Comptes rendus

Progrès dans notre compréhension des processus pathologiques et du traitement de l’insuffisance rénale chronique et des maladies cardiovasculaires connexes
Traitement antimicrobien optimal des infections à SARM : concordance des données d’observation et des recommandations de pratique clinique

Nouvelles recommandations sur l’utilisation appropriée des anti-CCR5 dans le VIH/SIDA

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

LE FORUM - VIH/SIDA

Mai 2011

Commentaire éditorial

Sharon L. Walmsley, MD, FRCPC, MSc, Directrice, Recherche clinique sur le VIH, University Health Network, Professeure titulaire de médecine, Division des maladies infectieuses, University of Toronto, Toronto (Ontario)

INTRODUCTION

Il est essentiel d’utiliser les antirétroviraux judicieusement afin de se garder des options de traitement, a fortiori quand elles sont peu nombreuses, et de pouvoir tenir tête au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) connu pour son exceptionnelle propension à entraîner l’émergence de souches résistantes au traitement. Des experts du Canada ont récemment rédigé des recommandations consensuelles sur l’utilisation optimale du maraviroc, le seul antagoniste du corécepteur des chimiokines (motif C-C) de type 5– ou anti-CCR5 – actuellement sur le marché pour le traitement de l’infection à VIH. Le blocage du récepteur CCR5, que le VIH utilise pour entrer dans la cellule et l’infecter, a fait ses preuves en tant que mode d’action dans les associations médicamenteuses dirigées contre le VIH. Les nouvelles recommandations ont pour objectif de présenter le point de vue d’experts sur l’intégration appropriée de cet agent dans la pratique clinique. Bien que les indications autorisées par la Direction générale de la protection de la santé (DGPS) du Canada et les tests de tropisme (essentiels à la sélection des patients à qui l’on souhaite prescrire le maraviroc) aient évolué entre la rédaction des recommandations et leur publication, les concepts de base sous-jacents aux recommandations demeurent vrais et constituent une plate-forme pour la discussion entre experts, que ces derniers aient participé ou non à la rédaction des recommandations. C-C chemokine receptor type 5 (CCR5) inhibition is 1 of 5 mechanisms of action employed by available antiretroviral agents.1 With the exception of enfuvirtide, all of the remaining antiretroviral agents suppress HIV infection by inhibiting enzymatic processes within infected host cells.2 Enfuvirtide, like CCR5 inhibitors, also prevents retroviruses from entering target cells but it does so by a different mechanism, and it must be administered by injection.3 The drug classes that block enzymatic processes include inhibitors of protease (PIs), reverse transcriptase (nucleoside reverse transcriptase inhibitors [NRTIs] or non-NRTI [NNRTIs]) and integrase (INSTIs).

L’inhibition de l’entrée par le corécepteur des chimiokines (motif C-C) de type 5 – ou CCR5 – est l’un des cinq modes d’action des antirétroviraux actuellement sur le marché1. Exception faite de l’enfuvirtide et des anti-CCR5, dont les modes d’action sont semblables, les antirétroviraux combattent l’infection à VIH en inhibant un processus enzymatique à l’intérieur des cellules infectées2. Comme les anti-CCR5, l’enfuvirtide empêche le rétrovirus d’entrer dans la cellule cible, mais il y parvient par un autre mécanisme, et il doit être injecté3. Les classes d’agents qui font obstacle aux processus enzymatiques sont notamment les inhibiteurs de la protéase (IP), les inhibiteurs de la transcriptase inverse (nucléosidiques [INTI] ou non nucléosidiques [INNTI]) et les anti-intégrase qui bloquent le transfert de brin (InSTI).

Le CCR5 (R5) est l’un des deux corécepteurs des chimiokines se trouvant à la surface du lymphocyte CD4+ que le VIH utilise pour se fixer à la cellule hôte et amorcer le processus d’infection, qui aboutit en plusieurs étapes à la fusion de la membrane cellulaire et de la membrane virale4. Le tropisme viral désigne la propension de la souche infectante à utiliser ce corécepteur, l’autre corécepteur, le CXCR4 (X4), ou les deux (R5 et X4). Au début de l’infection, la plupart des souches virales utilisent le récepteur R5 exclusivement. À mesure que progresse l’infection et que le VIH est soumis à un nombre croissant de traitements médicamenteux, le tropisme mixte R5-X4 devient plus fréquent5 et représente généralement 50 % des isolats. Les souches qui utilisent exclusivement le corécepteur X4 étant rares, il est raisonnable, pour des raisons pratiques, de qualifier de virus R5-X4 le virus qui n’utilise pas exclusivement le corécepteur R5.

Contrairement aux agents qui inhibent les processus enzymatiques viraux intracellulaires, les antagonistes d’un récepteur comme le maraviroc et les inhibiteurs de la fusion comme l’enfuvirtide font obstacle à l’infection en tant que telle. En théorie, ce mode d’action est séduisant. Plusieurs agents expérimentaux utilisant ces mécanismes ont été testés en clinique, mais n’ont pas été retenus pour diverses raisons, dont leurs effets indésirables. Le vicriviroc, un autre anti-CCR5, a atteint la phase III en recherche clinique, mais on a ensuite mis fin à la recherche, si bien que le maraviroc demeure le seul anti-CCR5 que l’on puisse utiliser dans la pratique clinique.

