Comptes rendus

Nouvelles données à long terme concluantes de l’étude initiale sur la sclérose en plaques
Vessie hyperactive : regard sur de nouvelles options de traitement

Nouvelles options de traitement dans la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

22e Congrès du European Committee for Treatment and Research in Multiple Sclerosis (ECTRIMS)

Madrid, Espagne / 27-30 septembre 2006

Protocoles d’optimisation du traitement

Bien que le marché compte plusieurs traitements de fond pour la sclérose en plaques (SEP) rémittente, aucun agent, même le plus actif, ne peut freiner la progression de la maladie chez tous les patients. Les efforts que l’on déploie pour améliorer le traitement convergent donc vers l’optimisation des protocoles de traitement à l’aide d’une association, d’un traitement inducteur de courte durée ou d’un changement du traitement de fond.

Le traitement d’association est monnaie courante dans de nombreux autres domaines thérapeutiques. Le Dr Christian Confavreux, Hôpital neurologique Pierre Wertheimer, Lyon, France, a parlé de ce qui se fait en oncologie ainsi que dans le traitement de la tuberculose, de l’infection à VIH et de la polyarthrite rhumatoïde, et a démontré que nous avons tout intérêt à combiner deux agents ou plus. Dans le domaine de la SEP, de nombreux essais pivots ou préliminaires sur les traitements d’association ont déjà été effectués, et d’autres essais mieux définis sont en cours ou à l’étape de la planification. Lorsque l’on conçoit une telle étude, il importe de choisir des agents qui se sont déjà révélés efficaces en monothérapie et qui sont dotés de modes d’action différents afin d’augmenter la probabilité d’un effet additif ou synergique, expliquait le Dr Confavreux dans une séance consacrée au traitement d’association. Le choix doit aussi tenir compte de la tolérabilité, de la toxicité et de la commodité de chaque médicament. Pour contourner les difficultés liées au plan de l’étude, surtout lorsque de multiples associations nécessitent un vaste effectif, il recommande un plan factoriel 2 X 2 afin que la taille requise de l’échantillon s’apparente à celle d’un essai comparatif classique sur des agents en monothérapie. Si un tel plan factoriel avait été utilisé pour les deux essais de phase II d’envergure sur le natalizumab – SENTINEL (The Safety and Efficacy of Natalizumab in Combination with IFNb in Patients with RRMS), qui visait à comparer l’IFNb-1a plus le natalizumab avec l’IFNb-1a seul, et AFFIRM (Natalizumab Safety and Efficacy in RRMS), qui visait à comparer le natalizumab avec un placebo – les résultats auraient été plus faciles à interpréter. Le Dr Confavreux et ses collaborateurs ont été incapables d’affirmer sans équivoque que l’association natalizumab/IFNb était supérieure au natalizumab seul.

Plusieurs essais sur le traitement d’association présentés au congrès portaient sur l’acétate de glatiramère (AG). La stratégie qui consiste à associer l’AG à la méthylprednisolone en intraveineux (i.v.) (1 g/mois pendant six mois), puis à administrer l’AG en monothérapie pendant six mois, a permis d’obtenir un effet précoce et persistant sur l’activité de la maladie, telle que mesurée à l’IRM, rapportent le Dr Clive Hawkins, University Hospital of North Staffordshire, Stoke-on-Trent, Royaume-Uni, et ses collaborateurs d’Italie. L’association a autorisé une diminution de 65 % du nombre de lésions prenant le gadolinium (Gd+) sur les clichés pondérés en T1, et cette diminution s’est maintenue pendant les six mois subséquents où les patients recevaient uniquement l’AG. Des analyses de non-infériorité n’ont mis en évidence aucune différence entre les variations obtenues au cours du premier semestre et les variations obtenues au cours du deuxième semestre. La fréquence annualisée moyenne des poussées a diminué de 65,6 % et de 71,8 %, respectivement, celle-ci étant passée de 1,6 au cours de l’année précédant l’admission à l’étude à 0,55 et à 0,45, respectivement. La variation moyenne de la cote EDSS (Expanded Disability Status Scale) convertie par rapport à la cote initiale dénotait une amélioration légère, mais significative, chez les patients qui avaient été traités pendant 12 mois (-0,15 [-0,29, -0,13]; p=0,0323).

