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Nouvelles orientations du traitement de la migraine chez la femme : mise à jour sur le rôle des triptans

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

48e Assemblée scientifique annuelle de l’American Headache Society

Los Angeles, Californie / 22-25 juin 2006

Les problèmes associés à la migraine chez la femme ont été au cœur des discussions scientifiques du congrès. Le Dr Stephen Silberstein, Thomas Jefferson University Hospital, Philadelphie, Pennsylvanie, et président de l’American Headache Society (AHS), a souhaité la bienvenue aux délégués à ce congrès de «la communauté des cliniciens et des scientifiques résolus à améliorer la vie des personnes atteintes de céphalées».

Diversifié tant au point de vue du contenu que de la forme, le programme proposait débats, conférences et présentations sur des sujets tels que les interventions comportementales et non pharmacologiques, les nouvelles stratégies en imagerie et les progrès du traitement pharmacologique. Comme le rappelle le Dr Kenneth Holroyd, Ohio University, Athènes, «l’un des objectifs arrêtés de l’AHS est de réduire le fardeau associé aux céphalées migraineuses». Selon l’AHS, la migraine afflige plus de 28 millions de Nord-Américains – ce qui représente près de une femme sur cinq.

La menstruation est un facteur déclenchant notoire des crises migraineuses chez de nombreuses femmes, mais les symptômes peuvent être plus sévères, plus douloureux et plus persistants. Le Dr Vincent Martin, University of Cincinnati, Ohio, et ses collègues ont présenté les résultats d’une étude randomisée, contrôlée par placebo et à double insu portant sur deux cohortes parallèles ayant traité une crise unique et dont le protocole avait été approuvé par le comité d’examen de l’établissement concerné. On a demandé aux sujets de traiter une migraine précocement. L’étude était sous-tendue par l’hypothèse voulant que le traitement soit plus efficace s’il est mis en route lorsque la migraine est encore d’intensité légère, qu’elle est présente depuis moins d’une heure et qu’elle n’est pas de type spontanément résolutive. Des études antérieures indiquent que les triptans peuvent contribuer à améliorer l’issue du traitement s’ils sont utilisés de cette façon (Cady et al. Headache 2006;46[6]:914-24).

L’étude incluait des femmes âgées d’au moins 18 ans qui avaient des antécédents de migraines avec ou sans aura répondant aux critères établis en 2004 par l’International Headache Society, et dont le mode habituel d’évolutivité des crises correspondait à une douleur légère au début qui s’intensifiait progressivement.

Les patientes ont été randomisées dans un groupe rizatriptan (agoniste sélectif des récepteurs de la 5-hydoxytryptamine1B/1D) et dans un groupe placebo selon un ratio de 2:1. Les résultats de l’étude ont montré que, chez ces 94 participantes, la probabilité de disparition de la douleur deux heures après la prise du traitement était significativement plus élevée dans le groupe rizatriptan que dans le groupe placebo (63,5 % [40/63] vs 29,0 % [9/31], p=0,002). Ces résultats concordaient avec les taux observés antérieurement chez des sujets souffrant de migraines non cataméniales et ayant reçu le rizatriptan par opposition à un placebo (57,5 % vs 31,3 %). Les chercheurs ont aussi constaté que l’incidence de la photophobie et celle de la phonophobie étaient moindres dans le groupe sous traitement actif (22 % vs 39 % pour le placebo [p=0,066], et 17 % vs 29 % pour le placebo [p=0,196], respectivement), et que l’incidence des nausées était aussi significativement réduite (10 % vs 39 %, p=0,001). Au vu de ces résultats, le Dr Martin et son équipe ont conclu que «le rizatriptan à 10 mg était efficace pour traiter les migraines cataméniales dans un modèle d’intervention précoce». Leurs conclusions ont été réaffirmées dans le cadre d’autres présentations démontrant l’efficacité de l’ensemble des triptans pour traiter les migraines cataméniales.