Essais cliniques

À l’instar de nombreux antirétroviraux, le maraviroc a d’abord été testé chez des patients qui avaient déjà été traités. Comme c’est souvent le cas dans les essais sur le VIH, les participants aux essais de phase III, intitulés MOTIVATE-1 (Maraviroc versus Optimized Therapy in Viremic Antiretroviral Treatment- Experienced Patients-1) et MOTIVATE-2, ont été randomisés de façon à recevoir du maraviroc (150 mg, 1 ou 2 fois par jour) ou un placebo en plus d’un traitement de fond optimisé6. À 48 semaines, tous les paramètres d’évaluation de l’efficacité – y compris la réduction moyenne de la charge virale, la proportion de patients ayant une charge virale <50 copies/mL ou <400 copies/mL, et l’augmentation du nombre de cellules CD4+ – étaient au-delà de deux fois plus marqués sous maraviroc, quelle qu’en soit la dose, que sous placebo. Sur le plan statistique, l’avantage du maraviroc quant à la probabilité d’atteindre une virémie indécelable était hautement significatif (p<0,001 dans tous les cas). Le maraviroc a suscité encore plus d’intérêt lorsqu’on a constaté que les probabilités de réduction durable de la charge virale étaient plus fortes sous maraviroc, même en l’absence d’agents actifs dans le schéma de fond optimisé. La diminution de la charge virale était maximale lorsque le nombre d’agents actifs était maximal.

Comme le veut le cheminement usuel du développement clinique des antirétroviraux, l’efficacité du maraviroc a ensuite été testée chez des patients encore jamais traités. Lors de cette étude, intitulée MERIT (Maraviroc vs. Efavirenz Regimens as Initial Therapy), les patients ont été randomisés de façon à recevoir du maraviroc (300 mg, 1 fois/jour ou 2 fois/jour) ou de l’éfavirenz (600 mg, 1 fois/jour) en association avec les INTI suivants : zidovudine (ZDV) ou lamivudine (3TC)7. L’analyse des paramètres principaux à 48 semaines a révélé que le maraviroc était non inférieur à l’éfavirenz quant à la proportion de patients ayant une charge virale <400 copies/mL (70,6 % vs 73,1 %), mais pas quant à la proportion de patients ayant une charge virale <50 copies/mL (65,3 % vs 69,3 %) (Figure 1). Toutefois, on a rapidement soupçonné que la sensibilité du test de tropisme appelé Trofile – lequel devait servir à exclure les patients infectés par une souche virale à tropisme mixte R5-X4 – était insuffisante. Cet agent ayant été conçu expressément pour être utilisé avec un virus R5, pareille lacune était un coup mortel.

Peu de temps après, les données de l’étude MERIT ont été réanalysées à l’aide d’un test plus sensible, Trofile ES, et les résultats ont confirmé qu’environ 15 % des sujets de l’étude étaient infectés par des souches virales à tropisme mixte R5-X4 au départ8. Une fois ces patients exclus, l’analyse a révélé que le maraviroc – qui était mieux toléré que l’éfavirenz – était non inférieur selon tous les paramètres majeurs, y compris la proportion de patients ayant une charge virale <50 copies/mL (68,3 % vs 68,5 %) (Figure 1). Les résultats à 48 et à 96 semaines de la nouvelle analyse, connue sous le nom de MERIT ES, ont été publiés7,8, et les données à 96 semaines ont confirmé avec éloquence l’efficacité durable du maraviroc, sa noninfériorité ayant de nouveau été démontrée sur le plan de la proportion de patients ayant une charge virale <50 copies/mL (58,8 % vs 62,7 %). Au chapitre du délai de perte de réponse virologique, l’échec étant déterminé en fonction d’un seuil de 50 copies/mL, les taux d’efficacité à 96 semaines étaient presque identiques (60,5 % vs 60,7 %). Les résultats demeuraient similaires pour les sous-groupes potentiellement difficiles, par exemple les sujets ayant une charge virale élevée au départ, c’est-à-dire =105 copies/mL (56 % vs 56,7 %).

Figure 1. MERIT et MERIT ES : Proportion de patients ayant une charge virale <50 copies/mL à 48 semaines


Sur la foi de ces résultats, la Food and Drug Administration aux États-Unis et la Direction générale de la protection de la santé (DGPS) au Canada ont modifié l’indication initiale de façon à inclure les patients jamais traités au sein de la population ciblée. Certes, les recommandations canadiennes publiées récemment ont été rédigées avant la publication des résultats de l’étude MERIT ES et, par conséquent, avant l’expansion des indications, mais le Department of Health and Human Services (DHHS) aux États-Unis et le British Columbia Centre for Excellence in HIV/ AIDS ont tout de même ajouté le maraviroc aux options acceptables en première intention.

Que les patients aient déjà été traités ou non, la tolérabilité et l’innocuité du maraviroc sont rassurantes compte tenu des options existantes. Les effets indésirables les plus répandus sont la diarrhée, les nausées, les étourdissements, la fatigue et les céphalées6,7, mais ils demeurent tout de même peu fréquents et sont généralement d’intensité légère. Lors de l’étude MERIT originale, qui regroupait des patients jamais traités, le maraviroc s’est distingué de l’éfavirenz par un meilleur profil d’innocuité, les effets indésirables graves et les abandons pour cause d’effets indésirables ayant été moins nombreux sous maraviroc (Figure 2). En outre, ses effets sur les lipides sériques ou le métabolisme glucidique sont faibles, voire nuls.