L’étude ASSERT (Assessment Study of Steroid Effect in Relapsing MS Subjects Treated with GA), autre étude sur le traitement d’association à long terme, est en cours en Amérique du Nord. Cette étude randomisée et à double insu a pour objectif de déterminer si l’administration pendant cinq jours tous les quatre mois de 1,25 g de prednisone orale se traduira par des effets additifs chez des patients souffrant de SEP rémittente qui entreprennent un traitement par l’AG de trois ans. Ces effets additifs seront évalués d’après la variation du volume du cerveau et d’autres paramètres mesurés à l’IRM et en clinique. C’est une «étude intéressante qui, espérons-nous, sera plus concluante [que les études préalables]», dit le le Dr Jerry Wolinsky, directeur, Groupe de recherche sur la SEP et Magnetic Resonance Imaging Analysis Center, et doyen intérimaire et professeur de neurologie titulaire de la chaire Bartels Family and Opal C. Rankin, University of Texax Health Science Center at Houston.

Une autre option, dont ont parlé le Dr Confavreux et plusieurs autres conférenciers, consiste à administrer un traitement d’induction à court terme au moyen d’un immunosuppresseur. Le Dr Timothy Vollmer, Barrow Neurological Institute, St. Joseph’s Hospital and Medical Center, Phoenix, Arizona, a passé en revue les résultats d’un essai sur le traitement d’induction par la mitoxantrone avant un traitement par l’AG. Cette étude multicentrique, randomisée et à simple insu visait deux objectifs. Le premier était de déterminer si l’administration à court terme d’un traitement immunosuppresseur d’induction par la mitoxantrone à faible dose chez des patients atteints de SEP rémittente accroît l’efficacité de l’AG au cours de la première année de traitement. «Si tel est le cas, cela pourrait être une option pour les patients dont la maladie évolue très rapidement, et ces patients [recevraient] ensuite un traitement par l’AG», note le Dr Vollmer. Le deuxième objectif consistait à déterminer si cette même stratégie potentialise l’efficacité de l’AG à long terme. Le cas échéant, cette option pourrait convenir à la plupart des patients atteints de SEP rémittente. La mitoxantrone a été administrée à raison de 12 mg/m2 les mois 0, 1 et 2, après quoi les patients avaient un congé thérapeutique de deux semaines avant d’amorcer le traitement par l’AG (20 mg/jour). Le paramètre principal était le nombre moyen de lésions Gd+ par cliché pondéré en T1; les paramètres secondaires étaient la fréquence des poussées, la proportion de patients exempts de poussées et le délai d’apparition de la première poussée. L’étude initiale durait 15 mois, mais les patients avaient la possibilité de participer à une phase de prolongation de 36 mois. Pendant les 15 premiers mois, la diminution du nombre total moyen de lésions Gd+ dans le groupe qui avait reçu le traitement d’induction (n=21) a atteint environ 90 % et était significativement plus marquée (p=0,0001) que dans le groupe qui recevait seulement l’AG (n=19).

Analyse de l’efficacité : Nombre total moyen de lésions Gd+ en T1 (± écart type)


Le nombre de poussées était aussi plus faible dans le groupe traitement d’induction : quatre vs sept (risque relatif de 0,54; p=0,31). La différence n’a pas atteint le seuil de signification statistique, mais cela pourrait tenir à l’effectif restreint, explique le Dr Vollmer. La proportion de patients qui sont demeurés exempts de poussées se chiffrait respectivement à 81 % et à 79 %. Les infections et les nausées – qui étaient plus fréquentes dans le groupe traitement d’induction – étaient toutefois bénignes. Les données partielles à 24 mois de la phase de prolongation indiquent que les différences entre les groupes quant à la réduction du nombre total moyen de lésions Gd+ et de la fréquence des poussées se sont maintenues. «Un traitement d’induction à court terme par la mitoxantrone [à faible dose], suivi d’un traitement quotidien par l’AG est sûr et généralement bien toléré […] À la lumière de ces données, nous estimons qu’un essai formel est justifié», de conclure le Dr Vollmer.

