Comptes rendus

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Réduire le risque d’AVC en inhibant le SRA : effets bénéfiques et mécanismes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2006

Vancouver, Colombie-Britannique / 21-25 octobre 2006

L’hypertension – qui est à l’origine de plus de 60 % des AVC – est le principal facteur de risque modifiable de l’AVC. Le risque d’AVC augmente même en présence d’une tension artérielle (TA) relativement normale, par exemple 130/80 mmHg, fait remarquer le Dr Ross Feldman, directeur, pharmacologie clinique, département de médecine, University of Western Ontario, London. Dans la majorité des études, la baisse de la TA a eu des répercussions plus importantes sur les événements cérébrovasculaires que sur les événements coronariens, ajoute-t-il. La diminution de l’incidence des AVC est proportionnelle à la baisse tensionnelle. En effet, une baisse de la TA systolique de 10 mmHg réduit le risque relatif d’AVC de 35 à 40 %.

Réduction du risque associée à l’inhibition du SRA

On ne sait pas avec certitude si un antihypertenseur ou une classe d’antihypertenseurs en particulier confère un effet cérébroprotecteur plus marqué que d’autres, ni si ces effets bénéfiques incluent des effets autres qu’une baisse de la TA. Dans ses lignes directrices actuelles, la Société canadienne d’hypertension artérielle indique que «le premier critère est la baisse de la TA», souligne le Dr Feldman.

Néanmoins, nous disposons de données montrant que le blocage du système rénine-angiotensine (SRA) – qui a été associé à des effets antiathéroscléreux, antiprolifératifs et antiarythmiques, à une action néphroprotectrice et à la prévention du diabète – permet d’importantes réductions du risque d’AVC et du risque d’événement coronarien. «C’est l’un des traitements les plus importants dont nous disposons pour la maladie cardiovasculaire [...] Il va de soi que la [baisse de la] TA joue un rôle, mais d’autres effets entrent en ligne de compte», affirmait le Dr Salim Yusuf, professeur titulaire de médecine et directeur, Population Health Research Institute, McMaster University, Hamilton, Ontario, dans son discours liminaire. Les résultats de l’étude LIFE (Losartan Intervention for Endpoint Reduction) (Dahlöf et al. Lancet 2002;359[9311]:995-1003) sont un bon exemple des effets protecteurs de l’inhibition du SRA. «Il est ressorti de la comparaison directe de l’aténolol plus d’autres agents avec le losartan plus d’autres agents que la différence tensionnelle était de 1 mmHg. [Cependant, les chercheurs] ont observé une baisse de 30 % de l’incidence des événements en faveur du losartan, et cette différence tenait principalement aux AVC», de préciser le Dr Yusuf.

Prévention efficace des AVC

Au cours d’un débat, les Drs Feldman et Jacques de Champlain, professeur titulaire de physiologie et de médecine, Université de Montréal, Québec, ont présenté les avantages confirmés et hypothétiques des inhibiteurs de l’ECA et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) sur le plan de la prévention primaire de l’AVC.

Certes, tous les antihypertenseurs sont efficaces, mais, si le choix est approprié, «il existe de subtiles différences entre ces classes qui plaident en faveur des inhibiteurs de l’ECA», soutient le Dr Feldman. Les données à l’appui des inhibiteurs de l’ECA sont plus robustes au chapitre de la prévention secondaire des AVC que de la prévention primaire, reconnaît-il, soulignant que dans les lignes directrices actuelles, on préconise l’association d’un inhibiteur de l’ECA et d’un diurétique pour diminuer le risque après un AVC.

Lors de l’étude PROGRESS (Perindopril Protection Against Recurrent Stroke Study), ce schéma a réduit le risque d’AVC de 43 % par comparaison à un placebo (Lancet 2001;358[9287]:1033-41). L’absence d’effet de l’inhibiteur de l’ECA en monothérapie sur l’incidence des AVC est probablement imputable à une lacune dans le plan de l’étude, précise-t-il. Le risque initial des sujets était plus élevé dans le groupe monothérapie que dans le groupe traitement d’association, de sorte que les deux groupes n’ont pas bénéficié d’une protection similaire.

Lors de l’étude HOPE (Heart Outcomes Prevention Study), le traitement par un inhibiteur de l’ECA a réduit le risque d’AVC de 32 % par rapport à un placebo malgré la baisse de la TA d’un peu moins de 4/3 mmHg (Bosch et al. BMJ 2002;324[7339]:699-702). «Même au sein d’une population plutôt normotendue, l’efficacité de l’inhibiteur de l’ECA n’a laissé planer aucun doute», fait remarquer le Dr Feldman.

Dans un contexte de prévention primaire, toute forme de blocage de l’angiotensine est cliniquement avantageuse, mais les ARA ont donné de meilleurs résultats que les inhibiteurs de l’ECA, rétorque le Dr de Champlain. «Mon point de vue [dans le débat] est que les ARA ont probablement un effet supplémentaire qui va au-delà de la baisse de la TA, car il est ressorti de certaines études qu’à baisse égale des chiffres tensionnels par un ARA et un agent de comparaison, la diminution de l’incidence des AVC était plus marquée dans le groupe ARA.»