Figure 2. MERIT : Résultats selon la n
oc de l’efficacité

<img4827|center>

Recommandations canadiennes consensuelles

Les recommandations canadiennes comportent un résumé complet de l’expérience avec le maraviroc chez les patients déjà traités, mais les données de l’étude MERIT ES et le perfectionnement des tests de tropisme sont venus après la publication des recommandations, ce qui en restreint les possibilités d’application à l’heure actuelle. Cependant, l’un des principes les plus importants, qui est toujours vrai, est que le maraviroc devrait être réservé aux patients infectés par un virus R5 et que le test de tropisme devrait être effectué avant le début du traitement ou peu de temps après. L’étude MERIT initiale et l’étude MERIT ES subséquente nous ont appris que l’utilisation d’un test qui ne détecte pas le tropisme mixte R5-X4 augmente le risque d’inhibition sousoptimale de la réplication virale. Lors de l’étude MERIT ES, on a réanalysé les données à l’aide du test Trofile ES, et ce test s’est d’ailleurs révélé plus sensible pour la détection de souches virales à tropisme mixte dans le cadre d’études comparatives8. Cela dit, les tests de tropisme ont évolué à plusieurs égards depuis la publication des recommandations consensuelles.

Si les tests phénotypiques de détermination du tropisme viral sont assez coûteux et sont généralement confiés à des laboratoires expérimentés, ce qui nécessite l’expédition d’échantillons dans certains cas, les laboratoires déjà équipés pour tester la résistance sont en mesure de faire à un coût moindre un test génotypique reposant sur le séquençage de la boucle V3 de la population virale. En Europe, le test Trofile ES et le test génotypique reposant sur le séquençage de V3 sont considérés comme deux solutions acceptables dans les recommandations consensuelles. Les auteurs européens des recommandations concluent que l’utilisation du test génotypique devrait se généraliser en raison de son coût moindre, de sa plus grande rapidité d’exécution et de sa plus grande accessibilité9. Bien que cette démarche ne soit pas envisagée expressément dans les recommandations canadiennes, elle demeure valable au Canada pour les mêmes raisons. Elle devrait par ailleurs faciliter l’intégr
ns la pratique clinique.

Tableau 1. Recommandations européennes

<img4828|center>

Rôle pratique dans la lutte contre le VIH

Le maraviroc est peut-être un antirétroviral approprié dans divers scénarios cliniques, mais ses caractéristiques uniques dictent une utilisation différente de celle des autres antirétroviraux. Si de nombreux agents sont typiquement envisagés en première intention (c’est le cas notamment de l’éfavirenz et de l’atazanavir, un IP), d’autres (l’enfuvirtide, par exemple) sont ordinairement réservés aux stades avancés de la maladie en raison de leur efficacité malgré la présence de multiples mutations de résistance. Dans un contexte optimal, le maraviroc pourrait être intégré précocement en deuxième intention chez de nombreux patients, bien qu’on puisse aussi envisager un traitement de première intention. Si beaucoup d’agents recommandés en première intention sont tout indiqués chez un grand nombre de patients, le maraviroc est intéressant en deuxième intention, après un échec. Il offre plusieurs caractéristiques favorables aux porteurs d’un virus à tropisme R5, notamment une excellente tolérabilité, un faible risque d’effets indésirables, y compris d’anomalies lipidiques, et un faible risque de résistance croisée aux autres antirétroviraux.

On ne sait pas avec certitude si on a intérêt à faire le test de tropisme avant le début d’un traitement antirétroviral afin de surveiller l’évolution de l’infection, mais ce test est certes une option intéressante quand on doit évaluer diverses options thérapeutiques en deuxième ou en troisième intention. L’un des avantages du test génotypique reposant sur le séquençage de la boucle V3 est de pouvoir reconnaître le virus à tropisme R5 même en présence d’une virémie indécelable. C’est donc dire qu’il permet de passer au maraviroc pour des raisons autres que l’échec, une tolérabilité insuffisante par exemple. L’optimisation de la séquence des antirétroviraux est essentielle en raison de l’apparition de mutations et de résistances croisées, les options se faisant de plus en plus rares avec le temps. Il importe de comprendre le profil unique du maraviroc et la place qui lui convient dans la trajectoire de l’infection si l’on aspire à intégrer cet agent avec succès dans la pratique quotidienne (Tableau 1).

Résumé

Les recommandations canadiennes de consensus sur le rôle du maraviroc aident à comprendre les caractéristiques cliniques de cet antirétroviral, mais la parution de nouvelles données après la publication des recommandations restreint l’intérêt de certaines conclusions des auteurs. En particulier, les données prouvant l’efficacité durable du maraviroc chez les patients jamais traités et l’introduction du test de séquençage de la boucle V3 de l’ADN proviral du VIH en réorientent l’utilisation clinique. Si, dans certains guides de pratique, le maraviroc est maintenant recommandé comme une option de première intention, les tests génotypiques facilitent son utilisation précoce dans les schémas de deuxième intention, surtout dans les cas où l’on envisage un changement de traitement malgré une virémie indécelable. Comme le test génotypique permet de reconnaître le virus R5 chez ces patients, on peut l’utiliser sans inquiétude dans le contexte où il est le plus utile, c’est-à-dire avant que l’infection ne soit suffisamment avancée pour que le tropisme mixte devienne plus probable. Bien toléré et doté d’un mode d’action unique, le maraviroc a des qualités particulières que l’on peut utiliser dans la pratique clinique.

