Comptes rendus

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Nouvelles lignes directrices sur les dyslipidémies : données cliniques et biologiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2006

Vancouver, Colombie-Britannique / 21-25 octobre 2006

Selon la toute nouvelle version de l’énoncé de principe de la Société canadienne de cardiologie (SCC) sur le diagnostic et le traitement des dyslipidémies (McPherson et al. Can J Cardiol 2006;22[11]:913-27), le taux de C-LDL doit être abaissé à moins de 2,0 mmol/L et, idéalement, d’au moins 50 % chez les personnes souffrant de la maladie coronarienne ou dont le risque cardiovasculaire (CV) calculé sur 10 ans est >20 %. En présence d’un risque faible ou modéré, on propose maintenant des seuils d’intervention plutôt que des taux cibles (Tableau 1), précise la Dre Ruth McPherson, professeure titulaire de médecine et de biochimie, et directrice, Clinique des lipides, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, Ontario. Outre le taux de C-LDL qui demeure la cible première du traitement, la SCC continue de prôner comme cible secondaire le ratio cholestérol total (CT): C-HDL en prévention primaire. «[C’est] l’un des meilleurs facteurs prédictifs du risque de maladie coronarienne», affirme-t-elle.

Tableau 1. Lignes directrices de la SCC sur le traitement des dyslipidémies


Selon les nouvelles lignes directrices, nous avons intérêt à ne pas nous contenter de l’équation de Framingham pour bien stratifier les patients dont le risque est modéré, fait valoir la Dre McPherson. Le risque peut être accru ou atténué selon d’autres données sur le profil du patient. Ainsi, des antécédents familiaux de maladie coronarienne prématurée doublent le risque et «commandent assurément une intervention plus précoce», précise-t-elle. Les lignes directrices soulignent aussi l’utilité de mesurer la glycémie à jeun ou le taux de HbA1C chez certains patients de ce groupe, vu le lien continu et progressif entre le taux de HbA1C et le risque de maladie CV sur 10 ans.

Chez les patients à faible risque, on recommande maintenant d’intervenir lorsque le taux de C-LDL atteint 5,0 mmol/L plutôt que 4,5 comme avant. «Nous craignions de traiter à outrance les personnes à faible risque, [mais] nous n’avons pas assoupli les lignes directrices autant qu’on pourrait le croire, car le seuil d’intervention plus critique – à savoir un ratio CT:C-HDL [de 6,0] – n’a pas changé, fait valoir la Dre McPherson. Ce ratio pourrait englober jusqu’à 15 % de la population, ce qui n’est pas négligeable.»

Pourquoi abaisser encore les taux cibles?

Les données à l’appui de taux cibles encore plus faibles chez les personnes à risque élevé émanent à la fois d’essais cliniques avec paramètres majeurs et d’essais visant à évaluer l’effet du traitement sur la masse athéromateuse. Ces études montrent clairement que «nous avons intérêt à abaisser le taux de C-LDL davantage, et il semble qu’une diminution du taux de C-LDL d’au moins 50 % ou sous le seuil de 2 mmol/L se traduise par des bienfaits supplémentaires», affirme la Dre McPherson.

Certains médecins seront peut-être réticents à instaurer un traitement hypolipidémiant plus intensif ou à imposer les nouveaux taux cibles à leurs patients à risque élevé. Ceux-ci estiment peut-être que la prise en charge globale du patient – qui tient compte du tabac, des habitudes de vie, de l’hypertension et du risque thrombotique – est tout aussi importante, enchaîne la Dre Beth Abramson, professeure adjointe, University of Toronto, et directrice, Cardiac Prevention Centre et Women’s Cardiovascular Health, St. Michael’s Hospital, Toronto, Ontario. De plus, reconnaît-elle, de nombreux patients n’ont jamais atteint la cible de <2,5 mmol/L recommandée en 2003. Selon une affiche présentée par le Dr Raymond Yan, Canadian Heart Research Centre, University of Toronto, et ses collaborateurs, moins de la moitié d’un groupe de 8056 patients à risque élevé avaient atteint ce taux cible après six mois de traitement. Cela dit, poursuit la Dre Abramson, les nouveaux taux cibles s’appuient sur de solides données, et le succès d’autres stratégies contemporaines de réduction du risque n’est pas une raison de les balayer du revers de la main. Le Dr Anatoly Langer, directeur, Canadian Heart Research Centre, St. Michael’s Hospital, et professeur titulaire de médecine, University of Toronto, est d’accord : «Si on a pour mission de réduire le risque CV, on doit forcément abaisser le taux de C-LDL [...], car c’est en soi un moyen de diminuer la mortalité, peu importe les autres stratégies mises en place.»

Les Drs Abramson et Langer ont tous deux insisté sur le fait établi qu’une baisse du taux de C-LDL de 1 mmol/L diminue le risque absolu de 1 % et le risque relatif de 20 % sur cinq ans. «Chez les deux millions de Canadiens qui souffrent d’une maladie CV, un traitement énergique pourrait éviter près de 30 000 événements CV par année. Si l’on englobe aussi les diabétiques, le nombre d’événements évitables atteint 50 000», souligne la Dre Abramson.

