Comptes rendus

Nouvelles données sur le traitement de reperfusion dans l’infarctus du myocarde
Confirmation d’un changement dans l’évolution naturelle de l’athérosclérose grâce à l’échographie endovasculaire

Questions contemporaines dans l’insuffisance cardiaque : Recommandations consensuelles de 2006 de la Société canadienne de cardiologie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

22e Colloque annuel sur la santé cardiovasculaire à Lac Louise

Lac Louise, Alberta / 26-30 mars 2006

Le Dr Malcolm Arnold, professeur titulaire de médecine, de physiologie et de pharmacologie, et directeur de la recherche, division de cardiologie, University of Western Ontario, London, a présenté les nouvelles recommandations consensuelles de 2006 de la Société canadienne de cardiologie (SCC) sur l’insuffisance cardiaque (IC) dans le cadre du colloque qui se tenait à Lac Louise. La SCC a mis sur pied une conférence de consensus pour passer en revue les nouvelles données et, au besoin, mettre à jour les lignes directrices existantes.

Au Canada, l’IC est courante, surtout chez les patients âgés, et est associée à un taux de mortalité qui varie entre 5 % et 50 %. Les lignes directrices ont donc été conçues pour «examiner les cas types» et offrir «des recommandations et des conseils pratiques», explique le Dr Arnold.

«Ces recommandations ont été conçues pour donner des conseils pratiques aux spécialistes, aux médecins de famille, aux membres du personnel infirmier, aux pharmaciens et aux autres professionnels de la santé qui interviennent dans la prise en charge de l’IC», affirme le Dr Jonathan Howlett, chef et directeur médical, Heart Function and Transplantation Program, Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, et professeur agrégé de médecine, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse.

Les auteurs des lignes directrices abordent la prise en charge de l’IC selon les étapes suivantes : diagnostic exact, soins individualisés, traitement médicamenteux ou interventions mécaniques appropriés, et éducation du patient et des aidants.

«Notre objectif premier est d’optimiser la pratique et les soins prodigués aux insuffisants cardiaques du Canada», soulignent le Dr Arnold et ses collègues. À cette fin, le comité d’experts a passé en revue les nouvelles données cliniques et méta-analyses.

Les recommandations consensuelles sont présentées par «classe» d’après des facteurs comme l’innocuité, l’utilité et l’efficacité (classes I à III). Les recommandations de classe I portent sur les mesures qui se sont révélées les plus bénéfiques, utiles et efficaces. Les recommandations de classe III, en revanche, portent sur des mesures qui se sont avérées inutiles ou inefficaces, voire dangereuses dans certains cas. Par ailleurs, les recommandations ont aussi été classées selon la robustesse des données cliniques qui les étayent (cotes A à C). La cote A était attribuée aux données dérivées de multiples essais cliniques randomisés, alors que la cote C était plutôt réservée aux opinions faisant consensus chez les experts ou aux résultats de petites études.

Diagnostic de l’insuffisance cardiaque

La première étape du traitement consiste à bien identifier l’IC, puis à en déterminer l’étendue. Les auteurs ont présentés le diagnostic de l’IC au moyen d’un diagramme simple qui tient compte, entre autres, des antécédents cliniques, de l’examen physique, de l’investigation clinique et de la fonction ventriculaire.

Selon les recommandations de classe I spécifiques du diagnostic, l’interrogatoire clinique, l’examen physique et les épreuves de laboratoire doivent être faits chez tous les patients. L’échocardiographie transthoracique doit être faite pour évaluer la taille du ventricule. La coronarographie doit être envisagée, tandis que la capacité fonctionnelle doit être mesurée d’après une classification validée comme celle de la New York Heart Association (NYHA). Au nombre des recommandations de classe II concernant le diagnostic, les lignes directrices préconisent le dosage du BNP (brain natriuretic peptide ou peptide natriurétique de type B), surtout face à une incertitude clinique.

Concernant le dosage du BNP en tant qu’outil pour le diagnostic de l’IC, la Dre Nadia Giannetti, directrice médicale, Centre de la fonction cardiaque, CUSM-Hôpital Royal Victoria, et professeure adjointe de médecine, Université McGill, Montréal, Québec, s’est attaquée aux défis, plus particulièrement au diagnostic de l’IC en présence de comorbidité.