Références

1. Hughes et. al. New antiretroviral drugs: a review of the efficacy, safety, pharmacokinetics, and resistance profile of tipranavir, darunavir, etravirine, rilpivirine, maraviroc, and raltegravir. Expert Opin Pharmacother 2009;10(15):2445-66.

2. Warnke et al. Antiretroviral drugs. J Clin Pharmacol 2007;47(12):1570-9.

3. Hughes A, Nelson M. HIV entry: new insights and implications for patient management. Curr Opin Infect Dis 2009;22(1):35-42.

4. Shaheen F, Collman RG. Co-receptor antagonists as HIV-1 entry inhibitors. Curr Opin Infect Dis 2004;17(1):7-16.

5. Weinberger et al. Accelerated immunodeficiency by anti-CCR5 treatment in HIV infection. PLoS Comput Biol 2009;5(8):e1000467.

6. Gulick et al. Maraviroc for previously treated patients with R5 HIV-1 infection. N Engl J Med 2008;359(14):1429-41.

7. Sierra-Madero et al. Efficacy and safety of maraviroc versus efavirenz, both with zidovudine/lamivudine: 96-week results from the MERIT study. HIV Clin Trials 2010;11(3):125-32.

8. Cooper et al. Maraviroc versus efavirenz, both in combination with zidovudine-lamivudine, for the treatment of antiretroviral-naive subjects with CCR5- tropic HIV-1 infection. J Infect Dis 2010;201(6):803-13.

9. Wensing AMJ. Consensus statement of the European guidelines on clinical management of HIV-1 tropism testing. J of International AIDS Society 2010;13 (suppl 4):résumé 0121.

questions et réponses

Groupe d’experts

Jean-Pierre Routy, MD, Université McGill, Montréal (Québec)

Joss J. de Wet, MBChB, CCMF, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique)

Sharon L. Walmsley, MD, FRCPC, MSc, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Colin M. Kovacs, MD, FRCPC, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Quels sont les principaux avantages d’un antirétroviral dont le mode d’action est le blocage du corécepteur CCR5?

Dr Routy : Un antirétroviral oral qui empêche le virus de se fixer à son récepteur cible plutôt que de prévenir la réplication virale intracellulaire est unique dans l’arsenal anti-VIH. Le concept du blocage de l’entrée du virus a vu le jour avec le T-20 [enfuvirtide], mais ce médicament devait être injecté par voie sous-cutanée. Pour tenir le virus en échec, il faut utiliser plusieurs agents dotés de modes d’action différents en raison du risque élevé de mutations de résistance. Un mode d’action unique est donc séduisant.

Dr de Wet : Le principal avantage, c’est le mode d’action novateur. Ce médicament inhibe la fixation du virus au récepteur CCR5, dont se servent la majorité des virions pour entrer dans la cellule. Le maraviroc est le premier représentant de sa classe, et on n’a pas encore observé d’échec imputable à la résistance. Il importe aussi de souligner que ce médicament est très bien toléré. Chez les patients pour qui il est indiqué, il est associé à un très faible risque d’effets indésirables et il ne semble pas entraîner de perturbations métaboliques ni d’autres problèmes pouvant donner lieu à des complications à long terme. L’élévation des taux d’enzymes hépatiques est peutêtre la seule exception, mais les élévations significatives sur le plan clinique sont relativement peu fréquentes, moins de 5 % des sujets des essais cliniques comparatifs ayant été touchés.

Dr Kovacs : Aucune donnée n’a encore prouvé que l’inhibition du corécepteur CCR5 confère un avantage particulier sur le plan de la diminution de la charge virale par rapport aux modes d’action des antirétroviraux standard. Par contre, le maraviroc exerce une activité antirétrovirale comparable à celle des autres antirétroviraux, et il semble doté d’un très bon profil d’innocuité, peut-être du fait qu’il agit en milieu extracellulaire. Quoi qu’il en soit, il importe ici de souligner que nous avons toujours intérêt à avoir de nouveaux modes d’action dans n’importe quel arsenal anti- VIH afin de combattre l’apparition de souches résistantes et d’offrir d’autres options aux patients en cas d’intolérance.

Dre Walmsley : Le développement des anti- CCR5 a fait suite à une observation, à savoir que les individus porteurs de la mutation delta 32 touchant le récepteur CCR5 risquent moins de contracter l’infection à VIH et que, s’ils la contractent, leur maladie progresse plus lentement. Il semblait logique que le blocage de ce récepteur puisse être une arme thérapeutique efficace. De plus, au moment de la primo-infection, le virus utilise typiquement le corécepteur CCR5 pour infecter la cellule; bref, tout portait à croire que le blocage de ce récepteur serait une forme efficace de traitement antirétroviral. Quels sont les principaux avantages? D’abord, la nouveauté de la classe qui fait que la plupart des patients sont infectés par des souches virales sensibles à cet agent. Deuxièmement, une action à l’extérieur de la cellule, d’où un risque moindre de toxicité, en théorie du moins. Troisièmement, en raison d’un mode d’action unique, probablement peu d’interactions avec les autres antirétroviraux et les médicaments utilisés pour traiter les affections concomitantes.