Préférence des patients

Lorsqu’ils choisissent un médicament pour traiter leurs migraines, les patients préfèrent souvent les agents à action rapide qui sont les plus efficaces pour éliminer la douleur migraineuse. Dans une étude croisée et réalisée en mode ouvert dont les résultats ont été présentés au congrès, les chercheurs ont comparé l’efficacité du rizatriptan à celle de divers autres médicaments habituellement utilisés dans le traitement de la migraine. Pour les besoins de cette étude, les médicaments habituels correspondaient aux non-triptans ou à tout autre triptan que le rizatriptan, tels le sumatriptan, le zolmitriptan, l’élétriptan ou l’almotriptan.

Les participants ont traité deux crises migraineuses consécutives par le rizatriptan à 10 mg et par un autre médicament d’ordonnance, l’ordre d’utilisation des deux traitements étant laissé à leur discrétion. Les critères d’admissibilité à l’étude étaient les suivants : être âgé d’au moins 18 ans, avoir reçu un diagnostic médical de migraine et faire au moins une crise par mois, n’avoir jamais pris de rizatriptan mais avoir été traité par un autre médicament oral prescrit pour le traitement de la migraine. Les participants ont donné leur consentement par écrit et ont rempli un questionnaire initial au début de l’étude. Le paramètre principal d’évaluation était le délai de disparition de la céphalée.

Les patients devaient utiliser un chronomètre et remplir un carnet de traitement afin de noter leurs résultats. Sur les 1489 patients qui ont traité deux crises migraineuses consécutives, 81 % ont utilisé un triptan oral dans les deux cas. Il est ressorti de cette étude que, comparativement aux médicaments habituels, le rizatriptan était associé à un délai moindre de disparition de la douleur (moyenne de 222 minutes vs 298 minutes; p<0,001), de même qu’à un délai moindre d’atténuation de la douleur (84 minutes vs 107 minutes; p<0,01). En outre, comparativement aux autres médicaments, le rizatriptan avait davantage la faveur des patients si l’on en juge par le nombre significativement plus élevé d’entre eux qui ont indiqué en être «très satisfaits» ou «satisfaits» (65,4 % vs 57,7 %, p<0,001) et qui l’ont préféré aux autres agents (58 % vs 42 %, p<0,001).

S’appuyant sur ces résultats, les chercheurs ont fait observer que le rizatriptan permettait de supprimer la douleur et d’amorcer un soulagement plus rapidement que les médicaments habituels, attributs qui laissaient présager la plus grande satisfaction et la préférence exprimées à l’égard du médicament.

Bien que les triptans aient fait la preuve de leur efficacité dans le traitement de la migraine, il arrive souvent qu’ils ne soient pas utilisés comme traitement de première intention des crises aiguës. La Dre Daisy Ng-Mak, West Point, Pennsylvanie, et ses collègues ont examiné les raisons de ce phénomène. Aux fins de leur étude, les chercheurs ont comparé le rizatriptan avec des non-triptans à l’égard des paramètres suivants : le délai de disparition de la douleur, le délai d’atténuation de la céphalée, la satisfaction du patient et la préférence du patient. Il s’agissait d’une étude prospective, multicentrique, croisée et ouverte réalisée auprès de patients que l’on avait munis d’un chronomètre et d’un carnet de traitement afin qu’ils notent leurs résultats.

Pour être admissibles à l’étude, les patients devaient être âgés d’au moins 18 ans, avoir reçu un diagnostic médical de migraine et faire au moins une crise par mois, n’avoir jamais reçu de triptan et avoir déjà reçu un médicament oral d’ordonnance à l’exclusion des triptans pour le traitement de la migraine avant l’admission à l’étude. Le paramètre principal d’évaluation était le délai de disparition de la céphalée. On avait demandé aux patients de consigner leur réponse au traitement lors de deux crises migraineuses consécutives, lesquelles devaient être traitées par le triptan et par le non-triptan en mode croisé selon la séquence choisie par le patient.

