Comptes rendus

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Progrès dans la maîtrise du rhumatisme psoriasique : regard sur les manifestations articulaires et extra-articulaires

Spondylarthrite ankylosante accompagnée de symptômes extra-articulaires : l’inflammation est le dénominateur commun

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 7e Congrès européen annuel de rhumatologie (EULAR)

Amsterdam, Pays-Bas / 21-24 juin 2006

Selon une enquête à laquelle participaient 458 rhumatologues de six pays, ce sont les médecins du Canada qui étaient le plus susceptibles de demander aux patients atteints de spondylarthrite ankylosante (SA) s’ils présentaient des symptômes extra-articulaires. En effet, 81 % des médecins du Canada ont répondu par l’affirmative, par comparaison à une moyenne de 66 %. Ce même pourcentage était presque deux fois plus élevé au Canada qu’en France, où seulement 46 % des médecins posent la question régulièrement. Ces statistiques dénotent une sensibilisation encourageante des médecins au lien qui existe entre les symptômes articulaires et les symptômes extra-articulaires, comme l’uvéite, les maladies inflammatoires de l’intestin (MII) ou le rhumatisme psoriasique. De l’avis des experts, on devrait maintenant demander systématiquement aux patients s’ils souffrent de symptômes extra-articulaires compte tenu de l’importance d’une maîtrise globale des manifestations de la maladie.

Symptômes articulaires et extra-articulaires : un mécanisme commun

De l’avis du Dr Filip Van den Bosch, service de rhumatologie, Hôpital universitaire, Université de Gand, Belgique, les symptômes articulaires et extra-articulaires peuvent être considérés comme des manifestations phénotypiques distinctes d’une voie inflammatoire sous-jacente commune, lesquelles entraînent l’apparition de lésions organiques et une augmentation de la morbi-mortalité. «Depuis que l’on sait que les symptômes articulaires et extra-articulaires partagent la même pathogenèse inflammatoire sous-jacente, de nouvelles démarches thérapeutiques ciblant le patient atteint de SA dans son ensemble ont vu le jour», dit-il.

Les données les plus récentes montrant que la SA est souvent compliquée de symptômes extra-articulaires proviennent de l’étude ASPECT (Ankylosing Spondylitis Patients Epidemiological Cross-sectional Trial), dans laquelle 42 % des 887 patients atteints de SA évalués en Belgique présentaient des symptômes extra-articulaires. Dans son allocution, le Dr Van den Bosch a précisé que 26,5 % des sujets d’ASPECT souffraient d’une uvéite, 10,5 %, de psoriasis, 10 %, d’une MII et 5 %, de plus d’une manifestation extra-articulaire. «Cette analyse souligne clairement l’importance de reconnaître et de traiter les facteurs de comorbidité inflammatoire [chez les patients atteints de SA]», indique-t-il.

L’inflammation est la voie physiopathologique commune qui unit les symptômes articulaires et les symptômes extra-articulaires de la SA. Ce rôle central de l’inflammation n’a pas seulement été démontré dans des études mécanistes, mais aussi dans des essais cliniques portant sur des inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa), cytokine dominante dans le processus inflammatoire. Les inhibiteurs du TNFa sont souvent ce que l’on appelle des agents biologiques. Au Canada, l’infliximab est déjà indiqué pour le traitement des MII et s’est révélé efficace contre le rhumatisme psoriasique. L’adalimumab, autre inhibiteur du TNFa, n’a pas été évalué en profondeur dans le traitement des maladies inflammatoires extra-articulaires, mais des études préliminaires donnent à penser qu’il serait actif.

Manifestations extra-articulaires

«Il est clair que, peu à peu, les agents biologiques se taillent une place dans la prise en charge des patients atteints de SA, mais il est important d’évaluer chacun de ces médicaments de façon indépendante. Les anticorps monoclonaux et les récepteurs solubles sont dotés de propriétés différentes et ont des profils de liaison au TNFa qui diffèrent. Ils peuvent donc donner lieu à des différences substantielles quand ils interviennent dans ces processus inflammatoires», explique le Dr Van den Bosch.

L’un des avantages des agents biologiques dans le traitement de la SA est que la maîtrise des symptômes semble durable. Il ressort des nouvelles données à deux ans de l’étude ASSERT (Ankylosing Spondylitis Study for the Evaluation of Recombinant infliximab Therapy) que l’effet bénéfique a été durable à la fois chez les patients qui ont reçu d’emblée le traitement par l’infliximab et chez les patients qui ont d’abord reçu un placebo avant de changer de groupe après 24 semaines. Dans le cadre de cette étude multicentrique, 61 % des 200 patients du groupe de traitement actif vs 19 % des 75 patients du groupe placebo avaient atteint le critère ASAS 20 (amélioration de 20 % à l’évaluation de la SA) après 24 semaines. À 102 semaines, 72 % des patients randomisés dans le groupe de traitement actif et 74 % des patients du groupe placebo qui étaient passés au groupe infliximab répondaient au critère ASAS 20. La plupart des autres patients des deux groupes (27 % des patients du groupe placebo et 23 % des patients du groupe de traitement actif) avaient déjà mis fin à leur traitement à ce moment-là. Seulement 9 % des patients du groupe de traitement actif ont abandonné le traitement en raison d’effets indésirables.