Une étude similaire, mais dont la période d’induction était plus longue, a été réalisée chez des patients qui souffraient soit de SEP rémittente, soit de SEP progressive secondaire, et qui n’avaient pas répondu à un traitement par l’IFNb. Après l’arrêt du traitement par l’IFNb, 80 patients ont reçu la mitoxantrone et 72 d’entre eux l’ont reçu pendant un an. Quarante-trois patients ont ensuite amorcé le traitement par l’AG; 30 d’entre eux l’ont reçu pendant un an et les 13 autres le reçoivent toujours. La fréquence moyenne des poussées se chiffrait à 1,7 (IC : 1,0; 2,0) sous l’IFNb, à 0,07 (0,02; 0,2) sous mitoxantrone et à 0,3 (0,1; 0,6) sous AG. Ces différences ont atteint le seuil de signification statistique (p<0,0001 et p=0,001 entre la première et la deuxième période, et entre la première et la troisième période, respectivement). Le nombre médian de lésions à l’examen IRM était de 1,0 pendant le traitement par l’IFNb vs 0 pendant le traitement d’induction par la mitoxantrone et la phase de traitement par l’AG. Les investigateurs, la Dre Neus Téllez Lara et ses collaborateurs de l’Université Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne, en ont conclu que cette stratégie pourrait être une option de traitement chez les non-répondeurs à l’IFNb.

Des résultats quelque peu décevants se sont dégagés d’un essai récent qui a été réalisé chez des patients souffrant de SEP rémittente depuis peu. Il s’agissait d’une étude randomisée, à double insu et comparative avec placebo sur l’IFNb-1a administré en monothérapie par voie intramusculaire (i.m.) vs l’IFNb-1a/azathioprine vs l’IFNb-1b/azathioprine/prednisone. L’azathioprine était administrée à raison de 50 mg/jour et la prednisone, à raison de 10 mg tous les deux jours. «Je tiens à souligner que nous avons opté intentionnellement pour une faible dose de chaque agent administré parce que nous misions sur un effet synergique et aussi parce que nous voulions limiter les effets indésirables de ce traitement à long terme», affirme la Dre Dana Horakova, Buffalo Neuroimaging Analysis Center, Jacobs Neurological Institute, State University of New York, qui présentait les résultats au nom de ses collègues des États-Unis et de la République tchèque. À deux ans, les chercheurs n’ont observé aucune différence significative entre les groupes quant à la fréquence des poussées, le paramètre principal, mais ils ont noté une légère tendance en faveur de la triple association. De même, le délai d’apparition de la première poussée, l’intervalle précédant la progression soutenue de l’incapacité et l’augmentation de la cote EDSS moyenne ne différaient pas de manière significative entre les groupes après deux ou cinq ans. «Pour l’instant, nous n’avons pas suffisamment de données pour conclure que le traitement d’association de l’IFNb-1a avec l’azathioprine ou un stéroïde à faible dose est supérieur à la monothérapie dans les cas où la SEP rémittente est récente, affirme la Dre Horakova, de sorte que nous ne pouvons pas recommander cette triple association en première intention.» Le passage d’un immunomodulateur à un autre est aussi une option pour optimiser le traitement, même sans phase d’induction. Cela dit, nous n’avons aucune donnée de classe I pour étayer pareille stratégie. La Dre Adriana Carrá, Hospital Británico de Buenos Aires, Argentine, et ses collaborateurs ont indiqué qu’ils avaient obtenu des résultats prometteurs en changeant de traitement : 65 patients qui recevaient un IFNb sont passés à l’AG (n=52) ou à la mitoxantrone (n=13). Après le passage à l’AG, la fréquence annuelle des poussées a diminué de 77 %, et la proportion de patients exempts de poussées était quatre fois plus élevée : 68 % vs 16 %. Le passage à la mitoxantrone a diminué la fréquence annuelle des poussées de 81 %. En revanche, le passage de l’AG à l’IFNb, ou de l’IFNb faiblement dosé à l’IFNb fortement dosé, a été légèrement moins bénéfique, la fréquence annuelle des poussées ayant diminué de 67 % et de 56 %, respectivement. La variation de la cote EDSS penchait aussi de manière significative en faveur du passage de l’IFNb à l’AG plutôt que l’inverse (p=0,0035).