Lorsqu’un clinicien prescrit un anti-CCR5, quels sont les aspects de sa tolérabilité et de son innocuité, y compris le risque de perturbations métaboliques, dont il doit se préoccuper?

Dre Walmsley : Comme les antagonistes des CCR5 agissent sur un récepteur cellulaire plutôt que sur un récepteur viral, le risque d’apparition d’effets toxiques encore inconnus en inquiétait plus d’un, avec raison d’ailleurs. Cependant, ce risque ne s’est matérialisé dans aucune des études menées à ce jour. Le suivi à long terme des sujets des essais cliniques sur le maraviroc n’a pas objectivé d’excédent de cancers par rapport aux témoins; au contraire, l’incidence des cancers était moins élevée sous maraviroc, probablement en raison du rétablissement de la fonction immunitaire. En outre, comme certains virus tels que le virus du Nil occidental peuvent utiliser ce récepteur, on craignait une augmentation des infections virales dans ce groupe, mais là encore, ce risque ne s’est encore matérialisé dans aucune étude. Lors des premières études, dont l’objectif était de déterminer la posologie du maraviroc, les plus fortes doses ont été associées à une hypotension, mais on n’a rien observé de tel aux doses employées lors des essais cliniques. Grosso modo, donc, cet agent semble sûr et efficace. Il est doté d’un meilleur profil de tolérabilité que d’autres antirétroviraux actuellement sur le marché, et aucun des essais cliniques n’a fait état d’effets indésirables plus fréquents sous maraviroc que sous placebo.

Dr de Wet : Comme je l’ai déjà dit, la tolérabilité et le faible risque d’effets indésirables comptent parmi les forces du maraviroc, mais on trouve dans sa monographie un encadré sur le risque d’hépatotoxicité. Cette mise en garde pourrait tenir davantage à un anti-CCR5 antérieur, l’aplaviroc, dont l’hépatotoxicité a entraîné l’arrêt de la recherche clinique, plutôt qu’au maraviroc en tant que tel. Lors des essais MOTIVATE sur le maraviroc, l’élévation des enzymes hépatiques – que l’on surveillait de près au vu de l’expérience avec l’aplaviroc – a nécessité l’arrêt du traitement chez seulement 1,4 % des patients. Personnellement, je serais réticent à prescrire du maraviroc à un patient atteint d’hépatite.

Dr Routy : Les faibles taux d’effets indésirables cliniques et biologiques sont rassurants. Les anti-CCR5 sont surtout avantageux du fait qu’ils agissent à la surface de la cellule. Il y a donc un risque moindre de dysfonction des activités cellulaires, y compris d’anomalies de la fonction mitochondriale. Comme les patients reçoivent ces traitements pendant de longues périodes, tout effet indésirable peut être difficile à tolérer. Lorsque l’arsenal thérapeutique se limitait essentiellement aux IP – qui, pourtant, sauvaient la vie aux patients infectés par le VIH –, les lipodystrophies étaient une contrariété importante. Aux yeux de la majorité des patients, il est très important d’éviter des effets indésirables importants, même si ces effets indésirables ne sont pas potentiellement mortels.

Dr Kovacs : Le maraviroc s’est révélé sûr et bien toléré lors des essais cliniques. L’absence de changements importants dans le métabolisme lipidique ou glucidique est une caractéristique attrayante. Il ne semble y avoir aucun lien avec la dysfonction mitochondriale, et aucune donnée ne semble indiquer l’existence de dysfonctions rénales importantes. Le développement d’agents qui n’entraînent pas d’effets indésirables importants est particulièrement opportun et rassurant dans le contexte des inquiétudes grandissantes au sujet des problèmes métaboliques cumulatifs chez les sujets infectés par le VIH qui avancent en âge, notamment le diabète, les maladies cardiovasculaires, les maladies osseuses et ainsi de suite. Comme les antirétroviraux doivent être administrés la vie durant, sans interruption, et qu’il est maintenant recommandé d’amorcer le traitement antirétroviral plus tôt, il n’est pas déraisonnable de penser que le traitement antirétroviral durera des dizaines d’années. Dans le cadre du traitement à long terme de l’infection à VIH, qu’il s’agisse d’un premier traitement ou non, l’administration d’un agent bien toléré – tant du point de vue de la tolérabilité que de la toxicité – est notre plus grand défi.

Depuis toujours, les nouveaux agents sont d’abord utilisés en contexte de sauvetage. Dans le cas des anti-CCR5, cette utilisation n’est pas optimale. Pensez-vous que cela sèmera la confusion chez les cliniciens?

Dr de Wet : Le maraviroc n’est pas approprié chez les patients au lourd passé thérapeutique en raison d’une plus grande probabilité de virus X4. Un virus à tropisme CXCR4 ne répondrait évidemment pas au maraviroc, puisque ce dernier bloque seulement le corécepteur CCR5. On ne peut donc pas utiliser cet agent dans un contexte de sauvetage. Il doit être utilisé plus tôt, que ce soit en première ou en deuxième intention, avant que le virus change de tropisme. La meilleure utilisation de cet agent est le traitement de première intention ou le traitement de deuxième intention précoce.

