Comptes rendus

Nouvelles options de traitement dans la sclérose en plaques
Nouvelles perspectives pour le pronostic et le traitement de la leucémie lymphoïde chronique

Vessie hyperactive : regard sur de nouvelles options de traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

21e Congrès annuel de l’Association européenne d’urologie

Paris, France / 5-8 avril 2006

On estime que la vessie hyperactive (VH) affecte 15 à 20 % des adultes en Amérique du Nord et qu’elle a des répercussions cliniquement significatives sur la qualité de vie (QdV), la qualité du sommeil et la santé mentale (Stewart WF. World J Urol 2003;20[6]:327-36). Néanmoins, c’est un problème qui demeure sous-diagnostiqué dans le contexte des soins primaires, car les patients sont souvent réticents à discuter de leurs symptômes et les cliniciens ne posent pas nécessairement de questions à ce sujet (Smith DA. Adv Nurse Pract 2004;12[3]:26-33). Compte tenu de la prévalence élevée de la VH et du nombre peu élevé de patients traités, le diagnostic et le traitement sont loin d’être optimaux (Milson et al. BJU Int 2001;87[9]:760-6). Les hommes, en particulier, ne reçoivent pas souvent d’agents antimuscariniques bien que nous sachions, preuves à l’appui, qu’ils ont des symptômes de VH semblables à ceux des femmes et qu’ils en sont incommodés au moins autant que les femmes (Peter TJ. J Urol 1997;157:885-8).

Diagnostic déterminé par le sexe?

Parallèlement à l’évolution de la prise en charge clinique de la VH, un paradoxe lié au sexe pourrait avoir désavantagé les patients de sexe masculin sur le plan des résultats du traitement. Si les médecins de soins primaires et les gynécologues traitent la VH chez la femme depuis toujours, le traitement de symptômes vésicaux chez l’homme est essentiellement la chasse gardée des urologues, souligne le Dr Steven A. Kaplan, New York-Presbyterian Hospital, et professeur titulaire d’urologie, Weill Cornell Medical College, New York. Il en est résulté une ligne de conduite différente face à des symptômes comparables, et les cliniciens attribuent presque d’instinct les symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) chez l’homme à la prostate. Dans les faits, les SBAU peuvent être liés à la vessie, à la prostate ou aux deux (Abrams P. Urology 2003;61:37-49).

«Cela m’a toujours fasciné de voir à quel point nous regardons les hommes et les femmes différemment, fait remarquer le Dr Kaplan. Face à une fréquence accrue de mictions chez la femme, on dit qu’elle souffre d’un problème vésical, et on lui prescrit un agent antimuscarinique. Face au même problème chez l’homme, on dit qu’il a un problème prostatique et on lui prescrit un agent pour la prostate. Au bout du compte, une vessie est une vessie. Pourtant, notre perception varie selon le sexe. Je crois que nous devons repenser à tout cela.»

Redéfinir les algorithmes de traitement chez l’homme

Même si un homme présente surtout des symptômes de VH, on lui administre un agent indiqué pour le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate comme un a-bloquant, mais les résultats ne sont pas très reluisants. Lee et al., par exemple, ont constaté qu’un a-bloquant en monothérapie avait été efficace chez seulement 35 % des hommes qui présentaient à la fois une obstruction du col vésical et une hyperactivité du détrusor (BJU Int 2004;94[6]:817-20). Cependant, chez les hommes qui présentaient seulement une obstruction du col vésical, un a-bloquant en monothérapie était efficace dans environ 75 % des cas. Les patients qui présentaient à la fois une obstruction du col vésical et une hyperactivité du détrusor et qui n’avaient pas répondu à l’a-bloquant ont reçu un traitement antimuscarinique adjuvant, et on a observé un soulagement des symptômes chez 73 % d’entre eux. «Nous devons changer notre façon de penser afin de mieux cerner le rôle respectif de chacun de ces agents. Les a-bloquants devraient demeurer la pierre angulaire du traitement, [mais] on doit se demander si les patients qui ont des symptômes persistants ne bénéficieraient pas de l’ajout d’un agent antimuscarinique. Selon les données, je serais porté à penser que oui.»