Les investigateurs ont constaté que le délai de disparition de la douleur était de 90 minutes pour la crise traitée par le triptan vs 150 minutes pour la crise traitée par le non-triptan (p=0,006); en ce qui a trait à l’atténuation de la douleur, les délais correspondants étaient de 40 minutes vs 60 minutes (p=0,006). Lorsqu’ils se reportaient à la crise traitée par le triptan, 60,3 % des patients ont déclaré être «satisfaits» ou «très satisfaits» du traitement, comparativement à 47,9 % pour la crise traitée par un non-triptan. Selon une évaluation du délai de disparition de la douleur fondée sur un modèle de hasards proportionnels, le triptan s’est avéré 42 % plus efficace que les non-triptans pour faire disparaître la douleur, signalent les chercheurs. Les chercheurs ont également observé que le triptan était 35 % plus efficace que les non-triptans pour raccourcir le délai d’atténuation de la douleur. De plus, chez les patients ayant fait état d’une préférence, 63 % (66/105) préféraient le triptan, par comparaison à 37 % (39/105) dans le cas des non-triptans; 26 % de tous les patients de l’étude (36/141) n’ont pas exprimé de préférence.

Selon la Dre Ng-Mak, «environ les deux tiers des patients préféraient le rizatriptan au non-triptan qui leur avait été prescrit pour le traitement de la migraine aiguë». D’autres résultats ont documenté un délai moindre de disparition de la douleur et un début de soulagement plus rapide pour le rizatriptan que pour les non-triptans, ainsi qu’une plus grande satisfaction à l’égard du triptan.

Orientations futures

Comme ces études le montrent, l’avenir du traitement de la migraine pourrait résider dans une meilleure éducation des patients de manière à les aider à reconnaître et à traiter les migraines tôt, avant qu’elles ne s’exacerbent. En outre, les variétés particulières de crises migraineuses, comme celles qui sont associées à la menstruation, pourraient elles aussi être mieux maîtrisées grâce à une intervention précoce.

Le Dr Richard Hargreaves, West Point, Pennsylvanie, a discuté des perspectives de recherche dans le domaine. Il a dressé un état des lieux concernant le traitement, a décrit certains aspects de la physiopathologie de la migraine et a présenté les recherches en cours visant à concevoir de nouvelles méthodes de traitement. Faisant référence aux nouvelles recherches en imagerie pour l’étude des migraines, le Dr Hargreaves souligne qu’«il nous faut recourir à l’imagerie pour comprendre la physiopathologie sous-jacente».

Ce thème a trouvé un écho dans les propos du Dr Peter Goadsby, Institute of Neurology, Londres, Royaume-Uni, qui décrit la migraine comme un «trouble constitué de crises répétées». «Il s’agit plus exactement d’un processus morbide», ajoute-t-il.

En matière de traitement, le Dr Hargreaves estime que «nous devons vraiment faire mieux». Toutefois, dit-il, l’avenir de la recherche paraît prometteur. «En médecine préventive, nous ne sommes certes pas à court d’idées.»

Fardeau de la migraine chez les femmes

Il a également été question de la migraine lors de la 41e Assemblée annuelle du Congrès canadien des sciences neurologiques (CCSN) qui s’est tenue à Montréal durant la semaine précédant le congrès de l’AHS. À cette occasion, le Dr Allan Purdy, neurologue, Queen Elizabeth Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse, faisait l’observation suivante : «dans les céphalées, le diagnostic compte plus que tout, or le diagnostic des céphalées et des migraines est extrêmement difficile».

Chez les Canadiennes, la prévalence de la migraine s’établit officiellement à 26 % – ou quelque trois millions de femmes – selon le Canadian Women and Migraine Survey, une enquête effectuée par l’organisme Headache Network Canada. Les résultats de cette enquête ont été présentés dans le cadre des séances scientifiques du CCSN par la Dre Lara J. Cooke, chef-résidente en neurologie, service des neurosciences cliniques, Foothills Medical Centre, Calgary, Alberta, et par le Dr Werner Becker, professeur titulaire, département de neurosciences cliniques, University of Calgary.