Dr Kovacs : Dans un scénario idéal où l’accès aux options de traitement ne serait nullement restreint, le maraviroc serait utilisé assez tôt dans la séquence des traitements. Chose certaine, il n’est pas idéal de l’utiliser à un stade avancé de l’infection, lorsque la présence de virus à tropisme mixte est plus probable et que le maraviroc est associé à des agents qui ne sont pas pleinement actifs. En matière de traitement anti-VIH, la réussite passe par l’utilisation de trois agents pleinement actifs (les études en cours portent sur l’examen d’autres stratégies). Au Canada, cependant, il y a des régions où l’usage du maraviroc est restreint à un très petit nombre de patients dont l’infection est avancée et chez qui l’analyse du génotype viral a démontré une résistance aux trois grandes classes. De plus, les tiers-payeurs n’autorisent pas l’usage de ce médicament chez les patients dont la virémie est indécelable, mais qui ont de graves effets indésirables ou d’importantes manifestations de toxicité. C’est loin d’être optimal dans le cas de ce médicament. L’utilisation exclusive à des fins de sauvetage à un stade avancé de la maladie compromet la santé et le bien-être à long terme de la communauté entière des patients infectés par le VIH. Les critères actuels qu’appliquent les tierspayeurs découlent d’un seul essai mené chez des patients ayant déjà reçu des agents des trois classes et dont les options subséquentes étaient limitées. Il s’agissait d’un simple essai sur l’activité du maraviroc : on ne devrait jamais en extrapoler les résultats et permettre que les critères de remboursement infirment la pléthore d’essais ayant confirmé que, dans l’infection à VIH, l’obtention d’une avirémie durable passe par un schéma regroupant trois médicaments pleinement actifs.

Dre Walmsley : Le maraviroc – ou tout autre anti-CCR5 – peut jouer un rôle à tous les stades de l’infection à VIH pour autant que la souche infectante ait un tropisme R5. Cet agent a d’abord été évalué chez des patients déjà traités, car c’est chez ces patients que l’on avait un besoin plus urgent de médicaments. Il va de soi qu’en contexte de sauvetage, le maraviroc est un ajout utile au schéma de traitement si le patient est toujours infecté par un virus à tropisme R5. Lors des essais cliniques, la probabilité de suppression de la réplication virale était deux fois plus forte chez les patients qui recevaient du maraviroc en plus de leur traitement habituel que chez ceux qui n’en recevaient pas. De toute évidence, les anti-CCR5 sont aussi efficaces à un stade moins avancé de la maladie, pour autant que le patient soit infecté par un virus à tropisme R5. Bref, le maraviroc a un rôle à jouer à tous les stades de la maladie pour autant que le patient soit infecté par un virus à tropisme R5 et que le maraviroc soit associé à d’autres agents actifs.

Dr Routy : Beaucoup de nouveaux agents efficaces contre les virus pharmacorésistants, le darunavir par exemple, sont envisagés en première intention ou assez tôt dans l’évolution de la maladie. Il semble que l’on assiste à un phénomène de réorientation des agents de première, deuxième et troisième intention. Compte tenu de l’évolution naturelle des infections virales, on doit utiliser les anti-CCR5 à un stade précoce de la maladie afin d’empêcher le virus de passer à un tropisme X4. Grâce aux tests de tropisme, il est maintenant possible de repérer les patients chez qui un anti-CCR5 demeure efficace même si son infection est avancée, mais l’idée est d’introduire ce mode d’action assez tôt plutôt que de le réserver aux cas où de multiples classes ont échoué.

Y a-t-il des situations où vous utiliseriez peut-être un anti-CCR5 dans le cadre d’un schéma de première intention?

Dre Walmsley : Aux États-Unis et au Canada, on approuve maintenant l’utilisation d’un anti-CCR5 en première intention chez les patients infectés par un virus à tropisme R5. Lors des essais cliniques, le maraviroc s’est révélé non inférieur à l’éfavirenz dans le traitement de première intention. Lorsqu’on choisit un premier schéma antirétroviral, il doit bien sûr y avoir un bon équilibre entre l’efficacité et la toxicité des agents. Comme les anti-CCR5 sont coûteux et qu’ils nécessitent une étape supplémentaire – celle du test de tropisme –, ils ne sont pas forcément efficients en première intention. Cependant, comme ils sont mieux tolérés, qu’ils n’entraînent pas d’interactions médicamenteuses et qu’ils ne perturbent pas le bilan lipidique, il y a assurément des patients pour qui le maraviroc serait fort approprié en première intention.

Dr Routy : Nous avons un grand nombre d’options efficaces et bien tolérées pour le traitement de première intention, si bien que je n’utiliserais pas le maraviroc dans ce contexte. Comme nous avons des années d’expérience avec certains schémas recommandés, je ne vois pas l’avantage de passer à un nouvel agent. Il arrive toutefois – quoique rarement – que le maraviroc soit envisagé en première intention, surtout chez les patients infectés par une souche multirésistante. Dans les cas de résistance primaire, les virus peuvent néanmoins être de tropisme R5 et le maraviroc peut demeurer un choix séduisant.