Le Dr Kaplan et ses collègues ont rapporté récemment les résultats d’un essai clinique sur la toltérodine en préparation à libération prolongée administrée en monothérapie à des hommes présentant des symptômes de VH qui avaient mis fin à leur traitement par un a-bloquant en raison d’un manque d’efficacité ou d’effets indésirables (J Urol 2005;174[6]:2273-5). Après six mois de traitement, la fréquence quotidienne moyenne des mictions était passée de 9,8 à 6,3. La fréquence des mictions nocturnes était passée de 4,1 à 2,9, tandis que le score des symptômes de l’American Urological Association avait baissé en moyenne de 6,1 points. Ces résultats donnent à penser que la préparation à libération prolongée pourrait être un choix thérapeutique logique comme traitement de première intention ou après l’échec du traitement par un a-bloquant.

«La plupart des symptômes qui incommodent les patients et qui ne se résorbent pas toujours sous l’effet des traitements traditionnels sont en fait les symptômes typiques de la VH, explique le Dr Kaplan. En conséquence, nous devrions peut-être redéfinir le type d’algorithme de traitement que nous utilisons.» Plus précisément, les algorithmes de traitement pourraient encourager les médecins à utiliser davantage les agents antimuscariniques pour traiter les symptômes urinaires chez l’homme.

VH dans le contexte des soins primaires

D’une durée de 12 semaines, l’essai IMPACT (Improvement in Patients: Assessing Symptomatic Control with Tolterodine ER), qui était multicentrique, ouvert et non randomisé, avait pour objectif premier d’évaluer les symptômes de la VH tels que rapportés par les patients. Parlant au nom des investigateurs, le Dr Walter Artibani, Université de Vérone, Italie, a présenté cette étude sur 898 patients (données complètes chez 863 d’entre eux : 155 hommes, 708 femmes) atteints d’une VH qui étaient répartis dans 98 centres de soins primaires aux États-Unis. Les patients recevaient 4 mg une fois par jour de la préparation à libération prolongée pendant 12 semaines, et le paramètre principal était la variation du score par rapport au score initial pour le symptôme de la VH qu’ils trouvaient le plus incommodant.

Au départ, 87,3 % des patients estimaient que la gêne causée par les symptômes de la VH était modérée ou sévère. La fréquence mictionnelle accrue, tant le jour que la nuit, était considérée comme le symptôme le plus incommodant. «Les résultats de l’essai IMPACT montrent que la fréquence accrue des mictions, tant diurnes que nocturnes, était au moins aussi incommodante que l’incontinence, ce qui nous a étonnés», fait valoir le Dr Artibani.

IMPACT sur la QdV

Au terme de l’étude, le traitement avait réduit la fréquence des mictions de 40 % la nuit et de 30 % le jour. À 12 semaines, chez les patients qui, au départ, avaient déterminé que l’incontinence urinaire d’urgence (IUU) ou les urgences mictionnelles étaient le symptôme qui les incommodait le plus, le traitement a permis une diminution des symptômes de 80 % et de 78 %, respectivement. L’ampleur de l’amélioration était comparable chez les hommes et les femmes, note le Dr Artibani.

Globalement, chez les patients traités, on a enregistré une diminution de 63 % du score de la gêne causée par les symptômes, tandis que le score de la QdV liée à la santé (QdV-S) s’est amélioré de 53 %. Les patients ont fait état d’une amélioration substantielle des trois aspects suivants de la QdV : adaptation, inquiétude et sommeil. Le traitement actif a été associé à une faible fréquence d’effets indésirables. La sécheresse buccale était l’effet indésirable le plus courant (10 %).