Neurodégénérescence et neuroprotection : de nouvelles données

Les processus physiopathologiques qui sous-tendent la SEP sont de plus en plus connus. L’atteinte axonale est le principal substrat morphologique et le facteur déterminant des déficits neurologiques permanents et de l’incapacité chez les patients atteints de SEP. Cela dit, précise le Dr Hans-Peter Hartung, professeur titulaire de neurologie, Université Heinrich Heine, Düsseldorf, Allemagne, «nous ne comprenons pas encore tout à fait d’où provient l’atteinte axonale». Néanmoins, il semble que les processus pathologiques destructeurs surviennent à la suite d’une réponse inflammatoire vigoureuse. Pour prévenir la neurodégénérescence, il semble donc logique d’utiliser des immunomodulateurs dotés de modes d’action différents, mais complémentaires, afin de cibler différents aspects de cette réponse. L’IFNb, par exemple, semble agir sur un certain nombre de sites essentiels à la séquence des événements immunopathologiques, d’abord en périphérie, mais il inhibe également la migration des cellules T autoréactives du système immunitaire vers le cerveau. L’AG, en revanche, entraîne la synthèse de cellules T de type Th2 spécifiques et réactives à l’AG qui migrent dans le cerveau où elles donnent lieu à une suppression de voisinage. D’autres données semblent toutefois indiquer que la suppression de l’inflammation est insuffisante pour prévenir la neurodégénérescence caractéristique de la SEP. La Dre Imke Metz, Université Georg-August, Göttingen, Allemagne, a décrit les autopsies qu’elle avait réalisées chez des patients atteints de SEP qui étaient morts à la suite d’une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Les lésions tissulaires associées à la SEP montraient une profonde suppression de l’inflammation. Cependant, ajoute-t-elle, «on observe des signes de démyélinisation et d’atteinte axonale continues, et les régions caractérisées par une atteinte axonale colocalisent avec l’activation des microphages et des cellules microgliales. L’activation des macrophages et des cellules microgliales semble persister, possiblement en raison de l’élimination des cellules T régulatrices.» À cet égard, il a récemment été démontré — et c’est là un point important — que les cellules T régulatrices CD4+ CD25+, qui jouent un rôle clé dans le maintien de l’autotolérance, confèrent une protection contre l’encéphalomyélite autoimmune expérimentale dans un modèle murin. Le Dr Youngheun Jee et ses collaborateurs du groupe du Dr Vollmer de Phoenix ont constaté que les effets thérapeutiques de l’AG semblent découler entièrement de ces cellules T régulatrices, ce qui dénote un mode d’action possiblement indépendant de celui où intervient la commutation Th1/Th2 déjà bien décrite. «La synthèse de cellules [T régulatrices] hautement efficaces par l’AG pourrait être un outil thérapeutique fort intéressant à l’avenir», estiment-ils. Des études d’imagerie reposant sur la visualisation par transfert de magnétisation (TM) dans l’ensemble du cerveau – qui ont été réalisées par la chercheure Megan Mackenzie, Wayne State University School of Medicine, Detroit, Michigan, et ses collaborateurs — ont apporté d’autres éléments d’information sur le mode d’action neuroprotecteur de l’AG. L’imagerie par TM est une technique très sensible qui est fondée sur des interactions entre les protons relativement mobiles et les protons moins mobiles. Dans le SNC, l’imagerie par TM sert à calculer un ratio (RTM), qui exprime l’ampleur du transfert de magnétisation entre les macromolécules liées à la myéline et les protons plus mobiles dans le tissu environnant. Dans la SEP, par comparaison à un tissu sain, on observe une baisse du RTM, ce qui reflète une atteinte de la myéline ou de la membrane axonale. Le groupe de Détroit a étudié 29 patients souffrant de SEP rémittente qui n’avaient jamais été traités et qui commençaient un traitement soit par un IFNb à forte dose (IFNb-1a à 44 mcg par voie sous-cutanée [s.c.] deux fois par semaine ou IFNb-1b à 250 mcg par