Dans le cadre d’une présentation interactive, la Dre Giannetti a discuté du cas d’un patient qui présentait tous les symptômes typiques d’une IC, y compris la toux, les extrémités froides, un œdème léger et une «radiographie pulmonaire pas très claire». Après une investigation plus poussée, notamment une échocardiographie et le dosage du BNP, les cliniciens ont constaté que l’échocardiographie montrait une fonction normale et que «le taux de BNP était de 20 pg/mL», valeur que la Dre Giannetti a qualifiée de «très faible».

Bien que l’œdème, la fatigue et la dyspnée soient des symptômes courants associés à l’IC, l’éventail des symptômes inauguraux est beaucoup plus vaste, surtout chez les femmes, les personnes âgées et les patients obèses. Les symptômes courants de l’IC sont l’asthénie, la toux, le gain pondéral, la nycturie, les extrémités froides et l’intolérance à l’effort. Parmi les symptômes moins courants, on retrouve les nausées, les malaises abdominaux, la cyanose et l’anorexie.

C’est donc seulement après une investigation plus poussée et d’autres tests, dont le dosage du BNP, que le diagnostic de l’IC a été exclu. Dans ce cas particulier, comme dans les cas limites en apparence, le dosage du BNP est utile pour établir un diagnostic approprié. Cette observation a été confirmée par d’autres études (Horwich et al. J Am Coll Cardiol 2006;47:85-90). L’accessibilité du dosage du BNP demeure un problème, précise la Dre Giannetti. «Cela dit, dans les cas où le diagnostic est équivoque, surtout lorsqu’on essaie de différencier une dyspnée respiratoire primitive d’une dyspnée cardiaque primitive, un BNP négatif peut être utile.»

Une fois établi le diagnostic de l’IC, nous disposons de certains tests qui peuvent aider à évaluer le degré d’incapacité fonctionnelle et à déterminer le degré des limites physiques. Le test de marche de six minutes, la scintigraphie de perfusion et la coronarographie sont autant d’outils qui peuvent contribuer à déterminer la capacité fonctionnelle. En général, la biopsie de l’endomyocarde n’est pas recommandée pour évaluer l’IC.

Traitement non pharmacologique de l’insuffisance cardiaque

Une fois l’IC diagnostiquée, l’équipe soignante doit déterminer la ligne de conduite à tenir dans le cadre du plan de traitement individualisé du patient. Depuis quelques années, soulignent les auteurs, on se tourne davantage vers les programmes d’entraînement physique, des études ayant indiqué qu’un entraînement physique approprié peut augmenter la capacité physique.

Au chapitre du traitement non pharmacologique, l’activité physique régulière et les loisirs sont recommandés, mais le patient doit éviter les séances d’exercice sans supervision. Les autres recommandations incluent la diminution maximale de l’apport sodé selon la sévérité de l’IC. On doit demander au patient de surveiller son poids tous les matins et, s’il souffre de rétention liquidienne, sa consommation de liquide ne doit pas excéder 1,5 L à 2,0 L/jour.

Les recommandations de classe I incluent une prise en charge multidisciplinaire et ambulatoire de l’IC. Les auteurs plaident en faveur du recours aux cliniques et aux programmes spécialisés en milieu hospitalier, l’optimisation des soins devant être un reflet des conditions et des ressources locales. Une surveillance clinique étroite et un suivi dans les quatre semaines sont aussi recommandés. Les auteurs ont constaté que «les patients ayant été hospitalisés récemment ou à répétition pour l’IC sont ceux qui semblent bénéficier le plus» d’une approche multidisciplinaire. En pratique, cela veut dire que des infirmières expérimentées peuvent faire le suivi du patient par téléphone et que l’on peut enseigner aux patients à se peser au quotidien et à ajuster leurs diurétiques en conséquence.

Sur le plan de l’immunisation, les insuffisants cardiaques doivent recevoir le vaccin antigrippal une fois par année et le vaccin antipneumococcique tous les six ans, sauf indication contraire.