Dr de Wet : Dans les plus récentes recommandations du DHHS, le maraviroc figure au nombre des options acceptables en première intention. C’est une solution de rechange à l’éfavirenz dans les schémas recommandés. La comparaison du maraviroc et de l’éfavirenz dans un schéma de première intention a confirmé la non-infériorité du maraviroc après réanalyse des données à l’aide du test de tropisme plus sensible; on a par ailleurs enregistré un nombre moindre d’abandons pour cause d’effets indésirables, mais un nombre plus élevé d’abandons pour cause d’échecs virologiques. Le maraviroc est donc une solution de rechange, et il convient assurément aux patients qui ne peuvent pas tolérer l’éfavirenz ou tout autre agent de première intention dont les effets indésirables sont intolérables.

Dr Kovacs : Il n’y a aucune raison pour laquelle ce médicament ne pourrait pas être utilisé en première intention, surtout si nous obtenons des données qui confirment qu’une seule prise quotidienne est efficace. Pour l’instant, le maraviroc n’est associé à aucune mutation caractéristique qui pourrait conférer une résistance à d’autres antirétroviraux. Nous avons plus d’expérience avec les schémas recommandés chez les patients jamais traités, mais les recommandations changeront au rythme de l’évolution des options thérapeutiques. Il n’y a aucune raison intrinsèque de ne pas envisager le maraviroc comme traitement de première intention.

Dans quelle mesure les tests de tropisme actuels sont-ils exacts et fiables? Lors des essais pivots, la spécificité du test pour le virus à tropisme R5 exclusif semblait être un problème : est-ce toujours le cas? Les nouveaux tests, comme le test de détection de l’ADN proviral, nous aideront-ils à établir le tropisme R5, même chez les patients dont la virémie est indécelable?

Dr Kovacs : On s’intéresse beaucoup aux mérites du test de détection de l’ADN proviral (test phénotypique) par rapport à ceux du test Trofile à sensibilité accrue ou à ceux de l’algorithme g2p, qui reposent tous deux sur le taux plasmatique d’ARN du VIH, mais les données comparatives sont encore très limitées. Outre-Atlantique, plusieurs établissements commencent à avoir recours régulièrement aux tests cellulaires afin de déterminer le tropisme chez les patients avirémiques pour qui ils ne possèdent pas d’échantillon de plasma congelé afin d’établir le tropisme. Des études récentes montrent que, dans certaines situations cliniques, le résultat du test de détection de l’ADN proviral est un bon prédicteur clinique de la réussite virologique par comparaison au résultat des tests de tropisme. Le test de détection de l’ADN proviral pourrait offrir plusieurs avantages, dont la possibilité de déterminer le tropisme du VIH chez les patients dont la charge virale est indécelable. Les données préliminaires sont très prometteuses, mais cette technologie n’a pas encore été intégrée à la pratique quotidienne. À en juger par mon expérience personnelle, le test de détection de l’ADN proviral est particulièrement utile pour la prise en charge de patients avirémiques chez qui la toxicité est importante. Des essais cliniques prospectifs visant à établir un lien entre l’issue clinique et les résultats du test de détection de l’ADN proviral sont en cours.

Dr de Wet : Le nouveau test ultrasensible et le test génotypique semblent fiables tous les deux. La mise au point de tests plus sensibles était une nécessité, car les tests de tropisme sont le talon d’Achille du traitement par un anti-CCR5. On attribue maintenant à la sensibilité insuffisante du test Trofile le fait que l’on n’ait pas pu démontrer la non-infériorité du maraviroc par rapport à l’éfavirenz lors de l’étude MERIT. Avec les tests génotypiques, les résultats semblent fiables et ils sont générés assez rapidement, ce qui facilite l’utilisation d’un anti-CCR5.

Dr Routy : Le test ultrasensible et les tests génotypiques ont fait la preuve de leur fiabilité. Le test génotypique est surtout avantageux du fait qu’il génère des résultats rapidement, le virus n’ayant pas besoin d’être mis en culture. L’exactitude de ces tests facilite la sélection des patients et nous assure que les patients sélectionnés répondront au traitement.

Dre Walmsley : Les tests de tropisme ont évolué au fil des années. Les tests Trofile utilisés lors des premières études n’étaient pas si sensibles et ne permettaient pas de déceler une souche virale à tropisme mixte si cette dernière représentait moins de 25 % de la population virale. Avec le test Trofile plus sensible (ES), nous réussissions à déceler les souches à tropisme mixte même si ces dernières ne représentaient que 1 % de la population. L’ennui du test Trofile, c’est qu’il nécessite un virus vivant; bref, une étape et des coûts supplémentaires. Récemment, des tests génotypiques ont été mis au point, et nous avons constaté que leurs résultats étaient aussi prédictifs de la réponse aux anti-CCR5 que ceux du test Trofile ES. Les tests génotypiques ont ceci d’avantageux qu’ils peuvent être effectués par de nombreux laboratoires du monde entier, qu’ils fonctionnent chez les patients dont la charge virale est indécelable (ils peuvent donc aussi être utiles pour l’évaluation de patients chez qui on envisage un changement de traitement) et enfin, qu’ils peuvent être exécutés plus rapidement et à moindre coût.