voie s.c. tous les deux jours), soit par l’AG. Le RTM de l’ensemble du tissu cérébral a augmenté par rapport au ratio initial à la fois dans le groupe AG et le groupe IFNb, mais la différence n’était significative que dans le groupe AG (p=0,01). Ces observations donnent à penser que l’effet thérapeutique de l’AG dans le SNC pourrait survenir indépendamment des changements induits au niveau de la barrière hémato-encéphalique, le site prédominant de l’action des IFNb. La mesure du RTM pourrait aussi être un outil prometteur pour surveiller l’effet thérapeutique de traitements d’association dotés de modes d’action différents (comme l’AG et les IFNb), affirment les chercheurs. Une étude prospective à long terme faisant appel à la spectroscopie par résonance magnétique (SRM) — qui a été réalisée par le même groupe de chercheurs — a confirmé les résultats que ceux-ci avaient obtenus au préalable, à savoir que l’AG limite l’atteinte axonale sublétale et favorise le rétablissement métabolique axonal comme en témoigne une augmentation relative du taux de N-acétylaspartate (NAA), marqueur spécifique des axones, déterminée par le ratio NAA:créatine (NAA:Cr). Cette étude, dont le suivi remonte maintenant à quatre ans, montre également que la variation du ratio NAA:Cr moyen est parallèle à celle de la cote EDSS moyenne, ce qui laisse entendre que la surveillance à long terme du taux de NAA au moyen de la SRM pourrait être un outil utile pour suivre la progression de la maladie. Chez un patient non traité, par exemple, le ratio NAA:Cr moyen dans le volume d’intérêt (VOI) a chuté de 2,26 au départ à 1,94 après quatre ans, alors que la cote EDSS est passée de 1,5 à >2,5. Chez les patients qui recevaient l’AG pendant la même période, cependant, le ratio NAA:Cr moyen du VOI est passé de 1,96 à 2,21 alors que la cote EDSS moyenne a chuté de 2,77 à 2,10. L’AG pourrait aussi exercer des effets neuroprotecteurs par l’intermédiaire des oligodendrocytes. La formation d’oligodendrocytes à partir de cellules progéniteurs est essentielle à la remyélinisation dans la SEP, et plusieurs facteurs neutrophiques régulent le développement des oligodendrocytes. La Dre Catherine Fressinaud, Hôpital universitaire, Angers, France, a montré dans un modèle expérimental que la capacité des oligodendrocytes à remyéliniser les axones est altérée dans la SEP, mais qu’elle s’améliore sous l’effet de deux facteurs de croissance, la neurotrophine-3 et le facteur de croissance d’origine plaquettaire (PDGF). D’autres études récentes — réalisées par le Dr Viktor Skihar, University of Calgary, Alberta, et ses collaborateurs – montrent que les cellules Th2 réactives à l’AG chez des souris qui avaient déjà reçu l’AG donnent lieu à une augmentation des taux de PDGF, du facteur de croissance analogue à l’insuline (IGF-1), du facteur d’inhibition de la leucémie (LIF) et du facteur de croissance endothéliale vasculaire (VEGF). De plus, lorsque des souris présentant une démyélinisation induite par la lysolécithine recevaient l’AG, elles produisaient un nombre accru de précurseurs des oligodendrocytes. Dans sa discussion sur le rôle de l’inflammation et de la neurodégénérescence dans l’atteinte axonale et l’atrophie cérébrale, le Dr Hartung a insisté sur le fait que l’atrophie du cerveau, qui reflète une perte d’axones, avait été décelée très tôt dans l’évolution de la maladie, plus précisément chez des patients qui avaient un syndrome clinique isolé (SCI) ou une SEP cliniquement certaine aux premiers stades. Cette observation a d’ailleurs été le bien-fondé des études CHAMPS, ETOMS et BENEFIT et, plus récemment, de l’étude PreCISe, une étude randomisée, à double insu et comparative avec placebo sur l’AG d’une durée de trois ans, suivie d’une phase de prolongation ouverte. Cette étude avait pour objectif de déterminer si la mise en route d’un traitement par l’AG au moment du SCI — par opposition à attendre que la SEP soit cliniquement certaine — retarde l’incapacité cumulative mesurée à l’IRM et en clinique. Études comparatives