Stratégies optimales

Partant du principe que l’on prodigue au patient des soins individualisés et que l’on doit être à l’affût de toute contre-indication, les auteurs émettent quelques recommandations générales quant au traitement. Les nouvelles lignes directrices consensuelles contiennent des recommandations de classe 1 quant à la prise en charge énergique des facteurs de risque cardiovasculaire, tant par la médication que par la modification des habitudes de vie. En outre, tous les patients ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) <40 % doivent recevoir un inhibiteur de l’ECA en association avec un bêta-bloquant, à moins d’une contre-indication particulière. Les doses cibles de ces traitements doivent être celles qui se sont révélées efficaces lors des études cliniques de grande envergure, et des solutions thérapeutiques de rechange doivent être proposées si le patient est incapable de tolérer les médicaments prescrits couramment. «En général, on doit soulager les symptômes aigus, mais un inhibiteur de l’ECA ou un bêta-bloquant doit être introduit dès que l’état du patient le permet», notent les auteurs. (Figure 1)


Comme les insuffisants cardiaques sont déjà fragiles cliniquement parlant, l’utilisation de nombreux traitements commande la prudence si l’on veut limiter l’exacerbation de l’IC. Il est précisé dans les lignes directrices que «les insuffisants cardiaques sont généralement des personnes âgées qui présentent de multiples facteurs de comorbidité; par conséquent, la polypharmacie nécessaire au traitement de l’IC vient compliquer une pharmacothérapie déjà complexe».

Insuffisance cardiaque «diastolique»

Le Dr Peter Liu, directeur, Heart and Stroke/Richard Lewar Centre of Excellence in Cardiovascular Research, UHN-Toronto General Hospital, et professeur de médecine et de physiologie, titulaire de la chaire Heart and Stroke/Polo, University of Toronto, Ontario, a discuté de l’incidence de l’IC à fonction systolique conservée (FSC), aussi appelée «IC diastolique».

L’IC à FSC – qui avait été laissée pour compte dans les lignes directrices précédentes – est abordée directement dans les nouvelles lignes directrices. Le patient type souffrant d’IC diastolique est «une femme âgée qui souffre déjà d’hypertension, de diabète ou d’une maladie coronarienne sous-jacente, mais qui n’a jamais eu d’infarctus du myocarde», souligne le Dr Liu. Selon des données canadiennes récentes, la mortalité secondaire à l’IC diastolique serait très comparable à la mortalité secondaire à l’IC systolique, ajoute-t-il.

Pour autant qu’ils soient utilisés à bon escient, les agents qui servent au traitement de l’IC systolique sont généralement bénéfiques dans le traitement de l’IC diastolique; ces agents sont notamment les inhibiteurs de l’ECA, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) et les bêta-bloquants. Le Dr Liu a discuté des résultats de l’étude CHARM-Preserved (Candesartan in Heart Failure – Assessment of Reduction in Mortality and Morbidity-Preserved). Cette étude randomisée, qui portait sur des patients souffrant d’une IC clinique à FSC (FEVG >40 %), comportait deux groupes : candésartan (ARA) et placebo. «L’étude a mis en évidence une réduction globale de 11 % du paramètre regroupant la mort et l’hospitalisation pour IC (p=0,12), explique le Dr Liu. On a aussi observé une réduction significative du nombre d’hospitalisations pour IC rapportées par les investigateurs et une réduction de 40 % du nombre de nouveaux cas de diabète.» Ces observations semblent indiquer que le traitement par un ARA peut être utile dans une stratégie globale de prise en charge de l’IC diastolique.

Arythmies et insuffisance cardiaque aiguë

Au chapitre de la fibrillation auriculaire, les lignes directrices préconisent l’amiodarone comme traitement de choix pour l’obtention et le maintien du rythme sinusal. En présence d’une FEVG <40 %, on doit envisager un bêta-bloquant ou la digoxine en monothérapie ou une association. À moins d’une contre-indication, l’administration d’un anticoagulant est fortement recommandée chez ces patients.