Une autre analyse a révélé que le soulagement des symptômes était corrélé avec une amélioration du score au questionnaire PPBC (Patient Perception of Bladder Condition) et du score de la QdV-S. De même, la comparaison des évaluations avant le traitement et après le traitement au moyen de l’échelle d’évaluation de la gêne a révélé que le traitement avait diminué significativement la gêne causée par chacun des symptômes que les patients avaient identifiés comme étant les plus incommodants (p<0,0001). Les données issues du questionnaire PPBC ont montré qu’environ 80 % des patients avaient bénéficié d’une certaine forme d’amélioration après 12 semaines de traitement par la toltérodine et que l’amélioration était majeure dans 50 % des cas (Figure 1). L’échelle d’évaluation de la gêne dans le questionnaire sur la VH (q-VH), l’échelle d’évaluation de la QdV-S et les sous-échelles de cette dernière ont toutes dénoté une amélioration significative après 12 semaines de traitement, par rapport aux valeurs initiales (p<0,0001).

Figure 1. Perception des patients quant au soulagement des symptômes les plus incommodants de la VH, après 12 semaines


L’ampleur de l’amélioration était cliniquement et statistiquement significative. Cet agent «a procuré un soulagement significatif et comparable chez l’homme et la femme. On peut affirmer que, en général, la toltérodine à libération prolongée permet de traiter les symptômes de la VH efficacement dans un contexte de soins primaires», affirme le Dr Artibani.

Validité des résultats rapportés par les patients

On a validé des instruments de mesure spécifiques de la VH, dont le q-VH et le questionnaire PPBC, pour évaluer les résultats rapportés par les patients. Ces instruments jettent un éclairage important sur la gêne causée par les symptômes, les variations de la QdV-S découlant de la VH, et les effets du traitement de la VH (Siami P. Clin Ther 2002;24[4]:616-28; Coyne KS. Qual Life Res 2005;14[3]:849-55).

On a évalué les données de l’essai IMPACT afin de déterminer les liens entre l’amélioration objective des symptômes de la VH notés dans un carnet pendant trois jours et les variations des scores aux questionnaires q-VH et PPBC. Les variables consignées dans le carnet pendant trois jours étaient le nombre de mictions quotidiennes, de mictions nocturnes, d’épisodes d’IUU et d’urgences mictionnelles.

Après 12 semaines, toutes les variables consignées dans le carnet s’étaient améliorées de manière significative (p<0,0001). L’amélioration s’est dégagée à la fois de l’analyse en intention de traiter (IT) et de l’analyse où les patients étaient stratifiés d’après le symptôme de la VH qui les incommodait le plus. Toujours au terme des 12 semaines, une amélioration statistiquement significative (p<0,0001) a été notée dans toutes les rubriques du q-VH, que les données aient été analysées selon le principe de l’IT ou stratifiées en fonction du symptôme le plus incommodant (Tableau 1).

Tableau 1. Variation médiane des rubriques du q-VH après 12 sema
vs valeurs de départ)

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La corrélation la plus importante a été notée entre l’amélioration des scores au PPBC et la réduction du score des urgences mictionnelles notées dans le carnet; venaient ensuite les corrélations avec la réduction des épisodes d’IUU, la réduction de la fréquence des mictions nocturnes et la réduction de la fréquence des mictions diurnes. Des corrélations similaires ont été observées entre les rubriques du q-VH et les variables consignées dans le carnet.

Les autres données à l’appui d’une corrélation entre les résultats rapportés par les patients et les mesures objectives des symptômes de la VH proviennent de l’analyse rétrospective des données d’un essai clinique randomisé et comparatif avec placebo qui portait sur 987 patients présentant une VH (813 femmes, 174 hommes). Dans le cadre de cet essai dirigé par le Dr Philip van Kerrebroeck, Hôpital universitaire de Maastricht, Pays-Bas, les patients étaient randomisés de façon à recevoir 4 mg une fois par jour de toltérodine à libération prolongée ou un placebo, après quoi ils étaient suivis pendant 12 semaines. Au départ et à 12 semaines, les patients remplissaient un carnet pendant sept jours et répondaient au PPBC. Les corrélations entre la variation du score au PPBC et le pourcentage médian de variation des épisodes d’IUU ont été évaluées au moyen des coefficients de Spearman.

«Les symptômes objectifs sont parfois difficiles à quantifier, fait remarquer le Dr van Kerrebroeck. La perception du trouble vésical pourrait être une variable encore plus importante pour ce qui est de prédire les probabilités de soulagement des symptômes du patient et, peut-être, les probabilités d’amélioration de sa QdV.»