Un traitement énergique ou d’association s’impose peut-être

Comme l’ont montré de nombreux essais cliniques récents, on doit augmenter la dose de la statine pour atteindre le nouveau taux cible de C-LDL, indique le Dr Langer. Lors de l’essai PROVE-IT, la pravastatine à 40 mg/jour et l’atorvastatine à 80 mg/jour ont permis d’atteindre un taux moyen de C-LDL de 2,47 mmol/L et de 1,61 mmol/L, respectivement. «Sur une période de deux ans et demi, la différence entre la pravastatine et l’atorvastatine a atteint près de 4 % quant au nombre d’événements CV majeurs [...] Une différence de cette ampleur n’est pas sans conséquence», soutient-il. De même, lors de l’essai ASTEROID, la rosuvastatine à 40 mg/jour a autorisé une chute significative de 53 % du taux de C-LDL et une chute de 59 % du ratio C-LDL:C-HDL, rapporte la Dre Abramson. «On estime qu’environ 50 à 75 % des patients atteindront [le nouveau taux cible de C-LDL] sous l’effet d’une statine de nouvelle génération à forte dose», ajoute-t-elle.

Pour atteindre rapidement le taux cible de C-LDL tout en limitant au maximum les effets indésirables des agents administrés, le traitement d’association est peut-être la meilleure solution, enchaîne le Dr Subodh Verma, chercheur et professeur adjoint, division de chirurgie cardiaque, University of Toronto. «Vu la grande efficacité de statines comme l’atorvastatine et la rosuvastatine, nombreux sont les patients qui peuvent atteindre leur taux cible, pour autant que celui-ci ait été déterminé. Si le taux cible – toujours plus faible – n’est pas atteint, le traitement d’association s’impose.» Il a été démontré que l’association d’une statine et de l’ézétimibe, inhibiteur de l’absorption du cholestérol, est une stratégie initiale logique pour permettre à plus de patients d’atteindre leur taux cible de C-LDL, fait-il remarquer.

«On recommande toujours de commencer par la monothérapie et d’ajuster la posologie jusqu’à la dose maximale tolérée [du point de vue] de l’innocuité et des effets indésirables généraux. Si cette dose maximale n’a toujours pas permis d’atteindre le taux cible, on doit envisager une association. Par ailleurs, si le patient reçoit une statine moins efficace à la dose maximale, il y a peut-être lieu de passer à une statine plus puissante et d’en augmenter la dose», conclut la Dre McPherson.

Données endovasculaires

L’échographie endovasculaire (EGEV) donne une image microscopique détaillée et quantifiable des vaisseaux sténosés par l’athérosclérose, affirme le Dr Jean-Claude Tardif, professeur titulaire de médecine, Université de Montréal, et directeur, Centre de recherche de l’Institut de cardiologie de Montréal, Québec. Lors de présentations distinctes, les Drs Tardif et Stephen Nicholls, cardiologue interventionnel, Cleveland Clinic Foundation, Ohio, ont analysé le volume croissant de données obtenues à l’EGEV qui montrent les effets appréciables qu’un traitement hypolipidémiant intensif par une statine ou un agent expérimental comme le torcétrapib peut avoir sur la masse athéromateuse. «Les techniques d’imagerie qui permettent de visualiser directement les plaques athéromateuses ont jeté un éclairage nouveau sur la façon d’optimiser le traitement par une statine, [surtout dans les cas où la maladie coronarienne est établie]», fait remarquer le Dr Nicholls.

Si des essais comme REVERSAL ont révélé qu’un traitement hypolipidémiant intensif pouvait freiner la progression de l’athérosclérose, l’étude récente ASTEROID indique que la régression est possible. Lors de cette étude, 507 patients dont l’athérosclérose répondait à certains critères ont reçu la rosuvastatine à 40 mg/jour pendant 24 mois; chez 349 d’entre eux, les clichés d’EGEV étaient évaluables, tant au départ qu’en fin de traitement. Outre la diminution de 53,2 % du taux de C-LDL susmentionnée (variation moyenne : de 3,35 à 1,5 mmol/L), les chercheurs ont observé avec étonnement une élévation de 14,7 % du taux de C-HDL (1,1 à 1,3 mmol/L), précise le Dr Tardif. On a observé une régression des plaques athéromateuses – que l’on a mesurée par le volume de la masse athéromateuse en pourcentage, son volume dans le segment de l’artère le plus sténosé ainsi que la variation de son volume dans l’artère complète – chez 63,6 % des patients et une progression chez 36,4 % des patients. La diminution relative de la masse athéromateuse totale a atteint 7 % par rapport à la masse initiale. Il importe ici de souligner que la régression était plus probable chez les patients dont le taux de C-LDL était <2,0 mmol/L que chez ceux dont le taux était plus élevé, surtout s’il excédait 2,6 mmol/L.

On peut établir un lien entre les modifications biologiques mises en évidence par l’EGEV lors de l’étude REVERSAL et les résultats positifs de la baisse énergique du taux de C-LDL obtenus lors de l’étude PROVE-IT, qui portait sur les mêmes statines aux mêmes doses, fait remarquer le Dr Tardif. Il n’est pas clair si la régression de l’athérosclérose observée dans l’étude ASTEROID se traduira par des bienfaits cliniques supplémentaires, mais les données cumulatives semblent indiquer que l’atteinte du taux de C-LDL le plus faible possible, conformément aux lignes directrices de 2006, est une stratégie clinique optimale, conclut-il.

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