Comptes rendus

Nouvelles recommandations canadiennes en cardiologie interventionnelle : les bénéfices associés aux nouvelles stratégies antiplaquettaires sont pris en compte
Les agents biologiques autres que les anti-TNF élargissent l’éventail d’options pour la maîtrise de la polyarthrite rhumatoïde

Réponse rapide de la polyarthrite rhumatoïde au traitement : un bon indice du risque moindre d’atteinte articulaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 75e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

Chicago, Illinois / 5-9 novembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

De très nombreuses données montrent qu’une réponse plus précoce au traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) est corrélée avec une meilleure issue à long terme, quel que soit le paramètre que l’on utilise pour mesurer la maîtrise de la maladie. Les inhibiteurs du TNF et d’autres types d’agents biologiques sont généralement associés à une réponse plus rapide et plus complète que les agents de rémission traditionnels (DMARD); cela dit, le lien entre une réponse précoce et une meilleure issue à long terme semble indépendant du traitement.

«Ce n’est pas tout d’atteindre la valeur cible, il faut voir combien de temps on met à l’atteindre», affirme le Dr Edward Keystone, directeur, Rebecca MacDonald Centre for Arthritis and Autoimmune Diseases, Mount Sinai Hospital, Toronto, Ontario. Expert en mesure des retombées de la rapidité de maîtrise de la maladie sur l’issue clinique, il souligne que les essais sur les agents de rémission, telle l’étude CAMERA sur le méthotrexate (MTX) (Ann Rheum Dis 2011;70:1099-103), et les nouvelles données sur les agents biologiques vont dans le même sens. Cette observation a en soi des retombées immédiates sur les décisions cliniques, y compris les stratégies de substitution, dont l’objectif est de protéger les patients contre une maîtrise sous-optimale de la maladie.

 

L’essai RAPID1 plaide en faveur d’une maîtrise précoce

 

Les données les plus récentes et peut-être les plus importantes à l’appui du rôle critique d’une maîtrise précoce sont celles que le Dr Keystone a présentées au sujet du lien entre la réponse à 12 semaines et le risque d’atteinte structurale à 52 semaines. Ces données sont tirées de l’essai RAPID1, dont les sujets, atteints de PR modérée ou sévère, avaient reçu du MTX soit avec du certolizumab pegol, un anti-TNF, soit avec un placebo. Le degré de maîtrise obtenu à 12 semaines était évalué à l’aide des scores RAPID3 (Routine Assessment of Patient Index Data 3) ou DAS28(VS) de la Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR). On déterminait ensuite la corrélation entre le degré de maîtrise à 12 semaines et le score Sharp total modifié (mTSS) à 52 semaines.

Lorsque les chercheurs ont comparé les scores mTSS en fonction du degré de maîtrise obtenu à 12 semaines (bonne ou modérée vs médiocre), ils ont observé des différences substantielles. Parmi les patients sous MTX+certolizumab qui avaient atteint une réponse bonne ou modérée selon les critères RAPID3 à 12 semaines, 79 % ne montraient aucun signe de progression à 52 semaines, vs 70 % parmi ceux dont la réponse était médiocre. Parmi les patients sous MTX+placebo dont la réponse était médiocre à 12 semaines, 51 % ne montraient aucun signe de progression à 52 semaines. Les pourcentages étaient très semblables selon les critères DAS28(VS) de l’EULAR.

Toujours dans l’essai RAPID1, selon les critères DAS28(VS) de l’EULAR et RAPID3, le taux de réponse à 12 semaines atteignait respectivement 77,6 % et 66,8 % chez les sujets sous certolizumab, par comparaison à 29,1 % et 23,5 % des sujets sous MTX seul. De l’avis du Dr Keystone, il s’agit là de très bons taux de réponse précoce par rapport aux études antérieures sur d’autres agents biologiques, y compris d’autres anti-TNF. Cependant, renchérit-il, les scores mTSS concordent avec beaucoup d’autres données ayant objectivé un lien entre la réponse ACR20 à 12 semaines et la probabilité de maîtrise de la maladie à 52 semaines.

«À partir de quel moment peut-on dire que la non-réponse est prédictive d’une issue médiocre? Eh bien, nous pouvons maintenant prouver qu’une réponse à 12 semaines selon de nombreux types de critères est prédictive d’une réponse suffisante à 52 semaines», explique le Dr Keystone. La constance de ce lien donne tout lieu de croire qu’il pourrait être utile pour orienter le traitement.

 

Rémission à l’échelle moléculaire

 

L’importance d’une réponse précoce n’est pas le seul concept qui soit venu changer les objectifs du traitement de la PR. S’il est maintenant recommandé d’atteindre les valeurs cibles et de rigoureusement maîtriser la maladie, c’est que l’on aspire désormais à une rémission moléculaire. Avant l’ère des agents biologiques, le traitement était en grande partie dicté par la volonté de maîtrise des symptômes aigus, et les poussées récurrentes évoquaient la nécessité d’une intensification du traitement. Les agents biologiques nous donnent aujourd’hui la possibilité d’obtenir une maîtrise plus profonde de la maladie et notamment d’éviter les poussées, que l’on considère comme des manifestations d’une activité inflammatoire persistante.