À la fin de l’étude, on a observé une réduction significativement plus marquée des épisodes d’IUU chez les patients qui avaient reçu le traitement actif (71 %) que chez ceux qui avaient reçu un placebo (33 %, p<0,0001). En outre, les patients du groupe de traitement actif étaient plus nombreux à afficher une amélioration du score au PPBC que les patients du groupe placebo (58 % vs 45 %, respectivement; p<0,0001).

Les résultats confirment la pertinence des résultats spécifiques de la maladie rapportés par les patients dans l’évaluation des effets du traitement sur la VH.

«Nous voyons maintenant que les retombées de la VH sur la QdV sont peut-être plus importantes encore que les résultats objectifs, parce qu’il peut y avoir un fossé qui sépare les résultats objectifs des aspects de la QdV-S et de la perception du patient, affirme le Dr van Kerrebroeck. Cela est lié au fait que nous savons maintenant, à la lumière des données physiopathologiques à notre disposition, que l’urgence mictionnelle alimente les autres anomalies, y compris la fréquence accrue des mictions et l’incontinence. C’est donc dire que l’urgence mictionnelle est, par définition, une perception subjective. Si c’est la force motrice, nous devrions viser à l’améliorer.»

Examen des répercussions de la VH sur les membres de la famille

Certes, la VH a des répercussions négatives sur la QdV-S du patient, mais on ignore l’impact de la maladie sur les membres de la famille. La première évaluation d’un instrument servant à mesurer les répercussions de la VH sur les membres de la famille a indiqué que cet instrument est fiable et valable et qu’il peut démontrer que les autres membres de la famille sont affectés par la maladie, même lorsqu’ils ne vivent pas tous sous le même toit.

Une version préliminaire du questionnaire OAB-FIM (OAB Family Impact Measure) à 32 items a été testée chez 193 paires patient/membre de la famille (163 patients atteints d’une VH et 30 témoins). Après la première évaluation de cette version préliminaire, les investigateurs ont éliminé 13 items pour diverses raisons comme une variabilité restreinte, la redondance ou la saturation inappropriée d’un facteur. Cette échelle révisée, comportant 19 items et six sous-échelles, a de nouveau été testée auprès des 193 mêmes paires patient/membre de la famille.

On a observé une corrélation significative entre les scores des membres de la famille sur toutes les sous-échelles du questionnaire OAB-FIM et les scores des patients correspondants pour toutes les rubriques du q-VH et le questionnaire PPBC, explique le Dr Louis Matza, United BioSource Corporation, Bethesda, Maryland. En outre, toutes les sous-échelles du questionnaire OAB-FIM permettaient de différencier les membres de la famille des patients atteints de VH et les membres de la famille des témoins. Pour toutes les sous-échelles de l’OAB-FIM, on a noté une relation linéaire entre le score des membres de la famille et les cotes attribuées par le clinicien quant à la sévérité de la VH.

«Le questionnaire semble très fiable et valable, souligne le Dr Matza. Nos résultats donnent à penser que la VH a des répercussions négatives sur les membres de la famille, même si ceux-ci ne vivent pas sous le même toit.»

Résumé

Les agents antimuscariniques ont fait la preuve de leur utilité en première intention dans le traitement de la VH. Cependant, fait remarquer le Dr Kaplan, «à mesure que se précise le rôle des agents antimuscariniques, nous voyons que la prévalence de la VH est semblable chez les hommes et les femmes; or, les probabilités de recevoir un agent antimuscarinique sont quatre fois plus faibles chez l’homme que chez la femme. Notre façon de faire – qui diffère selon le sexe – est une question que nous devons revoir de plus près, dit-il. Les données présentées au congrès ont montré l’innocuité et l’efficacité de la toltérodine à libération prolongée en monothérapie, tant chez l’homme que chez la femme, ainsi qu’en association avec un a-bloquant chez les hommes qui présentent à la fois une obstruction du col vésical et une hyperactivité du détrusor. Enfin, l’amélioration objective des symptômes est corrélée statistiquement et cliniquement avec la perception du patient quant au soulagement de son trouble vésical et à l’amélioration de sa QdV-S.

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