Au cours des cinq années de l’étude LIFE, par exemple, «la TA était identique [dans les deux groupes de traitement], mais [...] l’incidence des AVC était plus faible de 25 % dans le groupe losartan que dans le groupe aténolol», d’enchaîner le Dr Champlain. Chez les sujets de l’étude LIFE qui souffraient d’hypertension systolique isolée, la diminution de l’incidence des AVC a atteint 40 %. Cette diminution observée dans l’étude LIFE tenait principalement à une diminution de l’incidence des AVC ischémiques imputables à une athérothrombose, cette dernière ayant été à l’origine de la majeure partie des événements cérébrovasculaires, ajoute-t-il.

Une étude récente du Jikei Heart Study Group est venue confirmer les effets bénéfiques des ARA chez les personnes exposées à un risque élevé, indique le Dr de Champlain. Cette analyse regroupant 3000 Japonais souffrant d’hypertension, d’une maladie cardiaque ischémique et/ou d’insuffisance cardiaque avait pour but d’évaluer la diminution de l’incidence des événements cardiovasculaires obtenue sous l’effet du valsartan et d’autres antihypertenseurs (principalement des inhibiteurs calciques). «La TA était absolument identique dans les deux groupes de traitement [...], mais le valsartan a permis de prévenir 40 % d’AVC [de plus] que les traitements classiques, fait-il remarquer. Après trois ans, les chercheurs ont dû mettre fin à l’étude en raison des résultats qui objectivaient une meilleure protection sous l’effet de l’ARA.»

En revanche, note le Dr de Champlain, selon une méta-analyse récente qui englobait cinq études d’envergure regroupant des patients hypertendus, la fréquence des AVC était de 9 % plus élevée chez ceux qui recevaient un inhibiteur de l’ECA, vs un diurétique et un bêta-bloquant (Verdecchia et al. Hypertension 2005;46[2]:386-92). «La différence n’était pas [statistiquement] significative, mais la tendance est là», poursuit-il.

Au dire du Dr Yusuf, il est aussi important de se demander si un traitement par un ARA pendant un AVC peut atténuer la sévérité et les conséquences de ce dernier. Dans une petite étude où l’on évaluait cette possibilité, l’état neurologique était meilleur et le risque de mortalité par suite d’un AVC récurrent, plus faible chez les patients qui recevaient le candésartan que chez ceux qui recevaient un autre antihypertenseur (Schrader et al. Stroke 2003;34[7]:1699-703).

Mécanismes possiblement à l’origine des effets bénéfiques des ARA

Plusieurs mécanismes pourraient expliquer que les ARA réduisent le risque d’AVC, estime le Dr de Champlain. Comme il est probable que le SRA soit en cause dans l’apparition d’un AVC, «pourquoi les ARA seraient-ils supérieurs? Parce qu’ils ciblent mieux les mécanismes qui contribuent à l’apparition d’un AVC. Il est probable qu’ils bloquent mieux l’angiotensine qui, en agissant sur le récepteur AT1, entraîne une vasoconstriction, mais qui, en outre, favorise l’oxydation et l’inflammation et [aboutit à] l’insuffisance vasculaire cérébrale.»

La prévention de la FA pourrait être la clé

Il se pourrait également que la diminution du risque d’AVC sous l’effet des ARA découle de la prévention de la fibrillation auriculaire (FA), la cause première des AVC chez les personnes âgées. Les investigateurs de l’étude LIFE ont rapporté que le traitement par le losartan avait réduit le risque d’AVC de 45 % chez les patients présentant une FA (p=0,039) et une hypertrophie ventriculaire gauche, et le risque d’apparition d’une FA de 33 % (p<0,001) (Wachtell et al. J Am Coll Cardiol 2005;45[5]:705-11, 712-9). Dans une étude satellite, ils ont déterminé que l’on pouvait prévenir un AVC si neuf patients atteints de FA recevaient le losartan pendant cinq ans; le nombre de sujets à traiter était de 24 chez ceux qui souffraient d’hypertension systolique isolée, de 25 chez ceux qui souffraient d’une maladie cérébrovasculaire connue et de 54 pour l’ensemble de la cohorte de l’étude LIFE (Kizer at al. Hypertension 2005;45[1]:46-52).

Une diminution similaire de la FA a été observée dans d’autres études sur le traitement par un ARA, la plus récente étant VALUE (Valsartan Antihypertensive Long-term Use Evaluation), d’enchaîner le Dr de Champlain. Cet effet pourrait être attribuable à une diminution de la taille du ventricule gauche et de l’oreillette gauche, mais on en ignore le mécanisme exact.

Le lien entre le blocage de l’angiotensine et la diminution du risque de FA suscite beaucoup d’intérêt, reconnaît le Dr Yusuf. «Comme vous le savez, nous avons pas mal de données sur l’insuffisance cardiaque et la dysfonction ventriculaire gauche qui indiquent que les inhibiteurs de l’ECA et les ARA préviennent la FA.»

L’exploration des effets et des mécanismes des ARA dans la prévention des AVC se poursuit. Une étude récente chez l’animal a révélé que la taille de l’infarctus cérébral était diminuée de moitié environ chez ceux qui avaient reçu un traitement préalable systémique par le candésartan plutôt qu’un placebo. «Il s’agit là de mécanismes que l’on ne peut pas prédire sur la base d’une simple baisse de la TA», affirme le Dr Yusuf.

Le blocage du SRA à des fins de protection cardiovasculaire et cérébrovasculaire est une question que l’on étudie activement, conclut-il. Au cours des prochaines années, des études comme ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and in Combination with Ramipril Global) devraient jeter un éclairage nouveau et important sur les avantages relatifs des inhibiteurs de l’ECA et des ARA, entre autres au chapitre de la prévention des AVC et d’autres événements cardiovasculaires.

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