«Si une poussée survient, c’est que le patient n’est pas en rémission», affirme le Pr Iain McInnes, chef, Division Immunologie, infection et inflammation, University of Glasgow, Royaume-Uni. Forts de l’expérience acquise avec les agents biologiques, les chercheurs cliniciens commencent à explorer le concept de la rémission moléculaire. Il pourrait s’agir d’un objectif à long terme, prévient-il, mais «c’est vraiment l’objectif ultime». De l’avis du Pr McInnes, l’atteinte d’un tel degré de maîtrise dépendra probablement de la bio-informatique, qui permet de mesurer simultanément plusieurs voies interactives et redondantes de la maladie. Quoi qu’il en soit, les agents biologiques «font une différence fantastique», non seulement au chapitre de la maîtrise de la PR, mais aussi parce qu’ils nous permettent d’évoluer vers la maîtrise des processus fondamentaux qui sous-tendent la maladie.

La Dre Vivian Bykerk, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, est elle aussi d’accord pour dire que l’avènement des agents biologiques a resserré la définition de la maîtrise de la maladie et que même les poussées occasionnelles sont de mauvais augure du fait qu’elles témoignent d’un traitement sous-optimal. Comme le Pr McInnes, elle affirme que «les patients qui ont de fréquentes poussées ne sont probablement pas en rémission» si l’on part du principe que les poussées sont sans doute alimentées par une activité inflammatoire persistante. Par ailleurs, poursuit-elle, la progression radiologique de la maladie est plus probable en présence de poussées qu’en leur absence, même si les scores d’activité de la maladie sont similaires à tous les autres égards.

 

Suppression de la maladie au-delà des symptômes

 

La théorie voulant que la maîtrise de la PR aille au-delà d’une simple suppression des symptômes gagne de plus en plus d’adeptes parmi les experts qui se tournent vers les essais cliniques pour comparer les agents selon cette optique. Ainsi, les critères définissant les bénéfices à lont terme sont de plus en plus rigoureux, en particulier dans les essais cliniques sur les agents biologiques.

Par exemple, dans l’essai de phase III SCAN sur le tofacitinib, inhibiteur des janus kinases, l’atteinte structurale à 24 mois était un paramètre d’évaluation distinct de la maîtrise de la maladie. Lors de cette étude, 797 sujets dont la PR était active et dont la réponse au MTX était insuffisante ont été randomisés de façon à recevoir l’une ou l’autre des deux doses de cet agent ou un placebo. Comme le souligne la Pre Désirée van der Heijde, Département de rhumatologie, Université de Leyde, Pays-Bas, les résultats partiels à 1 an mesurés par le score mTSS ont révélé que les deux doses de tofacitinib étaient supérieures (p<0,05) au placebo. «Non seulement a-t-on observé une plus forte proportion de patients sous placebo en progression, mais également une proportion plus forte de patients sous placebo dont la maladie était devenue sévère», souligne-t-elle.

Certes, la réponse globale à long terme est importante, mais on continue d’explorer le rôle de la réponse à court terme en tant que prédicteur de la probabilité de suppression de la maladie fondamentale, y compris de la protection contre l’atteinte structurale. Selon les récentes données de la prolongation de 16 semaines de l’essai REALISTIC, les patients qui recevaient le schéma placebo+DMARD durant la phase à double insu et qui sont passés au schéma certolizumab+DMARD durant la phase de prolongation ont rapidement atteint une réponse d’envergure semblable à celle des patients qui avaient reçu d’emblée l’agent biologique en plus d’un DMARD. Des patients qui n’avaient pas répondu à d’autres anti-TNF par le passé ont aussi bénéficié d’une réponse rapide.

«Ces résultats sont encourageants parce qu’ils montrent que l’activité de la maladie diminue rapidement et durablement en réponse au traitement par le certolizumab dans les cas où le traitement antérieur avait échoué», souligne le Pr Maxime Dougados, Hôpital Cochin, Université René Descartes, Paris, France.

Après 12 semaines de participation à l’essai à double insu REALISTIC, les patients qui avaient d’abord été randomisés de façon à recevoir du certolizumab ou un placebo en plus d’un DMARD ont été invités à participer à une phase de prolongation ouverte où tous les sujets recevaient le traitement actif. Bien que l’anti-TNF se soit révélé supérieur au DMARD seul selon tous les paramètres d’évaluation cliniques mesurés à 12 semaines, il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes initiaux quant aux scores évalués 16 semaines plus tard. Dans un contexte où l’on sait qu’une réponse rapide est un important prédicteur du bénéfice à long terme, ces données corroborent celles qui montrent que les agents biologiques peuvent infléchir le cours naturel de la PR.

 

Résumé

 

La maîtrise rapide et l’atteinte des valeurs cibles prennent une nouvelle dimension du fait qu’elles semblent exercer un effet profond sur l’activité de la maladie lorsque le traitement administré est un agent biologique. Nous avons maintenant pas mal de données montrant que la rapidité de la réponse a des retombées sur le pronostic et qu’elle pourrait constituer un critère utile pour le choix de l’agent initial ou d’un agent de substitution en présence d’une réponse précoce insuffisante. En parvenant à une réponse complète et précoce de même qu’à l’atteinte d’une valeur cible associée à la suppression des poussées, on espère stopper les processus moléculaires fondamentaux qui sous-tendent la PR. Les agents biologiques ont le mérite de rendre cette approche viable.

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