Comptes rendus

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Nouvelles recommandations canadiennes en cardiologie interventionnelle : les bénéfices associés aux nouvelles stratégies antiplaquettaires sont pris en compte

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2011

Vancouver, Colombie-Britannique / 22-26 octobre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les cardiologues interventionnistes ont réagi rapidement à l’arrivée sur le marché des nouveaux antiplaquettaires oraux dans le traitement du syndrome coronarien aigu (SCA), si l’on en juge par le nombre de symposiums et d’allocutions du congrès qui visaient à les informer de leurs indications et de leur utilisation. Le traitement antiplaquettaire est l’une des étapes les plus importantes de la prise en charge pour prévenir la survenue d’un événement cardiovasculaire (CV) après un SCA, et les gains associés aux nouveaux agents ont redéfini les soins optimaux.

«En Europe [www.escardio.org], le clopidogrel est maintenant recommandé pour les patients qui ne peuvent pas recevoir de ticagrelor ni de prasugrel», explique le Pr Lars Wallentin, professeur titulaire de médecine et chef de la recherche clinique, Hôpital universitaire, Uppsala, Suède. Comme l’explique le Pr Wallentin, qui était invité au Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire afin de présenter un point de vue européen, les résultats des essais d’envergure sur le ticagrelor et le prasugrel ont confirmé que, grâce à leur effet antiplaquettaire plus puissant, ces deux agents diminuent l’incidence des événements CV, reléguant ainsi le clopidogrel au traitement de deuxième intention. Le prasugrel est recommandé pour les patients n’ayant jamais reçu d’inhibiteur du récepteur P2Y<sub>12</sub> (anti-P2Y<sub>12</sub>) qui doivent subir une intervention coronarienne percutanée (ICP). Le ticagrelor est quant à lui considéré comme approprié chez tous les patients aux prises avec un SCA, quelle qu’ait été la stratégie de traitement initiale, y compris ceux qui ont reçu une dose d’attaque de clopidogrel (le traitement par le clopidogrel doit toutefois prendre fin lorsque le traitement par le ticagrelor est amorcé).

 

Données corroborantes

 

Les différences entre les deux agents reposent sur des données probantes. L’essai pivot de phase III sur le ticagrelor, PLATO, comportait peu de restrictions (Wallentin et al. N Engl J Med 2009;361:1045-57). En définitive, tous les patients en proie à un SCA qui se présentaient dans les établissements participants au cours des 24 heures suivant l’apparition des symptômes étaient admissibles, même s’ils avaient déjà reçu une dose d’attaque de clopidogrel juste avant la randomisation (46 % dans le groupe ticagrelor et 46.1 % dans le groupe clopidogrel). En revanche, lors de l’essai pivot de phase III sur le prasugrel, TRITON-TIMI 38 (Wiviott et al. N Engl J Med 2007;357:2001-15), seuls les patients devant subir une ICP non urgente étaient randomisés de façon à recevoir du prasugrel ou du clopidogrel. L’utilisation d’un anti-P2Y<sub>12</sub>, quel qu’il soit, au cours des 5 jours précédant l’hospitalisation était un critère d’exclusion.

Dans les deux essais, le nouvel anti-P2Y<sub>12</sub> a été associé à de meilleurs résultats que le clopidogrel (tous les sujets recevaient aussi de l’AAS), mais on a observé des différences quant au ratio bénéfice:risque relatif. Lors de l’essai PLATO, où tous les sujets étaient acceptés, le ticagrelor a été associé à une diminution de 16 % (p<0,001) du risque relatif de survenue de l’un des événements inclus dans le paramètre mixte, à savoir la mort d’origine vasculaire, l’infarctus du myocarde (IM) ou l’AVC; il a aussi été associé à une diminution de 21 % (p<0,001) de la mortalité CV. Il n’y avait aucune différence quant aux hémorragies majeures selon les critères de l’essai PLATO (p=0,42), mais la stratification des événements hémorragiques a fait ressortir une légère augmentation des hémorragies majeures non liées aux pontages aortocoronariens (4,5 % vs 3,8 %; p=0,03).

Lors de l’essai TRITON-TIMI 38, le prasugrel a été associé à une diminution de 19 % (p<0,001) des événements du même paramètre mixte que le paramètre de PLATO, mais cette diminution a été neutralisée par une augmentation de 32 % (p=0,03) des événements hémorragiques, tous types confondus. Le prasugrel n’a pas été associé à une réduction significative de la mortalité. Tentant de comprendre dans quelles circonstances son effet antiplaquettaire plus prononcé pourrait être mis à profit, les chercheurs ont stratifié les données et découvert que le risque hémorragique accru était concentré chez les patients de faible poids corporel (<60 kg), les patients de plus de 75 ans et les patients ayant des antécédents d’événement vasculaire cérébral.