Les études montrent que les anti- CCR5 semblent associés à un meilleur rétablissement immunitaire en termes de cellules CD4+. À votre avis, cet avantage tient-il au fait qu’ils empêchent le virus d’entrer dans les cellules T?

Dre Walmsley : Les essais cliniques ont révélé que les patients sous maraviroc bénéficiaient d’une augmentation plus marquée du nombre de cellules CD4+ que les patients n’en recevant pas. La pertinence de l’augmentation du nombre de cellules CD4+ n’a pas encore été déterminée, cependant, et aucun essai clinique avec paramètres d’évaluation n’a encore permis de l’établir. On ignore si l’augmentation du nombre de cellules CD4+ donnera lieu à une incidence moindre d’infections opportunistes ou de cancers. Quelques-unes des premières études ont aussi montré que l’augmentation des cellules CD4+ était associée à une activation immunitaire moindre, ce qui, en théorie, pourrait être utile pour une personne infectée par le VIH. À ce jour, les études sur l’ajout du maraviroc à d’autres agents chez des patients dont la charge virale était indécelable, mais dont le nombre de cellules CD4+ n’était pas assez élevé, ont donné des résultats décevants. Cela dit, ces études étaient petites, et la question demeure entière.

Dr de Wet : Il est ressorti de plusieurs études où l’on comparait les nouveaux agents et les agents établis que le nombre de cellules CD4+ augmentait plus rapidement avec les nouveaux agents, mais l’hypothèse voulant que cette augmentation se traduise par une différence cliniquement importante sur le plan du rétablissement de la fonction immunitaire reste à vérifier.

Dr Kovacs : La différence entre les schémas antirétroviraux quant au rétablissement du nombre de cellules CD4+ est très difficile à interpréter pour plusieurs raisons. D’abord, la méthodologie utilisée pour la numération des cellules CD4+ varie d’une étude à l’autre; ensuite, les résultats des différentes études ne sont pas constants. Aucun des essais ne fait état d’autres aspects du rétablissement immunitaire, notamment le pourcentage de cellules CD4+, le nombre absolu de cellules CD8+, les marqueurs de l’activation immunitaire et divers ratios. Bien qu’un rétablissement immunitaire plus rapide offre certains avantages théoriques, aucune donnée n’étaye de différences sur le plan clinique. L’augmentation du nombre absolu de cellules CD4+ pourrait n’être qu’un indicateur très rudimentaire du rétablissement immunitaire. À ce jour, il est très difficile de démêler les données d’études comparatives.

Dr Routy : Je ne suis pas certain de la signification du rétablissement immunitaire plus rapide que l’on a observé chez les sujets sous maraviroc lors des essais comparatifs. Sur le plan de la fonction immunitaire, on n’observe aucune différence clinique lorsque le maraviroc est associé aux antirétroviraux d’usage courant. Il se peut que l’association du maraviroc et d’un agent connu pour rétablir la fonction immunitaire rapidement, le raltégravir par exemple, soit utile en présence d’un faible nombre de cellules CD4+, mais nous avons besoin de données pour objectiver des différences cliniques. Cette démarche est à l’étude.

Les stratégies d’optimisation des schémas antirétroviraux semblent en constante évolution. À votre avis, les anti-CCR5 sont-ils bien utilisés à l’heure actuelle?

Dr Routy : Divers projets de recherche fondamentale et clinique en devenir viendront enrichir nos connaissances sur l’utilisation optimale du maraviroc. En particulier, je pense qu’il serait approprié d’approfondir le rôle du maraviroc en tant qu’immunomodulateur. Pour être plus précis, j’estime qu’il devrait y avoir plus d’études sur la façon dont cet agent stimule le rétablissement immunitaire et influe peut-être notablement sur la fonction immunitaire.

Dr Kovacs : Au fil de notre expérience grandissante, nous assisterons probablement à une augmentation du nombre d’applications cliniques. Indépendamment de son mode d’action, le maraviroc a fait la preuve de son efficacité et de son innocuité dans le cadre d’un schéma antirétroviral, mais il serait logique d’envisager un inhibiteur oral de l’entrée pour des stratégies de prévention, comme un gel vaginal ou un schéma post-exposition. Il est typique d’ajuster l’utilisation des traitements médicamenteux parallèlement à l’émergence de nouvelles données, et le maraviroc n’y échappera pas. Cela dit, cet agent se prête particulièrement bien à de nouvelles indications dans la lutte contre le VIH.

Dr de Wet : À mon avis, nous devons faire plus d’études pour repérer les applications appropriées de cet anti-CCR5. Il a seulement été étudié avec les antirétroviraux traditionnels – la zidovudine et la lamivudine – et les données sont peu nombreuses. Je suis convaincu que le maraviroc pourrait être utile en première ou en deuxième intention, surtout chez les patients qui ne peuvent pas tolérer les antirétroviraux actuellement sur le marché. Le maraviroc a très peu d’effets indésirables et il est bien toléré, mais nous avons besoin de plus de données sur ses applications spécifiques.

Dre Walmsley : Les stratégies de traitement antirétroviral continuent d’évoluer, et je pense que les anti-CCR5 peuvent être très utiles à plusieurs stades de la maladie, pour autant que la souche virale infectante soit à tropisme R5. Ces agents constituent une nouvelle classe et nous sommes en mesure de déterminer si le virus y répondra.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.