«Cette étude montre que l’infliximab a permis une amélioration soutenue sur une période de deux ans, et que son profil d’innocuité était acceptable», conclut le Dr Jürgen Braun, directeur médical, Rheumazentrum Ruhrgebiet, St-Josefs-Krankenhaus, Herne, et professeur titulaire de rhumatologie, Université libre de Berlin, Allemagne.

Données à cinq ans maintenant disponibles

Les résultats de cette étude sont compatibles avec ceux des études de prolongation en mode ouvert qui avaient pour objectif d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’infliximab dans le traitement de la SA. D’autres essais comparatifs ont utilisé divers paramètres cliniques, comme le score sur l’indice BASDAI (Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index) et l’indice BASFI (Bath Ankylosing Spondylitis Functional Index). Citant les données non publiées d’une étude de prolongation à trois ans (les données à deux ans ont été publiées en 2004 : Braun et al. Ann Rheum Dis 2005;64:229-34) qui portait sur des patients ayant continué de recevoir l’infliximab à 5 mg/kg toutes les 6 semaines jusqu’à la semaine 102, le Dr Braun a signalé très peu de détérioration par rapport à la première année selon l’indice BASDAI; en effet, on a noté une amélioration de 50 % par rapport aux valeurs initiales chez 63 % des patients au terme de la première année vs 61 % des patients au terme de la troisième. Par ailleurs, précise-t-il, le score BASDAI s’était amélioré de 70 % après trois ans chez 39 % des patients.

Il est ressorti de la phase de prolongation d’une étude – dont les premiers résultats ont été publiés en 2002 (Braun et al. Lancet 2002; 359:1187-93) et dont les données remontent maintenant à cinq ans – que l’effet bénéfique avait persisté et que le profil de tolérabilité était demeuré acceptable. Tentant de suivre la trace des sujets de l’étude depuis l’étude initiale de trois mois jusqu’au terme des cinq ans, le Dr Xenophon Baraliakos, collègue du Dr Braun au St-Josefs-Krankenhaus, a souligné que 65 des 69 patients avaient été admis à la phase ouverte. Le nombre de patients se chiffrait à 54 après la première année, à 49 après la deuxième année et à 43 après la troisième année; puis, 42 patients ont été admis à une autre phase de prolongation de deux ans. Au terme de la période de cinq ans, 41 patients recevaient toujours le traitement, ce qui représente près de 60 % de ceux qui avaient été admis à la période initiale de trois mois. À cinq ans, 28 patients (68,3 %) bénéficiaient d’une amélioration de 50 % par rapport à leur score BASDAI initial. Le critère ASAS 40 a été atteint chez 63,4 % des patients. Les effets indésirables ont entraîné très peu d’abandons au fil des cinq ans, et aucun effet indésirable majeur n’est survenu au cours des cinq ans de traitement, fait valoir le Dr Baraliakos. «Les données de cette étude mettent au jour un effet bénéfique soutenu pendant cinq ans sans signe d’augmentation cumulative des effets indésirables», ajoute-t-il.

Bien qu’aucun essai majeur n’ait fait de comparaison directe des inhibiteurs du TNFa, prévient le Dr Braun, la plupart des données cliniques sur l’évaluation de ces agents dans le traitement des symptômes articulaires et extra-articulaires proviennent d’études sur l’infliximab. «L’infliximab est maintenant associé à une diminution des signes, des symptômes et des poussées de psoriasis, de colite associée aux MII et d’uvéite antérieure chez les patients atteints de SA. Certains rapports préliminaires encourageants laissent même entendre que cet agent pourrait décélérer la progression radiographique», affirme le Dr Braun.

D’autres inhibiteurs du TNFa exercent une activité significative sur les symptômes articulaires. Lors de l’étude ATLAS (Adalimumab Trial evaluating Long-term Efficacy and Safety in Ankylosing Spondylitis), 315 patients atteints de SA chez qui au moins un traitement par un AINS avait échoué ont reçu après randomisation l’adalimumab ou un placebo selon un rapport 2:1. À 12 semaines, les patients pouvaient recevoir le traitement actif en mode ouvert si leur réponse était inappropriée, ce que plus de la moitié des patients du groupe placebo ont fait. Après 24 semaines, lorsque tous les patients ont commencé à recevoir le traitement actif en mode ouvert, 69,2 % des patients du groupe placebo recevaient déjà l’inhibiteur du TNFa. Globalement, une rémission partielle – laquelle se définissait comme l’atteinte du critère ASAS 20 – a été observée chez 58 % des patients du groupe de traitement actif après 12 semaines et chez 46 % après 52 semaines.

Résumé

Selon une enquête menée auprès de rhumatologues du Canada et de cinq pays européens, 97 % des répondants étaient d’accord pour dire que l’objectif du traitement de la SA est de maîtriser l’inflammation. Un tel taux montre une bonne sensibilisation au processus physiopathologique clé qui sous-tend à la fois les symptômes articulaires et les symptômes extra-articulaires. Certes, les inhibiteurs du TNFa ne sont pas nécessaires en première intention chez tous les patients, mais ils sont particulièrement intéressants pour les patients qui présentent à la fois des symptômes articulaires et extra-articulaires «parce qu’ils ciblent la composante inflammatoire centrale de la maladie qui donne lieu à de multiples manifestations», rapporte le Dr Martin Rudwaleit, Campus Charité Benjamin Franklin, Université libre de Berlin. «Il est essentiel de choisir les patients les plus appropriés, car la sélection des patients à qui l’on prescrit un inhibiteur du TNFa permet d’optimiser l’issue du traitement.»

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