 

Impact sur les recommandations

 

Le Canada s’est aussi doté d’une nouvelle série de recommandations sur le traitement antiplaquettaire, mais elles portent sur le traitement ambulatoire (Bell et al. Can J Cardiol 2011;27:S1-S59). Bien qu’une section importante soit consacrée aux nouveaux anti-P2Y<sub>12</sub> à l’utilisation des nouveaux anti-P2Y<sub>12</sub> après l’hospitalisation pour un SCA, les congressistes se sont surtout penchés sur le traitement de première intention, à court terme. Selon les recommandations canadiennes, le clopidogrel et le ticagrelor sont tous deux acceptables pour les soins ambulatoires pour la plupart des types de SCA (le prasugrel est recommandé chez les patients qui ont reçu une endoprothèse coronarienne et qui sont à la fois à risque élevé de thrombose et à faible risque d’hémorragie). Fait intéressant, le choix d’un agent pour le traitement à court terme dicte souvent le traitement d’entretien à long terme.

Si les nouveaux anti-P2Y<sub>12</sub> figurent déjà dans la liste de médicaments de certains établissements tertiaires au Canada, des établissements moins spécialisés ne seraient pas encore parvenus à l’inclure dans leur liste, au dire de certains participants. Une démarche systématique s’impose si l’on souhaite optimiser leur utilisation, mais leur introduction ne complique pas le traitement indûment lorsqu’une bonne décision s’impose rapidement.

«D’aucuns craignent qu’il y ait confusion, mais les recommandations sont très claires», affirme le Pr Wallentin, qui faisait référence aux recommandations européennes. Le traitement par le ticagrelor n’est pas contre-indiqué chez les patients qui ont déjà reçu une dose d’attaque de clopidogrel à leur arrivée au Service des urgences, ce qui est d’ailleurs une pratique courante pour de nombreuses équipes d’intervention d’urgence au Canada.

«En présence d’un IM sans sus-décalage du segment ST (IM ST-), nul besoin de se casser la tête très longtemps», fait remarquer le Dr Robert Welsh, directeur des cathétérismes cardiaques et de la cardiologie interventionnelle, University of Alberta, Edmonton. Les données ne laissent planer aucun doute : il vaut mieux utiliser du ticagrelor que du clopidogrel pour prévenir les récidives et prolonger la survie des victimes d’un IM ST-, enchaîne-t-il.

 

Considérations pratiques

 

Les risques et les bénéfices relatifs des nouveaux anti-P2Y<sub>12</sub> chez les victimes d’un IM avec sus-décalage du segment ST (IM ST+) sous fibrinolytique ne sont pas clairs en raison d’un manque de données sur l’innocuité et l’efficacité du traitement; le prasugrel et le ticagrelor sont donc contre-indiqués tous les deux dans cette population de patients. Dans le cas des patients qui subissent une ICP primaire pour un IM ST+, les nouvelles données sur l’utilisation du ticagrelor et du prasugrel dans ce sous-groupe concordent avec les principaux résultats des essais PLATO et TRITON-TIMI 38, respectivement. Depuis 18 mois, des établissements canadiens favorisent le prasugrel pour une ICP primaire, généralement chez des patients n’ayant jamais reçu de clopidogrel. Cependant, d’un point de vue pratique, l’indication d’une ICP n’est pas toujours claire au moment où le patient est admis pour un SCA, et de nombreux protocoles actuellement en vigueur indiquent que le traitement par le clopidogrel doit être amorcé peu de temps après le diagnostic. Certes, on pourrait aussi s’attendre à améliorer les résultats avec le prasugrel s’il était utilisé de façon appropriée, mais une méthodologie structurée de sélection des patients s’impose.

Dans l’ensemble, une démarche systématique pour la prise en charge en urgence d’un SCA est essentielle si l’on aspire à améliorer les résultats. En Alberta, par exemple, toutes les équipes d’intervention d’urgence suivent un protocole rigoureux qui consiste à administrer les traitements appropriés, y compris des antiplaquettaires, le plus tôt possible après un diagnostic de SCA. L’initiative visant à créer une démarche factuelle systématique était motivée par des considérations pratiques, affirme le Dr Welsh. Dans une vaste province comme l’Alberta, où l’établissement tertiaire le plus proche est parfois à des milliers de kilomètres de distance, «il est essentiel de connaître les statistiques». C’est donc dire qu’il faut souvent réévaluer le délai de réponse et le délai d’administration du traitement afin de constamment améliorer la qualité des soins prodigués.

Le «premier contact avec le patient» est probablement la meilleure occasion que nous ayons d’améliorer les résultats, poursuit le Dr Welsh. L’objectif est d’établir le diagnostic le plus tôt possible. Comme 45 % de tous les IM ST+ enregistrés en Alberta surviennent en milieu rural, la prise de bonnes décisions au début du processus, y compris l’administration de traitements efficaces, est essentielle à l’obtention de meilleurs résultats.

 

Résumé

 

L’arrivée du ticagrelor et du prasugrel sur le marché nous donne la possibilité d’améliorer les résultats de la prise en charge à court et à long terme des SCA. On est en voie d’actualiser les recommandations officielles fondées sur des preuves afin de tenir compte de ces nouveaux antiplaquettaires, qui peuvent tous deux réduire significativement le risque d’événement CV par rapport au clopidogrel. Le ticagrelor, dont l’utilisation est moins restreinte grâce aux résultats des études avec randomisation qui ont servi à son homologation, est associé à une réduction de la mortalité d’origine CV. On s’attend à ce que ces agents, que de nombreux établissements tertiaires utilisent déjà au Canada, soient rapidement intégrés aux protocoles de tous les établissements qui traitent couramment des patients en proie à un SCA. ?

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