Comme les agents utilisés dans le traitement de la SEP ont fait l’objet de seulement quelques études comparatives et rigoureuses, les données qui nous permettraient d’étayer une préférence relative pour un agent plutôt qu’un autre de même classe demeurent limitées. Bien qu’il soit homologué pour le traitement de la SEP, le natalizumab n’est pas recommandé en première intention en raison du risque accru d’infection opportuniste qui en découle. L’étude BECOME (Betaseron vs. Copaxone in MS with Triple-Dose Gadolinium and 3-T MRI Endpoints) est la première étude randomisée à évaluer des paramètres IRM chez des patients traités par un IFNb ou l’AG. Les premiers résultats IRM de l’étude ont été présentés au congrès. Le paramètre principal était le nombre cumulatif de lésions actives combinées, c’est-à-dire le nombre de lésions Gd+ plus le nombre de nouvelles lésions en T2 sans rehaussement. Ce paramètre était comparable dans les deux groupes de traitement; par conséquent, l’AG et l’IFNb ont semblé aussi efficaces l’un que l’autre pour atténuer l’activité de la maladie mesurée à l’IRM. Une analyse secondaire a objectivé une baisse statistiquement significative du nombre de lésions actives par rapport aux taux initiaux dans le groupe IFNb-1b, mais pas dans le groupe AG; cette observation pourrait toutefois être un artefact de la grande sensibilité de cette méthode, soutiennent le Dr Leo Wolansky, New Jersey Medical School, Newark et Holy Name Hospital, Teaneck, et ses co-investigateurs. En d’autres mots, des lésions moins marquées qui seraient apparues avant le traitement auraient été comptées par erreur dans les clichés suivant l’administration du traitement. Un autre essai randomisé et comparatif — dont les résultats ont été rapportés par le Dr Nese Öztekín, Hôpital SB Diskapi, Ankara, Turquie, et ses collaborateurs — visait à comparer les effets de l’IFNb-1a s.c. (22 mcg ou 44 mcg trois fois par semaine), de l’IFNb-1a i.m. (30 mcg une fois par semaine), de l’IFNb-1b (8 mU s.c. tous les deux jours) et de l’AG une fois par jour pendant une période de six ans. Chez les 271 patients restants du groupe initial de 316 patients, les chercheurs n’ont noté aucune différence statistiquement significative entre les groupes de traitement quant à la fréquence annuelle des poussées, à la fréquence des poussées ou à l’activité de la maladie à l’IRM, ce qui indique que tous les traitements sont d’efficacité comparable. Compte tenu du peu de données comparatives à sa disposition, le clinicien doit se fier à d’autres données pour choisir un traitement plutôt qu’un autre. Les études menées «en contexte réel», comme celle que rapportait la Dre Judith Haas, Hôpital juif, Berlin, Allemagne, pourraient être utiles. La Dre Haas a présenté les résultats d’un suivi de six ans chez près de 250 patients souffrant de SEP rémittente qui recevaient l’IFNb-1a i.m., l’IFNb-1a s.c., l’IFNb-1b et l’AG. Tous les traitements ont permis une réduction significative de la fréquence annuelle des poussées. Cependant, la comparaison des groupes a révélé que, dans le groupe AG, la fréquence annuelle moyenne des poussées était significativement plus faible jusqu’à 48 mois de traitement, par comparaison à chacun des trois groupes IFNb; après 72 mois de traitement, l’AG était encore significativement plus efficace que l’IFNb-1a i.m. La proportion de patients dont la maladie n’avait pas progressé était aussi plus élevée dans le groupe AG : >81 % vs <63 % dans le groupe IFNb-1a i.m. et 69 % dans le groupe IFNb-1b s.c. ou IFNb-1a s.c. L’efficacité joue un rôle clé dans l’observance d’un traitement à long terme, et ces données concordent avec le taux d’abandon plus faible dans le groupe AG (48 %) que dans les trois groupes IFNb (plus de 70 %). Les investigateurs soulignent que des essais cliniques à long terme prospectifs, bien structurés et standardisés comme leur propre essai permettraient une évaluation comparative valable des effets du traitement. Malgré le protocole ouvert, ajoutent-ils, leurs méthodes analytiques pourraient éliminer la possibilité d’un biais attribuable, par exemple, à des différences au départ ou à l’influence de covariables. Le groupe de la Dre Carrá a aussi objectivé une efficacité supérieure et une meilleure observance à long terme du traitement par l’AG, par comparaison aux IFNb. Après avoir suivi plus de 1500 patients en Argentine pendant 10 ans, le groupe a noté des taux d’abandon de seulement 12 % pour l’AG par comparaison à 55,8 % pour l’IFNb-1a i.m. et à 34-35 % pour l’IFNb-1a s.c. De tous les patients traités par l’AG, seulement 13,1 % ont mis fin à leur traitement en raison d’un manque d’efficacité, par comparaison à 32,2-73,6 % de ceux qui recevaient un IFNb. Ces résultats contredisent ceux du projet multinational GAP (Global Adherence Project) selon lequel l’observance du traitement par un IFNb-1a était supérieure à celle des autres traitements de fond. Cependant, les chercheurs du projet GAP définissaient l’inobservance comme l’omission d’une injection à n’importe quel moment. Il n’est donc pas étonnant que la moitié des 2566 sujets de l’étude aient été considérés comme non fidèles à leur traitement. Rôle des anticorps

