Comptes rendus

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Recherche sur la migraine : de la théorie à la pratique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 16e Symposium international du Migraine Trust

Londres, Royaume-Uni / 18-20 septembre 2006

De l’avis du Dr Hans-Christoph Diener, directeur, département de neurologie, Université d’Essen, Allemagne, toutes les études portant sur un agent donné dans le traitement de la douleur devraient être comparatives avec placebo. Il devient alors possible de faire des comparaisons indirectes d’un essai clinique à l’autre. De plus, c’est le seul moyen de repérer les effets indésirables des médicaments, car il est fréquent qu’un placebo occasionne un certain nombre d’effets indésirables. Il va de soi que, dans la mesure du possible, il vaut mieux comparer les agents directement, mais une comparaison indirecte est tout de même supérieure à une étude sur un agent unique sans comparaison avec un placebo.

Cela dit, prévient le Dr Diener, les médecins qui traitent la migraine doivent interpréter les résultats d’études sur les préférences des patients avec une prudence extrême. «Je considère que les résultats de ces essais dépendent largement du plan de l’étude. Il n’est pas possible de faire de comparaison avec un placebo, et un protocole à l’insu est très difficile à mettre en pratique, sans oublier que les résultats dépendent en grande partie de la sélection des patients et du choix des paramètres d’évaluation. En général, les études sur les préférences des patients dans le traitement des céphalées légères ne reflètent pas la réalité clinique.»

Utilité des méta-analyses

Par ailleurs, le Dr Diener est convaincu de l’utilité des méta-analyses pour orienter le traitement de la migraine. Compte tenu de l’existence de différences légères, mais notables, entre les divers agonistes sélectifs des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1B/1D sur les plans de l’efficacité clinique et des effets indésirables, les méta-analyses offrent une puissance prédictive supérieure, des intervalles de confiance plus étroits et la possibilité de différencier les caractéristiques des médicaments lorsque ceux-ci n’ont pas fait l’objet de comparaisons directes.

Dans le cadre d’une méta-analyse classique qui regroupait 53 essais cliniques comparant sept triptans oraux à un placebo ou à d’autres antimigraineux chez plus de 24 000 patients, des investigateurs des Pays-Bas, du Royaume-Uni et des États-Unis ont constaté que les agonistes des récepteurs 5-HT1B/1D étaient systématiquement bien tolérés et plus efficaces qu’un placebo. Les chercheurs ont rapporté que, par rapport au triptan de référence, c’est-à-dire le sumatriptan, le rizatriptan à 10 mg avait permis une augmentation de 17 % du taux de réponse à deux heures, une augmentation de 38 % du taux d’absence de douleur et une augmentation de 25 % du taux d’absence soutenue de douleur pendant 24 heures pour au moins une des trois crises migraineuses. S’ils tenaient compte de la constance de la réponse lors des trois migraines, la performance du rizatriptan était encore meilleure : taux de réponse de 67 % et taux d’absence de douleur de 58 %. Il a permis aux patients d’être soulagés de leur douleur rapidement et systématiquement, que le cadre de l’étude ait été une comparaison directe à double insu, une méta-analyse ou une étude en contexte réel, d’ajouter le Dr Diener.

Soulagement complet de la douleur, d’abord et avant tout

Une enquête récente a révélé que, parmi les patients qui prennent un antimigraineux de façon ponctuelle, 87 % s’attendent à un soulagement complet de la douleur, 86 %, à l’absence de migraines récurrentes, 83 %, à un début d’action rapide, 79 %, à l’absence d’effets indésirables et 76 %, au soulagement des symptômes connexes.

Le Dr Michel D. Ferrari, Centre médical de l’Université de Leyde, Pays-Bas, qui était l’investigateur principal de la méta-analyse de 53 essais, a décrit une nouvelle théorie selon laquelle le triptan associé au plus faible taux de migraines récidivantes n’est pas nécessairement le plus avantageux.

Comme la récurrence est un phénomène qui se limite aux répondeurs, un taux élevé de migraines récurrentes n’est possible que dans les groupes au sein desquels on observe d’emblée un taux de réponse élevé. Si l’on a le choix entre un triptan associé à un taux élevé de soulagement de la douleur mais à un taux plus élevé de récurrence et un triptan associé à un taux plus faible de soulagement mais à un faible taux de récurrence, il pourrait sembler logique d’opter pour l’agent dont la capacité à prévenir les migraines récurrentes a été démontrée. Cependant, si le soulagement de la douleur est plus efficace dans le premier cas, l’agent associé au pourcentage le plus élevé de récurrences pourrait néanmoins offrir les meilleures chances de succès. Le Dr Ferrari estime qu’il pourrait être nécessaire de s’en tenir aux taux d’absence soutenue de douleur et ne pas se laisser tromper par les faibles taux de récurrence.

