Comptes rendus

Recherche sur la migraine : de la théorie à la pratique
Nouvelles options de traitement dans la sclérose en plaques

Nouvelles données à long terme concluantes de l’étude initiale sur la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 16e Assemblée de l’Association européenne de neurologie

Lausanne, Suisse / 27-31 mai 2006

L’interféron bêta-1b (IFNß-1b) a été approuvé pour le traitement de la sclérose en plaques (SEP) rémittente sur la base des données concluantes d’une étude à double insu et comparative avec placebo réalisée en Amérique du Nord entre 1988 et 1993 (Neurology 1993;43:655-61). Au dire des chercheurs sous la direction du Dr George Ebers, département de neurologie clinique, Radcliffe Infirmary, University of Oxford, Royaume-Uni, l'idée de retrouver les patients qui avaient participé à cette étude pivot afin d’obtenir «un cliché de ce que ces patients sont devenus». Le suivi de cette étude englobe donc 16 années – et c’est le plus long suivi jamais réalisé sur un traitement de fond, en partie parce que l’IFNß-1b a été le premier traitement à être homologué dans la SEP. Le suivi à long terme est important parce que même des effets plutôt modestes du traitement peuvent s’accumuler au fil de l’évolution naturelle prolongée de la SEP.

Les investigateurs ont réussi à retrouver 328 des 372 patients d’origine (88,2 %); de ces patients, 293 étaient toujours en vie. Le pourcentage de patients non retrouvés était compatible avec la distribution initiale des patients dans les groupes de traitement (placebo, IFNß-1b à 50 µg ou IFNß-1b à 250 µg). Par contre, le pourcentage de patients décédés variait; en effet, il était plus élevé (16,2 %) dans le groupe placebo que dans les groupes de traitement actif (7,2 % pour l’IFNß-1b à 50 µg et 4,8 % pour l’IFNß-1b à 250 µg). Les chercheurs tentent encore de comprendre les raisons de cette disparité et que, pour l’instant, on ne doit pas sauter aux conclusions.

Les patients ont été subdivisés en fonction de la durée totale de leur exposition à l’IFNß-1b, laquelle a été exprimée en pourcentage de temps depuis le début de l’étude pivot (£10 %, 10 à 80 %, >80 %). Les caractéristiques démographiques et initiales des trois groupes d’exposition étaient similaires.

Le nombre d’effets indésirables rapportés par les patients recevant toujours l’IFNß-1b était faible, ce qui est rassurant. Les chercheurs ont été étonnés de constater la différence de six ans dans le délai médian d’obtention d’une cote de 6,0 sur l’échelle étendue d’incapacité (EDSS, pour expanded disability status scale) à partir du diagnostic entre les patients les plus exposés et les patients les moins exposés. Ces données semblent indiquer qu’une bonne adhérence au traitement peut retarder considérablement la progression de la maladie. «L’étude a ses limites, et l’analyse se poursuit, mais les données semblent cohérentes», de conclure les chercheurs.

Traitement précoce

Les essais cliniques pivots sur les IFN ont été réalisés chez des patients qui souffraient d’une SEP cliniquement certaine (SEPCC). Le Dr Ludwig Kappos, Hôpital universitaire, Bâle, Suisse, a présenté les résultats de l’étude BENEFIT (Betaferon in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment), dont l’objectif était de déterminer s’il y avait des avantages à traiter la SEP tôt, c’est-à-dire après le premier événement clinique.

En bref, l’étude comportait une phase à double insu pendant laquelle les patients ayant eu un premier épisode clinique de démyélinisation et présentant à l’examen IRM au moins deux lésions cérébrales cliniquement silencieuses ont reçu aléatoirement, selon un rapport 5:3, l’IFNß-1b à 250 µg par voie sous-cutanée ou un placebo. La phase à double insu durait un maximum de 24 mois ou jusqu’à ce qu’un diagnostic de SEPCC soit confirmé. Globalement, 468 patients ont amorcé le traitement (292 ont reçu l’IFNß-1b et 176, un placebo), et 437 ont terminé l’étude comme prévu. Les paramètres principaux étaient le délai de confirmation d’une SEPCC selon les critères de Poser et le délai d’apparition de la SEP selon les critères de McDonald (les critères plus récents de McDonald sont considérés comme plus sensibles). Les patients étaient stratifiés selon un certain nombre de caractéristiques initiales, dont l’âge, le sexe, l’atteinte monofocale (épisode évocateur d’une lésion unique) ou multifocale (épisode évocateur de lésions multiples), les résultats de l’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) et l’activité ou la dissémination de la maladie au départ à l’examen IRM.

