVIIa.

L’étude STICH a montré que le traitement chirurgical n’apportait un bénéfice que dans les hémorragies superficielles et non dans les HIV. L’étude STICH 2 – qui vient de débuter – examine le rôle du traitement chirurgical précoce dans les hémorragies lobaires. Selon le Dr Davis, il s’impose de mener d’autres études pour guider la prise en charge de la TA dans les HIC et préciser le rôle de la thrombolyse intraventriculaire chez les patients atteints d’HIV. Le Dr Steiner estime également que la prise en charge des HIC pourrait à l’avenir faire appel au traitement d’association, combinant, par exemple, le rFVIIa et le traitement chirurgical, ou le rFVIIa et un traitement standard tel que l’administration de PFC lorsque l’HIC est secondaire à la prise d’anticoagulants.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.