À son avis, l’absence soutenue de douleur devrait être le paramètre principal le plus important des essais cliniques. Le Dr Ferrari croit que la proportion de patients n’ayant pas de douleur à deux heures, n’ayant pas de migraines modérées ou sévères récurrentes ou n’ayant pas recours à un médicament de secours dans les 24 heures représenterait le paramètre idéal d’évaluation de l’efficacité, quoique ce soit le plus difficile à atteindre.

Chez un même patient, le rizatriptan à 10 mg était le triptan qui offrait le taux d’efficacité le plus constant lors de multiples crises migraineuses parmi les six triptans étudiés dans les 53 essais cliniques, rapporte le Dr Ferrari (Ferrari et al. Lancet 2001;358:1668-75). Les taux de réponse et d’absence de douleur étaient respectivement de 96 % et 77 %, lors d’au moins une des trois crises migraineuses, de 86 % et 48 % lors d’au moins deux des trois crises migraineuses, et de 60 % et 20 % lors des trois crises migraineuses traitées activement.

Au dire du Dr Andrew Moore, recherche sur la douleur, Oxford University, Royaume-Uni, les cliniciens ne doivent pas s’étonner de la grande variabilité des résultats des essais de petite envergure. «Si vous lisez les résultats de 10 000 petits essais cliniques randomisés et comparatifs, ne soyez pas surpris de voir quelques études où le placebo l’emporte sur l’agent actif. Si vous vous penchez sur les essais portant sur au moins 400 patients, la probabilité de résultats reproductibles est beaucoup plus élevée. Si vous utilisez un grand nombre d’essais randomisés et de bonnes méta-analyses de ces essais, l’information qui s’en dégage peut guider la pratique clinique. Autrement dit, les résultats sont fiables.»

Soins préventifs

Si l’on en juge par les résultats d’essais ayant évalué le traitement précoce par un triptan, on obtient de meilleurs taux d’absence de douleur et d’absence soutenue de douleur que si le traitement est administré après que la crise est passée à la phase modérée ou sévère. En général, la probabilité d’absence de douleur était significativement plus élevée sous l’effet du rizatriptan que d’un placebo lorsque les deux étaient administrés dans les deux heures suivant l’apparition d’une migraine (Mathew et al. Headache 2004:44[7]:669-73). Lorsque le médicament était pris dès le premier signe de céphalée, 70 % des 112 patients migraineux recevant le traitement actif affirmaient n’avoir aucune douleur à deux heures, vs 22 % des patients migraineux recevant le placebo. Le taux d’absence soutenue de douleur pendant au moins 24 heures était aussi significativement plus élevé au sein de la cohorte recevant le traitement actif.

Le Dr Rami Burstein, Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston, Massachusetts, pense que cela tient au fait que les voies de la douleur migraineuse semblent sensibilisées séquentiellement à partir des neurones périphériques du ganglion trigéminal jusque vers les voies centrales qui prennent naissance dans la corne dorsale de la moelle épinière. Si les premiers semblent responsables de l’apparition d’une légère douleur céphalique, les derniers sont associés à la douleur brutale d’une migraine constituée. L’administration d’un triptan tout de suite après l’apparition d’une douleur bénigne peut prévenir la sensibilisation centrale des voies de la douleur et l’apparition d’une douleur modérée ou sévère en agissant successivement sur différents récepteurs dans les vaisseaux crâniens et les fibres sensitives des vaisseaux méningés. Les triptans pourraient prévenir, mais ne pas faire régresser la sensibilisation centrale et l’allodynie cutanée, ce qui vient renforcer le bien-fondé scientifique d’une intervention précoce.

Le Dr Carl Dahlöf, Institut des neurosciences et de physiologie, Hôpital universitaire de Sahlgrenska, Göteborg, Suède, ajoute que l’on pourrait prévenir les perturbations de la motricité gastro-intestinale causées par les migraines – lesquelles nuiraient à l’absorption du médicament – si le triptan est administré tôt, quand la crise est encore bénigne.

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