L’importance des anticorps dirigés contre le traitement en cours est un autre facteur à considérer lorsqu’on choisit un traitement ou que l’on change de traitement. Chez les patients qui reçoivent un IFNb, l’apparition d’anticorps neutralisants (AcN) demeure une source de préoccupation, comme le montre le nombre de présentations consacrées à ce sujet au congrès. Chez jusqu’à près de la moitié des sujets des études de phase III sur les IFNb, le traitement a donné lieu à des AcN qui ont nui considérablement à l’efficacité du médicament pour ce qui est de réduire le volume lésionnel à l’IRM, de réduire la fréquence des poussées et de ralentir la progression de l’incapacité, rappelait le Dr Bernd Kieseier, professeur titulaire de neurologie, Université Heinrich Heine. «Toutes les données provenant de la pratique clinique reflètent ce qui a été mesuré lors des études cliniques de phase III», ajoute-t-il. Le dosage des AcN chez les patients recevant un IFNb est donc un indicateur utile de la probabilité d’une réponse soutenue. D’ailleurs, dans les lignes directrices qu’elle a publiées récemment, la Fédération européenne des sociétés de neurologie recommande le dosage des AcN chez tous les patients après 12 et 24 mois de traitement par un IFNb. On doit mettre fin au traitement par un IFNb chez les patients dont les titres d’AcN demeurent élevés. En revanche, les anticorps qui découlent du traitement par l’AG ne nuisent pas à l’efficacité de ce dernier. La Dre Dvora Teitelbaum, Weizmann Institute of Science, Rehovot, Israël, et ses collaborateurs ont récemment confirmé ce qu’ils avaient déjà observé, à savoir que les anticorps anti-AG qui se forment pendant le traitement exercent une très faible activité neutralisante, voire aucune. Pour cette étude récente, les chercheurs ont prélevé du sérum chez 126 patients atteints de SEP qui recevaient l’AG depuis deux à 15 ans et ont testé la capacité du sérum à inhiber la prolifération des cellules T spécifiques de l’AG. Même si la quasi-totalité des patients avaient des anticorps anti-AG, une inhibition minime (10 à 25 %) de la prolifération de cellules T spécifiques de l’AG a été notée in vitro chez seulement six patients. En outre, chez les patients traités par l’AG pendant plus de 6,5 ans en moyenne, on a observé une augmentation moyenne minime de 0,65 de la cote EDSS; même si la maladie remontait à 10,75 ans en moyenne, 86 % des patients n’avaient toujours pas atteint une cote EDSS de 5,0 et 77 % avaient une cote <4,0. «Ces résultats, font remarquer les investigateurs, concordent avec les observations antérieures, à savoir que l’effet thérapeutique de l’AG se maintient à long terme et n’est pas compromis par l’apparition d’anticorps contre l’AG.»