Les lignes directrices prônent aussi des stratégies pour le traitement de l’IC aiguë. L’IC aiguë, qui se définit comme «l’apparition rapide de symptômes et de signes secondaires à toute anomalie de la fonction cardiaque pouvant entraîner la mort et nécessiter des soins urgents», peut survenir en l’absence de dysfonction cardiaque connue. Au nombre des recommandations de classe I, citons le recours aux évaluations cliniques, radiographiques et biochimiques pour déterminer la sévérité du cas le mieux possible. Parmi les autres recommandations de classe I : «effectuer un dosage sanguin du BNP ou du NT-proBNP en cas de doute quant au diagnostic; administrer le furosémide par voie intraveineuse en cas d’hypervolémie; et utiliser un cathéter intra-artériel chez les patients dont le débit cardiaque est très faible. L’utilisation de diurétiques et de vasodilatateurs pourrait être indiquée en cas d’IC aiguë. Enfin, l’intubation pourrait être nécessaire pour repousser une insuffisance respiratoire imminente.

Les dispositifs comme le défibrillateur automatique implantable (DAI) peuvent être utiles pour les patients à risque élevé. Les recommandations de classe I pour le traitement par un dispositif incluent des consultations auprès de spécialistes en IC ou en troubles du rythme et l’utilisation d’un DAI chez les patients ayant une FEVG £30 %. Ces recommandations n’ont pas changé de manière significative par rapport aux recommandations antérieures étant donné l’absence de nouveaux essais comparatifs en la matière. Le recours à un DAI pourrait aussi être indiqué chez les patients ayant besoin d’un traitement de resynchronisation cardiaque.

Sur le plan des options chirurgicales, les lignes directrices précisent que «l’IC demeure une maladie qui se traite surtout par la médication et que la chirurgie s’est toujours limitée à une faible minorité de patients». Cela dit, il y a des cas où la chirurgie pourrait être indiquée, par exemple, une transplantation cardiaque ou, en présence d’angine, des pontages aortocoronariens.

Évaluation de l’insuffisance cardiaque chez la personne âgée

Comme l’IC est de plus en plus fréquente chez les personnes âgées, les recommandations consensuelles abordent la question des soins appropriés dans ce groupe de patients.

Au nombre des recommandations de classe I : faire une évaluation complète des maladies concomitantes qui pourraient être présentes; identifier un aidant approprié; et, au besoin, consulter un gériatre. On encourage aussi les professionnels de la santé à surveiller la dépression, celle-ci étant un symptôme courant chez les insuffisants cardiaques, ainsi que les signes de troubles cognitifs ou de démence.

La Dre Debra Isaac, directrice, programme de transplantations cardiaques, Foothills Medical Centre, et professeure agrégée de clinique en médecine, University of Calgary, Alberta, a discuté de l’évolution des tendances dans les soins des insuffisants cardiaques, le traitement d’entretien devenant plutôt un traitement de soutien.

Les soins de soutien et les soins de fin de vie sont aussi des facteurs importants chez les insuffisants cardiaques. «Le traitement palliatif de l’IC terminale doit inclure le soulagement de la douleur, de la dyspnée sévère, de la congestion sévère, de la toux et de l’anxiété», explique la Dre Isaac. Les lignes directrices précisent que des soins de fin de vie de qualité reposent sur trois éléments : «le soutien du patient mourant et de sa famille; le soulagement de la douleur et d’autres symptômes; et les décisions quant à l’utilisation de traitements nécessaires au maintien de la vie». Le processus fait donc appel à «la vérité, au consentement, à la capacité juridique, à la prise de décisions de rechange, à la planification des soins et à l’utilisation appropriée d’un traitement nécessaire au maintien de la vie.»

Résumé

Les recommandations consensuelles de 2006 sur l’IC constituent un plan d’action fondé sur des données factuelles pour l’application de la théorie à la pratique.

Le Dr Simon Jackson, directeur du programme de cardiologie chez l’adulte, et professeur adjoint de médecine, division de cardiologie, Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, a animé une séance interactive sur les recommandations consensuelles et résumé les espoirs qu’il nourrit dans les termes suivants : «Nous souhaitons en fait que les gens interagissent et communiquent en se servant des techniques d’encouragement et de renforcement positifs.»

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