Dans le cas des critères de Poser, le risque de progression vers la SEPCC a baissé de 50 % dans le groupe de traitement actif, par rapport au groupe placebo, au cours des 24 mois de l’étude. La réduction de ce risque était légèrement plus faible (46 %) selon les critères de McDonald. La cote EDSS est restée inchangée dans les deux groupes, comme on pouvait s’y attendre chez des patients dont la SEP en est aux premiers stades. Le Dr Kappos estime qu’un suivi de 36 mois en ouvert fournirait l’information voulue sur les effets d’une intervention précoce à plus long terme, ce qui est essentiel pour une maladie chronique comme la SEP.

«Le risque de progression vers la SEPCC était plus faible chez les patients recevant le traitement actif dans tous les sous-groupes», précise le Dr Chris Polman, Centre médical universitaire de Vrije, Amsterdam, Pays-Bas, qui présentait les résultats des analyses de sous-groupes de la même étude. «Les résultats sont concluants et donnent à penser que le traitement précoce par l’IFNß-1b est bénéfique.» L’analyse de sous-groupes a aussi révélé que les patients plus jeunes et ceux dont le LCR montrait des anomalies étaient exposés à un risque plus élevé de progression vers la SEPCC.

Fait intéressant à souligner, l’effet du traitement était plus prononcé lorsque l’atteinte était monofocale que lorsqu’elle était multifocale, quoiqu’il ait tout de même été significatif en présence d’une atteinte multifocale. Dans les cas où l’atteinte était monofocale, l’effet du traitement était encore plus marqué chez les patients qui présentaient un degré plus élevé de dissémination à l’examen IRM, alors qu’on n’a observé aucune différence de ce type dans les cas où l’atteinte était multifocale. Le Dr Polman conclut en disant que ces résultats sont «semblables à ceux de l’étude CHAMPS [Controlled High Risk Avonex Multiple Sclerosis] [qui a été réalisée chez des patients à risque de développer une SEPCC qui recevaient l’IFNß-1a par voie intramusculaire], mais l’étude dont il est question ici incluait des patients présentant une atteinte multifocale, de sorte que nous sommes allés plus loin que l’étude CHAMPS».

Le rôle des anticorps neutralisants

Tous les traitements de fond actuellement utilisés dans la SEP génèrent des anticorps neutralisants (AcN). Cependant, les répercussions des AcN sur la réponse du patient au traitement de fond ne sont pas encore claires. Le Dr Joel Oger, Laboratoires de neuro-immunologie et Clinique de SEP, University of British Columbia, Vancouver, a présenté une communication par affiche dans laquelle il analysait l’incidence des AcN au fil du temps pendant un traitement par l’IFNß-1b.

Durant l’étude pivot nord-américaine sur la SEP rémittente, on a d’abord recueilli des échantillons tous les trois mois pendant un maximum de cinq ans. Les premières analyses des AcN n’ont pas été concluantes, en partie parce que la technique de dosage n’était pas fiable à l’époque. De récents progrès ont rendu possible une nouvelle analyse de ces échantillons congelés. On ignore encore quelle est la meilleure technique pour mesurer les titres d’AcN, mais le test d’induction de la protéine MxA (myxovirus protéine A) (J Interferon Cytokine Res 1998;18:1019-24) utilisé dans la présente analyse est maintenant la technique acceptée par les autorités européennes.

Aux fins de cette analyse, des titres d’AcN ³20 étaient considérés comme positifs (AcN+) et des titres ³400 étaient considérés comme élevés. Les patients qui avaient deux dosages AcN+ consécutifs étaient classés comme «possiblement AcN+». Des titres élevés n’ont pas été décelés avant le sixième mois, et la proportion de patients dont les titres d’AcN étaient élevés est demeurée faible pendant la totalité de l’étude (1,9 à 14,6 % de ceux qui ont fini par devenir AcN+). Contrairement aux patients qui recevaient l’IFNß-1a, chez qui les titres d’AcN élevés ont tendance à demeurer élevés, les patients qui reçoivent l’IFNß-1b atteignent un maximum environ 1,5 an après le début du traitement, après quoi les titres ont tendance à baisser avec la poursuite du traitement. «On ne sait toujours pas pourquoi les AcN répondent différemment à l’IFNß-1b, mais l’on pense que la grande taille de cette protéine pourrait expliquer la différence en partie», d’enchaîner le Dr Oger.

Lorsqu’on l’a interrogé au sujet de la corrélation entre les titres d’AcN et l’issue clinique, le Dr Oger a déclaré : «La première année de traitement, les patients AcN+ semblent en fait se porter mieux que les autres, et nous ne comprenons pas pourquoi.» Pour l’instant, les décisions thérapeutiques doivent être fondées sur des considérations cliniques et non sur les titres d’AcN.

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