Nouvelles options de traitement en développement

Plusieurs nouvelles options de traitement pour la SEP rémittente ont fait l’objet de discussions au congrès. Au nombre de ces options figurent un nouvel agent, le FTY720 (fingolimod) et une posologie de 40 mg/jour pour l’AG. Le fingolimod, régulateur des récepteurs de la sphingosine-1-phosphate, est le premier représentant d’une nouvelle classe de traitements de fond actifs par voie orale. Dans le cadre d’une étude de phase II qui s’est terminée récemment, 281 patients ont été randomisés de façon à recevoir un placebo ou le traitement actif à raison de 1,25 mg/jour ou de 5 mg/jour. Après six mois, les sujets du groupe placebo recevaient aléatoirement l’une ou l’autre des doses du traitement actif. À six mois, chez les patients des groupes 1,25 mg et 5 mg, on a observé une réduction des lésions Gd+ de 43 % et de 62 %, respectivement, par comparaison aux sujets du groupe placebo, et 77 % et 82 % vs 47 % des patients, respectivement, ne présentaient aucune lésion Gd+. La fréquence annualisée des poussées a chuté respectivement de 55 % et de 53 %, par rapport au placebo. Ces améliorations se sont maintenues chez les 250 patients qui ont participé à la phase de prolongation à double insu. Cependant, en raison de la fréquence élevée d’effets indésirables graves/sévères et des abandons imputables aux effets indésirables dans le groupe recevant 5 mg, et aussi parce que cette dose ne semblait pas plus efficace que la dose de 1,25 mg, tous les patients sont passés à la dose plus faible après 15 mois, expliquent le Dr Paul O’Connor, chef, division de neurologie, St. Michael’s Hospital, et professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario, et ses co-investigateurs. L’étude de prolongation se poursuit en mode ouvert, et les études de phase III en cours sur la SEP rémittente évaluent la dose de 1,25 mg et une dose plus faible (0,5 mg). Bien que les trois essais pivots aient confirmé l’efficacité, la tolérabilité et l’innocuité de l’AG à 20 mg/jour dans le traitement de la SEP rémittente, on disposait jusqu’ici de très peu de données sur d’autres doses de cet agent de fond. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la tenue récente d’une étude de phase II multicentrique, randomisée, à double insu et en mode parallèle d’une durée de neuf mois dont l’objectif était d’évaluer une dose de 40 mg/jour. Après randomisation, les patients recevaient l’une des deux doses d’AG et subissaient un examen IRM au départ, puis après les mois 3, 7, 8 et 9. Le paramètre principal — le nombre total de lésions Gd+ sur les clichés en T1 — a été analysé chez les 81 patients évaluables (sur les 90 recrutés) aux mois 7, 8 et 9. Les chercheurs ont observé une diminution de 38 % de ce paramètre dans le groupe 40 mg par rapport au groupe 20 mg. Cette différence n’a pas tout à fait atteint le seuil de signification statistique (p=0,0898), mais cela tient au fait que l’étude était conçue, statistiquement parlant, pour déceler une différence de 60 % dans deux groupes de 50 patients, explique le Dr Massimo Filippi, directeur, unité de recherche sur la neuro-imagerie, Institut scientifique et Université, Ospedale San Raffaele, Milan, Italie, qui présentait les résultats. «Si le nombre de patients avait été plus élevé, le seuil de signification statistique aurait probablement été atteint», précise-t-il. La fréquence des poussées et le pourcentage de patients exempts de poussées, deux des paramètres secondaires, ont aussi fait ressortir une différence en faveur de la dose plus forte d’AG. L’apparition de la première poussée confirmée a été retardée de 80 jours dans le groupe 20 mg vs 231 jours dans le groupe 40 mg. La dose plus forte a été généralement bien tolérée, et la fréquence des réactions au point d’injection était semblable dans les deux groupes. Cette étude «semble indiquer que la dose de 40 mg pourrait être plus efficace que la dose actuellement approuvée de 20 mg pour réduire l’activité de la maladie à l’IRM et les poussées cliniques», conclut le Dr Filippi. Une étude de phase III est en cours pour évaluer la dose plus forte.

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