Cette enquête téléphonique auprès de la population a identifié plus de 1000 migraineuses. Parmi celles-ci, seulement 51,5 % avaient consulté un médecin, et seulement 15 % avaient vu un neurologue. Pourtant, le retentissement sur leur vie était considérable. En moyenne, les crises entraînaient 21 jours d’incapacité totale ou partielle par année pour chaque femme. Presque toutes les répondantes (92 %) déploraient des journées perdues en raison de leur incapacité à accomplir leur travail ou leurs activités familiales.

Révélation saisissante, il est également ressorti de l’étude que 61 % des femmes faisaient face à leurs crises de migraine en s’alitant jusqu’à ce qu’elles passent. La plupart des femmes (90 %) prenaient un médicament quelconque destiné au traitement de la migraine, mais l’emploi de triptans était rare (8 %). L’ibuprofène était le médicament le plus couramment utilisé (35 %), suivi de l’acétaminophène avec codéine (18 %) et de l’acétaminophène (8 %).

Après avoir pris leur médicament antimigraineux, seulement 25 % des migraineuses pouvaient reprendre leurs activités normales dans un délai de deux heures. La plupart des femmes (46 %) n’étaient que partiellement satisfaites du traitement. Dans une étude publiée en 1999 par Lipton et al., on rapportait un taux similaire de 48 % de migraineux pour qui le traitement était seulement plus ou moins satisfaisant (Headache 1999;39:S20-S26).

Traitements efficaces à notre disposition

«La sous-utilisation des triptans n’étonne qu’à moitié, a fait observer le Dr Becker après la présentation. Elle reflète probablement le fait qu’un grand nombre de migraineux ne savent pas quels sont les meilleurs médicaments pour traiter la migraine et ignorent qu’il existe peut-être de meilleurs choix pour eux que les analgésiques en vente libre. Cela indique peut-être aussi que de nombreux médecins ne saisissent pas vraiment à quel point la migraine peut être invalidante et ne consacrent par conséquent pas suffisamment de temps à rechercher le médicament qui convient le mieux à chaque patient.»

Il s’impose de sensibiliser le public au retentissement des céphalées migraineuses sur la société et de l’informer de l’existence sur le marché d’antimigraineux efficaces, qui sont actuellement sous-utilisés, approuve la Dre Cooke.

«Une affection aussi répandue et qui entraîne très souvent une incapacité importante mérite plus d’attention de la part de notre système de santé et de la société en général, affirme le Dr Becker. Nous devons nous efforcer davantage d’éduquer le public sur la migraine et d’aider les médecins à comprendre que cette affection entraîne une incapacité considérable, mais que de bons traitements existent.»

L’opinion selon laquelle il est nécessaire d’améliorer la prise en charge de la migraine au Canada est confortée par les conclusions d’un article publié récemment sur les données du projet CHORD (Canadian Headache Outpatient Registry and Database) (Jelinski et al. Cephalalgia 2006;26[5]:578-88). Selon le Dr Becker et ses collègues, avant que le patient migraineux ne soit adressé à un spécialiste, il est fréquent que le traitement de la migraine ne soit pas conforme aux lignes directrices actuelles, et l’on constate une sous-utilisation des triptans et des médicaments prophylactiques.

«Les données de la base de données CHORD concernent une tout autre population de patients, à savoir les cas les plus sévères du spectre des céphalées qui sont adressés aux spécialistes des céphalées, explique le Dr Becker. Même si [comparativement à ce qui était observé dans l’enquête menée auprès de Canadiennes issues de la population générale], les participants à l’étude CHORD étaient beaucoup plus nombreux à prendre un triptan au moment où ils ont été adressés au spécialiste des céphalées — soit environ 49 % — ce pourcentage était vraisemblablement encore bien en deçà de ce qu’il aurait dû être.»

En fait, après avoir consulté un spécialiste, 97,2 % de ces patients ont reçu un triptan. «À l’évidence, il reste beaucoup à faire pour améliorer le traitement du patient aux prises avec des migraines difficiles», conclut le groupe.

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